CHAPITRE LX
Publié le : 13/04/2019 | Mis à jour le : 09/11/2023
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Chapitre 60.
Mirmel descendit une à une les marches entre les racines. Sur les pas d'une Galadhrim à la chevelure brune, elle constata que le nom de sa guide lui avait encore échappé. Au bout de la troisième fois demandée, il lui sembla que l'agacement de l'Elfe fut tel, qu'elle convint que les deux précédentes étaient déjà de trop. Elle se tut donc, perdant tout intérêt pour ce qu'elle n'aurait lâché auparavant sans d'obtenir réponse. C'était placée face à ce genre de détails que la demoiselle prenait conscience que quelques mois avaient suffi à la changer.
Avant son arrivée, la moindre nouveauté ou mystère enchantait son cœur. Maintenant, ce dernier avait coulé dans un lac dont elle ne percevait pas le fond. Elle l'entendait pourtant, mais sans le comprendre. Une mélodie chaotique où les ressentiments se confondaient douloureusement.
Le long escalier aboutit sur une clairière silencieuse à la terre humide et verdoyante. Laissée seule, la semi-Elfe balaya du regard ce lieu inconnu et perdu dans les bois. Sous les rayons lunaires, il lui parut presque irréel, enchanté. Elle se sentait comme une étrangère venue perturber cette sérénité. Quelle était donc cette magie qui y résidait, et la rendait si anxieuse ?
Mirmel avança sur le tapis feuillu. Au centre du jardin se dressait un socle auprès duquel murmurait une veine du Cours d'Argent. Ancien, d'un temps immémorial, un creuset de métal trônait au sommet de l'édifice. La semi-Elfe gravit les dalles pour se pencher au-dessus.
— Le Miroir.
Mirmel sursauta. Gênée d'avoir été distraite au point d'ignorer sa venue, elle retira ses mains du bord pour s'adresser à sa commanditaire.
— Qu'est-ce ?
— Voulez-vous voir ? invita la voix envoûtante de la Dame.
En réponse à son consentement muet, Galadriel la rejoignit avec une carafe gravée avec finesse, et versa doucement le liquide d'une transparence cristalline dans le creuset. Mirmel plongea ses pupilles dans l'eau redevenue immobile. Elle s'attendait à voir sauter un poisson, ou peut-être assister à l'éclosion d'une fleur marine et nuptiale. Rien de tel ne se produisit.
D'abord, cela fut seulement un nuage qui troubla le Miroir, obscur et invasif. Puis, les courbes se dessinèrent dans l'opacité. Et ajoutées à leurs perpétuels mouvements, des nuances grises donnèrent forme et vie à l'homme.
Les ongles de la jeune femme s'enfoncèrent dans sa chair bien avant que le visage se tourne vers elle, paraissant lui aussi la regarder de ses yeux si bleus. Le cœur harponné, Mirmel se sentit brutalement immergée dans un songe au chant funeste.
« Captif à l'orée des bois maudits,
Un guerrier Elfe, courbé par ses fers,
Attends sa fin, la vie flétrie.
Feuille vieille de mille hivers,
L'une d'entre elles a peut-être poussée
Dans le foyer où elle a vu le jour ?
Là, où demeurait une amie infortunée,
Fille se lamente de son court séjour.
Mourant, il croit à toute heure
Entendre le son de sa voix,
Elle, qui le regarde et puis pleure
Un jeune amour voué au trépas.
La tendre aimée s'est-elle mariée ?
Rayonnante de bonheur, la verra-t-on ?
La foule aux pourpres noces conviée,
La célébrer de fluettes chansons ?
Et ses compagnons de batailles,
Qui l'ont suivi dans ses combats,
Jamais, ne rentreront au bercail.
Amis, combien ne tombèrent pas ?
Pour lui, plus qu'un Roi qui prie,
Et partout, des larmes forgées ici-bas,
Se levèrent lorsque sa tête roula,
Aux pieds du père pétri d'agonie. »
Derrière lui, Mirmel hurla et s'arracha de l'eau tortueuse. Elle tomba en arrière avant de retrouver l'équilibre. Ses yeux, en revanche, restèrent prisonniers de la vision et continuèrent de fixer le sol. L'endroit précis où deux saphirs s'étaient ternis, puis avaient disparu.
— Pourquoi... Pourquoi m'avoir montré cela... ?!
Elle recula jusqu'à trébucher sur une racine. De retour à la réalité, elle se retint de vomir. Et bien qu'elle soit confuse, bouleversée, ses pensées parvinrent à faire le cheminement d'elles-mêmes. Alors, d'une voix criarde, elle creva cet abcès au cœur. Des non-dits, mais pas moins pensés, que l'indignation domina.
— Ils m'ont abandonnée ! LUI et tous les autres ! Pourquoi serait-ce à MOI de les secourir ? Ce n'est plus ma quête. Cet anneau, cela ne l'a jamais été ! Tout ce que je voulais... est parti en fumée.
La répugnance sauvage tordait ses boyaux. Oui, en quoi cela la concernait-il à présent ? Pourtant, la Dame n'était pas satisfaite de sa réponse. Il était cruel d'exiger d'elle qu'elle reprenne sa route, pour sauver la peau de ces « traîtres ».
— Cette justification... n'est-ce pas à vous que vous la destinez ?
— Mais qu'ils meurent..., déclara froidement l'Orge d'Aulë. Qu'ils crèvent... Ce n'est plus mon problème. Si le mal, la mort veut les emporter, qu'elle fasse...
— Si vous refusez d'intervenir, vous les condamnez.
— Alors, qu'il en soit ainsi !
Mirmel se désista, et se dirigea à grands pas vers l'escalier. Il était hors de question qu'elle reste plus longtemps ici, à endurer la douleur d'une poitrine perforée de milliers d'aiguilles. C'était insupportable. Néanmoins, Galadriel lui tint un dernier propos qu'elle écouta malgré tout, sans comprendre sa motivation qu'elle refusait catégoriquement d'entendre.
— Votre esprit... n'a jamais entièrement demeuré avec nous. Vos compagnons ont emporté une part de vous-même. Après avoir vécu ensemble, vous quitter brusquement a été un terrible dilemme. Mais ils l'ont fait. Pour votre bien.
— Mon « bien » ?
Mirmel éclata de rire, un masque d'hypocrisie, avant de partir promptement et sans accorder un regard à la Dame. Une pareille tristesse voilait son visage si parfait. La semi-Elfe grimpa les marches deux à deux, emprunta des chemins invariables, bouscula sur son passage des Galadhrim qui s'abstinrent d'exprimer leur mécontentement, transpercés par deux flèches noires.
Arrivée au pont menant à un balcon clos, Mirmel crut trouver son échappatoire aux images cauchemardesques qui la hantaient, l'accablaient. L'avertissement de Galadriel résonnait dans son cœur émergé et meurtri, de même que les deux saphirs continuaient de la fixer. « Ce n'est pas réel, rien de tout cela n'est vrai ! » se répétait-elle.
La rousse entendit alors son nom. Le menton relevé, elle ne s'attendait pas à la découvrir. Une femme, une femme Elfe que sa mémoire se rappelait comme étant une belle étoile, une lumière dans ce monde obscur contre lequel elle luttait.
— Arwen... s'étouffa Mirmel.
Noyée dans ses larmes courant sur ses joues, elle se jeta dans ses bras, captive de son cauchemar. Son amie fut la bénédiction qui la rattacha à la réalité. Elle l'accueillit en son sein, lui accordant avec un sourire le sanctuaire dont elle avait tant besoin.
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N/A
« Le Miroir de Galadriel » ! Présent dans les livres et films, il montre des images de l'avenir à son utilisateur. Immergée par la vision, Mirmel est témoin d'un spectacle... horrible (on peut le dire), puisqu'il s'agit bien de la mort de Legolas. Le chant est grandement inspiré du poème L'hirondelle et le prisonnier de Jean de Béranger (1780-1857), voyez la référence ! J'espère que vous avez pu le comprendre et apprécier sa subtilité avec la musique. 。゚・ (>﹏<) ・゚。
Retrouvailles avec Arwen. « Que fait-elle ici ? » me demanderez-vous ? La réponse pour bientôt. ;)
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