Digital

Paris, 2012.

Émilie regardait le tableau de famille qui trônait en haut de l'escalier. Ils avaient l'air si heureux sur cette image... Dans l'étrange mélodie qui résonnait, elle se demanda si c'était vrai, non feint ?

Elle voulait tout changer, soudain !

Tout casser... Était-ce possible, seulement imaginable ?

I want a new world, without the order!

Les paroles de la musique la firent sourire. Un monde nouveau et sans ordre... Voilà ce qu'elle avait toujours désiré au fond d'elle. Ç'aurait été bien.

Elle se rappelait les plans sur la comète avec sa jumelle, leurs rires, leur manie de mettre la vieille demeure ancestrale en désordre, de narguer lois et principes de la famille. Leur fugue de quelques jours, pour l'anniversaire de leurs seize ans.

Oh, tout semblait parfait de l'extérieur, personne ne connaissait les tornades de Vanily.

From the outside, everything looks right!

Le sourire de la jeune femme s'accentuât. Cette phrase reflétait tellement sa vie... Il n'y avait qu'un moment où tout allait réellement bien à ses yeux. La petite période entre le moment où elle avait pris son indépendance, à dix-huit ans, et la « naissance » d'Adrien et Félix, à vingt-sept ans.

We are the face of the future, we are, we are the digital heartbeat.

Ça, ça avait été sa période de liberté. Elle avait échappé au contrôle parental, avait vécu son rêve d'actrice, avait voyagé avec son amoureux et mari, avait planifié son monde sur ses écrans.

We just wanna change everything!

Maintenant, Gabriel avait percé. Et ils avaient leur propre manoir depuis dix ans. Elle n'appréciait pas vraiment cette grande maison qui lui rappelait la cage dorée de son enfance.

Et elle voulait tout changer. Comme dans son enfance, elle s'ingéniait à créer des bêtises, à faire n'importe quoi, à tout déranger. Elle jouait avec son fils comme avec un ami, au grand désarroi de Nathalie et Gabriel qui se disaient que, décidément, elle ne grandirait jamais. Mais l'un et l'autre étaient prêt à se damner pour qu'elle garde cette innocence, l'aimant trop ainsi.

Le rythme des batteries la secouait tandis qu'elle commençait à sourire comme une folle, se mettant à danser dans le grand hall, comme une enfant.

I wanna beat it out, the judge and the jury!

Tout envoyer valser, juste devenir enfant, rester enfant, ne pas grandir. Son grain de folie, qu'Amélie lui enviait, que Nathalie réprouvait, que Gabriel adorait.

« Maman, tu devrais grandir. »

Adrien se tenait en haut de l'escalier, regardant Émilie.

« On t'aime tous ainsi, mais c'est dangereux. Tu fais comme si ta maladie n'existait pas et tu t'épuises. Je ne veux pas que tu meures. »

From the outside, everything looks right. From the outside, from the outside...

L'adulte se figea aux mots de son fils. Il était bien sérieux pour un enfant de onze ans. Et il venait de lui rappeler qu'il n'y avait pas que son mal-être qui faisait que le bonheur des Agreste n'était que de façade.

Les malaises, les quintes de toux, les évanouissements, le sang craché. Toutes les conséquences de l'utilisation d'un bijou magique endommagé, pour créer un fils qu'elle ne pouvait avoir. Les mêmes symptômes qui agitaient Raphaël, le mari d'Amélie, qui lui avait emprunté la broche pour créer Félix.

Adrien ne savait pas l'origine de la maladie, bien sûr. Mais il savait qu'elle était là, rôdeuse et menaçante.

And they've been saying, they've been saying the same thing...

La blonde jeta un regard de reproche à son fils. Il n'allait pas s'y mettre, quand même !

« Adrien, je vais bien. Je ne vivrai pas toujours de toute façon, alors je veux profiter de chaque instant qui m'est donné. »

Le garçon secoua la tête. Ça lui brisait le cœur de devoir casser la joie de sa mère et meilleure amie, mais elle ne prenait manifestement pas conscience du désarroi dans lequel elle plongerait le manoir. Sa mort serait un cataclysme, il n'y avait aucun doute.

Alors, elle devait faire attention.

« Maman, je sais. Mais... Papa a besoin que tu restes avec nous. Et Nathalie aussi. Et moi, j'ai besoin d'avoir quelqu'un qui me comprenne, et tu es la seule à le faire. »

We are, we are the face of the future...

Émilie monta l'escalier, s'agenouilla et serra son fils dans ses bras. Il ne devait pas avoir peur. Elle était sûre qu'ils sauraient tous apprendre à vivre heureux sans elle. Il devait avoir confiance, avant tout, et ne pas laisser l'angoisse le saisir et le secouer ainsi.

Adrien hocha la tête alors que la musique diminuait. Il acceptait d'essayer de ne pas trop s'inquiéter, mais en échange elle devait promettre d'être raisonnable.

Émilie déposa un baiser sur le front de son enfant, lui en faisant la promesse dans la musique qui s'éteignait.

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 782 Mots.

 L'OS d'Emilie, c'est fait. Je suis désolée, je n'arrive pas à la voir comme une adulte dans sa tête. Je n'y arrive juste pas.

 A chaque fois que je la prends elle est comme ça...

 Mais j'ai tellement aimé l'écrire, celui-là !! C'est génial de créer un passé, une histoire, des sentiments... A un personnage qui n'en a juste pas. On sait qu'elle était proche d'Adrien, puis après que dalle. En même temps, elle est morte...

 Ca vous a plu ? Dites-moi vos avis, les quelques fantômes qui permettent à ce livre d'être #1 "Imagine Dragons" depuis une semaine !! 

 Bises,

 Jeanne.

 (Le 19/11/2021)

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