20. Rendez-vous sanglant
Satisfaite, je laissai le cadavre comme il était, et descendis discrètement jusqu'à l'étage inférieur. Je passai devant le miroir de l'entrée et eus l'agréable surprise de voir que, encore une fois, mon meurtre m'avait embelli. Je me contemplai longuement, puis sortis de la même façon dont j'étais entrée; par la fenêtre. Une fois dehors, je glissai mon bras à l'intérieur et la refermai en battant, comme je l'avais trouvée. Mais au contact de la poignée, je sentis que ma main était encore gluante, donc ensanglantée. Je laissais échapper un long "merde" en remarquant que j'en avais sûrement laissé partout dans la maison, et donc que mes empreintes étaient extrêmement faciles à repérer.
J'étais furieuse. J'étais passée de mon meurtre parfait à un échec le plus total. Mais je n'avais plus le temps de reculer, je devais aller à mon rendez-vous avec Thomas. Mais en y réfléchissant, c'était une très mauvaise idée. S'il voyait mes mains ensanglantées, il comprendrait que je suis une véritable tueuse, et il me fuirait à coup sûr. Non, je n'allais pas y aller, et trouver un prétexte débile qui ferait l'affaire. C'était cruel de l'abandonner comme ça, mais il comprendra.
Je devais me dépêcher de rentrer chez moi pour qu'il ne me voit pas, véritable mission impossible, sachant que je devais passer devant le lieu de rendez-vous, et qu'il y était déjà sûrement. Alors, pour gagner du temps, je me mis à courir. En quelques minutes j'étais arrivée chez moi et je fus soulagée de ne pas avoir vu Thomas sur le chemin. Je m'apprêtais à sortir mes clés pour entrer dans l'immeuble, lorsque tout à coup je sentis une main sur mon épaule. Je sursautai et me retournai brusquement, avant d'apercevoir Thomas, toujours aussi radieux.
-C'est donc là que tu habites!
-Euh...oui, oui c'est bien là, lui répondis-je, totalement incapable de dissimuler mes mains sanguinolentes.
-T'es sûre que ça va? C'est quoi tout ça Chloé? Tout ce sang, il vient d'où? me demanda-t-il, inquiet, en me prenant par les épaules, m'obligeant à le regarder dans les yeux.
-Bah...de moi. Il vient de moi, je me suis faite mal en tombant et je remontais justement pour...
-Arrête de me prendre pour un con! C'est pas ton sang! Déjà hier je t'ai vu sortir avec des morceaux de verre imprégnés de sang, que tu es allée jeter dans la poubelle là-bas. À quoi tu joues?!
Mon sang se glaça. Il m'avait vu hier, il savait que tout ne tournait pas rond chez moi. Mais pourquoi restait-il là, alors?!
-Bon, écoute, je vais pas te mentir plus longtemps, t'as raison, c'est pas mon sang. Mais tout t'expliquer ici serait bien trop long et bien trop dangereux, peut-être que des gens nous écoutent.
Il fut surpris de ma réponse, mais attendit que je continue mon explication.
-Je suis dangereuse, c'est tout ce que je peux te dire. Mais il faut que tu m'aides, sinon, c'en est fini pour moi.
Il ne me posa pas la moindre question et hocha simplement de la tête, pour exprimer son approbation.
-Bien, suis-moi.
Mais qu'est-ce que j'étais en train de faire?! Je l'impliquais dans mon propre meurtre, c'était horrible. Mais c'était pour la bonne cause, je l'espère.
Quelques minutes plus tard, j'étais à nouveau devant la grande bâtisse, un acolyte en plus. Je le mis en garde de faire attention au chien, toujours endormi dans sa niche, puis je lui expliquai brièvement la situation.
-T'as tué un mec de 14 ans?! s'exclama-t-il.
Je lui donnai une tape dans le ventre, pour lui faire comprendre qu'il devait parler moins fort.
-Oui, mais c'était un vrai connard, alors t'en fais pas, chuchotai-je.
-Mais comment t'as fait?! S'il était réveillé en plus! Et de tes propres mains?
-D'abord avec des morceaux de verre. Et oui, après je l'ai étranglé, voilà le problème; mes empreintes digitales sont partout dans la maison, et tu dois m'aider à effacer tout ça. Bon, ça sera pas facile, donc maintenant, plus un bruit, plus une question, contente-toi juste de me suivre, compris?
Il hocha la tête, médusé.
Arrivés devant la fenêtre, je l'ouvris, puis entrai dans la maison et lui faisant signe de venir après moi. Il s'exécuta. Nous nous dirigeâmes doucement vers la cuisine et commençâmes à chercher des chiffons ou n'importe quel autre bout de tissu, susceptible d'effacer les empreintes. Par chance, nous avions le choix; les placards débordaient d'éponges en tous genres. Nous prîmes les meilleures et débutâmes notre travail, à cet étage, pour commencer. Chaque centimètre carré fut analysé avec la plus grande attention, et Thomas fut presque plus pointilleux que moi. Peut-être avait-il peur pour moi?...
Après en avoir fini avec cet étage, nous montâmes les escaliers et arrivâmes au pas de la porte de ce qui fut l'ancienne chambre de Julien. Je tentai de faire comprendre par gestes à Thomas qu'il se pourrait qu'il ait un choc en voyant la chambre, mais il ne sembla pas saisir ce que je voulais dire, et me fit une mine interrogative, en tournant sa tête sur le côté, un petit sourire en coin.
Pour ne pas perdre plus de temps, j'ouvris la porte avec mon éponge, et le poussai à l'intérieur. Je refermai doucement la porte derrière nous.
-Bon, ça m'a pas l'air si terrible que ça! me fit-il.
-T'es sûr que t'as bien regardé?
-Je sais pas, je vois pas trop en fait. Je vais allumer la lumière, qu'on y voit un peu plus clair.
Il appuya sur l'interrupteur avec son éponge. Lorsqu'il se retourna, il pâlit intégralement. Je crus d'abord qu'il allait s'évanouir, mais il tint le coup. Il était bien courageux, car même en étant une meurtrière, j'eus du mal à regarder mon meurtre en face.
-Waouw... C'est toi qui a fait ça alors? me demanda-t-il lentement, en me regardant de ses yeux livides.
-Ouais. Ouais c'est moi.
J'avais peur qu'il me prenne pour une psychopathe, qu'il s'éloigne de moi, que je lui fasse peur. Alors je m'approchai de lui et l'entourai de mes bars, pour tenter de le rassurer. Il se détendit un peu, et m'entoura à son tour de ses bras, en me souriant, même si je voyais qu'il était vraiment mal à l'aise dans cette pièce.
-T'inquiète pas, ça va aller, me fit-il gentiment, en croisant mon regard inquiet que je lui lançais.
Je lui souris et l'entourai un peu plus fort de mes bras.
-Bon, on a pas beaucoup de temps, alors il faudra être efficaces, d'accord? lui lançai-je, en m'écartant de lui.
-D'accord. Bon, c'est parti alors.
On s'exécuta, en s'occupant d'abord du corps. Je décidai de lui découper la peau du cou, endroit par lequel je l'avais empoigné avant sa mort. Je le découpai avec la plus grande précaution, sans toucher le moindre millimètre de peau avec mes doigts. Une fois avoir tout enlevé, je me fis une réflexion;
-Thomas? Je mets où tout ça?
-Attends, je vais chercher un sac, il doit bien en avoir dans sa chambre.
-Fais attention à tes empreintes! l'avertis-je.
Il acquiesça, puis partit à la recherche d'un sac. Il en trouva rapidement un, qu'il attrapa avec son éponge. On avait vraiment l'air stupide à attraper tout avec nos éponges, mais nous n'avions pas le choix. Nous mîmes les bouts de peau dedans, puis recherchâmes d'autres traces de mes empreintes. Malheureusement, il y en avait pleins, partout sur les murs. J'essayai de les nettoyer avec les éponges mais les cloisons étaient recouvertes de papier-peint, qui s'effritaient, sans enlever le sang.
-Chloé, c'est pas la bonne technique! Va falloir trouver autre chose...
-Tu veux faire quoi alors?! m'énervai-je.
Sans dire un mot, il prit la chaise du bureau, monta dessus et commença à arracher le papier-peint par le haut. Et au bout de dix minutes, les murs étaient totalement découverts, plus aucune empreintes ne pourraient mettre les policiers sur la piste. J'étais sauvée.
Après avoir pris le sac et mis tous les bouts de tapisserie dedans, nous partîmes silencieusement, en prenant bien garde à rester attentifs, puis nous sortîmes de la maison. Empruntant la rue noire et vide, nous marchâmes, sans échanger un mot, jusqu'à notre lieu de rendez-vous. La cloche sonna, il était déjà minuit.
-Je vais devoir y aller, on se voit demain? me demanda-t-il, avec un sourire.
Je voyais bien qu'il tentait de cacher ses sentiments. Il se sentait vraiment mal à l'intérieur de lui, il n'y avait aucun doute. Et moi, je me sentis si coupable tout à coup, si coupable de lui avoir fait subir ça...
-Oui. J'espère que je n'aurai pas besoin de t'appeler pour effacer mes empreintes... Je suis désolée de t'avoir obligé à vivre ça.
-T'inquiète pas, je reviendrai sans hésiter si c'est pour t'aider.
Il ne me laissa pas le temps de répondre et me prit dans ses bras, me serrant de toutes ses forces. Puis, sans rien dire, il prit le sac et s'en alla dans la nuit noire.
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