Sur le pont de l'Aube, ils rencontrèrent tous les trois l'elfe, Ébène s'étant posé sur les épaules de Dark pour dormir. Il semblait épuisé, et son corps était couvert de blessures. Il tenait dans une main une lettre.

– Vous êtes bien Dark Raven ? Pitié, dîtes moi que vous l'êtes

– En effet, que puis-je pour vous ?

L'elfe tomba à genoux, des larmes coulants sur ses joues.

– Je suis sauvé ! Elle m'avait bien dit que si je faisais ce qu'elle me demandait, ils ne me torturaient pas !

– Vous allez bien ? s'inquiéta Dark en s'agenouillant devant lui. Si vos blessures vous font souffrir, nous pouvons faire venir notre médecin !

– C'est inutile, je vais bien... Tout va bien se passer...

Il tendit la lettre vers Dark de ses bras tremblants.

– Tenez ! Elle m'a dit que si je vous donnais cette lettre, son maître me laisserait partir ! J'ai vu ce qu'il fait à ses prisonniers, je ne voulait pas être le prochain sur sa liste !

Dark prit la lettre et continua de poser des questions.

– Qui est-ce ? Est-ce lui qui vous a infligé ces blessures ?

– Il s'appelle Corvus, et c'est l'être le plus maléfique que j'ai jamais rencontré ! Sans la moindre raison, il a arraché la peau de mes amis tout en les gardant en vie pour qu'ils souffrent le plus longtemps possible ! Après vu ça, j'étais terrifié ! Il m'avait dit qu'il me gardait pour plus tard, mais il a changé d'avis !

– Corvus ?

Il ignorait pourquoi, mais Dark semblait connaître ce nom, bien que ce soit la première fois qu'il l'ai entendu. Même ses pouvoirs ne lui donnaient rien à propos de ce nom.

Mélodie s'approcha de l'elfe et l'aida à se relever.

– Venez, vous n'allez pas rester dehors dans votre état. Je pense qu'il y a encore des restes de notre repas dans la cuisine.

– Merci... Merci...

Dark ouvrit l'enveloppe,et l'elfe se mit soudain à hurler en recula tout en se tenant la tête.

– Que se passe-t-il ? demanda Athéna.

– Ma tête, elle me...

Il cria de plus belle, ses bras serrés contre son torse.

– Mon corps, qu'est-ce que...

La suite ne fut plus que des gargouillements. Son corps se déforma, comme si quelque chose bougeait sous sa peau. Ses os commencèrent alors à sortir un a un, le déchirant de toute part. Alors que ce qui restait de lui s'agglutina devant eux, Dark et les autres fixèrent avec horreur ses os changer de forme, prenant la forme d'un mot.

Zugzwang.

Dark se força à quitter les restes du pauvre elfe des yeux pour lire son message.

– Nous sommes invité à une soirée organisée par le conseillé de Kraïn, Corvus, le huit mai prochain. Il précise que la tenue de soirée ne nous ai pas imposée car...

Dark fronça les sourcils, relut la lettre, puis fixa Mélodie.

– ... car notre hôte sait à quel point tu hais les robes.

Stupéfaite, elle prit la lettre et réalisa que Dark ne mentait pas.

– Comment sait-il ça ? demanda-t-elle. Et qu'est-ce que ça veut dire, ce mot ?

– Zugzwang, souffla Athéna. Il s'agit d'un terme en échec. Il insinue qu'il vient de mettre Dark dans une situation où il n'a qu'un seul mouvement autorisé, et qu'il ne lui sera pas profitable.

– En clair, il pense que je suis déjà échec et mat quoi que je fasse.

– Il y a quelque chose que je ne comprend pas: ton nom et celui de Corvus sont bien mentionnés, mais elle ne t'ai pas adressée, et elle est signée...

– ... Adam Worth, un nom d'emprunt, bien sûr. Il s'agit de l'inspiration du personnage de Moriarty dans les livres d'Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes. L'homme qui avait inspiré le célèbre détective se nommait, quand à lui, Joseph Bell.

– L'homme à qui cette invitation est adressée... marmonna Mélodie.

– Ce Corvus se voit sûrement comme étant mon ennemi juré, et si je suis l'homme qui élucide les mystères, il est celui qui tire les ficelles dans l'ombre, le Napoléon du crime. Similaires par leurs génies, mais différents par leurs méthodes. Nous sommes voués à nous affronter jusqu'à ce qu'un de nous meurt, si ce n'est les deux...

– Tu penses que c'est de lui que Nightmare voulait te parler ?

– C'est très probable. La façon qu'il a préparé le message en y incluant un sens caché montre qu'il est intelligent et cultivé, et ce sort qu'il a utilisé pour attirer mon attention est extrêmement sombre et puissant. S'il y a une personne que je suis supposé affronter de toutes mes forces, c'est bien quelqu'un capable du même genre de choses que moi.

– Sauf que tu n'aurais jamais tué quelqu'un uniquement pour faire passer un message... souffla Mélodie.

Dark se retourna, les bras dans le dos, et ricana.

– Élémentaire, mon cher Watson ! Dans ce petit jeu, je suis celui qui se lance dans les ténèbres pour en faire sortir la lumière de la vérité !

– Pourquoi suis-je Watson ? demanda Mélodie d'un ton las.

– Parce qu'Athé tient déjà le rôle d'Irène Adler, essaye de suivre ! s'écria Dark en rentrant. Venez, car la partie a commencé !

Elles le regardèrent disparaître en silence jusqu'à ce qu'Athéna prenne la parole.

– À ton avis...

– Je crois que Storm représente Lestrade, et Al ferait une excellente Hudson dans son esprit malade...

– Ah, d'accord. Et Mycroft, son frère ?

– Graah ?

Dans l'entrée était apparu un dragon à moitié éveillé qui était porté à bout de bras par Dark, hors de leur vue.

– Je te rappelle qu'ils sont supposés s'entendre comme chien et chat... soupira Mélodie.

– Je te rappelle que nous sommes en train de vivre une adaptation où Dark serait un distingué détective.

– J'ai souvent considéré que tout ce qui lui manquait pour ressembler à Sherlock Holmes était plus d'élégance, une passion pour le déguisement...

– Ainsi qu'une personnalité égoïste et misogyne, une addiction à la cocaïne... précisa Athéna.

– Je m'en passerai bien: il a son intelligence et son horreur pour l'ennui, ça me suffit ! Enterre ce pauvre type, puis vas te coucher Athé, car je sens que l'investigation de demain va être épuisante...

***

Plus tard dans la nuit, Kraïn convoqua ses généraux et Corvus pour leur faire part d'une nouvelle inquiétante. Tout en baillant, le conseillé de l'armée entra dans leur salle de réunion improvisée à Monali. Ils étaient présents ici entant qu'invités, alors ils ne pouvaient pas établir un camps de base ici sans que les autorités découvrent leurs véritables intentions. Ayant réservé plusieurs étages d'un hôtel, ils se donnaient suffisamment de place pour tenir ce genre de réunions sans attirer l'attention.

En voyant qu'il était le dernier arrivé, Corvus s'excusa, et fixa Kraïn. C'était un homme qui approchait la cinquantaine, grand et robuste. Ses cheveux grisonnaient déjà et son visage était tellement creusé par ce qu'il avait vécu qu'on aurait pu lui donner une dizaine d'année de plus. Son regard perçant était actuellement posé sur son conseiller.

– Je suis désolé de vous avoir fait levéer aussi tard, mais nous venons d'apprendre une nouvelle d'une grande gravité.

– Ne vous excusez pas, lâcha Corvus en s'asseyant. Je suis votre conseiller, alors vous devez pouvoir me consulter quand vous le désirez.

– Et où est votre ombre ? demanda un des généraux.

– Alice ? Je lui ai dit de rester couchée, je l'ai un petit peu surmenée aujourd'hui, la pauvre...

– Si vous avez tous fini, peut-être pourrons nous parler de ce qui m'a poussé à vous convoquer ? Comme vous le savez déjà, nous avons aujourd'hui reçu la visite de missionnaires de notre allié, l'AVH, et nous étions supposés discuter avec eux des termes de notre nouveau traité demain. Cependant, trois d'entre eux, de simples soldats dans leur groupe, sont partis on ne sait où, et leur capitaine n'arrive pas à les contacter.

Cette nouvelle provoqua la panique parmi ses hommes.

– Si quelque chose leur est arrivé, l'Alliance risque de nous en tenir responsables.

– C'est vrai. Même s'ils sont en bas de leur échelle, ils font parti de l'élite, et s'en prendre à eux est un acte répréhensible.

– De plus, il ne sont pas assez gradés pour obtenir des pouvoirs, alors seul leur équipement les protégera ici.

– Cette entrevue est secrète, ils n'ont donc pas pu prendre leurs troupes pour leur servir d'escorte.

– Si je peux me permettre...

Le silence revint aussi soudainement qu'il était parti et tous les regards se posèrent sur Corvus.

– Je ne voulais pas vous en parler avant d'avoir des preuves plus tangibles, mais une rumeur prétend que des Scarecrows seraient actuellement présents à Monali.

– Comment ? explosa quelqu'un. De quel droit vous permettez vous de garder ce genre d'informations pour vous ?

Corvus fixa les visages qui le dévisageaient en silence. Seuls Kraïn et Gillio restaient de marbre, car ils étaient les seuls qui le connaissaient assez bien pour savoir qu'il détestait s'avancer sur des théories sans fondements. Ils ignoraient qu'il avait vu Nightmare et ses hommes massacrer les soldats de l'Alliance, et il ne désirait pas partager cette information.

– Je vous demande pardon, mais cette rumeur ne me semblait pas assez sérieuse pour que je vous dérange avec ça. De toute façon, je vous rappelle que si notre plan se déroule comme je l'entends, l'AVH se battra bientôt pour nous. Tenons ce capitaine occupé un petit plus longtemps, car nous aurons encore besoin d'un petit peu de temps.

– En effet, ajouta Kraïn. J'ai récemment reçu un rapport du général Kunip, il a réussi à mettre la main sur la flûte. Il sera ici dans trois jours avec elle. Il en a essayé les effets et elle fonctionne comme vous l'aviez prédit. Cependant, elle n'est pas suffisamment puissante telle quel, alors j'espère que vous avez trouvé un musicien qui pourra faire ce qu'on attend d'elle.

– Je vous rassure, vous allez bientôt pouvoir la rencontrer. Je sais où elle se trouve, il ne me reste plus qu'à la réveiller. Et pour cela, je vais avoir besoin de votre aide.

– Quel genre d'aide ?

Corvus leur fit son plus beau sourire et croisa ses doigts.

– Vous saurez tout en temps et en heure. D'ailleurs, une partie clé de mon plan sera présent au dîner que j'organise dans deux jours, et je peux vous garantir que ce sera une soirée à ne rater pour rien au monde !