Mirage

La nuit noire m'entourait et un fleuve me faisait face. Mes yeux émeraudes détaillaient avec émerveillement les lumières de la ville qui dansaient sur l'eau fuligineuse. L'air frais caressait ma silhouette tandis qu'une émotion de satisfaction ainsi que d'enchantement enfantin me prenait à la vue du paysage calme. Je voulais que ce moment durait une éternité, que plus jamais je n'aie à affronter le monde. Pendant un instant, j'y crus, mais la main chaude d'une personne se posa sur mon épaule. La pression si familière me fit sortir de mes utopies et je fixai de mes prunelles éclatantes Shikamaru. Le jeune homme de quinze ans me retourna le regard. J'y lus une intense et chaleureuse émotion. Je la reconnus immédiatement et je répondis avec un sourire en m'assoyant. Le Nara prit place à côté de moi, s'emparant de ma main pour tracer des motifs imaginaires sur ma paume. Je ne compris pas pourquoi mon torse était soudainement plus pesant, ni la boule dans mon ventre, mais je ne m'y attardai pas. Tout d'un coup, l'homme que j'aimais m'attira à lui. Je calai ma tête dans le creux de son épaule. Mon souffle chaud contre sa peau tiède le fit frissonner. Je me sentais bien dans ses bras en admirant les alentours. Malheureusement, rien n'était intemporel et sa voix claqua dans l'ambiance paisible. 

-Promets-moi que tu ne me rejoindras pas de ton gré, d'accord ?

Son ton était suppliant ce qui m'étonna. Ne sachant pas quoi faire, car cette situation m'était incompréhensible, j'acquiesçai afin de détendre son expression crispée. Il soupira de soulagement avant de poser un baiser sur mon front. L'homme ferma les yeux en laissant glisser son front sur le mien. Je l'imitai et commençai à défaire sa queue de cheval. Toujours les paupières baissées, j'entrepris de passer ma main dans le cuir chevelu du brun. J'entendis un léger gémissement de contentement. Le son était bas, mais parfaitement perceptible. Je souris alors que la boule dans mon ventre était remontée dans ma gorge. Je sentis les larmes me monter aux yeux et je restai confuse de l'émotion que j'identifiais comme de la tristesse. Je n'étais pas supposée être triste pour rien. Et pourtant... 

-J'aurais aimé pouvoir partager ta galère de vie, mais...

-De quoi, tu parles, idiot ? le coupai-je.

Il ne répondit pas, car au moment où mes lèvres s'étaient scellées, il avait disparu. Soudain, je me rappelai. Shikamaru n'avait jamais été là. Ce n'était qu'un mirage de mon esprit qui tentait vainement de faire disparaître la souffrance invivable qui m'habitait depuis sa mort. Juste à la pensée de son éternelle disparition, une douleur fulgurante brûla dans mes entrailles. Elle remonta dans ma gorge et menaça de m'étouffer. Ma bouche était ouverte sur des cris silencieux qui me meurtrissaient. Sur mes joues coulèrent des larmes qui étaient comme des coups de couteau. Une souffrance sans nom s'abattit sur moi. Mon coeur n'en pouvait plus. Pour évader à cette agonie, je voulus tomber dans l'étreinte si rassurante de l'eau noire afin de ne plus jamais revoir le paysage idyllique, mais sans le savoir, je m'étais enchaînée à cette existence. Je maudis mon inconscient pour sa promesse tandis que la réalisation de ce qu'elle impliquait me frappa. Il avait précisé de mon plein gré. Il n'y avait jamais mention de ma mort subite sur le terrain. 

-N'y pense même pas, résonna la voix d'Asuma. 

Je ne fis pas de signe envers sa personne et attendis qu'il continua. Il s'approcha en regardant l'horizon. 

-La vie est une enfoirée, mais c'est ce qu'il y a de plus précieux. 

Je ne dis rien. Ma réponse se fit lorsque je sautai dans les eaux tumultueuses. Je perçus le souffle résigné du Sarutobi. Je n'allais pas mourir, je le savais. Néanmoins, je ne me débattis pas lorsque mon corps fut balloté, ni quand ma tête heurta un rocher et que du sang se perdit dans l'immensité du fleuve. Je ne me soignai pas. J'attendis. Quoi ? Aucune idée. Tandis que l'oxygène me manquait, je vis le visage torturé de Shikamaru lors de sa demande. Je fermai les yeux pour ignorer les prunelles débordantes d'inquiétude à mon égard, mais rien n'y faisait. L'image était gravée dans ma mémoire. J'analysai les plus petits détails tandis que je me sentis basculer. Basculer dans un monde inconnu où il n'existait qu'un couloir et une porte sans retour. Mon corps fut remonté à la surface par Asuma tandis que ma santé mentale avait sombré dans les tréfonds de l'eau.

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