Mirage

TW : beuh & joints, désir, sexe graphique (court), consentement non certain, pensées suicidaires, dissociation, alcool, nourriture, pulsions violentes, rupture, dépression

Je sais plus trop ce qui est arrivé à moi avant que vous me trouviez recroquevillée dans une cage d'escalier, capuche de mon hoodie puant la délicieuse beuh couvrant mes yeux creux, à part les joints, et un visage en sourire fracturé de pleurs.

Je sais pas la fin, mais au moins le début, quand tout était clair. Vous me secouez et non je dors pas, je vogue. Pas envie de répondre à vos questions en plus j'vous connais pas.

Alors, ça a commencé comme souvent, avec un trait d'eye-liner, la virgule qui étend mon regard et l'ourle. La vapeur de la douche flotte encore sur le miroir essuyé à l'arrache avec la main, une serviette pour les veuch, ça coule quand même dans le dos, griffures.

Ensuite le carrefour du coin, vite-fait déjà trop en retard faudrait pas abuser non plus, et pouf, le pack de bières et la vodka et le regard de la vendeuse aussi jeune que moi qui dit « ah moi aussi j'aimerais être là et me bourrer la gueule jusqu'à demain mais la thune et les études alors bon il faut bien survivre quoi ». Bon, je bip ma carte d'un geste de jedi et voilà, 30 balles de moins sur mon compte anémique hein mais bon faut bien vivre.

Après, c'est facile à reconstituer : métro bouillant de bruit et l'angoisse qui s'accroche comme un mec totalement déglingué à moi. Ça va aller, on arrive vite. Dehors, l'air est presque glacial, je respire enfin. La marche avec google maps dans les rues du pif. Je sonne au nom indiqué, direct ça ouvre et je monte les 5 étages sans ascenseur et regrette de fumer quand le souffle refuse d'entrer dans ma poitrine.

À peine j'entre et c'est la chaleur humaine qui me saute au visage, avec la pizza du four et déjà l'acide joint qui doit balader de bouches en bouches. Passage au frigo et tour de bise. Un coin de canapé pour le cul à bibi et enfin la discut'. Check vite-fait l'heure, ma meuf doit pas tarder.

Ah mais ouaiiis ma meuf, bien sûr. C'est elle le visage trop proche, forcément. Oui oui, vous pouvez appeler les flics, je bougerai plus tard, quand j'aurai plus vos têtes de cons à croiser, laissez-moi tranquille deux minutes encore, j'ai le cœur en miettes.

Donc je sais plus trop, mais en gros voilà : j'en étais déjà plus à ma première bière quand elle a débarqué avec des chips et surtout un brownie (c'est pour ce genre de trucs que je l'aime), direct au four je suppose. Elle salue l'assemblée mais en vrai on sent qu'elle veut juste me dire bonjour. Je sens aussi son envie de me coller au canapé ses jambes autour de mes cuisses, de retirer ma clope et de m'embrasser jusqu'à plus d'air. Mais à la place, elle dégage diplomatiquement mon voisin pour se caler à mes côtés, direct doigts noués et elle dépose un bisou sur le coin de mes lèvres et j'ai envie de la baiser, mais ce sera pour plus tard.

Voilà, l'idée plantée. Quelle idée d'avoir une libido, aussi. Donc ça parle, ça rit, je finis sûrement sur le balcon, loin de la sono à échanger des mots et un joint avec d'autres gens. Ma meuf pas trop loin qui me tient le bras, un truc du genre. Je tire et ça m'apaise et la sono me fait moins chier, se dilue avec les moteurs et les rires.

Bon après ça, ya un lit, mais pas le liant. Vous discutez, hésitez à me dégager de force. C'pas comme si j'avais la force de vous arrêter, justement, ou même l'envie d'abord. Les gens sont pas patients, ça me saoule si ça continue, je vais vous foutre un coup de boule (et un coup aux boules pour toi, le gars à l'haleine de bourgeois).

Du coup, ma meuf a dû me dire un truc genre « olala je suis fatiguée, viens on va se poser deux minutes », j'ai fait « oui oui bien sûr comme tu veux » comme à chaque fois que je l'écoute moyen parce que dehors les lumières scintillent trop fort pour regarder autre chose, et que j'imagine la vie des gens aux fenêtres et espère qu'un•e exhib' passe discrètos me récompenser. Donc, elle me tire le bras, je fais « kwa ? » « tu viens ? » « ah oui déso, maintenant ah j'avais pas compris » elle fait semblant peut-être de pas se fâcher pour que je décolle mes boubz de la rambarde qui m'appelle si fort.

On finit dans un lieu très lointain allongées sur un lit (enfin elle sur moi) à gémir parce que mes doigts en elle sûrement, ou un bail du même genre et moi j'ai peur qu'un type débarque mais comme à chaque fois, elle sait saisir le moment où tout le monde s'enjaille trop pour bouger et m'entraîne dans ce creux pour combler le sien. Ça pantèle de ouf pendant un moment, jusqu'à celle qu'elle s'étouffe dans un oreiller et puis s'affale à mes côtés. J'ai les yeux toujours vagues et elle me serre fort la main à me caresser les os.

Vous parlez de plus en plus fort, ça parle trop fort, je vais - mais en fait j'ai la flemme faites ce que vous voulez je m'en tape si fort. Et après quoi ? Oui c'est une propriété privée, mais c'est ma faute si la porte était ouverte ? C'est ma faute si j'ai voulu disparaître sur votre palier ?

Je crois elle me lèche la joue, encore joueuse, mais je suis dans ce petit coin en moi très lointain où le dehors existe si peu que je peux l'ignorer. « T'as pas envie ? » C'est là que ça se joue, dans mon regard d'inconnue. Je sais ce que je lui ai dit bordel je lui ai vraiment dit ça je « je t'aime trop, mais c'est l'angoisse je sais pas pourquoi je pense qu'il faut qu'on s'arrête avant que j'ai envie d'arrêter » « de baiser ? » « non nous »

Je pense j'étais pas prête au silence, même de ce lieu si lointain. Je crois que c'est ça qui a lancé la suite, en fait. Donc elle part et je dois entendre la porte d'entrée claquer mais j'arrive pas à en avoir quelque chose à foutre parce que je suis encore plus loin dans moi.

Plus tard, j'ai décidément trop bu et fumé donc je chiale. Les tapes dans le dos alors que je m'étouffe pas dans mon vomi mais dans mes larmes ducon. J'ai pas dû dire grand-chose, juste l'habituel « je suis une merde » « non t'inquiète, ça arrive, tu vas t'excuser et tout » sauf que je veux pas m'excuser, je veux juste crever, genre être la première goutte de pluie de ce nuage, là, tu vois ? « non mais dis pas ça, allez on rentre » franchement TG mec, TG, je te connais pas, tu me connais pas, TG !

Dehors, il fait trop froid, c'est comme si le vent me serre dans ses bras de connard. Je pleure sans doute, mais surtout renifle fort. Un type doit m'aborder, me demander si ça va, gros doigt, il hurle salope, je suis déjà si loin. Si si loin. À un moment, j'entre dans cet immeuble que je connais en fait parce que c'est le tien, carrelage vert dégueu familier, et me pose sur un paillasson un moment avant de bouger parce que mal au cul, et puis pelotonné dans mes bras, avec parfois la chasse d'eau qui dégringole ou la lumière qui m'éclate la rétine, d'où la capuche (logique), et la nuit passe.

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