Chapitre 4 : Canicule (Partie 1)
La foule était impatiente. Certains s'étaient levés avant l'aube, d'autres n'avaient pas fermé l'œil de la nuit. Cependant, tous attendaient le début de l'Extase, ainsi que la chanson qui marquerait le début des festivités. Il était à présent presque dix heures et Dark, accompagné de la moitié de ses amis, avait réussi à se trouver une excellente place bien qu'il ne soit arrivé que cinq minutes plus tôt. Cela était impressionnant en soit, il l'était d'autant plus quand on savait qu'il se trouvait exactement là où se trouvait une autre personne. Ou pas vraiment
– Tu dois avouer que ce n'est pas particulièrement rassurant... frissonna Mélodie.
– On finit par s'y habituer, soupira Dark. Je dois admettre que j'aurais préféré ne pas assister à ce spectacle depuis les limbes... Enfin, la sonorité ici est meilleure que ce que j'aurais imaginé !
De fait, bien qu'ils étaient présents devant la scène où devait chanter Blaze, ils étaient aussi encore dans l'Aube, inconscients. En suivant les consignes de Dark, Théo avait réussi à séparer leurs esprits de leurs corps, leur permettant de se mouvoir dans le monde qui séparait l'univers des vivant de celui des morts. Il y avait derrière ce plan deux objectifs.
Tout d'abord, cela leur permettait de se mouvoir dehors sans qu'une force extérieure ne puisse le savoir. Ensuite, selon Dark, il y aurait une chance de contacter Lucie en se plaçant sur un plan d'existence proche du sien. Sophie n'ayant pas réussi à déterminer ce qui n'allait pas avec elle, ils avaient du se montrer créatifs pour lui demander ce qui s'était passé. D'après Dark, les esprits piégés dans entre les mondes aimaient les endroits où les vivants se rassemblaient en masse, surtout pour faire la fête. Jusqu'à présent, ils n'avaient pas trouvé Lucie, mais...
– J'arrive pas à croire que, meme ici, nous avons été obligés de payer notre place... pesta Mélodie.
Beaucoup de personnes pensaient à tort que les limbes étaient un endroit où les esprits éraient sans but pour l'éternité. Ces personnes oubliaient que la plupart des êtres qui arrivaient dans les limbes étaient de leur vivant des humains ou similaires. Coincés dans un espace d'où on ne pouvait pas fuir, ils avaient décidés de le faire ressembler au monde qu'ils continuaient de voir et d'entendre mais qui était hors de leur attente.
Dans les limbes, l'imagination était maître, et les plus créatifs dominaient ce monde. Pouvant créer des forteresses ou des barrières d'un claquement de doigt, ces êtres imposaient leur loi. Ainsi, dans cette dimension avant l'au-delà, une sous civilisation s'était formé, avec sa propre économie qui fonctionnait différemment de celle des vivants étant donné que les besoins ici différaient.
– Quand une âme quitte les limbes, elle libère de l'énergie, avait expliqué Dark avant qu'ils ne s'y plongent. C'est ça qui fait office de monnaie ici. Parfois, ces esprits ne peuvent pas quitter le lieu de leur mort, et ils n'arrivent pas à passer de l'autre côté sans vérifier une dernière chose dans le monde des vivants. Ils demandent alors de l'aide à leurs semblables qui sont libres de leurs mouvements et ils les remercient avec l'énergie créée par leur départ. Après, comme les seules sources de divertissement là bas sont celles qui viennent d'ici ou ce que créaient les plus imaginatifs d'entre eux, l'économie des limbes repose sur le loisir.
– Ce que je ne comprend pas, c'est pourquoi ils ne restent pas tous dans les limbes... soupira alors Mélodie.
– Parce que certains veulent voir ce qu'il y a après, avait expliqué Athéna. Après, ceux qui s'accrochaient étaient forcés à y aller par les anges. Cependant, depuis que les anges ont abandonné leurs devoirs il y a un siècle, un pays imaginaire a fini par voir le jour dans les limbes.
– Mais pourquoi est ce qu'ils ne veulent pas tous aller au paradis ?
– Cap, pas tous les esprits qui airent là-bas vont prendre l'ascenseur qui monte...
C'est ainsi que Dark, Mélodie, Cap, Snipe et Jaws s'étaient retrouvés dans les limbes, assistant aux côtés des défunts à l'ouverture du plus grand festival de l'année. Cap finança leur entrée en découvrant que même les morts avaient des poches. Dark avait pris le temps de sympathiser avec un homme avec une roue de moto enfoncée dans le crâne.
– Vous êtes venus ici juste pour retrouver une amie dont l'esprit est introuvable ? Vous ne manquez pas cran, les gars ! Ici, certains aimeraient mettre la main sur les âmes d'êtres vivants ! Il paraît que les forcer à aller de l'avant donne plus de fric ! Moi, je pars après le festival, alors je m'en moque, mais je vous conseille de ne pas répéter ça autour de vous !
– Merci, je m'en souviendrai. C'est en allant au festival que votre moto a prit votre tête pour le reste de la route ?
Le défunt motard éclata de rire et tendit sa main vers Dark.
– Vous avez tout compris. Mike Rollers, j'étais venu avec ma guitare depuis la ville de Jiklose pour participer à l'Extase ! C'est ballot que je meurs la semaine dernière en me prenant un arbre ! À défaut de pouvoir jouer, je vais écouter ! C'était mon rêve de me trouver ici, mais je pensais que je l'accomplirais de mon vivant ! Enfin, c'est des choses qui arrivent, hein ? Je n'aurais plus de regrets quand l'Extase prendra fin, alors je ne suis ici que pour quelques jours encore !
– Ça tombe bien, demain, je vais monter sur scène ! J'aide un groupe qui participe au concours, alors vous aurez l'occasion de m'entendre jouer ! Je donnerais tout ce que j'ai pour jouer en votre nom aussi !
– Merci, j'attends ça avec impatience ! Ah, ça y est, elle est là ! Ouais ! Blaze, ouais !
Tout comme le mort-bon-vivant Mike, la foule spectrale imita les vivants en acclamant de vive voix Blaze qui montait enfin sur scène. Elle était éblouissante, brillant de mille feux dans sa tenue de scène écarlate qui dansait dans le vent comme des flammes.
– Le grand avantage d'assister à ce genre de chose depuis les limbes, précisa Dark, c'est qu'ici, on ne transpire pas, un vrai soulagement pour les narines !
– Oui, mais pas pour les yeux... maugréa Mélodie en dévisageant les défunts pour qui on pouvait parfois deviner la cause de leurs morts. Ni les oreilles d'ailleurs, on a deux publics qui hurlent pour le prix d'un !
– Quelqu'un a vu Lucie ? demanda Jaws qui aurait bien voulu apprécier le spectacle, mais ne le pouvant pas sans retrouver son amie avant.
– Non, je suppose que nous aurons du mal à la joindre depuis les limbes, répondit Mélodie. Après la chanson de Blaze, je suggère que nous fassions un saut là où son esprit a disparu, nous trouverons peut être quelque chose.
– Bien reçu, capitaine. Après, nous devrons reprendre les répétitions, il nous reste deux-trois choses à revoir avant d'aller dîner avec Corvus.
– Tout un programme... soupira Mélodie.
Si l'ambiance était déjà explosive depuis l'apparition de Blaze, elle était à présent similaire à une supernova avec le début de la chanson. Morts et vivants hurlant de tous leurs poumons (quand ils en avaient encore), les limbes raisonnaient de musique et de cris.
– Ils ont la patate pour des morts... cria Snipe.
– Et où est le problème ? s'égosilla Dark. Vivre n'est pas le droit des vivants seuls !
***
Une fois sa chanson terminée, Blaze laissa la scène au premier groupe de musiciens participant au concours. Il y avait dix groupes en tout, cinq par jour, et le Firmament s'était arrangé pour passer en dernier. Ils avaient en effet besoin d'un peu plus de temps pour se préparer et trouver une tenue pour Mélodie qui plaisait à tout le monde, sans tenir compte de l'avis du capitaine cependant.
Dark fut séparé du reste du groupe spectral dans la marrée des défunts et les chercha dans cette foule qui se superposait à celle des vivants.
– On apprécie le spectacle, Dark Raven ?
Il se figea. Derrière lui, dans un autre plan d'existence que le sien, Nightmare scrutait la scène. Il ne pouvait ni le voir, ni l'entendre, mais il savait que le ténèbreux se trouvait là, les oreilles grandes ouvertes. Autour de leur chef, les autres Scarecrows le regardaient avec incompréhension parler tout seul.
– Je ne te blâme pas ! Moi même, je n'ai pas pu m'empêcher de venir ici ! Je suis un vrai fan de la petite Blaze !
La voix de Nightmare qui semblait déjà provenir d'un autre monde raisonna encore plus, traversant les frontières de la mort.
– Une de mes collaboratrices juge que tu es trop faible pour que je m'adresse à toi, alors j'ai décidé d'organiser une petite rencontre ! Dans deux jours, viens avec tes camarades à la plaine du Grand Feu de Prairie, le lieu qui brûle sans discontinuer depuis maintenant vingt ans ! Vous vous bâterez en duel et le perdant devra obéir à un ordre du gagnant ! J'ai hâte de t'y voir !
Comprenant qu'il n'avait rien de plus à dire, Dark s'éloigna, un large sourire se dessinant sur ses lèvres. Il se demandait pour quelle raison le légendaire Nightmare lui avait donné rendez-vous à l'endroit exact où la Reine du Feu était arrivé dans ce monde.
– Bah, je n'aurai qu'à lui demander ce qu'il sait dans deux jours...
***
Au travers d'une stèle-vision, un cuisinier amateur avait lui aussi observé le spectacle d'ouverture avec attention. Il avait attendu très longtemps ce jour, et plus encore les événements qui suivraient. Il devait reconnaître que Blaze avait énormément de talent, mais il sentait qu'il lui manquait quelque chose, qu'elle pouvait clairement faire mieux. Fort heureusement, il savait exactement qui pourrait combler ses attentes.
Il changea de chaîne après la représentation de Blaze et écouta de la musique classique afin de s'immerger dans son œuvre. Pour lui, la cuisine était à la fois un art et un combat. Il fallait faire preuve de créativité et de passion pour créer un plat qui impressionne les gens, ainsi que d'une volonté de s'améliorer en permanence pour que personne ne puisse le surpasser. Ce fut alors qu'il mettait tout son cœur à la tache qu'une jeune femme entra dans la cuisine immaculée et parfaitement ordonnée. Elle regarda un instant où le cuisinier en était et commenta ce qu'elle voyait d'une voix neutre.
– Comme toujours, ce que vous préparez à l'air succulent, mais je pense que vous ne devriez pas faire cela vous même, maître. Vous pourriez engager quelqu'un de temps à autres pour vous alléger la tache.
Corvus se retourna, vêtu comme il l'était toujours, mais avec un tablier en plus.
– Tu sais bien que j'adore cuisiner seul. De cette façon, je peux parfaitement contrôler chaque ingrédients correctement. Je ne peux décemment pas déléguer à une personne en qui je n'ai pas une totale confiance alors que ce repas est aussi important !
– Vous insinuez donc que je ne mérite pas votre confiance ?
Pendant un court instant, Corvus ne répondit pas, puis il tendit en couteau vers Alice avec un léger sourire sur son visage.
– Commence par découper ces tomates là-bas, je te dirais ensuite ce que tu devras faire.
Elle le prit et se mit minutieusement au travail.
– Vous savez, vous seriez sûrement plus à l'aise si vous enleviez cet accoutrement. Il n'y a personne à berner ici, alors je ne vois pas l'utilité de rester ainsi.
– Que veux-tu, je me suis promis que je n'enlèverais cette tenue que quand le monde sera enfin prêt à découvrir la vérité. Tant qu'il ne sera pas préparé à voir ce qui se trouve vraiment dans les ténèbres, il n'aura pas besoin de voir mon visage ou entendre ma vrai voix.
– Toujours aussi têtu, à ce que je vois...
– Ce n'est pas vraiment le genre de chose qu'un serviteur devrait dire au sujet de son maître, particulièrement devant lui...
– Oui, mais vous n'aimez pas les outils qui n'ont pas un petit peu de répondant...
– Très juste... ricana Corvus.
– Sinon, qui auront nous pour le dîner de ce soir ?
Il y eu un petit moment de flottement, puis Corvus se tourna vers Alice. Malgré son masque qui cachait ses yeux, il était clair qu'il posait un regard perplexe sur elle.
– Pourrais-tu être plus précise, car ta question porte à confusion.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top