13. Et bien plus vite que je ne l'aurais espéré

Mes jambes me lâchèrent dès qu'il eut refermé la porte d'entrée. Je tombai comme un sac sur ma chaise, tentant de relativiser. Mais il n'y avait rien à comprendre de plus, j'étais déjà morte! Au sens figuré comme au sens propre. Mes parents sauront que je suis une assassine, que vont-ils penser de moi, sérieusement?

J'étais vraiment stupide d'avoir commis ce meurtre, tout allait me retomber dessus tôt ou tard, mais tout au fond de moi, j'en étais tellement fière que je ne pouvais que me féliciter de l'avoir accompli avec succès. Je souris, ce qui me fit sûrement ressembler à une folle-dingue, vu comme ma mère accouru vers moi.

-Chloé, ça ne va pas? me demanda-t-elle, en me caressant doucement le front.

-Si, si, tout va très bien! Je me réjouis simplement d'aller en classe et de raconter à toutes mes amies à quel point je suis heureuse d'avoir un père policier! mentis-je.

-Oh, oui, tu as raison ma puce, elles en deviendront jalouses! Emilie n'as pas aussi un père qui travaille dans la police, d'ailleurs?

-Non, le père d'Emilie est banquier. Tu dois confondre avec le père de Natasha sûrement, ou alors avec la mère de Jenny, qui est juste la secrétaire, au poste.

En réalité, aucune de toutes ces filles n'existaient. Je les inventais pour ne pas inquiéter ma mère de ma solitude. Très mauvaise idée, je sais, mais elle n'y voyait que du feu, alors je continuais. Elle me croyait entourée, aimée, respectée. Je lui avais même dit que plusieurs garçons me couraient après, mais que je les ignorais, car ils étaient bien trop inférieurs à moi. Mensonge énorme, mais elle y croyait toujours. Malgré cela, elle ne me posait jamais de questions, sur le fait que je refuse d'inviter des gens à mon anniversaire, par exemple.

Je mangeai mon petit déjeuner sans dire un mot, ce qui sembla inquiéter ma mère, qui ne dit pourtant rien, puis j'allai me préparer en vitesse pour partir au collège.

En sortant de chez moi, j'entendis des voix provenant de l'étage supérieur. Je crus distinguer celle de mon père, mais il y en avait tellement que ce fut difficile de savoir si c'était bien lui. Des voix d'hommes, de femmes, de vieux. Mais je distinguai surtout les pleurs de la mère de Camille, j'en étais certaine. Quelques personnes, me semble-t-il, la réconfortaient, mais elle hurlait tellement fort qu'elle couvrait toutes les autres voix. Cela faisait un brouhaha pas possible. Si tous ces gens savaient à qui s'en prendre, je ne vous parlerais pas à cet instant.

Je décidai de descendre les escaliers pour échapper à ce vacarme assourdissant. Je vis monter encore cinq personnes, qui se dirigeaient toutes là-haut. Elles avaient l'air sérieux, professionnel. C'était trois policiers, un photographe, et un membre de la police scientifique. Cela me fit froid dans le dos. Tous ces gens qui ne venaient uniquement parce que j'avais eu l'idée de tuer Camille. Est-ce que je regrettais? Non, pas le moins du monde. Je me félicitais toujours d'avoir accompli avec splendeur cet assassinat, un magnifique carnage, qu'ils ont sûrement dû avoir le plaisir de découvrir à 7h00 du matin. Je souris. J'étais fière.

Malgré ma fierté, je ne pouvais m'empêcher de penser à cette horrible journée d'école qui s'annonçait. Je commençais par mon cours d'art visuel, le pire moment de mon affreuse journée. Puis, mathématiques, français et enfin géographie. Je soupirai. Les cours en eux-mêmes ne me dérangeaient pas, c'était juste le fait d'être dans cette classe qui me désespérait. Oui, voilà le mot parfait; désespoir. Désespoir avant, pendant, après les cours, tout le temps. Bref, vous avez sûrement assez de problèmes, vous aussi, je ne vais pas vous parler plus longtemps des miens, cela prendrait bien trop longtemps.

J'arrivai vers la porte d'entrée en soupirant, toujours aussi seule, et commençai à me préparer psychologiquement à cette terrible journée. Mais je sortis de mes sombres pensées. Ou plutôt quelque chose m'en fit sortit. Ce quelque chose me frappa violemment la tête, à la limite de mon assommement. J'exagère à peine. Je baissai la tête, et ne pus pas en croire mes yeux. Je venais de me faire heurter par un caillou. Un caillou, vous imaginez? Pas un gravier, non, un caillou! Un gros caillou, plus gros qu'un galet!

Je me retournai folle de rage. Et là, je vis Julien, l'intello de ma classe, esclaffé de rire, se tenant le ventre tellement il rigolait, les larmes aux yeux. Je crus d'abord qu'il pleurait, mais non il avait juste un fou-rire énorme. Je mis un moment à comprendre la raison de ses gloussements. Oui, je ne rêvais pas. C'était bien lui qui m'avait lancé cette pierre. Lui, le garçon le plus modèle, le plus sage que je n'aie jamais vu. Le premier de la classe, qui obéit à tout, qui n'a jamais eu la moindre remarque de la part des professeurs. Je n'en revenais pas, comment avait-il osé?!

-Alors, Brindille? ça fait mal? me lança-t-il, en essuyant ses larmes.

Je ne lui répondis pas. Je m'élançai dans sa direction, lui collai une magistrale gifle puis lui crachai salement à la figure. Non mais pour qui il se prenait celui-là?! Il commençait à se rebeller, d'accord, mais contre moi! Je ne lui avais jamais rien fait!

Il recula d'un ou deux pas, l'air sonné. Je vis dans son regard de la surprise mais surtout de la crainte. Tant mieux, qu'il ait peur de moi, si cela lui chantait, j'avais déjà assez de personnes qui me craignaient, à cause de mon physique du moins.

-Mais t'es folle ou quoi?!

-Ta gueule, Julien. Juste ta gueule.

Il ne répondit rien, et se contenta de partir, me laissant seule, à nouveau. Qu'avais-je bien pu faire pour mériter de telles choses? Rien, absolument rien! Ma vie ne se résumait qu'à la souffrance et à la tristesse. J'en avais marre. Marre de subir, marre de souffrir. Il fallait que tout cela change. Oui tout cela allait changer. Et bien plus vite que je ne l'aurais espéré.

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