Chapitre 4: Les ombres de la ville (Partie 1)

Se séparer fut une erreur. Mélodie ne le comprit que trop tard lorsqu'elle vit Al se ruer vers eux, dix minutes plus tard. À bout de souffle, il s'exprima avec précipitation.

– Ça se gâte ! Des vaisseaux débarquent, et d'après Lucie, ils ne sont pas là pour les soldes ! Je ne sais pas pour vous, mais je pense qu'on ferait mieux de partir avant qu'ils ne soient là !

– Quoi ? s'étrangla Cap. Mais c'est quoi cette journée de merde !

– Vous croyez que se sont les Berserks des plaines, capitaine ? demanda Zac.

– Après l'humiliation que ce clown leur a infligé, ça m'étonnerait qu'ils le laissent tranquille ! Allez préparer le vaisseau au décollage, je ne veux pas être là quand ces sauvages vont tout saccager ! Je vais aller chercher les autres ! Tu es en charge du vaisseau en mon absence, Zac !

Ayant reçu ses ordres, son équipage se dirigea vers le port. Seul Snipe resta aux cotés de son capitaine.

– Je t'ai dit d'y aller, avec les autres !

– Je serais inutile sur place, mieux vaut que je vienne avec toi ! Si ça dégénère, il faudra se battre en protégeant Lisa. Les autres pourront s'occuper de la protection de l'Aube, ils ont Lucie pour les prévenir en cas de pépin !

– Bon, très bien, mais t'as pas intérêt à traîner !

Ils se lancèrent à la recherche de leurs compagnons tandis que Mélodie réfléchissait à toute vitesse.

Ce n'est pas normal que la ville ne fasse pas d'annonce ! D'accord, Lucie peut facilement repérer l'arrivée de ces vaisseaux longtemps avant ces incapables de gardes, mais ils auraient du les remarquer, maintenant ! Les défenses de la ville sont peut être importantes, ils devraient tout de même se tenir prêts au cas où ! Ce calme est incompréhensible !

Calme...

Elle s'arrêta net. Ils étaient seuls dans la rue à présent, alors qu'elle était bondée de monde un instant plus tôt. Un tel changement serait impossible en si peu de temps sans annonce.

Sauf si...

– Ça va ? s'inquiéta Snipe.

Son capitaine lui fit face, le laissant voir son inquiétude sur son visage, puis elle se remit à courir. Plus elle y pensait, moins elle avait envie de rester à Réscaf.

– Non, rien ne va ! Il faut qu'on se dépêche de s'en aller, on a presque plus de temps !

Bon sang ! On n'aurait pas du se séparer !

Ces pensées résonnèrent dans sa tête tandis qu'elle se précipitait au secours de ses compagnons qu'elle savait en danger. Elle espérait qu'ils se montreraient assez méfiants pour ne se fier à personne, car le véritable ennemi était déjà dans l'enceinte de la ville.

***

– Je ne me sens pas à l'aise en achetant tout ça avec l'or de ce malade... On en a peut-être besoin, mais...

– T'inquiète, ça ira je te dis... Allons payer !

Les bras pleins de pièces, Théo et Lisa se dirigèrent vers le comptoir désert. Le vendeur était devenu extrêmement amical en voyant l'or briller dans leurs mains, alors Théo ne comprenait pas pourquoi il s'était soudainement volatilisé.

– Étrange, j'étais sûr que quelqu'un était là il y une seconde...

– Aaaaaaah!

En entendant ce cri, ils se ruèrent dehors. Étant sorti le premier, Théo vit rapidement ce qui se passait et attrapa sa sœur pour l'empêcher de voir.

– Hé ! Qu'est ce que tu...

– Chut ! souffla-t-il.

Il venait de trouver le vendeur, mais il ne s'attendait pas à tomber sur lui en train de dévorer un passant. Le sang écarlate coulait à flot dans la rue, la nappant d'un rouge profond. Soudain, le vendeur se releva, laissant sa victime retomber sur le sol dans un bruit presque spongieux. Il se retourna lentement et les dévisagea en souriant. Si le sang ne dégoulinait pas de son visage, nul n'aurait cru qu'il aurait été capable d'une telle horreur, avec son large sourire radieux.

– Tiens, vous avez déjà fini de faire votre choix ? demanda-t-il sans se défaire de son sourire. Je vais vous encaisser tout de suite...

Le commerçant fit quelques pas dans leurs directions, ce qui mena Théo à reculer en poussant sa sœur derrière lui.

– APRÈS ÊTRE PASSÉ À TABLE !

Les traits du vendeur changèrent en une fraction de seconde. Il était à présent semblable à une bête sauvage qui dévisageait sa proie. Le plus horrible fut qu'il avait encore une apparence humaine, ce qui était pire que s'il était devenu un monstre hideux. Il se jeta sur eux mais fut accueilli par un rayon lumineux qui le déchiqueta.

– Bon sang, on a rien vu venir ! On se tire d'ici tout de suite, Lisa, ne laisse rien tomber !

– Mais... sanglota-t-elle en tremblant, ne pouvant pas détacher ses yeux de l'homme que venait de pourfendre son frère. Ce type, tu l'as...

Théo prit la tête de Lisa dans ses mains et la força à le regarder au lieu de sa victime sanguinolente.

– Il n'avait plus rien d'humain depuis déjà un bon moment !

Il se mit à courir en tenant fermement le bras de sa sœur choquée, bien décidé à la sortir de là coûte que coûte.

– Théo !

Il aperçu Mélodie et Snipe se précipiter dans leur direction et fut rassuré de les savoir en pleine forme.

– Que faites vous là ? demanda-t-il.

– Les potes du colosse vont arriver d'un moment à l'autre et ils sont furax, on doit foutre le camp tout de suite !

– T'as bien raison ! Mais c'est pas ces types qui m'inquiètent le plus !

Hawk fixa Lisa qui était encore secouée.

– Vous en avez croisé, hein ?

– Hein ? De quoi ? demanda Snipe, perplexe.

Théo soupira.

– T'avais déjà capté, n'est ce pas ?

– Je ne m'en suis rendu compte que très récemment, quand j'ai vu les rues désertes...

– Toutes les rues ? Mais alors, ça veut dire que...

– Ouais, ce n'est pas que deux ou trois, je crois que c'est toute la ville ! Nous sommes tombés dans un vrai nid de monstres !

– Heu... Vous parlez de quoi, là ? demanda Snipe qui était de plus en plus perdu.

– Il faut se barrer tout de suite ! S'ils se rassemblent tous dans un coin, c'est pour lancer une attaque générale !

– Snipe, tu prends les sacs, Théo va porter sa sœur, on doit décamper MAINTENANT ! hurla Mélodie.

– Mais enfin, vous allez me dire ce qui se passe ? demanda le tireur qui regarda ses compagnons se mettre à courir avant de les rejoindre.

***

Au port nord, les navires des Berserks s'arrimèrent. Ils commencèrent à descendre et entrer dans la ville sans rencontrer la moindre résistance. Ceci étonna cet équipage hétéroclite qui était en partie composé d'elfes et de nains qui se serait normalement vu refuser l'entrée de la cité.

Le chef des Berserks, un orc à la mine patibulaire couvert de cicatrices, ouvrait la marche d'un pas agressif. Il n'avait jamais laissé quiconque insulter sa bande sans en subir les conséquences, et ce n'était pas une ville d'humains racistes qui allaient changer ça.

– C'est quoi ce délire ? s'étonna Maurice aux côtés de son chef. Y a plus de gardes ou quoi ?

– Bah, on va pas s'en plaindre, on est rentré facilement ! C'est bien, non ?

Krass n'était pas aussi insouciant que ses hommes. Quand son subordonné était revenu inconscient au camp plus tôt, il avait perdu son calme et réclamé vengeance. Une fois Maurice réveillé, il avait mobilisé tout ses hommes pour lancer un raid sur Réscaf et écraser le sot qui avait fait passer son gang pour un groupe de bras cassés.

Mais là... pensa Krass en s'apercevant qu'il n'y avait personne dans la ville. C'est pas normal... Les rues ne devraient pas être désertes à cette heure ci, et les autorités n'auraient pas pu faire évacuer tout le monde en si peu de temps en nous voyant arriver...

– Bonsoir messieurs, que puis je pour vous ?

Krass tourna son attention vers l'homme qui venait de sortir de l'obscurité et le reconnut instantanément.

– Tiens, Léon, comment ça va ? s'exclama Maurice. T'aurais pas une idée d'où est passé tout le monde ? Les rues ne sont pas normalement vides, à cette heure-ci !

– Les autres ? Mais ils sont tous là, autour de nous !

À ces mots, des figures commencèrent à se dessiner autour de la place. Krass jura tout bas en sentant que quelque chose ne tournait pas rond.

– Nous allions préparer un banquet, nous n'attendions plus que vous !

– Vraiment ? demanda Krass en empoignant sa hache.

Il venait de comprendre trop tard la situation, mais il n'avait pas l'intention de se rendre sans se battre. Il jeta un coup d'œil sur ses hommes qui semblaient aussi avoir compris ce qui se passait et tremblaient de peur tout en s'armant.

– Mais bien sûr ! s'exclama Léon. Que serait un banquet si on avait rien à se mettre sous la dent !

***

– Allez, plus vite ! Je ne veux pas être là quand ces vandales arriveront !

Zac pressait l'allure. Comme toujours, quand le capitaine le laissait en charge du vaisseau, il voulait tout faire pour se montrer digne de sa confiance. En général, le seul résultat qu'il obtenait dans ce genre de situation était de donner la migraine à tout le monde.

– Ils sont déjà là, ils sont arrivés au quai nord ! annonça Lucie.

– Merde ! lâcha Cap. Tu peux pas localiser les autres ?

– Impossible, les protections de la ville empêchent les ondes et la magie de passer la muraille ! Je ne peux pas lancer de localisation là-bas !

– Y a plus qu'à espérer qu'ils arriveront rapidement, alors ! affirma Sophie qui ne pouvait pas cacher son inquiétude.

Al s'arrêta dans ce qu'il faisait et regarda par la fenêtre. Il venait de voir du mouvement mais ce n'était pas ses compagnons.

– Je reviens, je vais vérifier si tout va bien dehors...

Il descendit du vaisseau et resta devant la passerelle quelques instants jusqu'à ce que deux personnes sortent de l'ombre et s'approchent.

– Pitié, aidez nous ! fit l'un d'eux.

C'était un vieillard accompagné d'un enfant. Ils semblaient pris de panique et regardaient derrière eux comme s'ils étaient traqués.

– Que se passe-t-il ? s'inquiéta Al. Avez vous été attaqués ?

– Je ne comprends pas ce qui se passe... Ils étaient tous normaux il y a encore peu de temps, puis ils ont soudainement commencé à nous attaquer sans raisons ! Nos propres voisins...

– Quoi ? Ce sont les autres habitants qui vous ont attaqués ?

– Je vous en prie, aidez nous ! Ils vont nous tuer ! Vous devez...

– Al ! retentit une voix dans un communicateur prés de la porte. Ils ne sont pas humains !

– ...MOURIR !

Al serra les poings et ses bras se recouvrirent de roches. Avec un uppercut du droit, il fit voler le vieillard et attrapa le gamin avec sa main gauche qui tentait de lui mordre la main sans succès.

– C'est quoi ça, bon sang ?

Plus loin, le vieillard venait de se relever. Sa mâchoire pendouillait d'un côté après s'être décrochée, mais il ne semblait pas en souffrir.

– Et merde... Il a fallu qu'on tombe sur ça....

***

– Je te répète que je peux marcher, Théo !

L'équipe de Mélodie s'arrêta pour reprendre son souffle et laisser la pauvre Lisa marcher. Ils n'avaient pour le moment rencontré personne, mais le capitaine se doutait que ça ne durerait malheureusement pas.

– Vous allez m'expliquer ce qui se passe ? hurla Snipe une fois qu'il avait récupéré son souffle.

– Plus tard, on doit d'abord...

– À l'aide !

Ils se tournèrent vers l'origine de ces cris et aperçurent un vieil homme courir dans leur direction, pourchassé par un groupe. Alors qu'il regardait derrière lui pour voir si ses poursuivants le rattrapaient, il trébucha. Il dévisagea ses attaquants qui se jetèrent sur lui. Il était clair que ce qu'ils lui réservaient n'avait absolument rien de plaisant ou d'amical, avec leurs regards enragés.

– Non, NON...

Mélodie empoigna sa rapière et, d'un bond, rejoignit le vieillard qui était à cinq mètres. Elle pourfendit ses poursuivants avec sa lame étincelante de lumière. Une fois cela fait, elle pointa sa lame brillante vers le vieil homme qui rampa en arrière, paniqué.

– Avez vous été mordu ? demanda-t-elle avec autorité.

– Hein ? Non ! Pointez votre épée ailleurs je vous prie !

Voyant qu'il ne mentait pas, elle s'exécuta. Elle fit disparaître la lumière de sa lame et l'aida à se relever.

– Vous avez eu de la chance d'être tombé sur nous, dit Théo en approchant.

– Pas eux, vous les avez tués !

– Ils étaient déjà morts, je les ai juste aidés à s'en rendre compte... soupira Mélodie en scrutant les environs.

– Comment ?

– Ceux qui vous ont pourchassé n'étaient pas humains, ils avaient déjà péri avant notre venue ici...

– Quoi ? Mais c'est absurde ! s'écria le vieillard !

– Vraiment ?

À ces mots, Mélodie désigna un des corps au sol. Il avait été amputé d'une jambe mais continuait à avancer malgré tout, cherchant à mordre quelqu'un.

– Vous connaissez beaucoup d'humains vivants qui peuvent continuer à avancer avec ce genre de blessure ?

Un coup de feu retentit et la tête du monstre explosa.

– Vous auriez pu me dire qu'on avait affaire à des zombies, j'avais rien remarqué... soupira Snipe en rangeant son arme.

– Mais... Ils ne sont pas supposés être sensibles à la lumière du jour ? s'inquiéta Lisa.

– C'est vrai que même si ça ne les tue pas, ça leur pompe toute leur énergie, ils n'auraient pas du pouvoir bouger comme des personnes normales en plein jour ! analysa Snipe.

– La muraille. Elle est si haute que les rayons du soleil ne touchent pas la ville, l'éclairage se fait avec des pierres lumineuses inoffensives pour ces monstres, expliqua Théo.

– Oui, et vu leur état, ils ne sont pas morts depuis très longtemps, fit remarquer Mélodie.

– Pas forcément... marmonna Théo en se tenant le menton. S'ils ont été changés par un nécromancien assez puissant, il peut ralentir le processus de décomposition. Ils auraient pu mourir n'importe quand...

– Sauf que si c'était le cas, on l'aurait senti ! fit remarquer Snipe. Autant de cadavres, ça doit refouler un max, non ?

– Non ! s'exclama Lisa. On aurait rien remarqué ! La ville entière dégage une forte odeur de parfum, ça masquerait celle des cadavres !

– Peu importe s'ils sont morts ce matin ou il y a quatre ans ! s'énerva Snipe. Ils sont là et je n'ai plus envie de l'être !

– C'est vrai, déclara Mélodie. On doit rejoindre l'Aube et se tirer en vitesse !

– Mais... Et les habitants ? demanda Lisa.

Son frère l'attrapa par l'épaule et la traîna.

– J'ai bien peur qu'il ne soit trop tard pour eux. Allons y !

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