Samedi Neuf
On était samedi. Et samedi, c'était une journée libre pour les élèves du collège Françoise Dupont. Il était donc parfaitement logique que Marinette se lève avant le soleil. Après un rapide petit déjeuner et une douche tout aussi rapide, elle s'était mise aussitôt au travail. C'est ainsi qu'elle était à présent affairée entre son mannequin, sa machine à coudre et deux chaises qu'elle avait posées côte à côte afin d'entasser dessus des piles de tissus de différentes couleurs.
La soie, le coton et la dentelle dansaient sous ses mains, passaient entre les ciseaux, tournaient autour du mannequin, se liaient sur la machine à coudre, dans un gracieux ballet admiré et commenté par Tikki, son kwami, confortablement installée sur son bureau.
Et c'est alors que lorsque midi sonna et que sa mère l'appela pour manger, Marinette Dupain-Cheng eut la désagréable impression qu'elle n'avait rien fait, alors que n'importe qui, à commencer par Tikki, lui aurait assuré le contraire.
Elle descendit donc les escaliers et arriva dans la cuisine, où ses parents l'attendaient.
Le repas se déroula sans encombre, même si Sabine Cheng, sa mère, dut lui rappeler qu'elle n'avait toujours pas de nombre d'invités officiel. La jeune fille devait penser à transmettre les informations si elle ne voulait pas que la fête se déroule à jeun. Sans doute très bon pour la santé de tout le monde, mais probablement très peu apprécié par l'ensemble des convives.
Marinette assura donc à ses parents que l'information serait officielle et finale le lendemain au plus tard, ce qui leur permettrait de se mettre au travail dès le surlendemain lundi, quand ils en auraient l'occasion.
Aussitôt le repas terminé, la jeune brunette remonta dans sa chambre, et reprit son travail laissé en plan moins d'une heure plus tôt.
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Chez Adrien, le début de journée ne s'était pas tout à fait déroulé de la même façon. Il savait qu'il avait un shooting photo le lendemain, et qu'il ne pourrait donc pas faire la grasse matinée. Il avait par conséquent choisi de la faire le samedi, et c'est après onze heures que le jeune homme émergea enfin de sous ses couvertures.
Après avoir pris une longue douche qui lui permit de se réveiller complètement et d'évacuer la sensation de transpiration de la nuit, Adrien s'installa à son ordinateur pour vérifier ses mails, checkant par la même occasion son téléphone portable. Rien de nouveau sous le soleil, sauf... Tiens. Un SMS de Kagami. Probablement sa réponse à son propre message de la veille.
« Bonjour Adrien.
Je suis désolée de ne pas avoir pu répondre plus tôt à ton message, il fallait que j'en discute avec ma mère auparavant. Nous avons jugé d'un commun accord que cette idée était sympathique, et nous permettrait également de faire plus ample connaissance avec les gens que nous allions être amenées à fréquenter à présent. Nous serions donc ravies de participer à votre fête de Noël, si l'invitation tient toujours pour ma mère et moi, et nous te remercions toutes les deux chaleureusement.
Tu peux bien évidemment compter sur moi si vous avez le moindre besoin d'aide, quelles qu'en soient les raisons.
Ceci dit, toi qui connais mieux la ville que moi, je voulais savoir si tu possédais l'adresse d'un endroit parfait pour trouver une tenue décente à me mettre pour cette occasion.
Merci encore pour cette invitation,
Tsurugi Kagami. »
Adrien sourit. Il savait qu'il n'en avait parlé à personne, mais il doutait que quelqu'un d'Alya, Nino ou Marinette s'oppose à la présence de Kagami. Il rédigea donc sa réponse, expliquant qu'il avait bien reçu l'information et lui assurant que oui, il connaissait quelques adresses.
Il lui en lista quelques-unes, mais décida auparavant de lui proposer un vêtement sur-mesure et une styliste personnelle. Le jeune homme était très au fait du talent de Marinette pour avoir déjà porté plusieurs de ses créations, et n'avait aucun doute sur les capacités de son amie à trouver une magnifique tenue pour la jeune Japonaise. Il transmit donc le numéro de téléphone de la jeune styliste, lui assurant que si quelqu'un était capable de merveilles, c'était elle.
La réponse ne se fit pas attendre. Kagami certifiait avec plaisir qu'elle demanderait à Marinette si celle-ci était d'accord pour l'aider, et le remercia une nouvelle fois pour son invitation et ses conseils.
C'est sur cette réponse que Nathalie vint toquer à sa porte, le prévenant que le repas était servi. Il sortit donc de sa chambre afin de profiter de la cuisine du chef étoilé de la maison.
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Marinette, toujours affairée avec son tissu qui commençait à prendre forme, avait totalement oublié la demande de sa mère. Heureusement pour elle, son portable lui rappela quand elle reçut un message d'un numéro inconnu.
Signé « Tsurugi Kagami », ledit message expliquait que, sur l'invitation d'Adrien, sa mère et elle participeraient à leur fête prévue pour le 24 décembre. Elle lui demandait également si elle était capable, comme l'avait assuré Adrien, de lui concevoir une tenue qu'elle pourrait porter pour l'occasion.
La jeune fille, qui avait lu le message à voix haute, put ainsi faire remarquer à son kwami qu'Adrien avait invité Kagami de son propre chef, ce qui était une preuve évidente qu'il s'intéressait à elle. Il était inutile de parler à Adrien à présent. La petite créature rouge s'empressa de lui rappeler son engagement de la veille. Elle l'avait dit, elle devait s'y tenir !
Marinette soupira, mais ne répondit rien. À la place, elle répondit au message. Elle assura à Kagami qu'elle acceptait avec plaisir de lui concevoir une tenue, et demanda si les deux jeunes filles pouvaient se rejoindre devant la boutique de tissu qu'affectionnait Marinette pour voir ensemble quel vêtement elle allait créer. Elle lui précisa l'adresse, et mit en pause son travail.
Après avoir reçu une réponse positive, Marinette enfila donc son manteau, prit son écharpe pour se protéger du vent et après un rapide passage dans le salon afin de prévenir ses parents de son absence, elle sortit.
Le vent soufflait, et le ciel gris semblait menaçant. Néanmoins, ni neige ni pluie ne troublèrent la jeune fille sur le chemin.
Les deux jeunes filles se retrouvèrent donc à l'adresse indiquée. Après les salutations d'usage, elles entrèrent dans la boutique, tant pour se mettre au chaud de la froideur hivernale que pour choisir ensemble quelle tenue elles allaient préparer, et donc de quels tissus elles avaient besoin.
Kagami exposa les faits. Dans l'idéal, elle aurait souhaité un kimono furisode, en satin fait à partir de soie, le tout dans des tons rouges, avec au moins un kamon – l'emblème de sa famille – dans le dos.
Marinette l'écoutait attentivement en prenant quelques notes dans son carnet. La jeune fille avait une demande précise, et c'était à la fois un avantage et un inconvénient. En effet, en tant que styliste, elle n'aura pas à se casser la tête, mais ne pourra laisser que peu de liberté à son imagination, alors qu'en tant que couturière, elle n'aura pas à réfléchir mais devra probablement apprendre de nouvelles techniques. Ce qui en général n'était pas un mal, mais ne devait pas trop la ralentir dans l'ensemble des nombreuses tâches qu'elle devait effectuer.
De son côté, connaissant la précision et la quantité de travail demandé, la jeune japonaise assurait qu'elle pouvait sans mal s'occuper de la teinture du tissu, laissant à Marinette toute la partie couture de l'ouvrage. Elle assura également sans discussion possible que l'intégralité des coûts du vêtement serait à sa charge.
Une chance pour les deux jeunes filles, le magasin était extrêmement bien fourni en tissus. On y trouvait toutes les matières, tous les tissages et toutes les couleurs. À un prix assez abordable pour la qualité, si on ne prévoyait pas bien sûr de vêtir tout Paris.
Kagami tomba donc sur le tissu parfait, en satin – à base de soie, bien sûr, pas de synthétique – d'un rouge soutenu, presque bordeaux. Elle en acheta une quantité suffisante, autrement dit plusieurs mètres, puis les deux jeunes filles sortirent de la boutique.
Son paquet sous le bras, la Japonaise proposa à sa camarade Franco-Chinoise de l'accompagner chez elle, afin de voir, si elle était intéressée, les techniques de teintures utilisées pour les kimonos.
Marinette envoya donc un message à ses parents pour les prévenir qu'elles ne rentreraient qu'en début de soirée, pour dîner, et suivit Kagami qui traversait la rue.
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Vue de l'extérieur, la demeure des Tsurugi ne payait pas de mine. En revanche, dès que Marinette entra, elle fut assaillie par un flot de sensations. Beaucoup plus spacieuse qu'elle n'y paraissait, la maison possédait de nombreuses pièces, chacune étant mise en valeur par une luminosité savamment étudiée. Une délicate odeur d'agrume que la jeune fille n'arrivait pas à identifier lui chatouillait agréablement les narines, et une douce mélodie jouée sur une harpe parvenait à ses oreilles.
Instantanément, Marinette se détendit. Il régnait dans cette maison une paix telle que le stress de la jeune fille fut aussitôt refoulé. Elle oublia Adrien, oublia la quantité de choses qu'elle devait préparer, oublia tout et se laissa transporter.
— Ce que tu sens, c'est du yuzu. Un agrume très utilisé au Japon, dans des domaines très variés. Ce que tu entends, c'est ma mère qui joue du koto, souvent appelé « harpe japonaise » en France. Suis-moi, je vais te la présenter.
Elle suivit son guide, à travers la maison et, après une courte volée de marche, un couloir et deux portes, Kagami toqua doucement à l'une d'elles, puis entra.
— Bonsoir, mère, s'adressa cette dernière à la femme assise derrière son instrument au milieu de la pièce.
Femme entre deux âges, Mme Tsurugi portait un kimono brun, sur lequel des fleurs, partant de la base et montant jusqu'à sa taille, étaient dessinées. Elle avait un visage magnifique, mis en valeur par un très discret maquillage, et un sourire éclatant se dessina quand elle aperçut sa fille. Elle s'arrêta de jouer et se leva.
— Je vous présente Marinette, une amie, continua la jeune fille. C'est elle qui organise la fête de Noël, et c'est également elle qui va confectionner ma tenue.
— Tsurugi Yukiko, se présenta-t-elle en s'inclinant, enchantée. Je suis heureuse que ma fille se fasse des amis aussi vite après notre retour en France.
Aucune trace d'accent dans sa voix. Elle parlait calmement et d'une voix douce. Marinette se surpris à admirer cette femme. Il se dégageait d'elle un charisme impressionnant, mais la sympathie dont elle faisait preuve ne le rendait à aucun moment écrasant.
— Enchantée également. Kagami est une fille avec beaucoup de qualités, il est normal qu'elle se fasse des amis rapidement.
La susmentionnée sentit le rouge lui monter aux joues, heureusement assez discrètement pour que Marinette ne le remarque pas. Elle reprit rapidement contenance et enchaîna :
— Nous allons dans l'atelier, mère, je vais teindre le tissu pour ma tenue.
Les deux jeunes filles sortirent en silence de la pièce, et Kagami entraîna Marinette deux pièces plus loin, dans « l'atelier ».
L'atelier était une pièce de taille tout à fait respectable, recouverte de peintures. Des toiles représentant des sujets très variés recouvraient les murs, tantôt suspendues, tantôt posées au sol. Un chevalet trônait au centre de la pièce, à côté d'un tabouret sur lequel était posée une palette de couleurs. Un magnifique héron était gracieusement posé sur une pierre plate, elle-même située au milieu d'un lac. La paysage était sublime. Et incomplet, si Marinette jugeait correctement l'absence de ciel sur l'image.
Kagami déplaça le chevalet dans un coin de la pièce, et apporta deux tréteaux et une planche afin de construire une table de fortune. Elle appela en renfort Marinette, qui l'aida à installer le tout, et déballa le paquet qu'elle tenait toujours sous le bras sur la table.
Elle se lança dans la démarche, expliquant au fur et à mesure ses actions.
— On prépare tout d'abord une colle de riz. Avec celle-ci, on délimite les zones à colorier, autrement dit les contours – cela permet également de protéger certaines parties, par exemple à l'intérieur de grandes zones teintes. Ensuite, tu teins la zone délimitée depuis le centre vers l'extérieur et enfin, tu fixes la teinture et tu retires la colle.
Le résultat était saisissant. Kagami, qui avait de toute évidence caché ses talents de peintre, produisait un travail remarquable. Elle confirma d'ailleurs les doutes de Marinette quant à l'identité de l'auteure des tableaux présents dans la salle.
— Une petite moitié est de moi, mais les plus réussis sont de ma mère. Après, j'admets être assez fière de celui-ci pour le moment, mais il n'est pas terminé, précisa-t-elle en montrant le héron posé sur le chevalet. Je trouve que le plus compliqué en peinture, ce n'est pas le dessin en lui-même, mais le mélange des couleurs. Je passe parfois plusieurs heures à la recherche de la nuance parfaite de vert pour mon paysage, ou de bleu pour mon ciel ou ma mer.
Une telle patience forçait le respect de son interlocutrice. Celle-ci, qui dessinait pourtant de manière tout à fait respectable, était estomaquée devant la beauté et la grâce qui se dégageaient de l'ensemble des peintures. Et même si la plupart des tableaux n'avaient pas de lien direct entre eux, l'ensemble était harmonieux, comme si chaque tableau avait été conçu pour s'organiser avec les autres dans une toile globale.
La teinture était apposée sur le tissu, il ne restait plus aux jeunes filles qu'à la fixer. Vinaigre blanc et gros sel : artisanal, mais efficace. Kagami remplit un grand bac d'eau, et y versa vinaigre et sel.
Elle précisa que le reste se ferait le lendemain, car il faudrait plusieurs heures, voire jours avant que la teinture ne soit correctement fixée.
Kagami invita donc Marinette à la suivre, l'emmenant dans la pièce d'à côté. Celle-ci, fermée par un simple panneau coulissant, était recouverte de tatamis, et deux sabres étaient posés sur un présentoir, lui-même posé sur un meuble à l'opposé de la pièce. Les deux jeunes filles entrèrent, et la plus aguerrie des deux proposa un échauffement d'escrime. Marinette, dont le seul argument contre était l'absence de tenue de sport, accepta avec plaisir lorsque la jeune Japonaise lui en tendit une qu'elle venait de sortir d'un tiroir.
Une fois changées, les deux jeunes filles se positionnèrent au centre de la pièce, un sabre d'entraînement en bambou dans la main.
— Je t'ai observée lors de l'entraînement d'hier. Tu manques d'expérience, mais tu as un style naturel. Et de très bons réflexes !
La Japonaise porta une attaque rapide et directe que Marinette repoussa naturellement. Intouchée, elle recula d'un pas.
— Tu vois ? poursuivit-elle. Mes parents font partie des meilleurs du monde, et j'ai suivi leur entraînement toute ma vie. Je peux être parfois légèrement arrogante, mais je peux me targuer d'avoir un excellent niveau. Cela fait des années que je combats, mais je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme toi. Tu n'as pas suivi de réel entraînement, je me trompe ?
— Hier était la première fois.
— Impressionnant... Je ne suis pas un excellent professeur, mais tu as une très bonne technique. Tu pourrais devenir très douée. Sans doute meilleure que moi.
— Je pense que tu me surestimes. Je suis extrêmement loin de ton niveau ou de celui d'Adrien. Mes mouvements ne sont pas travaillés et peu précis. Je ne sais même pas réellement ce que je fais !
— Détrompe-toi, tes mouvements sont très précis. Je pense que ma mère devrait regarder, elle aura un avis plus expérimenté sur la situation.
Coïncidence ou non, la susmentionnée apparut à ce moment. Elle s'était également changée. Elle portait à présent un ample pantalon noir et un chemisier blanc. Elle jaugea rapidement la situation, et s'assit en tailleur près du mur, de façon à voir les filles de profil.
— Observez Marinette, mère. Et dites-nous ce que vous en pensez.
Les deux jeunes filles se saluèrent, et Kagami ouvrit la danse. Marinette para son coup d'un ample mouvement qui dévia la lame, et contre-attaqua. Son adversaire répliqua avec l'aisance conférée par l'habitude, mais la jeune fille n'en démordait pas. Elle enchaînait coup sur coup, et si Kagami restait intouchable, elle reculait. Néanmoins, Marinette ne se faisait pas d'illusions. Elle avait vu le combat de la jeune fille contre Adrien, et se savait nettement moins bonne. Un contre violent envoya l'arme sur le côté et Marinette se retrouva légèrement déséquilibrée. Kagami passa alors à l'offensive. Elle enchaîna coups de taille et d'estoc, obligeant une Marinette de plus en plus fatiguée à parer un sabre qui se rapprochait inexorablement de son corps. Elle allait crier grâce quand une voix interrompit le combat.
— Stop.
La mère de Kagami s'était levée et s'approchait doucement.
— As-tu déjà pratiqué le combat avec une arme quelconque, Marinette ?
— Jamais. Ma première leçon d'escrime remonte à hier, et c'est la première fois que j'ai un sabre de bambou entre les mains.
Elle se garda bien sûr de préciser qu'elle se battait régulièrement avec un yo-yo. De toute façon, les combats au sabre et au yo-yo ne possédaient que peu de points communs, d'après elle.
— Tu fais des erreurs, tes mouvements sont trop amples, tu ne te tiens pas assez droite, et tu essayes de frapper trop fort. Néanmoins, si tu n'as réellement jamais pratiqué, tu as une technique naturelle. Kagami a raison, avec un bon professeur, tu pourrais devenir très douée. Tu as bien fait de t'inscrire à l'école D'Argencourt. Si cet homme est aussi bon enseignant que sa réputation le prétend, tu surpasseras Kagami bientôt.
— Je ne suis vraiment pas sûre. Vous savez, je suis très maladroite. Avec un sabre entre les mains, je crains de me blesser avant de devenir douée !
— J'en doute. Ces sabres d'entraînement sont très différents de ceux que tu as déjà maniés en escrime. Et pourtant tu t'y es adaptée sans mal.
Face à l'assurance de Mme Tsurugi, Marinette arrivait à douter d'elle-même. Était-il réellement possible qu'elle soit douée ? Et même si c'était vrai, était-ce une bonne idée de s'entraîner pour cela ? La réponse à cette dernière question était oui, si ça lui permettait de passer plus de temps avec Adrien, bien sûr. Et puis, de nouvelles compétences pouvaient toujours être pratique dans le cas où elle était Ladybug. Un nouveau vilain se battant à l'épée pouvait arriver, après tout.
— Et, dans ce cas, hasarda Marinette, que me conseillez-vous de faire ?
— Je peux t'enseigner ce que je sais. Mais tu ne devras pas négliger le reste. L'entraînement à l'école D'Argencourt continue, et tu dois te perfectionner autant que possible. Ce sera long et fastidieux, mais rien n'est impossible, et tu pars avec un avantage. N'hésite pas à t'entraîner le plus souvent possible avec Kagami, ou cet Adrien dont j'ai déjà entendu parler. Vous pouvez utiliser cette salle comme vous le souhaitez, alors profitez-en.
Kagami haussa un sourcil. Il était extrêmement rare que sa mère ouvre les portes de sa demeure au premier venu. Marinette lui avait de toute évidence fait forte impression.
— Bien. Et si je m'engage, ai-je le droit de me rétracter quand je le voudrais ?
— La voie du combat n'est pas faite pour les lâches, répondit-elle, inflexible. Si vous vous y engagez, il n'y a pas de marche arrière.
— Dans ce cas, permettez que j'y réfléchisse. Ce n'est pas une décision à prendre à la légère, vous en conviendrez, et je suis déjà fort occupée, particulièrement ces derniers temps.
— À votre guise...
Marinette n'en menait pas large. Elle sentait le poids inquisiteur du regard de la maîtresse de maison, et ne savait pas si elle allait prendre la bonne décision.
— Tu mérites un entraînement sérieux, Marinette, lui souffla Kagami à l'oreille. Et je n'ai jamais vu ma mère faire ce genre de proposition à quelqu'un qu'elle venait de rencontrer. À bien y réfléchir, je ne l'ai jamais vu faire ce genre de proposition à quiconque.
Considérant qu'elle avait tout dit, Mme Tsurugi reprit sa place contre le mur, et adressa un signe de tête à sa fille.
— On reprend, Marinette, tu as pu souffler ? demanda cette dernière.
— Allons-y.
Elles se remirent en garde. Kagami attaqua la première, cherchant des failles qu'elle trouvait encore aisément dans la défense de Marinette. Néanmoins, la jeune fille compensait son manque d'expérience par son audace. Elle réussit même à placer un coup qui força son adversaire à reculer de deux pas. Un coup. Un seul. Puis ce fut fini. Kagami pivota sur elle-même. Tira le bras qui tenait l'arme de Marinette. Déséquilibrée, cette dernière partit en avant. Un coup de coude dans les omoplates finit le tout, et Marinette s'écrasa sur le tapis.
— Aïe !
Elle se retourna sur le dos, et regarda Kagami qui la surplombait.
— C'est autorisé, ce genre de mouvement ? grogna-t-elle.
— Pas en escrime. Mais là n'est pas la question. Je ne crois pas que tu envisages de te lancer dans l'escrime en compétition, n'est-ce pas ?
— Ce n'est pas à l'ordre du jour, en effet.
— Donc je t'apprends à te battre. Le sabre n'est qu'un outil, ne l'oublie pas. Il est utile, mais jamais indispensable. Ton corps à lui seul peut faire le travail, si tu t'y prends correctement.
La jeune escrimeuse lui tendit une main, que Marinette attrapa. Elle se releva, et épousseta sa tenue. Elle s'approcha de la femme toujours assise en tailleur, s'inclina, et annonça.
— J'accepte votre proposition. Je serais honorée que vous m'enseigniez ce que vous savez.
La concernée se leva, et salua à son tour.
— Alors sois la bienvenue dans notre demeure. Tu viens quand tu veux, mais je te conseille une à deux séances hebdomadaires pour un rythme d'apprentissage optimal.
— Bien. Je vous remercie de vous donner tant de mal pour moi alors que vous ne me connaissez pas. J'essaierai de me montrer digne.
— Je n'en doute pas, très chère Marinette. À bientôt, j'espère.
Sur ces mots, elle quitta la pièce, laissant les deux jeunes filles entre elles.
— Je suis impressionnée, Marinette. Et je ne parle pas de ton niveau. Enfin, je veux dire... Ma mère n'est pas très sociable. Elle est très douée, mais n'aime pas se mêler aux gens. Les traditions se perdent, et même si elle ne le montre pas, je sais que ça l'attriste beaucoup. Je crois que votre fête de Noël lui fait plus plaisir qu'il n'y parait.
Marinette hocha doucement la tête. C'était compréhensible. Elle-même était très attachée aux traditions, qui pourtant étaient beaucoup moins présentes en occident. Alors une femme qui avait vécu une grande partie de sa vie au Japon, ça avait dû lui faire mal de revenir en France...
— Il va être temps que j'y aille, Kagami. Il se fait tard et je ne veux pas que mes parents s'inquiètent. Je vais te rendre ta tenue.
— Garde-la, s'il te plaît, j'en ai suffisamment pour ne pas en avoir besoin. Tu pourras t'en servir quand tu viendras t'entraîner.
Le koto avait repris sa douce musique, mais Marinette avait l'impression d'entendre quelque chose de nouveau. Quelque chose de différent. Une sorte d'espoir peut-être, difficile à dire.
Elle se changea tout de même, mais garda donc la tenue que lui avait offerte Kagami, marquant par là même le début de leur amitié.
Les deux jeunes filles retournèrent à l'entrée de la maison, et Marinette, en promettant de revenir, rentra chez elle.
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Quelques minutes plus tard, Kagami toqua et poussa doucement la porte de la salle de musique. Sa mère ne s'interrompit pas, attendant qu'elle commence.
— Merci d'avoir fait cela, mère.
— Je ne l'ai pas fait pour toi, répondit Mme Tsurugi sans quitter son instrument des yeux. Je sens en elle une grande force, cette fille est destinée à accomplir de grandes choses.
— Sans aucun doute.
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