Chapitre 5 : Se jeter dans les flammes (Partie 4)

– Tu sais jouer de la guitare ? Et tu vas jouer devant un énorme public et toutes les caméras du monde ? Tu es vraiment génial !

– C'est pas le frangin pour rien ! reconnut Jaws. Tu aurais du l'entendre hier, il était génia l! Même les musiciens ne savaient pas quoi dire ! C'était démentiel !

– Il faut admettre que c'est quelque chose à entendre. Quand à Mélodie...

– C'est Mel qui va chanter ? s'émerveilla Lucie.

– Je n'étais pas si bonne que ça... bafouilla la capitaine.

– Que dis-tu ? J'ai cru qu'une déité de la musique venait de nous chanter son plus bel air à ce moment là ! C'était transcendant tellement c'était magnifique !

– Je croyais t'avoir dit d'aller te coucher, toi ! cria Mélodie qui vira au rouge.

– Maintenant que j'y pense, tu vas pouvoir chanter devant un tel public ? s'inquiéta Cap.

– Ce n'est que maintenant que tu te poses la question ? Je n'arrête pas de me le demander !

– Si tu paniques, voilà une astuce: imagine que le public est en sous vêtements !

– Cette aide visuel ne m'aide pas vraiment, Dark...

– Et c'était le conseil de l'homme qui visualise toutes les personnes qu'il rencontre en sous-vêtements vingt-quatre heures sur vingt-quatre... soupira Sophie.

– Tu devrais essayer, c'est excellent pour le moral !

– Tiens, ça me rappelle ! s'écria Lisa en se tournant vers Lucie. Tu vas pouvoir nous aider à trouver une tenue de scène pour Mel ! On n'arrive pas à se décider !

– Quoi, vous n'avez encore rien trouvé ? Mais c'est demain le spectacle, non ? On n'a pas une minute à perdre !

– La petite a raison ! s'exclama Sophie.

– Ce qui me terrifie le plus dans cette histoire, c'est que c'est en entendant le mot sous-vêtements qu'elle a pensé à mon costume de scène...

– Ben, si on se base sur ce que Finly devait mettre...

– Va te coucher ! Et puis d'abord, pourquoi on ne parle pas de ton costume à toi ?

– Parce qu'il a déjà la classe avec son manteau ! répondirent en cœur les autres.

Mélodie se tourna vers Dark, blasée.

– Tu leur a payé combien pour qu'ils sortent cette réplique ?

– Pas un sous ! Je sais rester élégant et désirable en toute occasion !

– Dit la personne qui se réveille un matin sur trois bourré et en caleçon sur la table de la salle à manger...

– Et après, tu oses dire que je ne suis pas séduisant !

– On pourrait remplir une encyclopédie en quinze volumes avec tout ce que je pense à ton sujet, et le mot séduisant n'y figure définitivement pas !

– Allons, allons, on ne se dispute pas et on va se coucher, tous les deux ! les calma Sophie. Vous devez tous les deux vous reposer pour être en forme demain !

– Comment on va faire pour essayer sur elle les vêtements si elle n'est pas là ? demanda Athéna qui avait déjà les bras pleins d'échantillons à expérimenter.

– Ne t'en fait pas, je peux régler ce problème !

Lucie changea de forme et prit l'apparence de Mélodie en tenue légère.

– Depuis quand tu peux faire ça ? hurla Mélodie en camouflant Lucie du mieux possible.

– En plus, elle s'est trompée dans tes mensurations...

– Va te coucher avant que j'ordonne à Sophie de t'anesthésier !

***

Après avoir été grondé, Dark fut envoyé dans sa chambre sans dîner. Il apprécia ce moment de calme après cette journée riche en événements, et il en profita pour faire le point. Alors qu'il tombait peu à peu dans les bras de Morphée, il se remémora tout ce qui était arrivé depuis qu'il était en ville. Étendu sur son lit, il médita avec Ébène assoupi sur lui, ronflant paisiblement. Dark se détendit en regardant son corps enroulé sur lui même, calmé par cette image apaisante.

– ... de vous décider...

Certaines choses l'énervaient encore, mais il savait qu'il ne pouvait pas se laisser dominer par sa colère.

– ... ne pas pouvoir...

Il savait qui était véritablement Corvus, mais son existence même était impossible. Il ne comprenait pas pourquoi il était ici.

– ... l'heure est trop grave pour...

Que savait vraiment Nightmare ? C'était comme s'il connaissait tout ce dont Dark avait déjà conscience et plus encore. Un peu comme si...

– Elle va se réveiller la limace, oui ou merde ?

Dark se redressa en sursautant. Il avait beau encore se trouver dans son lit, il n'était plus dans sa chambre, mais dans une large pièce faite d'obscurité la plus totale. Il était impossible de dire quelle forme avait cette salle car ses coins se confondaient à la pénombre. Dark était au centre de cet endroit, entouré par des tables formant un cercle. Des chaises faisaient le tour de cette pièce et chacune d'entre elles étaient occupées.

Dark ne s'était pas rendu compte qu'il s'était endormi, mais il savait que l'endroit où il se trouvait à présent n'existait que dans son esprit. Voyant qu'Ébène n'était pas là, Dark se leva et son lit disparut. Il se concentra et profita de son influence sur se monde onirique pour changer ses vêtements, enfilant ainsi son large manteau. Il ne se pressa pas, car cet excès de colère qui l'avait sorti de sa torpeur ne lui était pas destiné.

Il fixa en silence un homme portant des habits de cuir cloutés qui s'égosillait en s'adressant à un de ses collègues.

Celui ci était mal rasé, portait une chemise déboutonnée ainsi qu'une cravate mal serrée et baillait de façon monumentale, se moquant éperdument du sermon ardent qu'on lui servait.

Entre eux deux, un homme portant un T-shirt autrefois blanc les ignora. Son vêtement était recouvert d'un nombre effrayant de taches et devant lui se dressait un large banquet qui semblait intarissable. Il engloutissait des plats à grande vitesse et se noyait dans de l'alcool sans se laisser une seule seconde de répit.

– Il devrait faire un effort pour soigner son apparence, pas vrai ?

Dark se retourna et dévisagea son interlocuteur qui aurait du s'asseoir sur un canapé. Il était en tenue de soirée, comme pour aller en boite de nuit, et il avait dans chaque bras une beauté qui semblaient ne vivre que pour lui.

Dark se rendit compte qu'il n'était pas le seul à garder un œil sur lui. Plus loin était recroquevillé sur lui même un individu vêtu d'un T-shirt noir à manches longues et il griffait la table de façon répétée en posant sur les autres un regard envieux caché par une longue mèche rebelle.

L'un de ses centres d'attention était un homme habillé d'une chemise en soie propre qui tapait à toute vitesse sur un ordinateur et sur une calculatrice, arborant un sourire presque indécent alors que des chiffres se reflétaient dans ses yeux.

– Un peu de calme, je vous prie, notre invité de marque semble enfin s'être réveillé.

Dark se tourna vers un homme portant un costume impeccable, presque comme s'il était né avec. Il observait ses associés sans vraiment leur prêter attention.

Sept chaises, sept personnes... pensa Dark qui comprenait ce qui se passait.

Il n'était pas inquiet. Il savait exactement à qui il avait affaire, car ils avaient toujours existé en lui. Dark dévisagea alors sept visages identiques au sien, rencontrant en personne ses sept péchés pour la première fois.

– Non mais dis donc, Lucifer ? hurla le colérique. Qui a désigné un coincé comme toi pour être notre chef ?

– Tu ne pensais quand même pas que j'allais laisser des incapables dans votre genre diriger quoi que ce soit, Satan ?

– Je ne suis pas d'accord ! cracha le goinfre avec ce qu'il avait en bouche. Tout le monde doit avoir droit à une part du gâteau !

– Sauf que si ce qu'on devait se partager était un gâteau, on n'aurait pas le temps de dire ouf que tu aurais déjà tout englouti, Belzébuth.

– On ne t'a pas sonné, Asmodée !

– Pourrais tu ôter de ma vue ces deux traînées... soupira Lucifer.

– Je veux bien obéir à cet ordre... ricana la luxure en prenant la tête des deux femmes et en les poussant sous la table.

– C'est pas ce que l'autre tafiole t'a demandé, demeuré !

– Arrête de hurler... bailla la paresse. Si chaque réunion se passe ainsi, je veux bien abandonner mon droit de vote et aller me coucher...

– Tu sais bien que tu ne peux pas ! lâcha l'avarice. On doit être sept, sinon le principe entier s'effondre, Belphégor !

– Je suis ravi de voir que toi, au moins, tu réfléchis de façon rationnelle, Mammon... commenta Lucifer sans pour autant sembler le penser.

– Évidement ! Seul un abruti comme Satan pourrait foncer tête baissée ! Ce n'est qu'en étant calme et raisonnable qu'on peut reconnaître la vraie valeur des choses et se l'approprier avant que les autres ne s'en rendent compte !

– C'est moi que tu viens de traiter de demeuré, enfoiré ?

– Dites, si je vous dérange, prévenez moi et je reviens plus tard...

Sept regards se posèrent sur Dark qui en avait déjà assez. Il comprenait qu'il devait avoir une très haute opinion de lui même si ses péchés se prenaient pour les démons qui les incarnent. De plus, le fait qu'ils n'arrivaient pas à s'entendre entre eux en disait long sur sa personnalité.

– Je dois reconnaître que c'est très poétique. Personne n'est jamais arrivé à revenir dans le monde des vivants après avoir été plongé dans les flammes des sept péché capitaux et s'en souvenir. Alors, quand on sait que le premier à réussir cet exploit est une véritable incarnation des ces sept péchés, il serait dommage qu'ils ne le tourmentent pas après, hein ?

Des rires remplirent la salle,= alors que les péchés s'amusaient de ce qu'ils venaient d'entendre.

– Parce que tu considères être l'incarnation des sept péchés ? se moqua Lucifer. Mon pauvre moi même, tu te trompes lourdement... Tu en as peut être le potentiel, mais au point où tu en es, tu ne serais même pas l'égal d'un démon mineur ! Tu t'es enchaîné parce que tu refusais de devenir notre incarnation ! Si tu étais ce que tu prétendais être, nous ne serions pas apparus devant toi !

Dark se tourna vers son propre orgueil et lui lança un sourire et un regard méprisant.

– Et alors ? Même si je ne suis pas effectivement le péché personnifié, cela ne change pas le fait que je suis meilleur, ou plutôt pire, que vous tous réunis.

Il pointa du doigt Satan et continua son exposé en tournant lentement sur lui même.

– À quoi sert une fureur qui détruit tout aveuglément sans jamais atteindre la source de votre rage ? En laissant vos désirs dicter chacun de vos actes, ne finissent-ils pas justement par perdre toute saveur ? Pensez-vous jamais pouvoir combler ce vide en vous si vous n'essayez même pas ? Pourquoi tout posséder s'il vous manque encore ce que vous désirez vraiment ? Cessez vous de vous sentir mal si vous vous noyez dans un plaisir qui n'est pas partagé avec ceux que vous aimez ? Est-ce si confortable de se trouver au sommet si vous êtes isolé de tous ceux qui vous sont chers en grimpant les marches? Enfin...

Il s'immobilisa, pointant son index accusateur sur le septième péché qui était demeuré silencieux.

– ... à force de lorgner sur ce qu'ont les autres, ne perdez vous pas ce que vous possédez déjà et qui vous est plus précieux que tout ?

– À cause de qui crois tu que je ne possède même pas ça ?

Pour la première fois, l'envieux prit la parole et transperça Dark de son regard haineux.

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