8. Comment pouvait-il être ici?
J'avais commis mon meurtre, j'étais fière de mon coup, et je dus bien rester plantée là cinq minutes, à contempler la dépouille de Camille. Mais, comme chaque artiste peut le confirmer, une œuvre dont on est fière ne peut en aucun cas rester anonyme, ou dépourvue d'une simple signature. Je décidais donc de signer mon crime. Mais ma signature ne devait pas laisser transparaître l'identité de l'assassine, c'est à dire la mienne. Alors je pris le bout de miroir et commençai à faire des essais de signature sur le corps de la petite fille, qui devenait d'ailleurs de plus en plus dur et froid. Au début je m'amusai, en écrivant par exemple "BFPT" ce qui signifiait "Bien fait pour toi" ou "TLABM", "Tu l'as bien mérité". Mais après une dizaine d'essais, je trouvai enfin la signature qui me correspondait: VB, "la vengeance de Brindille". Sous cet acronyme personne ne pourra se douter de mon identité.
Je décidais donc d'adopter cette signature, et comme ce crime était ma première vengeance, je dus marquer le coup: je l'écrivis en grand sur son front, ainsi que sur ses deux mains, puis essaya de "peindre" sur le mur les deux lettres, en trempant mon bout de verre dans le peu de sang qui s'écoulait encore de son cou. C'était gélatineux et ça durcissait très vite. Au moins, que je le saurai pour la prochaine fois.
Après avoir fini mon action, je la contemplai, puis je décidai d'aller me laver discrètement les mains dans la salle de bain. Je fis très vite pour ne pas me faire remarquer, du moins le plus vite possible, car le sang restait obstinément collé à mes mains et à mes avant-bras, et était donc très difficile à enlever. Dès que j'eus fini je me séchai les mains en vitesse et allai regarder l'heure sur le réveil de Camille: il était déjà 23h00. Le temps défilait et il fallait absolument que je me dépêche, car je devais encore aller jeter les éponges et les morceaux de miroir dans la poubelle du quartier.
Je rassemblai toutes mes affaires et fis attention de n'avoir laissé tomber aucun cheveux ou quoi que ce soit vers la fillette. Mais non, il n'y avait rien, j'étais tirée d'affaire. Les empreintes digitales n'étaient d'ailleurs pas un problème vu que je n'avais touché la fillette qu'avec la glace. J'avais peut-être commis un crime parfait, encore fallait-il effacer les preuves.
Je laissai Camille comme je l'avais mise, puis sortis de l'appartement sur la pointe des pieds, en refermant la porte le plus silencieusement possible derrière moi. La cage d'escaliers était plongée dans le noir le plus complet et il me fallu un moment avant de trouver l'interrupteur, qui ne changea d'ailleurs pas grand chose à la situation. Je descendis tant bien que mal les marches et sortis par le hall d'entrée. Mais je m'arrêtai soudain devant le miroir qui se trouvait à ma gauche. Je n'arrivai pas en croire mes yeux; je n'étais plus maigre, j'étais même normale, et la fatigue et la tristesse, qui se lisaient sur mon visage quelques heures auparavant, avaient littéralement disparues. Et pour la première fois de ma vie, la toute première fois, je me trouvais...belle. Cette phrase sonnait tellement mal dans ma tête! Mais oui, c'était la réalité, j'étais devenue belle. Mes cheveux ne ressemblaient plus à des fils de fer comme j'avais l'habitude de les voir; ils était lisses, brillants, un peu volumineux mais pas trop. Et mon teint était devenu d'un blanc éclatant, tirant presque vers le rose, faisant ressortir, enfin, mes yeux bleus, qui paraissaient noirs à cause du chagrin.
Je n'en croyais pas mes pupilles et je restai, encore une fois, immobile à contempler ce que je voyais en face de moi, mais cette fois-ci, c'était moi que je contemplais. Je souris -un sourire magnifique en passant. J'aimais les miroirs, mais j'aimais surtout tuer. Faire un meurtre m'embellissait donc? Si c'était le cas, je tuerai encore et encore.
Mais je revins à moi rapidement, pas de temps à perdre.
Je poussai la lourde porte d'entrée, puis couru jusqu'à la poubelle, au coin de la rue, qui devait se trouver à trente mètres environ. Arrivée au pied de celle-ci, je me débarrassai vite fait de mes affaires. Mais la manoeuvre fut laborieuse: je ne devais pas toucher les morceaux de verres ou les mouchoirs imprégnés de sang avec mes doigts, pour ne pas laisser mes empreintes digitales. Alors je pris mon sac comme un gant et empoignai les objets, que j'essayai d'enfouir sous les sacs-poubelle, pour ne pas attirer l'attention sur le sang.
Lorsque j'eus enfin fini, je m'apprêtai à rentrer chez moi. Mais j'entendis quelqu'un rire juste derrière moi. Prise de panique, je me retournai et lui fis face. En une fraction de secondes j'identifiai son visage. Non, ça n'était simplement pas possible. Comment pouvait-il être ici?
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