Chapitre 75

J'ai les yeux toujours fermés alors que mon cœur tambourine dans ma poitrine et que mes doigts sont coincés sur les touches de mon clavier, en suspension. Je n'ose pas bouger d'un poil de peur que le peu de ce qu'il reste de mon monde ne s'effondre. Je ne veux pas voir si c'est pour souffrir mais je veux bien voir si c'est pour me sentir mieux ou du moins importante aux yeux de quelqu'un d'autre. Je ne sais pas si je dois me lancer. La peur me retourne l'estomac et je ne sais pas ce que Léa aurait bien pu me répondre. Elle pourrait très bien décréter que je ne suis rien et me laisser tomber comme elle pourrait m'aimer encore plus et vouloir me sauver. Je ne sais vraiment pas à quoi m'attendre et j'en tremble de partout parce que je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas comment me réagir et je ne la connais pas assez –même si je l'aime de tout mon cœur- que pour prédire ses réactions. Je rouvre les yeux et lis les 5 messages qu'elle m'a envoyés.

« Tragédie-sanglotée : Je ne veux pas que tu partes. Je ne veux pas que tu t'en ailles. Tu es tout mon monde et je ne saurais vivre sans toi. Pourquoi tu ne m'avais rien dis avant ? Je ne vais jamais te juger, Sophia, jamais.

Tragédie-sanglotée : Sophia ?

Tragédie-sanglotée : Tu m'inquiètes, je t'aime.

Tragédie-sanglotée : S'il te plaît réponds-moi, je ne peux pas continuer de vivre dans une telle ignorance.

Tragédie-sanglotée : Je t'aime Sophia, ne me laisse pas comme ça. Je ne sais pas vivre sans toi. Tu es tout pour moi. Tu es mon monde entier et jamais je ne t'abandonnerais malgré tout ce qui tu as pu traverser et puis, tu ne sais pas à quel point, j'ai envie de tuer ce gars et Lionel ainsi que ta mère. Je suis vraiment désolée pour ton père. Il est de mort de quoi si ce n'est pas trop indiscret ? S'il te plaît, réponds-moi parce que je n'ai pas envie de faire une connerie simplement parce que tu me tires la gueule. Si on doit crever, c'est ensemble, tu t'en souviens ? On s'était fait, en quelque sorte, cette promesse. S'il te plaît, dis-moi que tu t'en souviens. »

Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que ces mots résonnent dans ma tête. Je n'arrive pas à savoir comment je dois réagir. Je reste bloquée alors qu'elle aimerait une réponse. Je me prends la tête dans mes mains alors que mes pensées font un vacarme dans ma boîte crânienne alors que c'est le silence complet dans toute la maison. J'ai la lèvre inférieure qui tremble. Tout mon corps entier réagit à ses propos. Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais même pas si je devrais répondre alors que c'est sûrement la seule chose à faire. Je prends une grande inspiration et laisse mes doigts en suspension au-dessus des touches. Puis, sans même que je m'en rende compte, je tape dessus et j'appuie sur « envoyer ».

« Euphorie_Noire : Je t'aime aussi Léa. Je suis désolée de ne pas te l'avoir dit plutôt. Mais que sais-je sur toi et ta vie en réalité ? Je suis désolée d'être ainsi mais j'ai envie de mourir et je ne suis sûre de pouvoir attendre de t'embrasser pour cela. Alors, dis-moi des choses sur toi, imaginons-nous un futur et foutons-nous en l'air une bonne fois pour toute. Petitesse anormale et tous mes autres écrits sont terminés, et puis tu m'aimes, alors plus rien ne me retiens sur cette planète.

Tragédie-sanglotée : D'accord, ce soir si tu y tiens. Je suis une droguée et me bourre la gueule presque tous les soirs parce que je n'avais personne dans ma vie avant toi. Ma mère m'a abandonné à la naissance et mon père ne sait même pas que j'existe. On m'a fait passer de famille d'accueil en famille d'accueil tout en me répétant que je n'arriverais jamais à rien dans ma vie. Je n'irais jamais nulle part, je ne connaîtrais jamais l'amour. Je suis née dans un mauvais milieu et je ne pourrais jamais en sortir. Je sais ce qu'est le viol pour y avoir eu le droit à 3 fois dans ma vie par un de mes « papa ». Sa femme ne le satisfaisait plus alors j'ai été la bonne poire jusqu'à ce que je me casse et que je vive à la rue. J'ai presque vécu toute ma vie sans aucun objectif et maintenant j'en ai un, mourir avec toi. Ce n'est sûrement pas le plus beau ni le plus joyeux mais je n'ai pas trouvé mieux. Je n'ai jamais eu de famille ni d'amis. Tu es la seule personne à qui je tiens. Je me déteste et je me sens constamment seule et sale. Alors, oui, mourrons ce soir parce que je ne saurais pas tenir une nuit de plus dans ce monde de débiles mentaux et de connards qui ne pensent qu'à eux-mêmes. Tu es la seule belle personne que je n'ai jamais rencontrée de ma vie. La seule et je suis tombée pour toi. »

Je ferme les yeux et encaisse le coup. Elle n'a pas eu une belle vie non plus. Nous sommes deux âmes égarées et bâillonnées. Nous ne sommes rien aux yeux du monde alors que nous sommes tout et un monde entier l'une pour l'autre. Nous nous aimons l'une l'autre alors que le reste du monde nous déteste et ne veut même pas nous aider ou nous donner une seule seconde d'attention. J'ai une boule de la gorge alors que j'ai peur de ce qui va arriver après la mort. Je ne sais ce qui se trouve après et cela me terrifie. Je n'ai pas envie que la mort soit plus horrible de la vie et d'ainsi regretter d'avoir mit fin à mes jours.

Mais regrettons-nous vraiment quoique se soit dans la mort ? C'est vrai, c'est paisible, il n'y a plus rien et plus aucuns regrets ni remords. La mort c'est vide, sombre, noir. La mort ce n'est qu'un petit rien qui a beaucoup d'ampleur. La mort n'est quelque chose de vivant, n'est pas une personne que l'on peut prendre dans ses bras, n'est pas un objet qu'on peut chérir et aimer de tout son cœur. La mort n'est rien, totalement invisible pourtant elle fait énormément de mal sur Terre. Elle fait même tellement plus de mal que les humains. La mort, retire des humains que nous aimons comme des personnes qui nous sommes totalement inconnues. Mais la mort retire, arrache sans nous laisser vraiment le temps de dire « adieu » et de réaliser que c'est vraiment la fin.

Je secoue la tête de gauche à droite pour retirer ses pensées bien trop sombres. Je ne devrais pas penser ainsi. Je ne devrais pas avoir ce genre de pensées mais je n'arrive pas à m'en empêcher. Je les ai et je n'arrive pas à la sortir de ma tête. Je ferme les yeux et remarque qu'elle m'avait envoyé un second message. J'inspire un petit coup parce que j'ai tout le temps peur de ce qu'elle pourrait bien m'envoyer. J'ai tout le temps peur parce que je ne sais pas à quoi m'attendre et je n'ai pas envie d'avoir le cœur encore plus détruit. Je n'ai pas envie de sentir mon cœur s'arracher de ma poitrine à nouveau. C'est le bordel dans ma tête alors que je lis son message.

« Tragédie-sanglotée : J'ai une idée. Faisons un appel vidéo pour qu'on puisse se voir au moins une fois. Puis, pour être sûre qu'on se tue toutes les deux en même temps, faisons-le devant la caméra. Si on meurt ensemble peut-être pourrons-nous vivre enfin ensemble notre amour dans une autre vie ? On en sait jamais, pas vrai ?

Euphorie_Noire : D'accord, pas de problème. Je t'aime Léa.

Tragédie-sanglotée : Je t'aime aussi Sophia, je suis sûre que tu es plus belle que les Miss. »

Je souris comme une imbécile à son message alors que je m'apprête à lancer l'appel vidéo. Je ne sais pas vraiment pourquoi je vais aussi loin mais c'est complètement débile d'avoir peur de ce qu'une personne pourrait bien dire. Mais c'est parce que les mots font tellement plus mal que les coups. Je n'ai pas envie qu'elle me blesse à nouveau. Mais je devrais bien faire et puis, avoir mal une fois de plus alors que je vais mourir n'est pas important. Ce ne sera qu'une blessure de plus à mon grand palmarès. Je ferme les yeux alors que l'appel vidéo est lancé.

Je n'ose pas les rouvrir directement mais quand je le fais, c'est une adolescente de mon âge environ qui se retrouve sur mon écran. Elle a des cheveux blonds lisses très beaux, un piercing à la lèvre inférieur sur le côté gauche, un piercing dans le nez qui est une sorte de petit diamant à la narine gauche, des yeux bleus comme l'océan, une beau matte et belle à souhait, un sourire dévoilant des dents blanches comme dans les publicités, des lèvres cachées sous un rouge à lèvre violet foncé. C'est Léa. Et Léa est carrément une bombe et je me sens tellement nulle à côté d'elle, tellement moche que j'aimerais m'enfoncer six pieds sous terre. Elle a des tresses sur le haut du crâne, allant de sa ligne jusqu'à ses oreilles. Elle a un collier ras de cou. Elle est tellement belle que j'en perds mes mots et reste scotché sur elle. Ce n'est pas moi qui suis plus belle qu'une Miss, c'est elle, sans aucun doute.

-Je savais que tu étais belle, dit-elle d'une voix douce.

Je cligne des yeux et me rends compte que c'est bien elle qui m'a parlé et à qui je souris comme une conne. Léa. Je suis juste en face de Léa. Je n'arrive vraiment pas à y croire tellement que j'en suis sur le cul. Je ferme les yeux pour mieux assimiler les informations. Je rouvre les yeux et souris de nouveau alors que Léa me sourit encore plus grandement.

-Tu es belle aussi. Tellement belle. J'aimerais vraiment embrasser tes lèvres, chuchotais-je plus pour moi-même que pour elle.

Léa écarquille quelques instants les yeux, sûrement pour encaisser les compliments que je viens de lui dire. Elle me sourit toujours et je me sens tellement moche, faible, débile par rapport à elle. Je ne peux m'empêcher de me comparer à elle. Je n'arrive pas à faire autrement. Elle rayonne alors que je sombre. Elle est éblouissante alors que je suis sûrement terrifiante à regarder. Pourtant, elle me trouve plus belle qu'une Miss de beauté. Je ne sais pas ce qu'elle arrive à me trouver mais je suis bien heureuse d'être tombé amoureuse d'une beauté pareille avec un cœur en or. Je ne regrette rien, rien du tout. Je lui souris et elle continue de sourire et on ne dit rien parce qu'on n'a pas besoin de mots. On n'a besoin de rien. On a juste besoin de se voir, de se regarder dans les yeux en souriant à travers la caméra implanté dans l'ordinateur.

-Ca te dit qu'on embrasse toutes les deux la caméra pour faire comme si on s'embrassait dans la réalité ?

J'opine de la tête et nous le faisons simultanément. Même si ce n'était pas pour de vrai, qu'on ne se touchait pas vraiment les lèvres, c'était quand même magique parce que tout ce qui a un rapport avec Léa est beau, magique mais aussi douloureux et poignant. Je crois que je n'avais pas vraiment besoin de tomber amoureuse d'une personne totalement inaccessible dans ma vie mais pourtant c'est quand même arriver et je n'ai pas eu vraiment le choix parce qu'on ne peut pas choisir de qui on tombe amoureux.

Ce n'est pas le hasard qui fait les choses et qui décide de cela non plus. Non, c'est la vie, le cœur et les circonstances. Nous rigolons toutes les deux parce qu'il y a un peu de son rouge à lèvre qui est resté sur sa caméra. Nous nous regardons à nouveau dans les yeux et mon cœur se comprime lorsque, dans nos yeux, la transmission se fait. C'est le moment fatidique de se tuer. Je ferme les yeux et je me lève de ma chaise. Je vais chercher le rasoir qui est dans la salle de bain. Je vérifie que la porte de ma chambre est bien verrouillée mais j'ouvre tout de même ma fenêtre. Elle est de retour, elle aussi, après s'être éclipser quelques temps, avec un cutter.

Nous inspirons toutes les deux une grande bouffée d'air et comme si on avait eu une transmission de pensées, on s'entaille toutes les deux le cou. Du sang coule sur moi et sur elle aussi. Nous nous regardons dans les yeux alors que la vie nous quitte toutes les deux petit à petit. Mes yeux deviennent vides et je n'arrive plus à respirer. Mon cœur bat la chamade alors que la vie quitte pour de vrai mon corps et que c'est de même de l'autre côté de l'écran. J'ai à peine le temps d'entendre un « boum » de l'autre côté de l'écran que ma tête heurte mon bureau parce qu'elle n'arrive plus à tenir droite. Je tente de fermer les yeux mais c'est trop dur et je lâche mon dernier souffle, juste après Léa.

« Parce que parfois, la seule chose qui nous retenait sur Terre était de revoir une dernière fois le sourire de quelqu'un et rien de plus. »

***

NDA ; Voilà, c'est ici que se termine cette histoire... Enfin pas totalement car il y aura encore l'épilogue et 5 bonus. Qu'en pensez-vous jusqu'à présent ? Ce chapitre est beaucoup plus long que les autres, pas vrai ?


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