Chapitre 3 : Voler vers le soleil (Partie 5)

En rentrant dans la chambre de son maître, Alice le surprit en plein travail artistique. Il peignait une représentation de ses victimes ensanglantées qui hurlaient de douleur. Leurs cris étaient couverts par un morceau de musique classique qui rythmait ses coups de pinceau. Bien qu'il aimait les plaintes de ses prisonniers, il avait besoin de quelque chose de plus délicat pour laisser parler son talent. La position de ses modèles était étudiée pour exacerber leurs douleurs, mais celui qui souffrait le plus était le support de son œuvre. Corvus avait arraché toute la peau d'un de ses jouets pour l'étendre et en faire une toile. En plus de garder la pauvre victime en vie, Corvus avait usé de sa magie pour garder la peau connectée en partie à son propriétaire, le laissant ressentir la douleur causée par le poison contenu dans sa peinture qui semblait broyer ses nerfs. Alice s'arrêta à côté de lui et fixa les modèles un instant.

– Moi, j'aurais suspendue celle là au dessus du sol par des crochets qui lui transpercent les articulations... suggérat-elle en pointant du doigt une femme enchaînée sur le dos contre une pierre incandescente.

Corvus pencha sa tête et fixa la proie en question d'un œil critique.

– Ma foi, tu as raison ! Comment ai-je fait pour ne pas le voir plus tôt ? Je n'ai plus qu'à recommencer dans cas ! De plus, en la peignant de dos maintenant, on aura un meilleur résultat ! Que ferais-je sans toi ?

Il prit un flacon, enduisit un torchon blanc de son contenu, puis essuya son œuvre qui fuma, faisant qu'un homme bâillonné et écorché accroché au plafond par des barbelés gesticulait en gémissant.

– Patience, il faut que le venin s'imprègne bien dans tes pores pour faire pouvoir recommencer ! Alice, soit gentille, et installe-la comme tu me l'as suggéré...

Elle s'exécuta, provoquant un hurlement inhumain en arrachant la malheureuse de la roche, déchirant sa chair. Une fois sa tache accomplie, elle reprit sa place près de Corvus.

– Merci. Sinon, désirais tu quelque chose ?

– Je voulais juste vous demander si je pouvais utiliser l'extrait de mandragore des landes putrides que vous aviez récemment trouvé pour essayer ses effets sur les sujets de la chambre deux, mais je pense que je vais vous regarder à l'œuvre. Cela m'a l'air plus intéressant.

– À la bonne heure, car je voulais analyser ses effets avec toi ! La chair pourrissante vire à l'indigo au bout d'un moment qaund on utlise ce produit, je suis curieux de voir combien de temps ça prendra pour chacun d'entre eux !

– Je pensais que vous seriez devant votre miroir, à cette heure ci.

– Malheureusement, Dark Raven a enfin compri qu'il est surveillé, lors il a dressé des protections. Elles ne couvrent que son vaisseau pour le moment, mais je pense qu'il en établira d'autres pour quand il sortira.

– Dans ce cas, vous ne pourrez pas l'observer avant demain soir.

– Ce n'est pas grave. Ça me rassure qu'il ne soit pas complètement inconscient, autrement notre confrontation à venir serait d'un ennui sans nom...

– Faites attention, vous avez dessiné quatre pics dans sa jambe gauche alors qu'il n'y en a que trois.

– Décidément, je ne sais pas ce que j'ai aujourd'hui ! ricana Corvus. J'ai déjà recommencé cinq fois !

– Comme si vous ne preniez pas de plaisir à faire traîner la chose en longueur...

***

– Je ne comprend pas ! Pourquoi est-ce qu'on reste ici à se tourner les pouces ?

Dans une luxueuse chambre d'un bon hôtel, les Scarecrows présents en ville s'étaient réunis pour faire le point. Adèle ne comprenait pas pourquoi ils ne profitaient pas de leur présence à Monali pour neutraliser l'armée de Kraïn.

– Non seulement ils se sont alliés à l'AVH, mais ils ont l'intention de s'en prendre à cette ville ! s'énnerva la jeune femme. Vous savez que cette ordure de Kraïn ne se contentera pas d'envahir le continent, il est trop ambitieux ! Les Scarecrows ont pour devoir de toujours venir en aide aux innocents qui souffrent, c'est ce que vous dites toujours, chef !

Pendant qu'elle s'égosillait, Jeff faisait des ajustements dans son équipement, des écouteurs dans ses oreilles l'empêchant d'entendre les plaintes de sa collègue. Kirito, quand à lui, avait décidé de lire en attendant qu'elle eut fini. Près de la fenêtre, Nightmare profitait de la vue en silence. Quand Adèle arrêta de parler, il se retourna en poussant un soupir semblable au vent parcourant une caverne.

– Adèle, ce n'est pas en te jetant dans les flammes que tu pourras changer ce monde. Tes pouvoirs qui te permettent de voyager où tu le désires en un instant t'a fait oublié de regarder ce qui se trouve juste devant toi. Si nous éliminions Kraïn, l'AVH le vengera, et comme ils ne pourront pas nous retrouver, ils s'en prendront à la ville. Ils ne peuvent pas envahir eux même le continent à cause des traités internationaux, alors ils utilisent l'armée de Kraïn pour mettre la main sur les ressources locales en échange de promesses qu'ils ne tiendront pas. Ne leur donne pas l'autorisation de s'impliquer directement ici, car s'ils détruisent la ville, ils mettront la main sur ce territoire, leur donnant une base dans la région à partir de laquelle ils pourront envahir tout le continent.

Adèle se mordit la lèvre, furieuse.

– Et alors quoi ? On a le choix entre laisser Kraïn détruire Monali et prendre le contrôle ici, ou permettre l'Alliance de le faire elle même, c'est ça ? Et ça vous convient ?

Tout en soupirant, Nightmare s'assit sur un canapé en s'étendant le plus possible. Il avait toujours eu beaucoup de mal à calmer les ardeurs de la jeune femme quand des vies étaient en jeu.

– Il y a une troisième option: se montrer patients et profiter d'une ouverture. Kraïn a accordé sa confiance à un homme qu'il n'a pas compris et ça se retournera contre lui. Quand ça arrivera, il s'attirera la colère de l'Alliance et nous pourrons alors l'éliminer sans condamner le continent.

– Et quand donc ? Quand commettra-t-il une erreur ? Jusqu'à présent, il a fait un sans faute, et je doute que ça s'arrête ici ! Combien de personnes doivent mourir en attendant ?

Avec une lenteur exagérée, Knightmare tourna la tête vers Adèle qui se sentit scrutée avec minutie.

– Le nombre qu'il faudra. Tout comme toi, je n'apprécie pas l'idée de sacrifier autant de vies par notre inaction, mais nous n'avons pas le choix. Il y a des choses qui sont inévitables dans la vie. Ce n'est qu'en acceptant cela que nous pourront sauver ceux qui pourront l'être.

– Et ça vous convient, ça, vous deux ? hurla Adèle en s'adressant aux autres.

Jeff leva la tête et haussa les épaules avant de reprendre son travail. Kirito referma son livre et lui donna une réponse plus structurée.

– Tu connais le chef, il est d'habitude le premier à réagir quand quelqu'un est en danger, alors s'il ne fait rien, c'est parce qu'il ne peut rien faire. Tu dois te plier à sa volonté et attendre, tout comme nous.

Enragée par ce discours, elle se retourna vers Nightmare. Elle décida d'aborder un autre sujet qui ne lui plaisait pas.

– Et hier, alors ? Vous dites que nous ne pouvons pas mettre l'Alliance en colère, et pourtant vous avez massacré leurs soldats !

– Toi aussi, d'ailleurs... marmonna Jeff.

– La ferme, toi !

– La situation était différente, exposa Knightmare. Nous étions à l'extérieur de la ville et les témoins ne parleront pas s'ils ne veulent pas que l'AVH s'intéresse à leur vie de trop près. Ensuite, Kraïn tentera de dissimuler cela à l'Alliance pour éviter de s'attirer des ennuis, et quand il fera un pas de travers, l'AVH considérera que c'était lui qui les avait fait tuer. À ce moment là, nous l'éliminerons, et ils ne pourront plus mettre la main sur ce continent car ils n'auront plus de motif pour l'envahir.

Comme toujours, l'explication de son chef était sans faille, mais Adèle sentait que quelque chose ne collait pas.

– Peut-être, mais il aurait été plus prudent de ne rien faire ! Vous avez tenu à aider ce nabot ! Non, en fait, vous nous avez traînés jusqu'à ce bar pour être là quand les soldats y seraient !

– Tu ne voulais tout de même pas les laisser mettre la main sur un dragon ? Ne penses-tu pas qu'ils sont déjà bien assez forts ?

– Mais vous saviez ! Vous le saviez, et vous ne nous aviez rien dit ! Pourquoi ? Qu'avait cet homme de si spécial pour que vous lui parliez ?

Nightmare la fixa calmement. Son visage n'était jamais visible, mais elle sentit qu'il souriait.

– Tiens donc, depuis quand dois je te demander ta permission avant d'aller parler avec quelqu'un ?

– Ne détournez pas le sujet ! J'ai bien remarqué qu'il n'était pas normal, mais il est loin d'avoir le niveau pour...

Nightmare se redressa et la regarda de haut, l'intimidant.

– Tu sais quoi, tu viens de me donner une idée ! Si tu penses qu'il ne vaut pas la peine que je lui parle, affronte-le ! Dans trois jours, nous organiserons une petite rencontre, et tu pourras me dire s'il est aussi faible que tu sembles le prétendre !

En entendant cela, Adèle cessa de trembler et se mit à rire en s'imaginant en train de se battre contre Dark.

– Moi ? Contre ce naze qui n'avait même pas bougé le petit doigt quand on l'a insulté ? Avec plaisir ! Je ne sais pas ce qui vous plaît tant chez lui, mais je vais vous montrer que vous perdez votre temps avec lui ! Et quand ça sera fait, vous me prendrez un peu plus au sérieux et ferez quelque chose pour arrêter Kraïn !

– J'aimerai bien voir ça... Entendu, mais seulement si tu gagnes. Dans le cas contraire, tu te plieras à mes ordres et tu ne feras rien d'imprudent, compris ?

– Tout ce que vous voudrez, car je ne vais pas perdre contre ce minus !

– Très bien, dans ce cas, on va rajouter ceci: le perdant devra rendre un service au gagnant. Impossible de déroger à cette règle une fois quelle sera acceptée. Cela te convient ?

Adèle sembla méditer sur la question, puis se mit à sourire.

– Pourquoi pas... J'aime bien son dragon, alors je n'aurai qu'à lui dire de me le donner... J'ai hâte d'y être !

Elle tourna les talons et s'en alla en chantonnant. Quand elle fut sortie, Kirito reprit son livre en posant une question à son chef.

– À votre avis, a-t-elle la moindre chance contre lui ? Pendant un instant, j'ai senti en lui une envie de meurtre qui m'avait fait frissonner.

– Pas la moindre, et ça sera une bonne leçon pour elle. Elle se repose trop sur son pouvoir car elle le croit infaillible. Dark Raven va la faire redescendre sur terre, c'est moi qui te le dit !

– Qui est-il au juste, car vous semblez très confiant !

Nightmare se redirigea vers la fenêtre pour scruter le ciel.

– Il est une personne qui doit lui aussi apprendre que son pouvoir seul ne suffira pas pour affronter ce qui l'attend.

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