CHAPITRE LIX

Publié le : 10/04/2019 | Mis à jour le : 22/10/2023

Chapitre 59.

Allongée dans la clairière devenue son refuge, Mirmel releva la tête du parterre de fleurs ensoleillé. La pointe de ses oreilles se dressa vers le ciel, alerté par un bruit de feuillage que la brise fraîche ne pouvait causer.

Haldir !

La demoiselle bondit sur ses pieds, le visage illuminé par la joie inattendue de voir apparaître l'Elfe des fougères. Puis, quelques traits d'inquiétude le plissèrent en décelant l'ombre d'une souffrance physique sur celui de son visiteur.

Vous devriez vous reposer ! le réprimanda-t-elle bientôt sévèrement.

Avec l'intention clairement exprimée de le couver, elle le fit s'asseoir avec elle parmi des pages éparpillées entre les tiges, et retenues de s'envoler par le poids de plusieurs spécimens des plantes environnantes fraîchement cueillies. Haldir scruta ces dernières avec un intérêt curieux pour les activités solitaires de l'Orge d'Aulë.

Que faites-vous ?

Tenez, se contenta-t-elle de lui répondre avec un grand sourire.

Il tourna une à une ébauche dont il comprit être celle d'un recueil. Le titre lui donna raison.

« Géographie botanique de la Lothlórien » ? Vous en êtes l'auteur ?

Qui d'autre ? Bien qu'il soit loin d'être achevé...

La fine écriture sindarine était plaisante à lire. Le tracé de chacun des croquis, des lignes fluides et assurées aux boucles souples, évanouissait tout doute sur la qualité indéniable à laquelle les travaux manuscrits aspiraient.

Vous avez aussi appris la cartographie ? s'étonna-t-il en découvrant un quadrillage annoté.

Mon garde de prison pour soixante-sept ans a jugé bon que je diversifie mes savoirs. Et puis... une carte peut prouver son utilité au cours d'un voyage.

Le coin des lèvres d'Haldir s'étira en marque d'approbation.

Je comprends maintenant d'où vous tenez votre esprit ouvert malgré votre part de méconnaissance. Mes yeux discernent là trop peu de lacunes pour un âge aussi jeune qu'est le vôtre. Compter le seigneur Legolas parmi vos relations d'enfant a su vous fournir très tôt l'accès à une bonne éducation.

L'Elfe détacha aussitôt son attention de la page. Sa langue déliée avait commis l'outrage à un cœur ficelé de douloureuses cicatrices. Le corps de la rousse s'était raidi, le sourire figé, en entendant le nom qu'elle ne s'autorisait à prononcer que lorsque la souffrance devenait trop grande. Son esprit évadé jouait avec ses ongles, tandis que ses yeux voguaient sur les eaux tortueuses de ses sombres pensées. La main d'Haldir l'en tira.

Encouragée par une habitude récente et incertaine, elle vint envelopper sa nuque. Son front se colla doucement à celui de la jeune femme qui hoqueta la peine réprimée. L'homme chuchota alors d'une voix suave et compatissante, avec la même bienveillance exprimée depuis sa première rencontre avec la déconcertante fillette. Une semi-Elfe dont l'histoire était déjà un si long rouleau orné d'instants heureux, insouciants, mais également taché de malheurs et de pertes... Il priait avec ferveur que la fin qui restait encore à écrire, et qui serait contée, soit plus doux que le miel.

Quand ces momentsvous prétendez aller bien finiront-ils ? Quand partagerez-vous ouvertement vos préoccupations ? Je sais... que vous n'avez jamais retiré votre confiance placée en nous. Je suis seulement attristé de ne pouvoir...

Vous en avez déjà assez fait, le coupa Mirmel en le gratifiant de son sourire ravivé. Vous supportez mon horrible caractère, c'est bien assez...

L'Elfe la libéra de cette proximité qui n'était nullement étouffante, bien au contraire. L'affection réciproque qui n'avait pour origine ni les liens du sang ni l'attrait présent entre deux amants pouvait-elle être définie aussi simplement qu'avec le terme d'« amitié » ? En pinçant des lèvres, la jeune femme arriva à la conclusion que n'importe quelle relation, quelle qu'en soit la nature, était comme un gâteau aux noix. C'était la complexité de sa recette qui procurait sa divine saveur.

Dites-moi ce qui vous amène, quémanda-t-elle curieuse. Même venant de vous, cela m'étonnerait fortement que vous enduriez tant de peine pour seulement vous enquérir de ma santé. Bien que ces rendez-vous ne me dérangent guère.

Dame Galadriel souhaite s'entretenir avec vous.

Malgré tout le respect qu'elle éprouvait envers l'Elfe noldo, Mirmel grimaça.

La dernière fois que la Dame m'a convié à un quelconque événement, je me suis retrouvée saucissonnée entre votre frère aîné fort aimable et un Roi qui veut très certainement, à l'heure actuelle, m'enfumer après m'avoir faite hachée et assaisonnée à sa convenance. À choisir... je trouve cela justifié de rester ici.

Vous n'avez plus à vous inquiéter pour le deuxième point énoncé. Le fils d'Oropher n'est plus parmi nous.

Une nouvelle qui ne manqua pas de réjouir la demoiselle.

Quand nous a-t-il quittés ?

Ce matin même, après avoir conclu un accord avec Celeborn. Et à quiconque vous le demanderez, cette personne vous répondra qu'il était de forte mauvaise humeur. Certainement qu'il gardera longtemps un goût amer en bouche de votre absence de discipline impunie.

Mirmel montra les dents, très amusée par l'image qui naquit dans sa tête.

Si ce n'est que cela, ce n'est pas bien méchant, convint-elle. Il s'en remettra. Mais revenons-en à vous... Comment va votre blessure ? Assez pour gambader dehors à priori. Orophin dit qu'elle ressemble et je cite à une « grande nervure de feuille déchirée et peinte avec le pied ».

Laissant planer le mystère, le Galadhrim sortit d'un pan de sa tunique un objet. C'était le petit pot de terre au couvercle d'argile qu'elle lui avait généreusement offert. Une dette dont il devait encore s'acquitter.

Vous êtes maline, mais certainement pas un charlatan. Les services que je vous rends sont bien dérisoires à côté de ce que pourraient vous rapporter vos remèdes.

La poitrine de la semi-Elfe se gonfla de fierté en entendant le compliment. Reconnaissante et flattée, elle accepta en riant la nouvelle commande.



De retour dans la maison familiale, Haldir était attendu. Rúmil demeurait debout dans l'ombre, sa large épaule appuyée contre le bois ivoire du pilier central.

Je dois être aveugle pour ne pas parvenir à déceler l'origine de l'attention de mes frères à chez cette débouchée naine.

Il était rare que Haldir, connu comme étant le plus sage des trois, fasse preuve de sévérité. Le cadet ne les comprenait que trop bien pour avoir vu en bon observateur le temps les façonner en ce qu'ils étaient aujourd'hui. Si le benjamin introverti s'était dirigé vers une voie de contemplation pour atténuer ses troubles, l'aîné avait emprunté celle de la chasse et méprisait les autres peuples. Il répugnait leur faiblesse, un écho trop semblable à ses regrets. Mais la mort de leurs parents n'excusait pas son comportement.

Surveille ton langage, Rúmil, grinça des dents Haldir en ôtant sa tunique. Cette enfant n'est pas comme tu te l'imagines. Et ses origines importent peu. Elle est des nôtres, à présent.

Sa remarque lui passa dessus telle l'eau d'un ruisseau s'écoulant sans discontinuité entre les roches. Le balafré le transperça de ses yeux d'aigle, et sonda le dos déchiré d'une plaie à peine cicatrisée. Il désapprouvait l'intérêt général pour cette étrangère. Après des siècles, il avait suffi qu'elle arrive pour son frère se retrouve dans cet état lamentable. Une coïncidence ? Il n'y croyait pas. Il en avait eu la preuve au dîner, cette bâtarde naine amenait le désordre avec elle. Si ce n'était pas pour leur débarrasser de cette nuisance, comment justifier son retour soudain ?

Je ne sais pas ce que tu manigances avec la Dame, mon frère. Mais pour que je sois si expressément rappelé, j'espère que la raison est à la hauteur.

Le chef des protecteurs de la Lórien se terra dans le silence et l'aîné quitta d'un pas coléreux les lieux. L'heure attendue sonnerait cette nuit, au cours de laquelle la jeune femme scellerait le sort de bien plus d'une vie, si ce n'était, celui de tous.


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N/A

On se penche un peu plus sur cette famille fracturée. La fratrie et chacun des frères continueront à être développés à l'avenir. Il faut avouer que leurs liens avec notre petite Elfe naine vont encore évoluer. <( ̄︶ ̄)>

Plus que 3 chapitres (sans compter l'épilogue) avant la fin du premier acte ! *v* Comment imaginez-vous la conclusion de ce LIVRE III ? Dites-moi, je veux savoir !

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