Chapitre 1: La ville aux rivières de sang (Partie 3)
Les deux brailleurs fixèrent Sophie qui était clairement lassée par leurs interminables disputes. Sachant qu'il n'était pas recommandé d'énerver quelqu'un capable de vous infecter avec les pires maladies existantes, ils se tinrent tranquilles pendant qu'elle finissait son travail. Une fois cela fait, ils se rendirent alors vers la salle à manger pour retrouver leurs compagnons.
– D'ailleurs, Al était en colère parce que c'était sa meilleure poêle que tu as cassé... mentionna mesquinement Hawk.
– Désolé, je ferais plus attention la prochaine fois que vous essayerez de me refaire le portrait...
– On a dû repousser une horde de harpies parce qu'on a atterri dans leur nid, pour ta gouverne. C'était bien toi qui nous avait proposé cette idée ?
– Et n'était-ce pas toi qui disait qu'il ne fallait jamais m'écouter ?
– Allons les enfants, on arrête de se chamailler et on se concentre ! intervint Sophie en claquant des mains telle une institutrice de maternelle. Souvenez vous qu'il nous reste des choses dont on doit discuter !
Se sentant un peu honteuse d'avoir eu le droit à un tel commentaire, Mélodie poussa une porte et rejoignit le reste du groupe qui était déjà passé à table.
– Il est encore en vie, l'aimant à calamités ?
– Je vivrai plus longtemps que toi, l'ancien, c'est sûr !
En poussant un soupir, Mélodie ignora la confrontation entre les deux pôles opposés de l'équipage et se tourna vers Cap.
– Combien de temps avant que nous n'arrivions à Triliana ?
– Tu veux dire combien de temps avant qu'on se retrouve cerné par les pires créatures qui existent ? Je dirais deux heures plus tôt que ce qui est recommandé pour notre survie...
– Rappelez moi pourquoi on doit aller là bas, au juste ? demanda Théo d'une voix paniquée. Il doit y avoir un meilleur moyen d'approcher Jaws que de nous rendre dans cet enfer, non ?
– Si ça te tente d'aller à Aquaria à la nage, on ne te retient pas !
Se souvenant que cette forteresse se trouvait sous la mer la plus dangereuse du monde, Théo dût admettre que c'était malheureusement la meilleure option.
– Votre peur à tous est justifiée, dit alors Dark. Moi même, c'est avec beaucoup de réticence que je me rends dans cette ville. Cependant, ceci reste une occasion inespérée de rencontrer Savage Shark, le Roi de l'eau. C'est pourquoi je compte sur vous tous pour vous tenir tranquilles.
Tous les regards se posèrent alors sur lui, complètement choqués. Il fallait avouer qu'entendre l'homme qui pouvait se faire plus d'ennemi qu'un nain dans une capitale elfique vous dire de vous tenir à carreau vous laissait sans voix.
– À ton avis, qui est celui qui nous a le plus attiré le plus d'ennuis dans cet équipage ?
– En cinq ans, on a eu moins de problèmes que durant ces dernières semaines... admit Mélodie.
– Sauf que vous n'aviez jamais eu la chance de sauver le monde avant de me rencontrer, non ? se défendit le Roi en souriant. En me rencontrant, vous l'avez fait deux fois en autant de semaines !
– Parce que tu appelles ça une chance, de devoir se coltiner un énergumène comme toi alors que le sort de l'univers repose sur nous ? lâcha Snipe.
– C'est bien parce qu'il est lui même Dark parvient à faire ce qu'il fait...
Une chose qu'ils n'appréciaient que moyennement chez Athéna, c'était son habitude de dire les choses telles qu'elles étaient, même quand on préférerait que ce ne soit pas le cas. Ils savaient que Dark n'accomplissait ses miracles qu'en étant... Dark, mais c'était toujours à eux de réparer les pots cassés et rattraper ses erreurs.
– Ouais, bon, c'est vrai... pesta Cap. Par contre, face aux Lisoras et aux Canire, t'as intérêt à calmer le jeu !
– Ne t'inquiètes pas, je sais mieux que quiconque ici ce dont ils sont capables...
Ça, personne ne l'ignorait. Ils savaient tous que les dons de Dark lui imposaient de voir en permanence toute l'histoire, y comprit sa facette la plus terrible. Alors il était bien celui qui comprenait le mieux vers quelle épreuve ils se dirigeaient à présent.
Soudain, Lucie apparut devant eux, souriante comme toujours.
– C'est pas grave s'ils n'ont pas encore plus rencontré plus fort qu'eux ! Après tout, ils ne nous ont pas encore vus, ils ne savent pas ce qui les attends !
Elle devint le centre de l'attention de tous jusqu'à ce que Dark éclate de rire.
– Tu as bien raison ! Il faudra bien plus que des créatures de la nuit pour terrasser l'incarnation des ténèbres et ses compagnons !
– À t'entendre, on dirait que nous sommes les serviteurs du mal... soupira Mélodie. Enfin, tu n'as pas tort. Ils sont peut être connus comme étant des monstres assoiffés de sang, ça ne veut pas pour autant dire qu'ils peuvent nous battre...
– C'est vrai ! ricana Lisa. Après tout, on a déjà sauvé le monde deux fois, c'est deux fois de plus qu'eux en plusieurs siècles !
– Je vous rappelle que nous n'y allons pas pour leur déclarer la guerre, mais pour rencontrer Jaws, lâcha Athéna. Nous n'aurons peut-être pas à rester longtemps à Triliana...
Mélodie soupira et posa sa main sur l'épaule de la déesse.
-Athé, vu notre chance, ce serait un miracle si la ville est encore debout après notre départ...
***
Tous les habitants de Triliana étaient à cran. Le simple fait de savoir que les Lisoras et les Canire étaient à la recherche de la même chose suffisait à inspirer la peur à tous, mais la nouvelle de l'approche d'un criminel aux arrêts n'était pas une source de réjouissances. De plus, il s'était fait savoir que le Miracle Vivant des mers serait présent, et les rumeurs disaient qu'il commettait parfois des actes de pirateries. Les trilianiens n'avaient que rarement l'occasion de se réjouir de quoi que ce soit, et aujourd'hui était loin de faire exception à cela.
Au port maritime, les miliciens de la ville, les Lisoras et les Canire se tinrent présent, prêts à intervenir en cas de problème.
– La vache, ça me rassure pas, tout ça... soupira un membre de la milice.
– Tu l'as dit ! pesta un de ses collègues. Au moins, avec ce soleil, les Lisoras ne pourront pas faire grand chose en cas de pépin...
– Tant mieux, car ça ne ferait que rajouter de l'huile sur le feu s'ils commencent de se battre ! De plus, en sentant l'odeur du sang, les Canire ne tiendraient plus en place !
– Bouclez là ! souffla un troisième. Je vous rappelle qu'ils ont l'ouïe fine, et ils n'auront aucun mal à vous identifier, même au milieu des troupes !
– Vous avez entendu la dernière ? interrompit un autre soldat. Il parait que les cadavres de deux d'entre eux ont été retrouvés dans les quartiers nord ! Et les blessures qui ont entraîné leur mort n'ont pas été faites par leurs armes !
– Et alors ? Un Canire a dû se faire tuer par un Lisoras pour être ensuite vengé par un de ses potes, ou vis-versa ! Je vois pas pourquoi ça t'inquiètes !
– Sauf qu'un bruit cours disant qu'aucun autre Lisoras ou Canire n'était dans les environs à ce moment là ! Ils ont vérifié, et en sont arrivés à la conclusion que...
Un sergent attrapa le col du soldat en train de parler et le tira face à lui pour le foudroyer du regard.
– T'es pas sérieux? Même s'ils venaient à se tromper, ça voudrait dire qu'ils vont s'en prendre à nous ?
– Magnifique... grommela quelqu'un qui écoutait la conversation. Si on survit à la venue de ce criminel, les monstres ne nous louperont pas, eux !
– Tiens, au fait, c'est qui ce type ? Quelqu'un le connaît ?
– Quoi? T'as jamais entendu parlé de Zrak, le maître étripeur ? C'est un criminel de guerre ! Un Écorcheur, un monstre rapide et sournois ! Il se bat à l'aide de ses griffes acérées et massacre des dizaines de personnes en l'espace d'un instant ! C'est l'un des pires mercenaires du continent au sud d'ici ! Il a participé à d'innombrables conflits et tué tellement de gens qu'il a à lui seul fait plus de victimes qu'une de ces guerres auxquelles il a pris part !
– Une rumeur dit qu'ils ont dû envoyer une vingtaine de trolls et cinquante soldats pour l'immobiliser ! Le seul à en être revenu serait le plus robuste de ces colosses de pierre, et il aurait péri de ses blessures après l'avoir livré !
– Le pire, c'est qu'il fait parti d'un groupe, et ils n'ont pas envie de le voir finir en prison ! S'ils ont appris qu'il devait venir ici, on est mal de chez mal !
– C'est sûr qu'ils voudront fêter leurs retrouvailles...
– Si ça venait à arriver, j'en serai presque heureux de vivre sous leur coupe à eux ! lâcha l'un d'eux en désignant discrètement les Lisoras et les Canire.
– Ouais, presque...
***
Dans la pénombre d'une tente montée à l'arrière de l'attroupement, des murmures furent échangés.
– Vous entendez ça ? Ils seraient presque ravi de notre présence ici... Jamais je n'aurai cru qu'ils puissent dire une chose pareille un jour...
– En effet, ricana une femme en regardant la scène avec intérêt. J'aurai presque envie de laisser ce Zrak s'échapper pour avoir le plaisir de le pourchasser... Les gens nous porteraient en triomphe, pour une fois...
– Faites attention à ce que vous désirez, Madame. De jour, même vous, vous ne pourriez rien face à cet écorcheur, et les Canire en profiteraient pour s'attribuer tous les mérites...
– Je conçois que c'est vrai... soupira-t-elle en se prélassant dans son fauteuil. Je n'ai pas vraiment envie de voir ces sales chiens gagner en influence, cela pourrait se retourner contre nous... Surtout maintenant...
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