Mardi Douze



La journée du mardi fut fort semblable à celle du lundi. Journée de cours habituelle, avec les profs habituels, les embrouilles entre élèves habituelles, et les devoirs habituels.

Seule différence notable, à la pause de midi, Chloé s'approcha d'Adrien attablé seul avec Nino. Il avait en effet été convenu que Marinette mangerait temporairement avec Alya de son côté, le temps qu'elle se décide à adresser de nouveau la parole au garçon blond.

— Adrichou, devine quelle bonne nouvelle je t'apporte !

— Tu as une nouvelle paire de chaussures absolument merveilleuse ? questionna ironiquement celui-ci.

— Presque ! Ce que j'ai à t'annoncer est quand même moins important. Mon père est d'accord pour qu'on utilise la salle des fêtes ! Tu vois, je sais être gentille, quand il le faut.

— Mais félicitations, Chloé ! Je suis absolument fier de toi ! affirma Adrien.

Nino pouffa, mais jugea que son assiette était plus importante que Chloé, et n'intervint pas.

Adrien remercia la jeune fille, et celle-ci retourna à sa place à côté de Sabrina, toute contente.

— Tu es ultra convaincant quand tu dis que tu es fier de Chloé, mec !

— N'est-ce pas ? J'ai toujours su que j'aurais dû être acteur, rigola Adrien en se passant une main dans les cheveux dans une pose théâtrale très approximative. C'est quand même une bonne nouvelle, il va falloir annoncer ça aux filles.

Ce fut chose faite après le repas. Marinette, interrompue dans sa discussion avec Alya, baissa les yeux, mais ne s'enfuit pas. En revanche, elle ne prononça pas un mot, et attendit qu'Adrien soit reparti après l'annonce de la bonne nouvelle pour relever la tête, et le suivre du regard vers la salle de cours.

— Tu sais que tu ne pourras pas lui faire la tête éternellement. D'autant plus que demain, c'est point bilan au café.

— Je saiiis ! gémit la bleutée. Mais tu ne te rends pas compte à quel point c'est compliqué ! Il est tellement beau, tellement parfait. C'est un supplice de le voir tous les jours, de sentir son parfum, et de me dire que jamais mon amour ne sera réciproque. C'est horrible ! Tu n'as pas ce problème, avec Nino.

— Non, en effet, tout roule entre nous ! affirma la métisse. Enfin bon, pas la peine de tergiverser, demain, tu n'auras pas le choix. Allez, en cours, sinon, Mme Mendeleiev est capable de nous garder demain après-midi !


▬ ▬ ▬


Le seul événement notable de l'après-midi fut ladite professeure de sciences qui semblait de bonne humeur, chose assez inhabituelle pour être remarqué. Leur mercredi après-midi était sauvé.


▬ ▬ ▬


À la sortie des cours à seize heures, Marinette, après avoir quitté Alya sur un au revoir, fait un signe de la main à Nino et ignoré superbement Adrien, ne prit pas le chemin de la boulangerie tenue par ses parents.

À la place, elle décida de bifurquer deux rues plus loin, et remonta l'avenue jusqu'à la demeure parisienne de la famille Tsurugi. Elle poussa le portail qui n'était pas fermé à clef, et sonna à la porte. Ce fut Kagami qui vint lui ouvrir.

— Bonjour, Marinette, prête pour ta première leçon ?

— Plus que jamais ! affirma celle-ci.

Elle leva ses mains, mettant en évidence les divers pansements déjà montrés à Chat Noir la veille.

— Néanmoins, je tiens à insister sur ce que je disais samedi. Je suis très maladroite, et pourtant, je ne fais que de la couture !

— Ce n'est pas une preuve. Je pense réussir à me trouer la main avant de coudre quoi que ce soit, si je devais m'y mettre.

Elle suivit sa camarade jusqu'à la pièce aménagée en dojo. La mère de cette dernière était déjà là, assise comme la dernière fois le long du mur. Elle salua Marinette quand celle-ci entra.

Un rapide changement de tenue plus tard, Marinette et Kagami étaient face à face au centre de la pièce. La leçon pouvait commencer.

— Il est vain de savoir frapper fort ou frapper précisément si tu ne sais pas quand frapper. Frapper trop tôt ou trop tard est inutile : si tu frappes trop tôt, ton adversaire ne le sentira pas ; si tu frappes trop tard, ton adversaire aura eu le temps de s'y préparer, ou tu le rateras.

— Je vois, répondit la jeune fille, qui n'était pas sûre de suivre complètement son amie.

— Non, tu ne vois pas. Je vais te montrer. Attaque-moi !

Marinette obtempéra. Elle avança et frappa. Elle savait qu'elle pouvait frapper sans crainte, Kagami étant bien meilleure. Un direct du droit, visant la poitrine. Assez puissant pour faire mal, pas assez pour blesser. Un coup de poing réussi.

Sa cible fit un pas sur le côté au dernier moment. Juste un petit pas. Le poing de Marinette ne put que l'effleurer. Avec la paume de sa main, Kagami repoussa son poignet. Bras tendu, le corps de Marinette pivota complètement. À présent de dos, le combat était fini. Kagami recula.

— Si je m'étais décalée ou si j'avais frappé ton bras plus tôt, je t'aurais ratée, et tu aurais pu reprendre l'avantage. Si je m'étais décalée trop tard, tu m'aurais touchée. Savoir à quel moment frapper est primordial dans un combat, quelle que soit l'arme que tu emploies ou l'adversaire que tu combats.

— Je crois que j'ai saisi l'idée. Frappe-moi, pour voir.

La Japonaise ne bougea pas. Marinette s'apprêtait à réitérer sa demande quand elle sentit une furieuse douleur à l'épaule.

— Aïe !

— Désolée. Je ne pouvais pas frapper à ta demande, tu t'y attendais. J'ai donc patienté. Tu as rapidement relâché ta garde, et c'est au moment où tu étais la moins concentrée – tu allais parler – que j'ai pu placer mon coup. Tu ne l'as même pas vu.

La jeune fille massa son épaule endolorie. En effet, elle ne l'avait pas vu venir. Elle jeta un œil à la mère de son amie, toujours assise et qui ne pipait mot.

— Aïe !

Nouveau coup, nouvelle douleur. Kagami avait profité de son mouvement de regard pour frapper. Toujours invisible.

— Tu n'es pas concentrée, Marinette, la réprimanda-t-elle. Pourquoi regarder ailleurs si tu sais que je suis la seule que tu combats ?

— Je ne pensais pas en venant ici que j'allais juste prendre des coups, ironisa la jeune fille, la voix légèrement amère.

— Ce n'est pas le cas. Cette... démonstration avait pour but de, un, te montrer que si tu ne tapes pas au bon moment, c'est inutile ; et deux, te prouver que la concentration sur ton adversaire est primordiale.

— Et que se passera-t-il si j'ai à combattre plusieurs personnes ?

— Nous verrons en temps voulu.

Faisant jouer ses épaules afin de chasser la douleur, Marinette se reconcentra sur son adversaire-professeure. Si elle devait en passer par là, soit. Mais elle appréhendait les leçons de la mère, au vu des talents et des méthodes de la fille.

— Concentration !

Le cri la ramena à la réalité. Elle évita d'un bond en arrière un nouveau coup. Pivota. Lança sa jambe. Sa plante de pied atterrit droit dans l'abdomen de la Japonaise. Cette dernière tomba en toussant. Marinette se précipita à ses côtés.

— Kagami ! Je suis désolée, est-ce que ça va ?

— Ne t'en fais pas pour moi, j'ai vu bien pire. Joli coup, tu es très souple, la félicita-t-elle.

— J'ai eu de la chance.

— Non, tu n'as pas eu de la chance, intervint Mme Tsurugi.

Elle était debout, à côté des jeunes filles. Quand s'était-elle déplacée ? Elle se pencha et souleva le t-shirt de Kagami, et plaqua une main contre son ventre.

— Rien de grave, respire à fond.

Par le t-shirt soulevé, Marinette apercevait une partie du buste de son amie. Des abdominaux bien dessinés sans être disgracieux, pas une once de graisse, et le bas d'une brassière de sport. La jeune fille déglutit et détourna le regard.

— Ton style est extrêmement naturel. Tu n'as jamais appris à te battre, n'est-ce pas ?

— Non.

— Appréhender le temps est l'étape la plus difficile dans l'apprentissage de l'art du combat. Beaucoup n'y parviennent jamais, et se leurrent quant à leur talent en compensant par la force, la vitesse ou l'endurance.

Elle se redressa, et reprit sa place contre le mur.

— Ton dernier coup n'était pas parfait, mais il montre ton naturel et ton envie. Kagami, quand tu es prête.

Cette dernière se releva, remit en place sa tenue, et s'avança de nouveau au centre de la pièce.

L'heure suivante fut donc un enchaînement de coups et de parades, ponctués parfois de quelques chutes. Marinette en sortit épuisée, et pria pour qu'un akumatisé ne décide pas d'apparaitre à ce moment. Elle aurait été bien en peine de l'arrêter.

Dix-huit heures arrivèrent, et la leçon s'interrompit. Marinette n'avait qu'une envie : rentrer chez elle et dormir.

Néanmoins avant cela, Kagami fit faire à la jeune fille un léger détour par l'atelier. Un paquet attendait là. Le tissu du kimono, dont la teinture était fixée. Marinette prit donc le paquet, puis le chemin du retour.


▬ ▬ ▬


Adrien se morfondait dans sa chambre. Même s'il était heureux que Marinette aille bien et qu'elle se soit confiée à Chat Noir, cela l'attristait qu'elle l'ignore pendant la journée. Alya lui avait bien précisé qu'il faudrait du temps, que Marinette devait retrouver la paix avant de pouvoir revenir lui parler.

Mais il n'aimait pas ça. Sauf qu'il ne pouvait rien faire. Retourner la voir en Chat Noir n'arrangerait rien, et il ne voulait pas déranger son amie dans son travail une nouvelle fois. Alors il restait là, à ne rien faire, à attendre.

Il se surprit presque à espérer que le Papillon trouve une victime. Il pourrait ainsi se vider la tête dans son costume de superhéros, et reverrait sa Lady.

Il envisagea de faire une ronde, histoire de vérifier que tout était calme. Mais les informations qui tournaient en boucle sur le téléviseur de sa chambre n'affichaient rien d'alarmant.

Puis soudain, la lumière se fit dans son esprit. Noël approchait, et il n'avait pas pensé aux cadeaux. Heureusement, il avait déjà une petite idée.

Il sortit de sa chambre, prévint Nathalie qu'il se rendait en ville, et sortit en compagnie de son chauffeur.


Il arriva rapidement à destination et entra dans la boutique. Le bijoutier, un homme d'un certain âge, était réputé pour être l'un des meilleurs de son domaine. Il lui exposa donc son besoin. L'artisan conçut un premier croquis qu'il modifia au fur et à mesure des précisions du garçon.

— Vous pourrez l'avoir pour Noël ? demanda, anxieux, le blondinet.

— Au vu de la quantité de travail que cela implique, je ne peux rien vous promettre. Mais je ferais tout mon possible, jeune homme.

Adrien acquiesça. Il savait qu'il demandait beaucoup pour le délai. Après tout, Noël était dans moins de deux semaines !

Le jeune homme remercia son interlocuteur, et sortit du magasin. Le vent froid lui piqua les yeux, et il sourit. Si l'artisan était réellement le meilleur, il tenait là un beau cadeau.


▬ ▬ ▬


— Kagami ?

— Oui, mère ?

— La douleur est partie ?

— Oui, je vous remercie.

— La prochaine fois, tu ne retiendras pas tes coups. Je veux la voir sous pression.

— Bien, mère.

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