Chapitre 6: Profondeurs et théologie (Partie 1)

Dark se leva. En regardant autour de lui, tout ce qu'il voyait n'était rien d'autre qu'une vaste plaine désolée, où nulle vie pouvait exister. En levant les yeux, il scrutait le sombre ciel sans lune, nuages ou étoiles. Il ne faisait pas nuit pour autant, car cela supposerait qu'il pourrait faire jour ici. Les seules choses qui régnaient ici étaient les ténèbres les plus insondables.

Encore ce rêve... pensa-t-il.

Il l'avait déjà fait plus d'une fois au cours de cette dernière semaine. Dès qu'il fermait les yeux, c'était tout ce qu'il pouvait voir.

Au début, il espérait que ce monde de rêve était une sorte de lien avec les autres Rois, mais il finit par se rendre compte que c'était juste la manifestation de son esprit. Il était apparu dans un monde de conflit et avait du lutter dès le premier jour pour survivre.

Il se retourna. Comme toujours, il n'avait rien trouvé là un instant plus tôt, mais dès qu'il commençait à y penser, il la voyait.

La colline des morts.

Depuis la dernière fois, elle avait encore grossi, les cadavres ne cessant pas de s'empiler. La plupart de ses nouvelles victimes étaient peut être déjà mortes quand il les avait massacrées, ça ne changeait rien à ses yeux.

Il savait sur quelle voie il s'était engagé, il ne pouvait plus faire demi tour, sinon cette colline n'aurait plus aucun sens. Il savait que s'il continuait, cette colline grandirait encore et encore, jusqu'à devenir la plus sinistre des montagnes. Mais, s'il s'arrêtait là, ce ne serait pas une montagne de morts qui apparaîtrait, mais un continent entier. Peu importe les sacrifices, peu importe les morts, il se devait de continuer d'avancer.

Il se retourna à nouveau.

La plaine s'étendait à l'infini devant lui, la solitude régnant en ces lieux. Jusqu'à présent, il avait toujours été seul pour marcher dans ce monde. Continuer à le faire ne serait pas plus mal, à moins de voir ses compagnons rejoindre la masse mortuaire qui projetait son ombre sur lui, sans qu'il puisse jamais y échapper.

Le monde trembla. Il n'y avait jamais de tremblements de terre ici, alors Dark fut totalement déstabilisé par ce qui se passait dans cet univers imaginaire.

Puis, plus rien.

***

C'était une matinée paisible. Les réparations du vaisseau étaient presque terminées. Cette nouvelle ravit l'équipage, impatient de reprendre sa route. Il fut décidé de convaincre leur passager de rester à bord, Zac insistant cependant que, s'il acceptait, il devrait leur fournir une preuve de sa bonne fois. Ce fut là que le groupe rencontra une certaine difficulté.

– Tu vas dormir encore longtemps ? hurla Zac en entrant de force dans la chambre de Dark. Trois jours que ça dure ! Tu as l'intention d'hiberner ou quoi ?

La marmotte entrouvrit un œil et se redressa. Il regarda autour de lui et constata qu'il n'était plus piégé dans le chaos de son inconscient. Puis il fixa Zac et son air furieux, et commença à envier l'endroit d'où il venait de sortir. Là bas, au moins, personne ne pouvait lui crier dessus.

– Bonjour à toi aussi... bailla-t-il avant d'être frappé par une réalisation. TROIS JOURS ? J'ai manqué quinze repas ? Je ferais mieux de manger un morceau avant de partir !

Ne voulant pas s'éterniser sur le fait qu'il comptait cinq repas par jour, le second de l'Aube s'approcha de Dark et hurla.

– Non mais tu te crois où ? À l'hôtel ?

– Je prendrais mon petit déjeuner au lit, garçon... répondit Dark en se recouchant.

Dans la cuisine, Al sursauta lorsqu'il entendit un grand bruit accompagné par un rugissement et un cri de panique.

– Finalement, on aurait peut être dû envoyer quelqu'un d'autre le réveiller... marmonna-t-il en ramassant le bol qu'il venait de faire tomber.

***

Non loin de là, des ombres bougèrent dans l'obscurité. Cela faisait des années qu'elles n'avaient pas vu la lumière du jour et presque aussi longtemps qu'elles avaient oublié qui elles étaient et leur but. Elles entendirent un mouvement tout prés et se ruèrent dessus. Le pauvre rat n'eut pas le temps de fuir et finit déchiqueté et dévoré avant même d'avoir eu le temps de paniquer. Ces choses n'étaient plus qu'instinct, elles n'étaient rien de plus que des bêtes. Et elles attendaient leur prochaine proie avec impatience.

***

– Je me plaindrai à la direction ! Le service ici est vraiment déplorable !

– Tais toi et avance !

Dark et Zac entrèrent dans la salle à manger où l'air était finalement redevenu respirable et s'installèrent. Ils étaient attendus par une partie de l'équipage qui surveillaient le Roi.

– Dites, il est toujours d'aussi mauvais poil au réveil ? demanda Dark au reste de la table.

– Seulement quand on le motive... répondit Théo sans quitter son livre des yeux.

– Il t'en a fait baver, hein ? ricana Lisa.

– T'as pas idée !

– C'est pas à toi que je parlai, Dark...

– MAAIIIS ! C'est lui qui a lancé mon lit dans le couloir ! Et j'étais encore dessus !

– Allons, oublions ça ! intervint Al en diplomate, tout en portant des arguments valables sur son plateau. Mangeons, ça nous changera les idées.

– Et puis, on a à te parler, Dark... déclara le capitaine en rentrant dans la pièce.

– Désolé, je ne fais pas dans les adieux larmoyants... déclara le ténébreux.

– Si je devais pleurer à ton départ, ce serait des larmes de joie... grommela Zac.

Mélodie soupira et prit place à table.

– Non, pas exactement... On pensait au contraire vois tu...

– Ah bon ? lâcha Dark tout en fixant son assiette. Comment ça ?

Hawk regarda le reste de l'équipage. Personne ne semblait avoir changé d'avis, surtout son second qui posait sur Dark un regard plus noir que son manteau.

– On voudrait que tu restes, Dark ! s'écria une voix dans la pièce.

Abasourdie, Mélodie se tourna vers un communicateur.

– Lucie, tu ne devrais pas présenter les choses de manière aussi abrupte !

– Et pourquoi pas ? demanda Sophie. Tu comptais tourner autour du pot pendant trois plombes... Et puis, comme ça, on est sûr qu'il comprendra ce qu'on veut dire.

Ils fixèrent tous l'intéressé qui était concentré sur son plat. Ils doutèrent qu'il les avait écoutés jusqu'à ce qu'il prenne la parole.

– Voyons voir si j'ai bien tout suivi... D'abord, je vous propose un travail des plus honnêtes et vous le déclinez. À plusieurs reprises, je dirais même. Ensuite, je sauve la moitié d'entre vous d'une horde de zombis, et votre gratitude à ce sujet laissait un peu à désirer... Puis, il y a trois jours, je vous dis que l'offre ne tient plus et que je compte partir. Enfin, le jour de mon départ, après m'avoir brutalisé, dit-il en désignant Zac qui le fusillait du regard avec un armement lourd, vous me demandez de rester ? Est-ce bien cela ?

Il fit le tour de la table des yeux. Il était évident que, malgré tout, ils étaient encore décidés à faire affaire avec lui. Nul ne savait pourquoi, mais c'était ainsi.

– Évidement, déclara Zac, on ne te laissera pas rester avec nous si tu ne nous prouves pas être capable de nous payer.

Dark le fixa avec de grands yeux.

– Votre stratégie de négociation m'a l'air plutôt bancale ! En plus d'attendre que mon offre soit retirée avant de l'accepter, vous avez le culot de rajouter une condition ! Est-ce vraiment comme ça que vous menez vos affaires, capitaine Hawk ?

Il soupira, puis leur sourit narquoisement. Ils savaient d'avance qu'ils n'allaient pas aimer ce qu'ils allaient entendre.

– Je ne sais pas... Après tout, vous m'avez profondément blessé quand vous avez refusé... Et puis, je pensais que vous ne croyez pas à mon histoire ?

– Et c'est toujours le cas, intervint Théo. Cependant, si tu peux effectivement nous payer, rien ne nous empêche de t'emmener avec nous. On peut aussi en profiter pour chercher du travail à effectuer en plus...

Dark pencha sa tête en arrière et commença à réfléchir. Il avait déjà abandonné l'idée de faire le voyage avec l'équipage à ses côtés, mais il considérait cependant qu'il avait plus à perdre en refusant leur aide qu'en continuant sa quête avec eux. Il décida donc que c'était le bon moment pour lui de se divertir un peu, à sa manière. Leur réaction lui permettra de prendre une décision adaptée.

– Je vois... Non seulement vous ne me prenez pas au sérieux, mais en plus, vous ne vous investirez pas dans ce travail que je vous propose... dit il en réfléchissant. Alors là, franchement, à moins de me supplier à genoux, je ne vois pas pourquoi je devrais reconsidérer mon offre !

– Espèce de sale... commença Snipe.

– Pourquoi nous l'avoir demandé en premier lieu ?

Tout le monde se tourna vers Mélodie. Dark lui adressa un regard surpris, car elle venait de dire quelque chose qu'il n'avait pas envisagé.

– Je te demande pourquoi tu nous as proposé ce boulot... répéta-t-elle en le transperçant de ses yeux d'acier. Je t'ai vu te battre, tu peux te débrouiller seul. Tu ne devrais pas avoir de mal à te tirer des diverses situations dans lesquelles tu te mettras car, même si tu veux nous faire croire le contraire, tu es plutôt malin. Alors pourquoi est-ce qu'un type capable de s'en sortir seul dans ce monde voudrait demander de l'aide à des mercenaires dont il ne sait rien ? C'est insensé ! Sauf si tu ne nous dis pas tout...

Dark prit une profonde inspiration. Il savait depuis le début que cet équipage était intéressant, mais ce qu'il n'avait pas vu venir, c'était le côté imprévisible du capitaine. Alors qu'il pensait l'avoir cernée dés le début, elle ne cessait de le surprendre par sa perspicacité et sa capacité de mettre le doigt sur les faits qui ont réellement de l'importance. Avec une telle personne à ses côtés, il savait que sa mission n'en serait que plus facile. Cependant, ce n'était pas la seule raison qui le motivait à voyager avec eux. Il ignorait pourquoi, mais Mélodie Hawk avait attiré son attention. Il savait qu'elle n'était pas un Roi, et pourtant...

Et ce n'était pas qu'elle. C'était moins fort qu'avec leur capitaine, mais ils dégageaient tous quelque chose qui ne cessait d'attiser sa curiosité. Comme si...

– Je ne sais pas trop, en fait... Quand je vous ai vus en ville, j'ai eu l'impression que vous pourriez tous faire ce que je ne pouvais pas...

– Ah bon ? s'étonna Cap. Comme quoi ?

– Je ne suis pas sûr de savoir moi même... Mais ce que je sais, c'est que, aussi puissant que je sois, il arrivera des moments où je me trouverai dans l'impasse, où je ne pourrai pas faire face à tous les problèmes moi même et je devrai alors faire des sacrifices. Comme je ne veux faire aucune concession, il me faut quelqu'un pour m'épauler, pour assurer mes arrières pendant que je fais ce que moi seul peut faire.

Le silence régna autour de la table, tout le monde étant choqué par le genre de confiance qu'il voulait placer en eux.

– Et puis, ajouta-t-il avec un large sourire, je pensais que vous pourriez me fournir le gîte et le couvert !

– Et voilà ! s'exclama Zac. Je savais qu'il voulait jouer les pique-assiettes !

– Parce que les pique-assiettes payent pour ce qu'ils mangent, maintenant ? s'étonna Dark.

Il devint alors le centre d'attention.

– Alors, tu as de quoi payer ? demanda Snipe.

– Moi ? J'ai pas un sou ! déclara Dark, le sourire aux lèvres.

– Permission de le balancer par dessus bord, capitaine ?

– Accordée...

– Houla, attendez ! cria Dark tandis que tout le monde se levait. Je n'ai peut être pas d'argent sur moi, mais je sais comment vous rendre riches !

– On a déjà vu ce que ça donnait... grommela Cap en repensant aux lingots.

– Mais non, pas ça ! Je connais l'emplacement de lieux oubliés où attendent des richesses ! Si vous m'écoutez, je peux vous dire où est le plus proche !

Ils s'arrêtèrent et se tournèrent vers leur capitaine. Elle pesa le pour et le contre d'accorder sa confiance au Roi des Ténèbres, estimant au final que le jeu pouvait en valoir la chandelle. Mélodie se pencha sur la table et défia Dark du regard.

– Si tu nous mènes en bateau, Zac aura carte blanche pour te faire quitter le nôtre, compris ? prévint-elle.

– Bien sûr !

Et voilà ! pensa Dark. J'espère juste que personne n'a pas déjà raflé le butin...

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