Miroir
Seulgi erre dans le grenier de la maison de sa mère défunte. Ici, les objets poussiéreux en tout genre s'entassent, manquant de tomber au moindre souffle. La pièce sombre est juste éclairée par une faible lumière au plafond, grésillant au rythme de l'orage dehors. Cette situation digne des plus grands films d'horreur fait peur à Seulgi, qui tremble de tout son être, jusqu'à la pointe de ses cheveux bruns en fouillant pour retrouver des indices sur sa sœur. Selon la police elle serait décédée à 19 ans, alors que Seulgi venait de naître.
Dans un coin se trouve une grande malle rouge en métal. La jeune fille s'avance alors vers elle et l'ouvre avec hésitation. Après un grand grincement, l'intérieur de la grande valise est révélé à Seulgi. Au dessus d'un tas de vêtements poussiéreux, se trouve une enveloppe de papier jauni sur laquelle était marquée "Irene".
Irene serait donc son nom ? Hm... c'est joli mais ça ne sonne pas très coréen. Elle ouvre l'enveloppe et trouve une lettre manuscrite, vieillie par le temps.
"Joohyun,
Si tu m'entends au paradis sache que je t'aime du fond de mon cœur.
Ta sœur ne sait rien de toi. Je lui ai pas dit qu'elle avait une sœur. Aurai-je dû ? Je pense que je lui dirais plus tard, elle a seulement 4 ans, elle ne comprendrait pas. J'ai laissé tes affaires et ton miroir dans cette malle. Fais-en bon usage.
Je t'aime.
Maman"
Seulgi repose la lettre à côté et se met à fouiller dans les affaires de Joohyun. C'était lui alors son vrai prénom ? Mais alors pourquoi avoir marqué Irene sur l'enveloppe ? Peu importe, elle voulait savoir à quoi cette fameuse sœur ressemblait, comment était-elle morte ? Avait-elle une tombe, et où ? Avait-elle connu Seulgi ?
Coincée entre deux robes, Seulgi déniche une photo de mauvaise qualité, probablement prise par un polaroïd. Une fille de son âge se tient dessus, elle ne lui ressemble pas vraiment, mais elle ressemble comme deux gouttes d'eau à son père. Derrière est écrit : Bae Joohyun.
Bae ? Mais ce ne pouvait pas être la sœur de Seulgi vu que cette dernière porte le nom de famille Kang. À ce moment précis, la brune parle pour elle-même :
-Maman ! Pourquoi tu n'es plus là pour me donner des réponses !
Un courant d'air froid s'élève alors dans la pièce et une silhouette se dresse dans le grenier. Le visage de celle-ci ressemble exactement à celui de sa mère.
-Ma...Maman ?! Tu es... un fantôme ?
L'esprit de la mère, étonnée, acquiesce.
-Tu arrives à me voir ? Et à m'entendre ? questionne la mère intriguée.
-Apparemment oui... murmure Seulgi se demandant toujours comment était-ce possible. Pour elle les fantômes n'existaient pas. Il y avait juste l'âme qui errait quelque part, mais sûrement pas de fantômes. Et, était-ce normal qu'elle puisse leur parler ?
-De ce que j'ai entendu tu as des questions à me poser, constate la silhouette.
-Oui. Cette fille, ma sœur, Irene ou Joohyun je ne sais pas, qui s'appelle Bae alors que je m'appelle Kang, comment est-ce possible ?
-Joohyun a changé de nom, en Irene, pour ne pas qu'on la reconnaisse. Et puis, elle n'est pas ta vraie sœur, c'est ta sœur adoptive. explique le fantôme.
-Mais, pourquoi a-t-elle changé de prénom ?
-Je ne sais pas si je dois te le dire, oui, je pense que tu es assez grande pour comprendre, ou du moins essayer de comprendre. Ta sœur était une sorcière, et elle avait commis un acte impardonnable pour sa famille. Alors elle s'est réfugiée ici et a changé de nom car les gardes de sa famille étaient à sa recherche. Joohyun faisait partie d'une grande dynastie de "maîtres", c'est comme ça que l'on appelle les sorciers de haut-rang. Les maîtres sont des familles modèles pour les sorciers, tout puissants, bien éduqués, bref, parfaits en tout points. Mais Irene, était avide de pouvoirs, et- elle a décidé de voler le grimoire de ses parents, où il était inscrit les formules les plus puissantes. Elle avait réussi à le subtiliser. Elle voulu alors tester une des formules, mais cela a échoué. La moitié de la ville mourut. Tout le monde l'a découvert et ses parents l'ont condamné à la mort, pour ne pas qu'elle ruine la réputation de sa famille.
-Mais, ses parents ne l'aimaient-ils pas ? Vouloir voir sa fille morte, c'est bizarre pour des parents non ?
-Tu sais Seulgi, à cette époque, la réputation était bien plus importante que la famille. C'est à croire qu'aucune dynastie de maîtres n'aimaient leurs enfants, ils voulaient juste les former pour être les plus parfaits qui soit, c'est désolant...
-Et comment est-elle morte ? demanda Seulgi toujours avide de réponses de la part de sa mère.
-Les gardes l'ont retrouvé...et l'ont tué, puis enfermé son âme dans le miroir qui se trouve dans cette malle. Je suis désolée mais je dois y aller, quelqu'un d'autre m'appelle. Au revoir.
Elle ne laisse pas sa fille répondre et part dans une épaisse fumée.
Une sorcière ? Mais oui bien sûr ! C'est faux. Seulgi doit halluciner. Des sorcières et puis quoi d'autre ? Des elfes et des trolls ?
Néanmoins elle cherche ce fameux miroir dont lui a parlé sa mère. Inséré entre deux cahiers de cours, celui-ci fait en argent resplendit et reflète la faible lumière de la pièce.
Son âme est à l'intérieur, se dit-elle, il faudrait que je le casse alors pour qu'elle s'échappe ?
La jeune fille tente de fracasser d'abord l'objet contre le sol. Sans succès. Elle le cale ensuite entre une commode poussiéreuse et le mur puis jette une chaussure à talon aiguille dessus, puis une pierre trouvée dehors, puis une boule de pétanque pour enfants qu'elle lance avec difficulté. Elle se demande toujours comment la balle n'est pas passé à travers le sol quand elle est retombée.
Elle fouille encore dans la malle pour voir si un objet pourrait l'aider. Mais rien. Seulgi reprend alors le miroir et touche sa surface, celle-ci se brise en trois parties distinctes. Un grand fracas retentit propulsant la jeune fille à l'autre bout du grenier.
Le fantôme d'Irene-Joohyun s'élève dans la pièce noire, provoquant une tempête dans l'espace. Seulgi, en étant propulsée à l'autre bout du grenier, s'est cogné la tête contre le mur. Cette dernière, sonnée, relève la tête pour voir l'âme qu'elle a réveillé. Un vent violent lui fait mal aux yeux quand elle essaye de les ouvrir pour voir l'esprit.
La jeune fille se lève avec difficulté, prenant appui sur les meubles aux alentours. La tache s'avère difficile à cause de cette bourrasque qui la déséquilibre de plus en plus. Elle tombe plusieurs fois avant de réussir à se poser sur ses pieds, en tremblant. Quand elle y arrive enfin, Irene rit.
Seulgi se demande d'ailleurs la raison de cette action. Car Irene ne produit pas un rire bienveillant, au contraire, il a l'air plutôt méchant. Comme dans les films d'horreur, un rire bien maléfique et très cliché. Pourtant, la fille est très belle. Elle ne ressemble pas à la vieille sorcière dans Blanche-Neige, ou à l'ogresse dans Hansel et Gretel. Irene est très belle, trop belle. Le fille toute innocente, toute gentille. Le visage de Seulgi se couvre d'une terreur sans nom. Ses mains sont moites et des gouttes de sueur perlent sur son front lisse.
Après un temps, l'esprit arrête de rire et regarde Seulgi, la méchanceté dans le regard.
-Ah... Ma pauvre Seulgi, tu es si crédule ! Maman aussi était crédule, elle a vraiment cru que j'étais passée à autre chose, que je n'essayerais plus d'apprendre les sorts les plus puissants ! En tout cas, ma chère sœur, je te remercie de m'avoir libéré de ce foutu miroir. Maintenant, si tu veux bien m'excuser, je vais devoir aller chez moi pour retrouver ma baguette ! C'était un plaisir !
Seulgi venait sûrement de délivrer l'esprit le plus malfaisant. Elle décide de suivre pourtant ce fantôme pour découvrir ce qu'elle veut faire exactement, et peut-être arrivera-t-elle à la faire changer d'avis ?
Justement, celle-ci traverse le mur du grenier à toute vitesse. Seulgi se dépêche de faire le tour de la maison pour la rattraper le plus vite possible. A bout de souffle, elle l'aperçoit au fond de la rue, et continue de courir à en perdre haleine et à en cracher ses poumons. Irene arrive devant un puits en pierre, recouvert de mousse. La poulie est si rouillée qu'une pichenette la ferait s'effondrer. Le fantôme se jette dedans sans discuter. Une lumière jaillit du puits et Seulgi court vers celui-ci et saute dedans sans hésiter. Bien qu'elle a peur de la situation, elle n'a surtout pas envie que tout le monde meurt, surtout pas par sa faute.
Alors même si elle souffre et se cogne aux murs étroits du puits au début, elle continue, en même temps elle n'a pas trop de moyen de s'arrêter. Au bout de quelques secondes, le puits semble s'élargir pour arriver sur un magnifique paysage : dans un ciel violet foncé, cinq plates-formes volent, défiant la gravité. Il semble y avoir des portails pour aller d'une plate-forme à une autre. Une de ces terres contient quelques maisons accolées et un marché, une autre plusieurs grands manoirs, une autre un grand terrain, sûrement pour le sport, la quatrième contient des immeubles administratifs, comme la mairie, une école et une bibliothèque, et la dernière doit être un parc vu ses grands jardins.
Seulgi atterrit en douceur sur la plate-forme où se trouve le marché. Elle ne prend pas le temps de regarder quand elle aperçoit Irene se diriger vers l'endroit des manoirs. La brune empreinte donc un des portails pour s'y rendre. Pendant le "trajet" qui n'a duré qu'une poignée de secondes, Seulgi ressent un air chaud qui se dépose sur son visage et soulève ses cheveux couleur d'ébène. En arrivant sur la place, elle remarque un panneau "place des maîtres ". C'est sûrement ici qu'habitent les parents d'Irene.
Elle voit l'esprit rentrer dans une grande bâtisse, noire, massive, avec des toits pointus. L'énorme porte en chêne ne va pas être facile à ouvrir. Surtout que Seulgi n'est pas de la famille, alors ils ne vont sûrement pas la laisser entrer. Elle contourne la maison et escalade assez facilement la clôture. C'est illogique qu'elle soit si petite : c'est un grand manoir, les gens pourraient facilement voler des biens non ? Ah oui, Seulgi se rappelle que ce sont des maîtres, des familles très puissantes. Déjà qu'ils ont réussi à tuer leur propre fille, mais quelqu'un en dehors, impossible.
La brune remarque une petite porte ouverte, très imprudent chers propriétaires. Surtout quand une certaine Kang Seulgi veut pourchasser un fantôme. Elle entre, en se faisant toute petite, ce qui n'est pas compliqué, vu qu'elle est déjà petite.
Elle arrive dans un grand corridor noir, très chic. Seulgi aperçoit Irene au fond de ce couloir qui se dirige dans une autre salle. Elle la suit toujours et vérifie quand même au passage s'il n'y a pas un garde quelque part qui remarquerait sa présence.
Elle entre dans la bibliothèque du manoir pendant qu'Irene cherche son grimoire et sa baguette. A bout de souffle, Seulgi crie :
-Irene ! C'est vraiment ça que tu veux ? Être une personne horrible, qui va tuer le monde entier ? A quoi ça va te servir ? A part détruire le monde entier ?
La concernée se retourne, en colère :
-Tu m'as suivi ! Espèce de-
-Dis-moi pourquoi tu fais ça ! insiste Seulgi.
-Tu n'as pas besoin de savoir ! clame Irene.
Le bruit a sûrement éveillé un des habitants du château puisqu'un homme en costume victorien, monocle à l'oeil, arrive dans la bibliothèque, et semble choqué. Un de ses derniers cheveux gris tombe de son crâne dégarni.
-Joohyun ?!
Seulgi se retourne vers lui et le questionne :
-Vous aussi vous la voyez ? Irene ! Dis-moi ! continue-t-elle malgré la présence de l'adulte dans la pièce.
Irene montre de la résistance, mais des larmes invisibles finissent par couler le long de ses joues. Elle prend sa tête dans ses mains translucides et s'assoit dans le vide, devant Seulgi, et murmure.
-C'est vrai ça, pourquoi je fais ça ? Ah oui.
A ces mots, elle plante son regard dans ceux de l'homme.
-Pour que mes parents me remarquent enfin. Il y en avait toujours pour Soo-young, c'était votre petite princesse, et vous n'aviez clairement rien à faire de moi ! Alors je me suis dit que si je vous montrait de quoi j'étais capable, vous m'aimeriez plus. Mais je ne pensais pas que ça allait mal tourné autant. Puis quand vous m'avez tué, j'étais si en colère que je voulais me venger. Alors j'essayais de sortir de ce foutu miroir. Jusqu'à-ce que ma mère adoptive me parle à travers, je lui ai fait avaler des mensonges, pour qu'elle les répète à Seulgi. Comme ça, j'espérais qu'elle essaye de me libérer. Et ça a marché. Je suis désolée...
Seulgi prend sa sœur dans ses bras, en vain, vu que la jeune fille lui passe à travers les mains. Mais son père y arrive, sûrement que ce pouvoir était réservé aux sorciers.
-Je suis désolée, reprit-elle, Père, me laisserez-vous une seconde chance ?
L'homme, semblant avoir quand même un peu d'amour pour sa fille, sort sa baguette et prononce des mots incompréhensibles à une lenteur incroyable. Après quelques tournillions dans les airs, Irene semble prendre des couleurs, et se rapprocher de plus en plus du sol. Une fois totalement ressuscitée, elle court dans les bras de Seulgi en pleurant :
-Oh, Seulgi ! Je suis tellement désolée ! Pardonne-moi si tu le peux !
Après avoir rassuré sa sœur, Seulgi reprit le chemin inverse pour rentrer chez elle. Passant par les portails, le puits, la rue, et enfin, elle retourne dans le grenier de sa mère. La brune récupère quelques affaires lui appartenant et rentre dans son appartement en ville.
Depuis, elle vit une vie paisible, elle a eu des enfants, un mari, et une grande maison, grâce à son travail en tant que médecin qui lui rapportait gros. Mais dans un coin de sa tête, elle se posait toujours la même question :
"Irene était-elle honnête ?"
FIN
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