Chapitre 1: La ville aux rivières de sang (Partie 1)

Lucien Sras pensait avoir une chance de s'en sortir. La pluie battante frappait les rues avec violence, étouffant le bruit de ses pas, et son odeur était lavée par toute l'eau qui tombait autour de lui. L'obscurité de la nuit, en revanche, ne jouait pas en sa faveur.

Le médecin savait qu'il n'aurait jamais du accepter ce travail, mais il était sur le point de perdre son cabinet, et ses employeurs avaient été très généreux pour ce qu'il s'agissait de sa paye. À ce moment là, Sras ne s'était pas douté qu'il serait ensuite mêlé aux affaires des Lisoras, et que les Canire seraient intéressés aussi. Maintenant, il devait fuir, et il se doutait que cela ne serait pas facile, voir impossible.

À l'heure qu'il était, toute sa famille et ses amis auraient déjà eu la visite des serviteurs de ceux qui le traquaient, alors leur demander de l'aide reviendrait à se donner lui même la mort. Ou pire.

Lucien se retourna soudain, persuadé d'avoir vu une ombre bouger du coin de l'œil. Paniqué, il scruta les environs et ne put rien remarquer qui sortait de l'ordinaire. Cependant, vu qu'il n'était pas pourchassé par des humains, il était impossible pour lui d'en être sûr.

Sras recommença à marcher, pressant peu à peu l'allure, persuadé qu'ils avaient retrouvé sa trace. Ceux qui le cherchaient étaient des experts dans la traque, alors même dans de telles conditions, ce n'était pas surprenant qu'ils le retrouveraient. Après tout, ils connaissaient son odeur, et cette ville était leur terrain de chasse.

Il savait aussi que sa seule chance d'échapper à ses poursuivants, c'était de faire en sorte à ce que les deux groupes se croisent. Ils avaient certes un objectif commun, les Lisoras et les Canire préféreraient s'entre-dévorer plutôt que de faire équipe et se partager le butin. Surtout quand la vraie valeur de leur proie se révélerait si un seul d'entre eux la possédait.

Sras sentit une présence au dessus de lui, et leva les yeux, semblant distinguer une ombre disparaître vers les toits.

Lequel était-ce ? se demanda Lucien. Un serviteur des Lisoras ? Des Canire ? Peu importe lequel c'est, je dois m'enfuir sur le champs !

Courant, il ne se rendit compte qu'une figure se dressait devant lui que quand il arriva à trois mètres d'elle. Maudissant la pluie qui brouillait sa vue, il se retourna et réalisa que le même scénario l'attendait de l'autre coté. Retenant son souffle, il attendit afin de découvrir s'il était pris en tenaille, ou s'il était coincé entre deux monstres assoiffés de sang prêt à se battre.

– Qu'est ce qu'un chien des Canire fait ici ?

En entendant cela, Lucien comprit qu'il avait encore une chance de s'en sortir. Du moins, jusqu'à ce qu'un d'entre eux tue l'autre et le rattrape.

– C'est plutôt à moi de demander ça ! Qu'est ce qu'un parasite dans ton genre pense faire en tentant de me prendre ma proie ?

Ta proie ? Elle est bien bonne, celle là ! Ce sont les Lisoras qui ont découvert la vérité en premier, il est donc normal que ce soit nous qui réglions ce problème !

– Tu plaisantes, j'espère ? Nous ne laisserons jamais ce qui nous appartient tomber entre les mains de sangsues dans votre genre !

– Il a dis quelque chose, le cabot ?

Lucien se félicita d'avoir décidé de s'écarter, car le carnage allait bientôt avoir lieu. Il vit que l'un d'eux avait dégainé ses pistolets, tandis que l'autre déployait une lance kaléidoscopique, et ils pointèrent ainsi leurs armes l'un vers l'autre.

Puis, ils semblèrent disparaître tout deux. Lucien eut à peine assez de temps pour comprendre et se jeter au sol tandis que deux mains plongeaient simultanément sur lui. Leur proie s'étant éclipsé, les deux chasseurs se faisaient à présent face.

Le lancier fondit vers son rival qui fit un bond en arrière si haut et si long qu'il semblait planer. Il prit appui sur un mur, deux mètres au dessus du sol, et tira quelques coups de feu. Les premiers tirs furent incroyablement parés par la lance, et le dernier érafla le bras du Canire. Il grimaça et posa sa main sur sa blessure qui fumait. Il leva soudain le regard et constata que son ennemi courrait vers lui, ses armes braquées sur lui. Lucien regarda la scène avec terreur, car le Lisoras ne courrait pas sur le sol, mais le long du mur.

Le Canire fit un mouvement latéral si rapide qu'il semblait surréel, évitant une nouvelle salve de tirs. Il rétracta sa lance et prit appui sur le sol, à quatre pattes. Il adressa alors au tireur un regard bestial, ses dents se changeant en crocs et ses oreilles s'étirant un peu. Il fonça vers le mur, partant à droite et à gauche de manière irrégulière pour perturber le Lisoras. Il bondit et déploya son arme avant de l'abattre devant lui. Elle se planta dans le mur, et le Lisoras prolongea son mouvement d'esquive pour coller son arme sur la tête de la bête déchaînée. D'un revers, le Canire écarta le pistolet qui le menaçait, juste à temps pour éviter un tir qui lui aurait été fatal, et tenta de déchirer son rival avec ses griffes. Le Lisoras recula de justesse, du sang coulant de la plaie qui était apparue sur son torse. Ils se firent alors tout deux face, l'un toujours debout à l'horizontale, l'autre perché sur sa lance.

Lucien, quand à lui, assista au spectacle avec horreur, tétanisé par la peur. Il réalisa alors que c'était sa seule et unique chance de s'échapper. Il se leva et commença à s'éloigner lentement pour ne pas attirer l'attention des deux chasseurs.

– Où allez-vous comme ça, docteur Sras ?

Pris au dépourvu, Lucien dévisagea son interlocuteur, sans pouvoir reculer tant la surprise le figeait. Les deux traqueurs arrêtèrent de se fixer pour découvrir un nouvel intrus. Un homme portant une longue cape avec la capuche rabattue sur son visage barrait la route du docteur. Il ne fallut aux deux combattants qu'un instant pour comprendre que le nouveau venu ne faisait parti d'aucun clan.

– Disparaît d'ici, humain ! Rien de ce qui se passe te concerne !

– Oh, bien au contraire, messieurs ! déclara l'inconnu avec un sinistre sourire à peine perceptible. Voyez vous, je suis aussi très intéressé par ce que ce cher docteur à a dire ! Je suis au regret de vous dire que nous ne vous laisserons pas nous couper l'herbe sous le pied !

***

Le lendemain matin, dans la vallée des Valseurs Écarlates, la nature commençait à s'éveiller sous la pale lueur de l'aube qui commença à se dessiner derrière les montagnes. Dans cet environnement paisible, les animaux somnolaient encore, profitant du calme.

Soudain, ils sentirent quelque chose. Cette sensation se fit de plus en plus forte, et ils savaient que ce qui approchait était dangereux. Ils commencèrent alors à se cacher, ne voulant pas attirer l'attention de ce qui arrivait.

Puis, il fut là. Fonçant à toute allure dans le ciel à peine clair, un vaisseau argenté survola la vallée, pourchassé par une horde de harpies, des créatures mi-femme, mi-rapace, dotées d'un appétit vorace. Ce qui inquiétait le plus l'équipage du vaisseau, c'était la rumeur disant que la nourriture préféré de ces monstres était la chair humaine.

– Elles sont encore là ? demanda le pilote sans oser se retourner.

– Non, elles se sont arrêtées pour prendre le thé... À ton avis, gros malin ? répondit sarcastiquement une femme en fouillant son sac.

– On n'aurait peut-être pas dû atterrir en plein milieu de leur nid... fit remarquer une jeune fille aux cheveux courts.

– On ne savait pas que c'était un nid, nous sommes arrivés au beau milieu de la nuit et les harpies sont des créatures nocturnes ! exposa un homme à lunettes.

– Merci pour le commentaire, professeur, mais ton exposé peut attendre ! hurla un homme de grande taille. Vas aider les autres dehors !

Le concerné s'exécuta et sortit sur le pont. Il rejoignit ses camarades qui tentaient tant bien que mal de repousser les intruses.

– Bordel, elles ne lâchent pas l'affaire ! s'écria un homme armé de deux pistolets et possédant un œil artificiel. Qu'est ce qu'elle fout, Sophie ?

– Elle cherche encore sa poupée pour les harpies, expliqua le jeune savant en pétrifiant quelques monstres avec un éclair magique.

– Si elle ne se dépêche pas, on les aura déjà toutes massacrées ! se plaignit une jeune femme en pourfendant une harpie de sa lame.

– Tiens, où est Athé ?

– Elle a attiré la moitié d'entre elles vers le nord pour leur régler leur compte. Ça nous arrange, car elles nous auraient submergés sinon !

– À part ça, quelqu'un a aperçu l'autre taré ?

– Non, et je voudrais savoir ce qu'il fabrique ! On aurait bien besoin de lui !

Tout d'un coup, une ombre fondit sur la horde qui suivait le vaisseau, décimant les créatures ailées. Se rendant compte qu'un être doté d'une force incommensurable venait d'apparaître, elles prirent peur et s'enfuirent.

L'équipage fixa leur sauveur, bouche bée. Il s'agissait d'une femme en armure, chevauchant une chouette géante. Dans une main, elle tenait une lance, et dans l'autre un bouclier. Elle se tenait devant eux, dans une grâce transcendante. Sa beauté resplendissant dans la faible lueur du jour naissant, éclairant la vallée de sa splendeur.

– Merci du coup de main, Athé, dit alors la femme à la rapière.

Athé se posa sur le pont du vaisseau et sa monture devint une simple chouette avant de disparaître. Elle se dirigea vers ses compagnons qui avaient l'habitude de se tenir en sa présence, et donc ne ressentaient pas les effets de son aura.

– Ce n'était rien. Des harpies ne valent rien face à une déesse...

– Je connais une autre personne contre qui elles n'auraient pas fait le poids... grommela l'homme aux pistolets en les rangeant.

– Oui, c'est vrai... Il a intérêt d'avoir une bonne explication pour nous avoir laissés nous démerder... Surtout que ce foutoir est de sa faute...

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