L'épilogue d'une vie.

 -Empêche-le de t'oublier...

Ce furent les derniers mots de ma mère avant qu'elle ne succombe à l'hémorragie causée par le trou béant dans son abdomen. Je n'avais que neuf ans lorsqu'elle fut tuée par le Guardian Times, le dieu du temps de notre monde. Elle avait profité du combat dans lequel s'était engagé mon père contre ce dernier pour me les dire. J'ai eu mes treize années d'existences de célébrer dans ce monde détruit et ravagé par la guerre vieille de quinze ans, mais je ne comprends toujours pas pourquoi elle m'a dit ces mots vide de sens à mes yeux. Il ne m'a pas oublier, mon père m'a vu en larmes sur le corps inerte de sa femme et m'a consolé et protégé pendant ces quatre dernières années. Il m'a même appris à maîtriser plusieurs augmentations magiques afin que je puisse survivre également à la prochaine attaque de Thomas Mai, l'ennemi. L'augmentation des humains, des dragons, pour finir avec celle des vampires mais il n'a eu de cesse de me répéter que j'en maîtriserai deux autres si je le souhaitais. La divine et la hybride.

-Je pourrais t'apprendre l'augmentation hybride si je pouvais la faire supporter à mon corps.

Il m'avait expliqué que c'était parce qu'il n'était qu'un simple fils de dragon et de vampire qu'il ne pouvait pas la supporter, que j'avais eu la chance de naître d'une mère qui possédait les pouvoirs divins de la famille Lilly. C'était une famille royale de l'ancien régime monarchique d'après lui, un royaume remontant à plusieurs millénaires. Il m'a toujours raconté leurs jours heureux à lui, ma mère, et d'autres mages désormais morts, une époque où leur ennemi était un mage au titre ultime.

-Utenuge avait beau être le mage ultime, il était bien plus sympathique que Thomas. Contrairement à ce monstre, Utenuge discutait, voyageait, et n'avait jamais attaqué en traître, même pendant les quatre millénaires de voyage qu'on a eu Wenni, Chyu's et moi.

Pendant notre quatre années de paix relative, bien plus que mon entraînement, des événements se sont soudainement produits. Une espèce disparue réapparu dans les ruines de la capitale, les Alshats. D'après mon père, c'est une espèce anti-magie et c'est une mauvaise chose. Peu de temps après, de nombreuses terres disparurent sous la mer et rejoignaient la nuit éternelle sans que jamais le soleil ne perce l'atmosphère de celles-ci. C'est aujourd'hui que l'événement étrange perturba le plus mon père, il avait, et moi également, ressenti une forte activité temporelle au nord du pays, à Meïru ma ville natale. Peu après que l'activité temporelle disparut, une aura divine parcouru l'entièreté d'Alshati et fit frémir jusqu'au moindre être encore vivant les entrailles. La force divine disparut en l'espace d'un simple battement de cils et une chose dans la poche de papa brilla fortement. Il n'avait pas l'air de comprendre ce qu'il se passait, il répétait continuellement négativement, que ce n'était pas possible. Il avait sorti une carte de jeu, d'après moi, où était représentée une fille adolescente ressemblant beaucoup à maman, c'était l'objet qui alertait mon père de quelque chose de visiblement terrible.

-Kirié. On se rend tout de suite à Meïru.

-Mais... Et l'aura ? C'était peut être le dieu.

-Non, ça n'était pas la sienne. C'était bien trop puissant pour être la sienne, et étrangement ma carte de pactio a réagi comme si quelqu'un l'utilisait. L'aura temporelle qui a précédé cette vague divine m'inquiète vraiment.

La raison de son inquiétude ne me fut pas donné malgré les questions que je lui posa juste après. Je pouvais lui voir une nouvelle lueur dans ses yeux marrons perçants, elle ressemblait à de la joie et de la haine en même temps. Il n'y a pas vraiment de mots pour la décrire. Nous n'avons pas eu le temps d'atteindre ma ville natale puisqu'il m'arrêta bien quelques kilomètres avant, la nature de l'aura divine d'auparavant venait de devenir celle d'un simple humain et se rapprochait de nous à grande vitesse, seules quelques secondes nous séparaient.

-C'est pas vrai ! Elle peut ressentir nos puissances malgré notre absence d'augmentation. avait juré mon père.

Sa carte brillait toujours dans sa main et nous empêchaient de nous cacher parmi les buissons ou les arbres de la forêt. L'aura se retrouva devant nous et disparut presque instantanément, nous révélant un propriétaire déconcertant. Une jeune fille adolescente mais bien plus vieille que moi, blonde avec des cheveux ondulés très légèrement comme les striures d'une planche de bois. Les yeux bleus comme le ciel dégagé et chaud d'un été sans pluie. La personne ne semblait pas venir de notre époque, une tenue décontractée, robe blanche avec quelques volants sur les ourlets, des sandales plates avec une attache de fleurs et enfin des nœuds faits de bandes de tissus rouges vifs rattachés dans ses cheveux à peine au-dessus de ses oreilles presque invisibles. Je remarquais vite que mon père se retenait de vomir ou quelque chose du genre, les larmes commençant à lui monter aux yeux qui brillaient désormais d'un éclat variable et mouillé.

-Kirié !?

-Ou...oui...

-Je le disais bien que j'avais ressenti ta puissance.

Son regard se posa sur mon bras gauche et elle s'approcha soudainement de moi, faisant réagir mon père qui reprit très vite ses esprits et menaça l'arrivante d'une lame d'aether bleue. Elle créa elle-même une lame d'aether de même couleur et brisa celle de mon père avant de toucher la peau de mon bras gauche délicatement tout en remontant jusqu'à la marque rouge représentant la guilde à laquelle avait appartenu mon père. Je pouvais dès lors sentir une odeur parfumée de cannelle et d'iris en fleur émaner de sa chevelure, mais aussi la peau de ses doigts extrêmement douce comparée aux nôtres baignées dans la poussière depuis des années.

-Tu ne te l'es pas encore fait donc c'est après... À

qui est la seconde puissance ?

Elle posa son regard sur mon père qui restait figé devant la vitesse de réaction et la puissance qu'elle venait de faire preuve. Ses yeux semblèrent s'illuminer en l'apercevant et elle s'approcha de lui et le serra dans ses bras sans qu'il ne puisse faire un mouvement de recul.

-Même dans ce monde, tu ne changes pas. dit-elle.

Mon père la repousse presque violemment mais elle ne sembla pas avoir subi de choc puisqu'elle ne recula que d'elle même.

-J'imagine que Chyu's et les autres sont déjà tous morts à cette époque... On est en combien à ce sujet ?

La manière dont elle a parlé des personnes qui doivent être décédés et qu'elle connaît me perturbe et le fait qu'elle ne connaisse pas la date également, mais moins.

-En x1001.

Je lui réponds avec automatisme mais je me demande quand même pourquoi cette question.

-x1001 ? Ça veut dire que t'es née en x988 ? Dren va avoir trouver quelqu'un d'ici là ? Vraiment ? Si seulement je pouvais avoir le courage...

Une aura apparut non loin de nous et un fort vent se leva. Deux sons s'entendirent dans le dos de l'adolescente, comme deux pas qui se posaient sur le sol.

-Comment es-tu arrivée dans mon monde ? Est-ce Claïri qui t'envoie ?

C'était Thomas Mai, arborant toujours la même longue tunique bleue à manche courte, ses cheveux ébouriffés d'un châtain parfait et ses yeux d'un vert émeraude.

-Tiens. Je te reconnais toi. Un jour, je t'ai vu faire un concours de beuverie avec Chyu's. Elle en avait apparemment déjà fait d'autres auparavant par ailleurs...

La remarque surprit à la fois le dieu, mon père et moi-même. Lui et moi ne nous attendions pas à une remarque aussi banale et dite sur un ton aussi amical tandis que dieu ne devait pas s'attendre à une telle réponse à sa demande.

-Eurmh... Ça devait être le moi de ton monde ça... Visiblement tu n'as pas été envoyée ici pour quoi que ce soit. Je pourrais très bien de tuer ici mais je préférerais voir à nouveau la tristesse et la peur dans son regard avant que je ne te tue. Je vais juste te ramener dans ton monde, dis-moi juste la date et l'heure sinon je risquerais de me tromper...

-Le quinze juillet x986, il devait être autour de minuit.

-Je vais t'y ramener quelques minutes après comme ça, Claïri viendra pas me faire de remarque déplaisante sur mon rôle de Guardian Times.

La jeune fille fut entourée d'une aura blanche qui s'intensifia puis devint de plus en plus transparente, jusqu'à ne laisser qu'une levée de poussière s'envoler sur les lieux de son ancienne présence. Dès lorsque le nuage transparente et gris disparut, Thomas Mai se tourna vers nous avec une immense sourire aux lèvres.

-Ne pas pouvoir lui dire quoi que ce soit. N'est-ce pas frustrant ? Elle ne sait même pas qu'elle est ta propre mère, chère Kirié. Enfin ! Puisque vous êtes là, et qu'elle m'a réveillé avec son arrivée, autant reprendre notre combat Drender. Ta fille ne veut-elle pas se mesurer à moi, maintenant qu'elle peut se battre ?

Mon coeur accéléra d'un seul coup lorsqu'il prononça cette proposition. Certes je savais me battre désormais mais je ne m'étais jamais réellement battue dans des conditions à mort. Je n'avais pourtant pas d'autres choix, mon père n'avait pas eu le temps de rétorquer que Thomas venait déjà d'enfoncer son coude dans le creux de mon estomac. Je sentis une douleur déchirer mon épaule, il n'était plus en train de m'écraser le ventre mais avait formé une lame d'énergie à partir de sa main et l'avait planté en prenant la marque de la guilde comme repère. Il descendit sa lame lentement le long de mon bras, malgré la régénération vampirique, je ressentais tout de même la douleur. La lame traversait de part et d'autre mon bras, entrant par l'extérieur pour sortir et frôler mes côtes, je sentais la chaleur du sang coulant à flot le long de ma peau. Cette chaleur semblait bouillante telle du magma, s'additionnant avec la déchirure que continuait de provoquer cette lame translucide et brillante qui descendait. Je ne pouvais retenir mes larmes sous la torture constante, je pouvais voir les yeux injectés de sang de dieu et son sourire montrant ses dents dans la quasi totalité.

-Et bien ! On ne vient pas aider sa fille !? Drender ! s'exclama-t-il, retirant d'un coup sec et franc la lame hors de mon bras, ayant atteint mon poignet.

Je m'écroulais par terre et me tenait le bras sans pouvoir ouvrir la bouche pour éviter de donner le plaisir de m'entendre crier à cet être inhumain. Le filme trouble qu'avaient déposé les larmes qui me noyait les yeux m'empêchait de pouvoir distinguer la silhouette de mon père et celle de Thomas Mai. Pourtant je pouvais ressentir la puissance de papa augmenter de manière exponentielle et d'énormes bourrasques de vent venaient me fouetter le visage, asséchant mes yeux plus rapidement et me permettant de mieux voir ce qu'il se passait. Les arbres autour de nous commençaient à se déraciner, certains tombaient lourdement sur le sol et s'envolaient au loin derrière les collines et roches, des éclairs tombaient par endroit sans que la pluie n'intervienne dans l'orage qui venait de nous surprendre. Les cheveux de mon père changeaient constamment de couleur, variant entre leur couleur naturelle et du blond or, ses yeux étaient, quant à eux, devenus totalement vides. Des filaments d'aura dorée et argentée survenaient autour de lui et disparaissait avant d'atteindre les cumulus presque noirs. Il disparut l'espace d'un instant sans que je ne puisse suivre ses mouvements, il me prit dans ses bras et me déposa contre un semblant de petite montagne située à quelques dizaines de mètres de notre ancienne position. Il me tendit un objet brillant, un pendentif sur une chaîne en argent rouillé par endroit, il représentait un W et un D qui s'entrecroisait.

-Lorsqu'il se mettra à briller, sers-le et dit cette phrase. « Je veux les revoir, à une période importante de leur vie. » Si tout se passe bien, tu seras envoyée dans le passé et tu pourras nous revoir, ta mère et moi.

-Qu'est-c... rgh... tu vas faire ? Pap...a... parvint-je à dire, la douleur commençant à perdre en intensité avec la régénération cellulaire accrue des vampires.

-Excuse-moi... Même si elle t'a dit de m'empêcher de t'oublier, oui j'avais entendu ce jour-là, je vais devoir te dire au revoir pour peut être toujours.

Il me regardait de ces yeux qui avait récupéré leurs pupilles, désormais devenues or. Il se leva et fit face à dieu qui arborait toujours le même sourire allant jusqu'aux oreilles, sa lame d'aether de formée et prête à attaquer. Le pendentif brilla seulement quelques secondes après qu'il ne se soit retourné face à Thomas Mai, je prononçais la phrase et avant que je ne l'achève, je lançais un dernier regard à mon père. Il me tournait le dos, Thomas Mai venait de lui foncer dessus et la lame transperça pour ressortir dans le dos, le corps de papa. Je pu seulement le voir riposter avant de devoir fermer les yeux de force et de me réveiller dans un petit bosquet, d'où une forte odeur de sapin émanait. Mon bras avait totalement cicatrisé et y laissait une horrible marque, en me levant, je regardais autour de moi, seule une tombe changeait d'une simple forêt. J'entendais des voix approcher de ma position, le bruit de bris d'une brindille m'incitant à aller me cacher parmi les sapins. Deux personnes arrivèrent sur mon ancien emplacement, l'une d'elle était mon père, mais il semblait bien plus jeune ou alors moins épuisé. L'autre était la fille qui était apparut puis avait disparut sous l'effet d'un sort de dieu.

-Pourquoi voulais-tu la voir ? demanda mon père à la fille.

-Ça fait déjà deux ans que je suis revenue et je n'ai toujours pas vu la tombe que vous m'aviez faite à cause de cet accident. Tiens, j'aurais du venir plus tôt visiblement.

-Pourquoi ça ?

-Tu avais mis également mon véritable nom de famille.

J'attendis qu'ils ne s'en aillent, ayant trop peur de parler à mon père alors qu'il ne semblait pas me connaître à cette époque. Lorsqu'ils furent partis, je retourna voir la roche sculptée afin de voir l'identité de cette fille qui semblait très familière avec papa. Le nom me figea, il s'agissait du nom exact de ma mère. Je venais de voir mes deux parents ensemble coulants des jours heureux, et il avait fallu combattre à nouveau ce monstre de dieu et devoir dire adieu à mon père pour cela. Pourquoi la vie était-elle si injuste avec ma famille ? Je m'endormis jusqu'à entendre une explosion tard dans la soirée, une explosion provenant de l'endroit même où mon père avait parlé d'un conseil de la magie qui gérait autrefois toutes les guildes. Et ce fut là que débuta la seconde Grande Guerre, la dernière des guerres avant ma naissance, et également la guerre qui allait me servir de tombeau.

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