Chapitre 24
-T'arrive-t-il qu'il te manque parfois ? Demande Jeremy, son regard voilé me scrutant.
Je fais mine de ne pas comprendre de qui il parle et il lève les yeux au ciel ou bien parce qu'il exaspéré par ma technique sûrement pathétique ou alors parce qu'il est exaspéré par le fait que je ne voyais pas de qui il parlait alors que je le sais parfaitement ; de papa. Jeremy parle de papa avec moi et c'est une première depuis ma naissance ; je crois bien. Je me mords la lèvre inférieure alors qu'il prend sa tête dans ses mains et jetant son corps vers l'arrière au point que son visage est tourné vers le plafond. Je joue un peu avec mes doigts, m'attendant à ce qu'il s'exprime un peu plus.
-Papa te manque parfois ? Insiste-t-il, perdant sûrement le peu de patience qu'il a.
Je hoche positivement dans la tête parce que je n'arriverais pas à lui dire qu'il me manque de vive-vois. J'aurais beau l'écrire autant que je veux et me le dire autant de fois que je le veux dans ma tête ; je ne suis pas encore prête à le dire de vive voix. Mon cœur s'accélère dans ma poitrine alors que mon frère me regarde d'une façon que je ne saurais décrire et comme jamais il ne l'avait fait avant. Il y a une pointe de tristesse volupté dans son regard qui est sûrement bien plus grande qu'il n'y paraît. Bien sûr que papa me manque mais Il ne manque pas qu'à moi ; et je viens seulement de m'en rendre véritablement compte.
Je ne suis pas la seule qui se retrouve sans père depuis quelques mois, depuis que la maladie nous l'a enlevé. Puis, Jeremy est le plus âgé, c'est lui qui a connu le plus longtemps notre père à tous les trois et qui a sûrement les meilleurs souvenirs et les plus intacts avec lui. Je réalise enfin que je ne suis pas la seule qui est mal dans cette histoire. Jeremy, Lionel et ma mère ont mal aussi –pas de la même manière ni pour les mêmes raisons que moi- mais ils ont quand même mal parce que papa était aussi une partie d'eux même s'ils ne le considéraient pas de la même que moi ; sauveur et protecteur.
-Moi, il me manque tout le temps. Je suppose que toi aussi ? Interroge-t-il. Je suppose aussi qu'Il ne te manque pas de la même façon qu'à moi. Il me manque Sophia et je crois que tu es la seule qui peut vraiment me comprendre dans cette famille vis-à-vis de ce putain de manque, lâche-t-il avec une voile nostalgique sur ses prunelles chocolat.
Je ne sais quoi dire alors que mon frère se confie à moi pour la première fois depuis que j'existe. Il ne l'avait jamais fait avant et ça me fait choque, me cloue même sur place, tellement que cela me désarme et m'est complètement nouveau. Surtout qu'il ne se confie pas sur n'importe quel sujet complètement débile et sans vraiment d'importance mais sur notre père. Je n'aurais jamais cru qu'il se confierait à moi sur un tel sujet alors qu'il avait Lionel et maman pour le faire. Mais je suis la seule à pouvoir comprendre son manque et il prend doucement ma main dans la sienne, caressant le revers de son pouce et avec une mine désolée sur le visage. Il regrette peut-être de m'avoir péter le nez et sûrement manquer de me tuer. Je n'en sais foutrement rien et ma tête est tellement dans le bordel que je ne sais même plus penser correctement et comme il se doit.
-Il n'est plus là Sophia et j'en souffre atrocement en silence. Lionel et maman sont plus liés que moi avec chacun d'entre eux et puis, il y a toi, toute seule dans ton coin et qui supporte ce fardeau toute seule. Comment tu fais pour vivre comme ça ? Moi je ne pourrais pas, en tout cas. J'ai ce vide en moi depuis qu'Il n'est plus là et sa façon de me sourire est ce qui me manque le plus parce que c'était sûrement ce qui faisait mon quotidien et donnait un certain équilibre à ma vie. Je ne sais pas ce que je serais sans lui et tu ne serais sûrement plus en vie s'il n'avait pas été pour te protéger à presque chaque seconde de ta putain d'existence, s'exprime-t-il en regardant le sol, sa main gauche caressant toujours ma dextre avec son pouce tandis que sa main droite passe dans ses cheveux.
Jamais je n'aurais cru que j'aurais fais une chose pareille mais j'ouvre mes bras pour qu'il vienne s'y blottir dedans comme Il faisait avec moi. Ça me fait vraiment bizarre que ce soit moi qui ouvre mes bras et non que je vienne me blottir dans ceux de mon père. Jeremy fronce quelques secondes les sourcils et contre toute attente ; ce dont j'aurais encore moins cru que cela arrivera ; il vient se caler dans mes bras, enfouissant sa tête dans mon cou. Si on m'aurait dit qu'une telle chose arrivera dans ma vie, que ce soit maintenant comme dans le passé ou dans le futur ; j'aurais ris à plein poumons tellement cela m'aurait parût absurde mais quand la scène se joue, je trouve ça naturel.
« Même si une personne peut représentée le mal incarnée à nos yeux, il aura toujours –qu'on le veuille ou non- une part de bonne volonté et un cœur ; sûrement dégradé par la vie. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top