Chapitre 3: Sombres tractations (Chapitre 1)


– Dis Mel, tu sais ce qu'on fout là ? On doit encore trouver des pièces pour le vaisseau...

Après ce qui s'était passé dans la rue, l'équipage de l'Aube Argentée ne put se défaire du dénommé Dark qui semblait déterminé à les suivre. Après dix minutes, Zac ordonna à l'inconnu de s'expliquer et ne reçut comme réponse qu'une demande de trouver un nouveau bar où ils pourraient discuter tranquillement.

Malheureusement, le seul bar ouvert dans les environs était le Chat Rose. L'établissement possédait une réputation discutable qui avait fait hésiter les mercenaires à suivre l'inconnu qui avait insisté pour qu'ils entrent. Intriguée, Mélodie avait décidé d'ignorer son instinct et avait suivi l'inconnu, talonnée de son équipage. Ils s'étaient installés à une table et avaient commandé des boissons avant de se dévisager dans un silence glacial jusqu'à l'intervention de Lisa.

– Je ne vois pas de quoi tu te plains, Lisa ! lui répondit Snipe qui était fort intéressé par les tenues des serveuses.

– On aurait pu aller ailleurs que dans un bar de strip-tease... fit remarquer Théo qui cherchait à ne pas trop attarder son regard sur la scène où une danseuse venait de jeter un de ses derniers vêtements dans un public excité.

Lisa se concentra sur son verre, rouge comme une tomate, fort impatiente de pouvoir quitter l'endroit. Elle avait l'impression que les employées la regardaient rigolant, ce qui l'embarrassait.

– Allez, détendez-vous ! Il faut savoir se détendre dans la vie ! claironna Dark, visiblement ravi d'être là.

Les hommes de l'équipage n'osèrent pas croiser le regard de leur capitaine, cette dernière ayant plus d'une fois démontré sa rigidité et son dégoût pour les lieux de débauche. Elle se pencha en arrière dans le canapé qu'elle occupait en posant ses jambes sur la table qui la séparait de Dark Raven. Elle le fixa avec répugnance, ce qui amusa ce dernier.

– Explique nous ce que tu nous veux, je n'ai pas envie de rester ici plus longtemps... grinça Mélodie dont la patience très limitée arrivait à bout.

L'homme en noir s'amusa à imiter la position de la mercenaire avec une lenteur délibérée et scrutait le visage de son interlocutrice qui lui lançait un regard impassible. Il lui fit un sourire qu'il croyait charmeur, sans pour autant l'impressionner. Il la trouvait très belle, et son air sévère ne faisait que renforcer son charme à ses yeux.

– Dire que je pensais qu'un verre pourrait te dérider, soupira-t-il. Enfin, c'est vrai que le décor n'est pas le plus approprié pour parler affaires...

– Affaires ? demanda Snipe en fronçant son unique sourcil.

Dark fit le tour du groupe des yeux. Il avait évalué la posture et l'équipement des personnes en face de lui et n'avait pas eu de mal à deviner leur profession. Il savait qu'il n'avait pas affaire à de simples marchands, mais à des personnes qui savaient régler les problèmes par la force quand c'était requis. Exactement le genre de personnes qu'il recherchait.

– Vous êtes bien un groupe de mercenaires, non ? Je suis actuellement à la recherche d'alliés afin d'effectuer un petit voyage, et je pense que vous ferez l'affaire.

– Quel genre de voyage ? demanda le capitaine, flairant l'embrouille.

Le sourire du dénommé Dark n'arrêtait pas de la mettre mal à l'aise. C'était comme si tout pouvait devenir une blague à ses yeux, surtout si c'était au dépend des autres. Elle commençait à croire qu'elle avait fait une grossière erreur en suivant cet homme dans un lieu d'aussi mauvais goût, et hésitait à tout simplement se lever et partir.

– Vous savez... dit-il en agitant sa main avec dédain. Visiter des pays, explorer des sites intéressants, rencontrer des gens... Le grand classique, quoi !

– Et qu'aurions nous à gagner si nous acceptions ? questionna Zac, le regard plein de méfiance.

– Cela dépendra de comment le périple se déroulera, répondit Dark en croisant les doigts avec un sourire discret.

Mélodie soupira. Elle savait que ce qu'il proposait était louche. Elle ne pouvait pas se défaire de l'idée que le seul endroit où ils seraient en sécurité serait le plus loin possible de cet énergumène. Écœurée d'avoir suivi la mascarade aussi loin, elle donna sa réponse à Dark

– Désolée, mais nous ne sommes pas intéressés. Nous n'avons aucune garantie d'être payés pour ce qui semble être un travail que l'on va regretter. C'est déjà assez étrange que tu nous proposes un boulot sans rien savoir sur nous, et ce sans passer par la guilde... Mais en plus, le faux nom que tu nous as donné n'inspire pas la confiance.

Cette dernière phrase sembla avoir de l'effet. Dark feignit une indignation qui n'était pas entièrement factice en portant sa main à son cœur.

– Comment ça, un faux nom ? C'est vraiment comme cela que je me nomme ! Qu'est ce qui te permet de douter de mon honnêteté ?

– Tu veux la liste ? lâcha Mélodie avec ironie. Sans parler de ton nom absurde, personne de normal ne provoque de bagarre à un contre cinq quand on sait qu'ils font parti d'un gang. Et surtout, on ne propulse pas quelqu'un qui fait deux fois sa taille à travers un mur avec une seule main sans recourir à la magie ou à des facultés psychiques.

Dark resta muet un moment, étonné par la remarque de la mercenaire. Il leva ses jambes de la table et se pencha en avant. Les coudes posés sur ses genoux, il joignit ses mains sous son menton et observa Mélodie avec un intérêt nouveau.

– Tiens donc ? Qu'est-ce qui te fait penser que je n'ai pas eu recours à ce genre de choses ?

Son sourire se changea en un rictus moqueur, curieux de savoir ce qu'elle allait entendre. La scène déplut fortement à Mélodie qui résista difficilement à la tentation d'empaler l'insupportable importun sur sa rapière avant de quitter l'endroit.

– Primo, je suis sensible à ce genre de choses, personne ne peut avoir recours à ces méthodes sans que je ne m'en rende compte. Deuzio, et c'est le point qui m'énerve vraiment, tu jouais avec lui. En te voyant bouger, il était évident que tu cherchais à l'humilier en le battant sans le prendre au sérieux. Si tu l'avais voulu, tu aurais pu le tuer dans le bar, mais tu t'es laissé faire exprès au début afin d'attirer le plus d'attention possible et bien profiter du moment où tu cesserais de jouer avec lui. Je ne veux pas avoir quoi que ce soit à faire avec un type comme toi qui s'amuse avec des petits jeux sadiques et cruels.

– Pourquoi, parce que c'est comme se regarder dans un miroir ?

Hawk se figea. Tout les membres de son équipage ici présent regardèrent avec stupeur Dark, se demandant s'il était très con ou juste complètement taré. L'avis général penchait pour les deux options à la fois.

– J'ai vu comment tu regardais notre confrontation, tu étais intriguée. Quelqu'un de normal, comme tu dis, aurait soit détourné le regard, soit condamné cette action sur le champ. Toi, cependant, tu avais compris comment se serait terminée la confrontation dès les premiers instants, mais tu n'as rien fait. Tu savais que ce type était une ordure. Tout ce que tu voulais, c'était voir ce minable être remis à sa place. Tu ne m'en veux pas pour avoir agi comme je l'ai fait, tu m'en veux pour t'avoir enlevé le plaisir de le faire toi même !

Le silence tomba dans toute la pièce. Tout le monde s'était tourné vers les trois individus qui pointaient leurs armes sur un homme seul qui ne semblait pas le moins du monde gêné par cette scène.

– C'est pourquoi je veux vous engager... continua-t-il en se levant, ignorant complètement le fait qu'il était menacé. Pas seulement à cause de ce que j'ai vu à ce moment là, mais parce que tes subordonnés te sont fidèles au point de menacer vainement un homme qui t'a insultée. Je trouve ce genre de stupidité vraiment... admirable. J'espère avoir le plaisir vous revoir très bientôt. Je sais que ce sera pour bientôt...

Sans ajouter un mot, il se retourna et s'en alla. Le groupe le vit faire un signe à un groupe de danseuses qui se mirent à rire, puis il disparut en ricanant.

La tension redescendit et les autres clients retournèrent à leurs diverses occupations.

– Mais je rêve ! explosa Lisa. Pour qui il se prend ce type ? Si je le revois, ça va barder pour lui !

– Allons, ne dis pas ça, petite sœur... Ça ne résout jamais rien, ce genre de choses...

– Tu dis ça, mais t'étais sur le point de lui balancer un sort, non ? demanda Snipe en rangeant son pistolet.

– Oui, et je m'en serais voulu tout de suite après... soupira le mage.

Leur capitaine resta silencieuse, abasourdie. Elle ne laissa rien transparaître, mais l'analyse de Dark l'avait troublée. Elle ne l'aurait jamais avoué à ses compagnons, mais il avait eu raison sur toute la ligne.

Le comportement de Maurice l'avait énervée, et elle avait ressenti une certaine joie en voyant quelqu'un le remettre aussi facilement à sa place. Elle avait l'impression que l'homme en noir avait scruté ses pensées les plus sombres et s'était amusé de ce qu'il y avait découvert. Comme si elle n'était qu'un jouet de plus qui lui servirait à tromper son ennui avant d'être jeté puis remplacé sans autre arrière pensée.

Et c'était ça, qui la répugnait le plus.

– C'est bon, oublions ça et rentrons, déclara Mélodie en se levant.

Ce fut à ce moment là qu'elle remarqua un papier sur le canapé où leur sombre interlocuteur était assis. Elle le prit et le déplia. Son visage se crispa en une expression de fureur intense qui terrifia les autres mercenaires qui ne la voyaient que rarement dans un tel état.

– Je vais le buter ce connard ! éructa-t-elle.

– Quoi ?

Elle montra le papier à son équipage et dit:

– «Merci de bien vouloir payer la note» !

***

Bien plus loin au Sud de Réscaf, dans un temple perdu au milieu de nulle part, un massacre avait lieu. L'intruse était seule, et pourtant rien ne pouvait l'arrêter malgré les vains efforts des gardes et des prêtres. Au fond du temple, dans l'autel dont la porte avait été barricadée, le grand prêtre ne comprenait pas la raison de tels actes.

Ce temple n'était pas très important et était dédié à Zeus, l'un des anciens dieux grecs. Un siècle plus tôt, il aurait été compréhensible que des gens ne se méfient pas de la colère de ce dieu, la plupart des temples des anciennes déités ayant tous été abandonnés. Mais maintenant que ces dieux s'étaient manifestés et que les cultes avaient repris...

S'attaquer à ce genre de lieu n'était que pure folie, particulièrement quand ce dernier était consacré à un dieu qui était écouté par tous les autres, pas seulement ceux de la mythologie grecque. Sauf si elle savait...

Impossible ! pensa-t-il. Nul ne devrait savoir cela, excepté les autres temples grecques ! Ou bien alors...

La porte explosa, coupant le vieil homme dans ses pensées. Il se tourna pour faire face seul à son ennemie.

– Évidement, cela ne pouvait être que l'un d'entre vous... soupira-t-il, sachant que rien ne pourrait changer son destin.

– Où est-il ? demanda la jeune femme d'une voix neutre.

Elle se cachait dans la pénombre, et seule sa lance qu'elle pointait vers le pauvre homme était clairement visible.

Ce dernier laissa transparaître son incompréhension.

– Je regrette, je ne comprends pas ce que vous voulez dire...

Elle le regarda droit dans les yeux et comprit qu'il était totalement ignorant de ce qui pouvait l'amener ici. Elle ferma les yeux et se concentra, comme si elle cherchait une présence, sans rien trouver. Elle baissa sa lance et tourna les talons.

– Encore une perte de temps... soupira-t-elle tout en s'éloignant.

– Mais... bafouilla le vieux prêtre. Je ne comprends pas...

Elle se tourna vers lui. Elle avait un regard indifférent que rien au monde ne saurait troubler. Le vieil homme se sentit complètement insignifiant devant cette femme qui avait une présence qui subjuguait tous ses sens.

– Tout ce qu'il y a à comprendre, c'est que ma quête n'est toujours pas finie. Votre tâche à présent est d'honorer vos morts et quitter ces lieux vides de sens.

Elle fit quelques pas vers la sortie puis s'arrêta.

– Je regrette pour ce qui s'est passé, ce n'est pas ce que j'ai voulu. Mon père non plus, d'ailleurs. Mais rien ni personne ne pourra m'arrêter. Pas même ma famille.

Puis elle disparut sans laisser de traces, aussi vite et brusquement qu'elle n'était apparue, laissant derrière elle un homme déboussolé.

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