Mercredi Treize


Marinette avait réfléchi une bonne partie de la soirée de la veille, avant de s'effondrer comme une masse et de s'endormir. Elle avait longuement discuté avec Tikki, appréhendant grandement cette journée. Elle savait en effet qu'elle ne pourrait échapper à leur réunion, à laquelle Adrien serait inévitablement présent.

La jeune fille, sur les conseils de son kwami, avait donc pris une grande décision. Elle allait reparler à Adrien. Ce ne serait pas facile, mais elle le devait. Premièrement, parce que le jeune homme n'avait rien fait – elle savait mieux que quiconque que l'on ne décidait pas ses sentiments – et deuxièmement parce que de toute façon, l'ignorer ne réglerait pas le problème, et mettrait en péril la fête.


▬ ▬ ▬


Adrien venait d'arriver au collège, écharpe enroulée autour du cou pour se protéger du froid mordant du matin. Entre ses cheveux blonds qui dépassaient de son bonnet et les flocons qui tombaient en virevoltant autour de lui, Marinette avait plus que jamais l'impression de voir un ange, descendu du ciel pour dérober son cœur.

L'ange en question salua Nino, et se dirigea comme tous les matins vers Alya. Comme les quelques derniers jours, il lui dit bonjour, ainsi qu'à Marinette. Mais contrairement aux derniers jours, cette dernière lui répondit. Du moins, essaya de répondre, car c'est un borborygme étranglé qui sortit en réalité de sa gorge. Elle toussa, et réussit difficilement à articuler un « Bonjour Adrien. » Celui-ci sourit, d'un sourire chaleureux qui fit rosir les joues de Marinette.


— Dis donc, toi, murmura Alya après leur entrée en classe. Tu pourrais me prévenir quand tu prends des décisions, je découvre tout au fur et à mesure là !

— Comment ça ?

— Tu décides d'avouer tes sentiments à Adrien, très bien. Mais tu aurais pu me le dire avant ! Tu lui fais la gueule, je ne cautionne pas, mais soit. Et là, d'un coup, tu lui reparles. C'est cool, vraiment ! Mais encore une fois, je découvre en arrivant et ça, c'est pas cool.

— Désolé Alya. Je ne voulais pas te mettre à l'écart, mais là, il se passe tellement de choses en même temps, je sais plus où donner de la tête. Adrien, Kagami, la fête...

— Kagami ? C'est qui ça, Kagami ? Tu n'aurais pas encore oublié de me dire quelque chose, par hasard ?

Alya, bien qu'affichant une mine faussement fâchée, était tout de même légèrement vexée. Si sa meilleure amie avait décidé de ne plus rien lui raconter, que devait-elle faire ? Elle avait bien évidemment droit à une vie privée, mais quelques informations ne faisaient jamais de mal. C'était le principe des amies, non ?

Ladite amie était d'ailleurs sur le point de lui répondre quand une voix s'éleva un peu plus fort.

— Mesdemoiselles, s'il vous plait.

Caline Bustier, qui leur enseignait le français durant ce mercredi matin, avait jugé utile de rappeler aux deux pipelettes du deuxième rang qu'elles étaient ici pour écouter. Bien évidemment, la participation et les questions étaient recommandées, mais des quelques bribes qu'elle avait entendues, la conversation n'avait pas l'air de porter sur le cours.

Les deux jeunes filles ne répondirent rien, mais reportèrent leur attention sur leur enseignante, non sans qu'Alya ait auparavant gratifié son amie d'un « Tu ne perds rien pour attendre ! »


Le reste de la matinée passa sans encombre. Ainsi, c'est aux alentours de midi et demi que Nino proposa d'aller manger au restaurant, l'après-midi étant exempt de cours.

Les quatre amis se dirigèrent donc vers leur café favori, qui faisait également de la restauration lors du déjeuner.

Attablés comme à leur habitude, ils dégustaient tous le plat du jour de la maison quand Marinette prit la parole.

— Bien. Donc je ne sais pas ce que vous en pensez, mais personnellement, je trouve que l'on avance plutôt bien.

— Tu veux dire, à part la liste d'invités que tu n'as pas transmise ? demanda Alya en toute innocence.

Marinette plaqua ses mains sur sa bouche.

— La liste ! J'ai complètement oublié ! Avec euh... ce week-end, tout ça...

Adrien eut un sourire gêné.

— Peu importe, peu importe, coupa Alya. Il est donc temps de le faire. Je suppose que tu as la liste avec toi.

C'était le cas. Alya la prit, la parcourut, acquiesçant à mesure qu'elle voyait les noms.

— Bah ça me parait bien, tout ça. Tenez, les garçons, regardez, si vous voyez quelqu'un à rajouter, c'est le moment.

— Dès que je rentre chez moi, je la donne à mes parents. Et après, c'est à eux de jouer, avec ta mère. Ils ont, euh... un peu moins de deux semaines.

Adrien et Nino n'avaient rien à ajouter. La feuille disparut donc dans le sac de Marinette.

— Je passe les invitations, je m'en occupe ce soir avant de rentrer. Je fais imprimer et distribuer tout ça, vu que l'adresse est validée – merci Adrien, au passage.

— Remercie plutôt Chloé.

— J'y songerai. Et comme on a la liste finale, bah, tout est bon. On va donc passer au point suivant, déco. Sapin, ou pas sapin ?

— Sapin.

— Sapin !

— Évidemment sapin !

— Ok, bah sapin alors. Un volontaire pour s'en occuper ? Parce que faut pas l'acheter trop tôt, mais on pourra pas l'acheter le vingt-quatre, donc faut pouvoir le garder, l'entreposer quelque part.

— Je m'en occupe, répondit Adrien. Il y a la place chez moi, et je ne devrais pas avoir trop de mal à aller le chercher. Étant donné que mon père est favorable à cette fête, normalement c'est bon. Quelle taille ?

— On va le mettre dans la salle des fêtes, alors grand. C'est pas la place qui manquera, donc très grand même.

Alya et Nino validèrent, et Adrien confirma. Il n'aurait plus qu'à emmener Nathalie pour chercher un sapin. Il était sûr qu'elle allait adorer l'idée, elle qui n'était pas vraiment du genre à se salir les mains.

— Pour les décos, continua le blondinet, je pense que j'ai aussi de quoi faire chez moi. Ma mère aimait beaucoup Noël, donc on a une quantité assez importante de décorations en tout genre. Et puis, ça ne devrait pas trop manquer, vu qu'elle n'est plus là. Mon père n'est pas très décorateur d'intérieur.

— Très bonne idée, Adrien, approuva Alya. Si t'en as beaucoup, on en aura suffisamment pour la salle. Il en faut aussi pour le sapin.

— C'est compris dans le lot.

Le tour d'horizon, à l'instar de leurs assiettes, était globalement terminé.

— On ne t'entend pas beaucoup, Nino chéri, ironisa Alya.

— Oh, j'ai pas grand-chose à dire. Et faut avouer que ce ragoût est quand même super bon !

La métisse comptait lui répliquer qu'il ne pensait qu'à son estomac, mais Marinette ne lui en laissa pas l'occasion.

— Nourriture, bien vu, Nino. Pas de menu pour l'instant, Alya ?

— Pas que je sache, mais en même temps, je ne sais pas tout. Mais je te tiendrais au courant. Après, sachant qu'ils n'ont même pas le nombre théorique de convives – en supposant que tout le monde vienne –, je suppose qu'ils n'ont pas prévu grand-chose pour le moment.

— C'est vrai. Mais tiens-nous au courant dès que tu en sais plus.

Nourriture, menu, c'est bon. Décos, sapin, c'est bon. Lieu, c'est bon. Invitations, c'est bon. Marinette avait tout de même l'impression d'oublier quelque chose. Ce fut Adrien qui lui offrit la réponse.

— Ah et au fait, Marinette. Je confirme que c'est mon père qui s'occupe de ma tenue, tu n'as pas besoin de te prendre la tête avec moi.

— Les tenues !

Marinette sauta littéralement sur sa chaise. Béni soit ce garçon ! Elle maudit sa tête de linotte, et ramassa son verre qui s'était renversé.

— Oups ! Euh... Oui, les tenues. Alors, Nino, j'ai bien commencé la tienne, ce sera ce qu'on avait convenu, rien de nouveau. Alya, pareil. J'ai presque fini, tu passes à la maison quand tu veux, on pourra voir ensemble, et j'aurai probablement besoin de ton aide pour la mienne.

— Tu es au courant que je n'y connais rien ?

— Ne t'inquiète pas, je ne te demanderai rien de compliqué, rigola la bleutée.

Adrien sourit. Marinette était tellement plus belle avec le sourire. Il se demandait encore pourquoi il l'avait repoussée. Enfin, il le savait, bien sûr, il aimait Ladybug, mais... Il ne savait pas comment l'expliquer. Et puis, les deux jeunes filles étaient finalement très semblables. Trop semblables, quand il y pensait, d'ailleurs. Outre le physique, dont on ne pouvait pas réellement se fier, elles avaient toutes les deux un sens aigu de la justice, et une façon de toujours garder le sourire impressionnante. Il n'imaginait pas à quel point ça avait dû être dur pour elle de lui reparler. Mais surtout, le plus étrange dans tout ça, c'était une odeur. Une fragrance – il n'utilisait ce mot que depuis l'akumatisation de Rose, mais il l'aimait bien – subsistait dans son esprit. Marinette et Ladybug possédaient le même parfum, il pouvait l'affirmer, ses sens félins ne le trompaient pas. Et ça, c'était bizarre. Très bizarre.

— Adrien, allô la Lune, ici la Terre. Mec, t'es toujours avec nous ?

Le jeune homme se rendit compte que son meilleur ami lui passait une main devant les yeux. Et il se rendit aussi compte que son regard était fixé sur Marinette. Depuis combien de temps, il n'en savait rien. En tout cas, ses trois amis le regardaient étrangement.

— Pardon, j'étais perdu dans mes pensées. J'ai raté quelque chose ?

— Non, mais c'était bizarre.

— Désolé !


L'après-midi avançait de conversation en conversation. Les quatre amis discutaient comme à leur habitude, comme si aucun problème n'avait troublé leurs relations récemment. Adrien faisait quelques blagues, les autres y riaient parfois. Marinette rougissait lorsque le regard d'Adrien se posait trop longtemps sur elle. Alya s'amusait beaucoup de ce petit jeu. Nino prit un deuxième dessert.

— Tu devrais faire attention à ta ligne, recommanda Alya.

— T'en fais pas, c'est que du muscle !

Il engloutit donc son fondant au chocolat, alors que sa petite amie lui tirait la langue.


▬ ▬ ▬


Adrien venait tout juste de sortir du café restaurant afin d'aller à son entraînement de basket-ball quand la porte s'ouvrit de nouveau. Marinette probablement.

— Adrien, attends !

C'était bien Marinette. Comment le savait-il ? Intuition, il ne saurait mieux expliquer que cela. Il patienta une seconde, peut-être deux, et elle arriva à sa hauteur. Il se remit à marcher, suivi par son amie.

— Euh, je... Euh... Je voudrais m'excuser, pour ce début de semaine. Je n'ai pas été correcte avec toi. Tu comprends, c'était difficile, et... enfin, ne crois pas que j'essaie de me trouver une excuse, je veux dire...

Le jeune homme se tourna vers elle et lui posa un doigt sur les lèvres.

— Chut... C'est à moi de m'excuser. J'ai légèrement manqué de tact, et euh... Ne crois pas que je ne t'aime pas, c'est juste que... Tu comprends, Ladybug. Mais il est difficile de définir mes sentiments pour toi, vous vous ressemblez beaucoup.

Marinette eut un hoquet qu'il ne sembla heureusement pas apercevoir. Elles se ressemblaient ? Adrien aurait-il des doutes sur sa double vie, et son alter ego héroïque ? Son identité secrète était-elle compromise ?

Adrien, qui n'avait pas remarqué la réaction de Marinette, regardait droit devant lui, les yeux brillants d'admiration.

— Tu sais, un peu physiquement, bien sûr, mais, euh... Vous avez le même sens de la justice, la même passion pour ce que vous faites. Vous êtes toutes les deux magnifiques quand vous êtes dans votre élément. Et euh... C'est difficile à expliquer. Ladybug a quelque chose de plus, je... suppose ? Le masque, peut-être un attrait de l'inconnu ? Je ne sais pas. Enfin, je voulais te dire que je t'aime beaucoup, et que je suis désolé de t'avoir blessé.

Le soleil choisit cet instant pour apparaître, faisant briller la fine couche de neige tombée le matin même, et les cheveux d'or d'Adrien par la même occasion. Marinette était estomaquée par la tirade du jeune homme. Il l'aimait beaucoup, mais Ladybug un peu plus, et il ne savait pas pourquoi. Mais c'était en tout cas une certitude pour le garçon. Tant pis. Elle supposait qu'elle s'en remettrait, un jour. Même si c'était compliqué pour le moment, il lui avait permis de retrouver la paix.

— Je suis quand même désolée, ajouta la bleutée.

— Pourquoi ?

— Diverses raisons. La première étant quand même ce début de semaine. Une déception n'est pas une raison suffisante pour renier ses amis.

— Tu n'as pas à t'en vouloir. J'y pensais justement, et personnellement, je serais probablement resté emmitouflé sous ma couette au moins toute la semaine si j'avais été à ta place. Tu étais là, souriante, comme à ton habitude, et dès lundi. Alors ne pas me parler est un moindre mal et, je suppose, une punition bien méritée !

— Le but n'était pas de te punir !

Il lui tira la langue.

— Je sais. Mais je le méritais, non ?

— Idiot !

Elle s'arrêta un instant, prenant le temps de contempler le jeune homme, radieux sous le soleil.

— Je suis vraiment heureuse d'être ton amie.

— Moi aussi, Marinette, moi aussi...

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