Chapitre 2 : Chaleur intense (Partie 1)
Depuis à présent un mois, tous les habitants de Monali préparaient l'Extase afin d'en en faire le plus grandiose jamais organisé. C'était devenu une tradition pour la ville de se surpasser chaque année, tout comme la personne qui animait à chaque fois le festival. Les restaurateurs avaient assez de nourriture pour nourrir une armée en réserve, et ils attendaient encore d'autres livraisons. Les commerçants s'approvisionnaient toujours plus en produits à l'effigie de différentes célébrités, sachant qu'ils pourraient tous les vendre sans mal au triple de leur valeur de base. Les techniciens couraient dans tous les sens, vérifiant que tout était en état de marche, afin que la musique puisse raisonner dans chaque rue à tout moment. Où que l'on se trouve, on pouvait entendre des musiciens répéter, ou tout simplement tenter de gagner un peu d'argent avant que les choses sérieuses ne commencent. Chaque hôtel en ville affichait complet, et pas un seul endroit où il était possible de planter une tente de fortune n'avait été épargné. De ce fait, de véritables bidonvilles temporaires avaient poussé autour de la cité, et les rires y étaient aussi intenses qu'en centre ville.
Du haut d'une tour, Corvus observa le spectacle incessant qui se déroulait sous ses yeux. Il s'en était lassé, mais il savait qu'il devait se montrer patient. Il avait une idée en tête qui permettrait de rendre cette scène fascinante, mais il désirait la partager avec quelqu'un en particulier. Et pour qu'il puisse l'apprécier à sa juste valeur, il se devait de préparer le terrain.
Derrière lui, Alice regardait aussi en bas, en se demandant si elle pouvait torturer quelqu'un pour passer le temps. Comme s'il lisait dans ses pensées, il lui adressa la parole.
– Patience, Alice, nous devons encore nous montrer discrets pour le moment. Le monde n'est pas encore prêt à nous découvrir, mais d'ici peu de temps, personne sur Terre ignorera ce qui se prépare réellement pendant qu'ils vivent leurs misérables vies vides de sens.
– Vous avez raison, maître. En attendant, Kraïn nous a demandé d'aller le voir. Pensez vous qu'il est sage de le faire patienter ainsi alors que nous avons besoin de sa coopération pour la phase finale ?
– Ne t'inquiète pas, il ne se fâchera pas juste parce que nous nous sommes arrêtés pour admirer la vue, aussi morne soit elle.
– Je doute qu'il continue de se montrer aussi patient avec vous deux très longtemps, si vous voulez mon avis.
Ils se retournèrent et réalisèrent qu'un homme les fixait. Il était dans la quarantaine, une cicatrice en croissant de lune se dessinait sur sa joue gauche, et il avait un regard aussi dur que l'acier.
– Général Gillio ! s'exclama Corvus en prenant un ton faussement réjoui. Quel plaisir de vous voir ! Alors, avez vous examiné l'endroit où les traîtres se cachaient ?
Gillio se mit à sourire. Contrairement aux autres généraux de Kraïn, il appréciait Corvus, car il obtenait toujours des résultats dans des délais impressionnants. Quand on disposait de tels talents, on devrait être pardonné d'avoir des penchants inhabituels, considérait-il. De plus, lui même, il aimait voir ses victimes souffrir.
Corvus lui rendit son sourire, car il savait que Gillio l'appréciait, ce qui le rendait dangereux. Quand un homme comme lui apprécie quelqu'un, il a l'habitude de le garder à l'œil, juste au cas où tout n'était pas que de la poudre aux yeux. De tous les soldats de Kraïn, Corvus se doutait qu'il serait le plus dur à contrôler, car Gillio avait pris le temps de l'étudier correctement avant de le juger.
– Enfin, vous avez raison, général. Je dois encore faire mes preuves aux yeux de vos semblables, alors je ferais mieux de ne pas ternir mon image plus qu'elle ne l'est déjà.
– Vous n'avez pas à vous soucier de ce genre de choses, soupira Gillio, car bon nombre de rumeurs courent déjà à votre sujet.
– Vraiment ? s'étonna Corvus alors qu'Alice lui agrippait le bras. Que dit on à mon sujet ?
– Le genre de choses que l'on dit toujours au sujet des personnes qui gagnent autant d'influence que vous aussi rapidement. Vous auriez votre propre donjon quelque part où vous torturez vos victimes pendant des jours, vous vous lanceriez dans des actes de cannibalisme, vous passeriez des pactes avec des démons, et, le plus improbable, vous pourriez voir le futur.
Corvus éclata de rire.
– C'est ridicule, je ne suis pas un oracle ! Cependant, en vous entendant dire cela, je me sens d'humeur à vous lire votre avenir !
– Je ne suis pas naïf au point de...
Le masque de Corvus fut soudain à quelques centimètres du visage de Gillio.
– -Dans cinq jour, je prédis que vous serez rattrapé par votre passé, et vous ne cesserez jamais de courir quand ça arrivera.
Quelque peu déstabilisé par cette prémonition, Gillio éclata cependant de rire.
– J'ai hâte d'y être ! J'aime les défis !
– Oh, je peux vous garantir que vous n'allez pas être déçu...
Ils marchèrent en riant, tandis qu'Alice notait que Corvus n'avait pas démenti les remarques de Gillio qui avaient fait mouche.
***
Le soleil commençait déjà à se coucher quand l'Aube Argentée arriva à la lisière du plus éloigné des bidonvilles. Fatigués par les événements qui avaient réveillé les mercenaires après trois semaines d'inactivité en mer, ils décidèrent de visiter la ville le lendemain. Ils savaient de toute façon que les quais de Monali devait déjà être pleins à craquer de vaisseaux, alors il était inutile d'essayer de s'y arrimer. Ils décidèrent d'aller se promener dans les rues artificielles de ce village fait de toile, laissant Athéna, Jaws, Zac, Sophie, Lisa et Théo à bord pour garder un œil sur leurs prisonniers. Pour ce qu'il s'agissait des musiciens, il fut décidé de les laisser rester à bord pour la durée des festivités, permettant à Sophie de garder un œil sur ses patients.
En parcourant le bidonville sous la lueur écarlate du crépuscule, la troupe réalisa que des commerces s'étaient improvisés, proposant divers produits, particulièrement des pièces collectors représentants les groupes musicaux du moment. Dark fut heureux de voir un bar plus loin, et Ébène qui s'était installé sur ses épaules semblait curieusement partager son enthousiasme.
– Tu aurais mieux fait de laisser ton animal de compagnie au vaisseau, lui souffla Mélodie. Il attire tous les regards.
– Je n'allais tout de même pas le garder enfermer et l'empêcher de découvrir le monde et toutes ses merveilles !
– Et c'est au fond d'un verre que tu comptes le lui montrer ? demanda Cap alors que Dark approchait déjà le patron, un troll, pour passer sa première commande.
Ils s'installèrent à la seule table libre dans cet établissement en plein air et Mélodie analysa le reste de la clientèle. À part des personnes qui étaient clairement présents pour le festival, il y avait un groupe à part à une table au bord du terrain du bar. Ils ne semblaient pas être là pour se divertir, et ils avaient presque tous un air maussade. Le seul pour qui il n'était pas évident de le déterminer était un grand gaillard entièrement recouvert par des haillons qui dissimulaient presque intégralement son corps. Un espace avait été laissé libre pour son visage, mais il était impossible de voir ce qui s'y cachait. Il était aussi le seul qui n'avait pas touché à son verre.
– Charmante compagnie... grommela Mélodie.
– Tu as remarqué, aussi... souffla Snipe.
Dark observa l'homme colossal à travers la glace qui se trouvait derrière le propriétaire des lieux. Il lui donnait une impression étrange, mais il ignorait pourquoi. Il rejoignit ses compagnons, un plateau en main, et distribua les boissons avant de poser un bol de cacahuètes devant lui. Ébène sauta sur la table et les renifla.
– Ça mange des cacahuètes, les dragons ? demanda Al d'une voix sceptique.
– On dirait bien... répondit Dark en voyant la créature les engloutir un à un.
– Au moins, il ne nous ruinera si le nourrir nous coûte des cacahuètes ! plaisanta Cap.
L'ambiance resta sympathique encore cinq minutes. Au bout d'un moment, des murmures venus de l'extérieur firent le tour des autres tables et le bar commença à se vider.
– Je n'aime pas ça... marmonna Mélodie. Finissez vos verres, nous ferions mieux de déguerpir en vitesse...
– Dommage... soupira Dark. La bière était pourtant bonne...
Ils furent cependant trop lents, car les trois hommes dont l'arrivé avait fait fuir presque tout le monde entrèrent. Ils étaient vêtus d'armures blanches, de longues capes blanches, et des casques étincelants qui filtraient l'air environnant, laissant tout le monde entendre leurs respirations pesantes. Ce n'était pas pour leur permettre de survivre dans un environnement qui leur était hostile, car ils étaient tous les trois humains. Ils se considéraient supérieurs aux autres au point de ne pas vouloir respirer le même air qu'eux. Ils étaient armés d'épées laser ainsi que de fusils et d'une large gamme d'armes à la pointe de la technologie qui auraient fait baver d'envie Lisa.
Plus personne n'osa bouger. Le faire attirerait l'attention des trois hommes, et ils sauteraient sur l'occasion de montrer leur pouvoir. L'équipage échangea des regards furtifs, bien décidés à attendre que l'orage passe. Même Dark ne désirait pas s'en prendre à eux, bien qu'il était capable de les éliminer sans mal en les prenant par surprise. Il se retenait, car, comme tout le monde ici, il savait que ces trois hommes étaient des membres officiels de l'AVH, et qu'attaquer un seul d'entre eux leur vaudrait d'êtres traqués jusqu'aux confins du monde par la terrifiante puissance de cette organisation qui clamait régner sur le monde.
Les trois hommes firent face au patron.
– Salut, tas de caillasse, nous sommes là pour récupérer le loyer que tu nous dois !
Le troll les fixa d'un air imperturbable, chose aisée pour les membres de sa race, et leur répondit calmement.
– Ce terrain n'appartient pas à l'Alliance.
– Pas encore, mais ça ne saurait tarder... ricana l'un d'eux. Nous sommes juste venu en avance, étant donné que le continent nous appartient presque déjà ! Alors tu vas nous faire le plaisir de...
Cling !
Tous les yeux se posèrent alors sur une table désertée en hâte plus tôt. Ébène avait profité de l'absence des occupants pour dévorer ce qu'il pouvait et avait vidé un verre de bière. Sa tête était restée coincée dedans et il essayait de se dégager en poussant des petits cris, ce qui avait attiré l'attention de tout le monde.
– Pincez moi, je rêve... souffla un des soldats en s'approchant d'Ébène qui se roulait sur la table en gémissant.
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