Natural

Paris, 1994.

Gabriel essuya la sueur de son front. La musique qui sonnait autour lui donnait de sa force. Il savait qu'elle était pour lui.

Will You hold the line, when everyone of them has given up and given In, tell me ?

Un sourire carnassier apparût sur son visage. Maintenir, tenir la ligne, ce n'était pas si dur. Dix-neuf ans et demi qu'il le faisait, qu'il s'agrippait à son art.

D'abord pour lutter contre la violence de son père, puis contre celle de ses camarades, contre le deuil de son premier amour...

Contre le stress du brevet, puis celui de son bac, même si c'était son bac, pro ST2A. Contre la déprime induite par la masse abracadabrante de travail.

Contre les premiers échecs, l'impossibilité de faire quoi que ce soit à cause du manque de soutien.

Pour se battre et s'imposer. Trouver du soutien. Même auprès de la femme de son ancien ennemi.

And you're standing on the edge face up ! Cause you're a natural! A beating heart of stone !

Oh, que oui. Maintenant, grâce au soutien d'Audrey Bourgeois, qui avait su s'imposer en rédactrice en chef d'un des plus grands magazines de mode, il était en pleine ascension.

Il regardait les montagnes qu'il avait encore à gravir en face. Mais il n'avait pas peur.

Sauf que son cœur n'était pas de pierre. Pas tout à fait. Puisqu'il était amoureux de sa petite amie à perdre la raison. Il connaissait Émilie depuis toujours, elle avait un an de moins mais ce n'était pas un problème. Depuis deux ans, ils sortaient ensemble, sous le regard mi-heureux mi-jaloux de leur meilleure amie.

We are the youth, cut until it bleeds inside the world without the peace!

La jeunesse empoisonnée qu'il portait dans son cœur, qu'Émilie portait dans son cœur, que Nathalie brandissait, qu'Audrey utilisait. Ils avaient tous été coupés au sang. Leur monde n'avait pas de paix.

Grâce à leurs blessures sanguinolentes à l'âme, ils avançaient, ils réécrivaient leur monde.

Ils se bâtissaient là.

Rather be the hunter than the prey!

Rangeant minutieusement ses crayons dans sa trousse, lissant les pages de son calepin, Gabriel laissa la musique caler le rythme de son cœur, tant elle lui parlait et l'enchantait. Il ne pensait pas trouver un jour les mots d'autres si vrais.

Cela lui donnait un merveilleux sentiment de complétude et de puissance éternelle.

Yeah, you're a natural, living your life cutthroat!

Acharnée... Quel beau mot pour décrire leurs vies et ce qu'ils étaient. Ils iraient au bout, lui irait tout au bout, jusqu'à devoir construire la terre où il serait.

Mais la musique sonnait maintenant comme avertissement. Ça ne durait pas toujours.

I'm fading, took an oath by the blood of my hand... Won't break it.

Oui, le serment d'avancer était fait sur le sang, rien de le freinerait, il se battrait sans relâche jusqu'au sommet le plus haut. Chaque étape franchie, chaque étage gravie dans la hiérarchie, à la sueur du front, au sang des mains, guidait vers le rêve de sommets plus hauts encore.

Et tant pis s'il devait tomber, une fois, deux fois, cent fois, mille fois. Il se relèverait et remonterait plus haut, même sans la jeunesse éternelle.

So cold, to make it in this world! Yeah, you're a natural, living your life cutthroat! You gotta be so cold.

S'il le fallait, il le serait. Gabriel jeta un œil à la tâche de sang sur son bureau. Il s'était piqué à son compas, le sang brillant sur le bois comme une résilience.

Seul ce sang, donné par un autre, à travers un autre, pourrait peut-être encore l'arrêter dans ses plus lointains délires, dans lequel le temps l'entraînerait, ivresse de succès et de pouvoir.

Alors que les notes résonnaient, perçantes, déchirantes et se taisant, voilà ce que Gabriel Agreste se promettait.

 ************

 623 Mots.

 Putang... Gabriel me fait peur, dans cet OS. Vraiment. 

 Bon, avec la chanson, je me doutais que ça serait dur mais je m'attendais pas à me retrouver à manier avec autant de plaisir une sorte de "préparation" de Papillombre... 

 Je l'ai écrit en une heure, il est 00h30, je ne vais pas réussir à dormir... 

 Aussi, les précisions sur le passé des personnages dans ma tête :

 => Audrey a cinq ans de plus qu'André et Gabriel. Riche, ultra-riche depuis toujours, très intéressée par la critique. Et l'argent.

 => Gabriel se faisait harceler par André en primaire. Pour plus de détails, je vous renvoie à mon OS "Doivent-elles toutes mourir ?"

 => Emilie vient d'une vieille famille de nobles complètement poussiéreuse et conservatrice. Qu'elle et Amélie détestent cordialement. (à cause du "de" dans "de Vanily...😅😇)

 => Gabby est né en 1973, Emilie et Nathalie en 1974, Audrey en 1968. 

 Bon, voilà pour l'instant. Ah, aussi : Gabriel est un enfant battu...

 Vous avez pensé quoi de l'OS, sinon ?

 Bises,

 Jeanne.

 (15/11/2021)


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