CHAPITRE LV
Publié le : 24/02/2019 | Mis à jour le : 11/09/2023
Chapitre 55.
Un gémissement plaintif franchit ses lèvres lorsque Haldir reprit connaissance. Allongé sur le ventre pour soulager son dos meurtri, ceci ne l'épargna pas de la vive douleur. Elle cisailla sa chair boursoufflée d'une longue crevasse recousue.
L'Elfe se redressa et parvint à s'asseoir au bord du lit malgré son état. En sueur, la fatigue physique s'accompagnait de fièvre. L'esprit engourdi suppléé aux tremblements de ses membres l'empêcha de se lever. Toutefois, l'homme qui guettait son retour parmi les vivants ne semblait pas plus disposé à l'aider.
— Tu es réveillé.
— Rúmil...
Son second frère avait le visage sévère, étranger à toute joie, et gardait un air rancunier et vorace. Les mêmes cheveux blonds couvraient des épaules fortes qui avaient longtemps supporté armures et armes de guerre. Le Galadhrim, dont sa beauté propre à son espèce avait été ravagée par les séquelles de ses batailles menées, n'était à l'évidence pas un individu à contrarier.
— Depuis quand es-tu devenu aussi audacieux ? Joues-tu avec la Mort à espérer qu'elle t'attrape ?
— Bien sûr que non...
L'attitude de son aîné était rude, ses mots durs, mais tandis que ses mains l'aidèrent à se dévêtir, Haldir perçut sa douceur à appliquer le baume sur sa plaie.
— Mourir d'un coup dans le dos aurait été un déshonneur pour toi.
— Imites-tu à présent les Hommes à parler d'honneur ?
Les doigts rugueux pressèrent davantage et le plus jeune grimaça de douleur.
— Les mortels ne méritent pas qu'on s'y attarde ni qu'on s'y attache. Leur sagesse demeurera étroite et pauvre. Ils n'apprendront jamais de leurs erreurs.
— Et si l'immortalité était acquise pour tous ?
Rúmil serra plus que nécessaire le bandage, arrachant une nouvelle plainte au cadet.
— Ne raconte pas de bêtises. Tu en deviens stupide.
— C'est un plaisir de te revoir, mon frère, grinça-t-il des dents.
Durant une imperceptible seconde, un sourire étira les lèvres de Rúmil avant qu'il se lève et pointe son attention sur l'entrée. Son ouïe fine ne le trompait guère et bientôt, Haldir put aussi entendre la venue de visiteurs.
Le benjamin de la fratrie apparut dans le cadre de l'arche. Sa bouche entrouverte voulut dire quelque chose, mais resta muette. À l'inverse, l'aîné fit le bond de sa présence, car son esprit fut aussitôt accaparé par la chose amenée avec lui. Il s'y dirigea d'une démarche lente. Chacun de ses pas résonna d'une sonorité grave, inamicale. À son niveau, il lui jeta un regard oblique.
— Depuis quand accueillons-nous des bâtards nains ?
Mirmel fut écrasée par l'hostilité livrée à son égard, et tétanisée, ne réagit pas lorsque l'Elfe passa à côté d'elle, les yeux remplis d'animosité. Le Galadhrim sortit et disparut ainsi, sans intérêt à rester.
— Tu... as eu raison de me prévenir, Orophin... Je... ne m'attendais vraiment pas à...
Mirmel ne finit pas sa phrase, encore sous le choc de son altercation avec le dernier des trois frères. Sa haine envers les genres de l'espèce naine s'était clairement exprimée, et ce, dès leur première rencontre. La jeune femme n'avait jamais connu d'individu dont sa simple présence rebutait à ce point. C'était... difficile à concevoir et à accepter d'être ainsi détestée pour le fait d'exister.
— Ne le prends pas trop à cœur. Ses ressentiments ne vont pas seulement à ton encontre.
Les mots de Haldir allégèrent un peu le plomb dans sa poitrine, d'autant plus que l'état de son ami n'avait plus rien d'alarmant. Un sourire taquin dessina donc ses lèvres, un pas vers l'oubli du désagrément.
— Vous allez devoir me rembourser ! somma la semi-Elfe en lui présentant un petit pot. Je ne travaille pas gratuitement.
Curieux, Haldir souleva le couvercle pour découvrir une concoction étrange. Une sorte de glu à grumeaux.
— Qu'est-ce cette... ?
Le Galadhrim ravala son dernier mot. Les sourcils froncés de la demoiselle accentuaient magnifiquement bien son regard noir de malices.
— J'accepte volontiers. Je trouverais à me racheter.
— Comme laver ma lessive ?
— Oui, laver votre less-quoi ?
— Merci, Haldir~
Elle les abandonna presque en sautillant, ce qui rapporta un peu de chaleur dans la pièce. Pourtant, lorsque les deux frères s'observèrent, une inquiétude commune se refléta dans leurs yeux.
— Aide-moi à me lever.
Bercés par le requiem nuptial, Haldir et Orophin marchaient depuis les heures décroissantes ensemble, quand le benjamin se décida enfin à parler.
— N'y a-t-il aucun lieu où elle puisse se recueillir ? Pour sa mère...
Haldir savait à qui il faisait allusion. Il était presque toujours question d'elle quand ils se retrouvaient seuls. Son attachement pour la jeune femme ne lui avait pas manqué, comme à tous ceux qui les avaient aperçus de près ou de loin.
— Une tombe vide ? Crois-tu que cela l'apaiserait ?
« Non », le poète connaissait la réponse. Car jamais un quelconque orifice ne remplacerait l'être aimé, l'être perdu... Il en avait été de même avec leurs parents...
— Tu t'es bien défendu, relata Haldir. Pour une première bataille.
— Je n'en suis pas fier.
Approuvant son ressenti, un sourire entendu naquit sur ses lèvres.
— Et tu n'as pas à l'être... Surtout si tu décides de rejoindre nos rangs.
Il était naturel que son frère l'évoque. Orophin n'oubliait jamais sa position, son titre de chef des Gardiens de la Lorien. Et puis... Rúmil était aussi un protecteur, le premier à avoir prêté serment. Il serait logique qu'il en fasse de même... Pour un Elfe, il approchait après tout de l'âge de raison.
— Cela...
— Je ne t'obligerai à rien, Orophin. Si tu souhaites te consacrer à un autre devoir ou art, soit. Fais ce qui te convient.
Le benjamin n'avait justement aucune certitude de ce qu'il voulait faire. La politique le dépassait, le sang l'effrayait... Que désirait-il, au juste ?
— J'aimerai... voyager. Être gardien signifierait que je quitterai la Lothlórien que pour guerroyer ou pour affaire... Mirmel m'a souvent parlé des livres qu'elle lisait enfant... De terres inconnues, inexplorées. Je veux les découvrir à ses côtés. Si elle est d'accord...
Haldir convint que son frère était encore très jeune. Que son vœu était juvénile. Que peut-être, il avait été trop longtemps épargné, préservé de l'horreur de ce monde.
— Je te le souhaite, Orophin... Sincèrement...
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N/A
Apparition de Rúmil, qui est donc l'aîné des trois frères. Son aversion pour les Nains prédomine dès son premier échange avec Mirmel, ce qui peut le rendre assez détestable, mais surtout différent.
Les Elfes ayant une espérance de vie très longue, il ne serait pas improbable que plusieurs siècles séparent la naissance de chacun des trois frères. Une des raisons peut-être au pourquoi les rapports entre Rúmil et Orophin si distants, contrairement à Haldir, qui s'entend bien avec tout le monde finalement... 0_0
Ce chapitre est donc très centré sur cette petite famille elfique, ce qui ne fait pas de mal, puisque j'en profite pour les développer un peu. Vive les personnages secondaires ! ~(*v*)~ (Du moment que je n'oublie pas les principaux... keuf keuf.) Par contre, je ne compte plus le nombre de têtes dans cette histoire et ceux qui restent à venir... TvT
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