Chapitre 2: Le sourire obscur (Partie 2)
– Bah, passons, conclut leur capitaine. Sophie et Al sont restés à bord du vaisseau pour s'occuper de quelques tâches, et Lucie est à la vigie pour surveiller les alentours. Faisons ce que nous avons à faire à la guilde de la ville, puis allons nous réapprovisionner, Al m'a laissé une liste. J'irai ensuite chercher un hôtel.
– Je comprends pas votre manie à vous toutes de toujours crécher dans des hôtels ! râla Cap. Notre vaisseau est du même niveau qu'un hôtel de luxe sur certains étages, et en plus, c'est gratuit !
– Un, y a rien de mal à un peu de changement, expliqua Lisa. Deux, le service de chambre est bien meilleur dans un hôtel que dans l'Aube. Trois, peu importe combien de fois j'améliore le système d'aération, je peux te sentir en étant à l'autre bout du vaisseau, Cap !
– C'est vrai qu'il faudrait que je trouve un sort pour régler ce problème... observa Théo en ajustant ses lunettes.
– Je connais déjà un sort : il pourrait prendre un bain un peu plus souvent ! lâcha sa sœur en se pinçant le nez.
– Si tu crois que j'ai le temps ! s'énerva le pilote. Je dois constamment être sur le qui vive vu que t'as toujours pas réparé le pilotage automatique. Je ne dors plus que trois heures par nuit depuis une semaine ! Quand j'ai du temps libre, je pionce !
– Ça tombe bien, t'auras pas à tenir la barre pour quelques temps, tu pourras donc aller prendre un bain. T'en profiteras pour te laver le cerveau car ça doit pas être très frais la dedans...
– Je t'emmerde, le nain de jardin ! jura Cap.
– Ne lui parle pas comme ça ! intervint Théo en s'interposant entre Cap et Lisa. Sinon...
– Sinon quoi, tu va me donner un cours sur la relativité des particules magiques trouvées dans les chiottes jusqu'à ce que mort s'en suive ?
– Espèce de...
– Silence.
La déclaration de la capitaine n'avait pas été un cri. Cela n'avait pas non plus eu l'intonation d'un ordre. Il s'agissait plutôt d'un conseil, un simple avertissement empli d'innocence. L'équipage se tut instantanément, ayant souvent entendu ce son qui annonçait la venue imminente d'une terrible tempête s'il n'était pas écouté.
Le groupe avança dans un silence absolu tandis que certains de ses membres s'échangeaient des grimaces.
***
Dans un autre coin du monde, une silhouette parcourait les cieux. Elle voyageait depuis quelques jours, à la recherche d'un objet. Où qu'elle passa, la silhouette ne laissait que ruines et cadavres dans son sillage. Elle se moquait du mal qu'elle faisait. La souffrance qu'elle causait n'avait aucune importance à ses yeux. Quiconque se trouvant sur son chemin, fusse-t-il humain ou démon, avait intérêt à s'écarter à son passage, car rien n'arrêtait une âme en peine qui avance en sachant que seule la mort l'attend au bout du voyage.
***
La visite à la guilde fut un fiasco, ce qui n'arrangea pas l'ambiance qui régnait au sein de l'équipage. Même si la carte de membre à l'association des mercenaires du groupe était valide, pas une seule mission était adaptée aux capacités et aux besoins du groupe. Dépités, ils partirent donc faire quelques courses.
– Finalement, on ferait mieux de faire une croix sur l'hôtel aujourd'hui, car on va devoir se serrer la ceinture quelques temps... exposa Théo, le comptable non officiel de l'équipage.
– Pas le choix, confirma Mélodie, on va devoir faire les courses en évitant les gaspillages et rentrer directement à l'Aube.
– Mais... balbutia la mécanicienne. J'ai besoin de trouver une plaque d'incription sub-sonique ainsi que...
– Oublie ! coupa son frère qui avait déjà la migraine en l'écoutant. Tu vas devoir prendre ton mal en patience...
– Très bien, mais ne comptes pas sur moi pour descendre et pousser le vaisseau quand il tombera en pane ! bouda Lisa.
– Que veux tu, c'est pas comme si un boulot allait nous tomber dessus du ciel ! se moqua Snipe.
À cet instant précis, une fenêtre du premier étage du bar devant lequel ils étaient en train de passer vola en éclat, laissant une forme noire s'écraser sur le sol juste devant eux.
Après avoir regardé tour à tour la fenêtre et l'homme étalé sur le sol, le groupe fixa Snipe.
– Ha ha, très drôle... marmonna le tireur en détournant le regard.
La masse sombre se redressa soudainement pour faire face au groupe. L'homme qui leur faisait à présent face semblait malgré tout avoir du mal à rester debout.
– Quoi donc, z'avez une bonne blague à raconter ?
La troupe constata que l'individu avait passé les dernières heures à boire vu que son haleine les forçait à faire quelques pas en arrière.
– Euh, ça va ? demanda la chef de groupe dans un effort pour être diplomatique
– Moi ? Mais bien sur, tout va bien ! Je suis d'humeur à faire la fête pendant des heures !
– OÙ EST-IL ? se fit entendre un hurlement dans le bar.
– Ah ! Je crois que c'est l'acte deux de la pièce ! ricana l'ivrogne.
Le groupe examina l'inconnu aux cheveux et yeux aussi sombres qu'une nuit sans étoiles. Il paraissait plutôt jeune, dégageant un air mesquin, et affichait aussi un large sourire moqueur en direction de l'entrée du bar d'où sortait un groupe de personnes suivi par un colosse. Ce mastodonte dominait la rue par sa présence, les bras couverts de tatouages et ce qui semblait être des clous dépassaient de son crâne. Une vue parfaitement rassurante, en somme.
– Oh merde ! souffla un passant. C'est Maurice des Berserks des plaines! Ce gang n'est pas connu pour sa délicatesse !
– Ouais, et vu la tête qu'il fait, l'autre gars a du bien le faire chier !
Maurice se dressa devant l'homme au manteau noir qui leva la tête pour regarder son adversaire qui faisait un demi mètre de plus que lui. C'est à ce moment que le groupe réalisa que l'ivrogne était de petite taille, Mélodie ne le dépassant de quelques centimètres que grâce à ses talons. Il semblait aussi taillé comme une allumette. Ceci inquiétait tout le monde dans la rue car, à en voir sa tête, il avait l'intention de lâcher une réplique très dangereuse pour sa propre survie.
– Merci pour le vol plané, ça m'a bien réveillé ! Mais tu n'avais pas à te fâcher pour si peu !
– J'ai pas trop apprécié ce que tu faisais à ma sœur ! déclara le colosse d'une voix pataude qui semblait indiquer que sortir cette seule phrase lui avait demandé un intense effort intellectuel.
– Quoi, ça ? Tu n'as pas à t'inquiéter, je ne faisais que la complimenter pour sa beauté ! rétorqua-t-il en souriant avec ce qui semblait être de l'innocence.
– T'AVAIS TA MAIN DANS SON SOUTIEN GORGE !
Comprenant à l'instant que c'était fini pour lui, bien des passants décidèrent de s'éloigner avant le bain de sang, tandis que l'équipage regardait la scène avec intérêt. Le spectacle était tellement absurde qu'ils avaient du mal à l'ignorer.
– C'est ce que je dis ! Et puis, elle avait l'air assez contente de ce que je lui faisais ! Et si tu ne nous avais pas interrompus, tu peux me croire qu'elle...
– Mais quel con... soupira Mélodie en se rendant compte que l'espérance de vie de l'un d'eux venait à peine d'arriver à échéance.
Pris d'une colère noire, Maurice frappa l'ivrogne.
Ou du moins, il tenta.
Son attaque avait été esquivée avec une aisance déconcertante, l'homme en noir ayant fait un pas de côté. L'ivrogne fixa les tatouages de Maurice en sifflant, les caressant du bout de ses doigts.
– Mais c'est qu'ils sont beaux, dis-moi ! hoqueta l'insolent personnage. Tu sais, je me suis toujours dis que je m'en ferais bien un, mais je ne sais pas quoi demander...
En poussant un râle presque animal, il enchaîna avec une série de coups rapides qui furent tous évités.
Pour l'œil inexpérimenté, l'homme en noir semblait échapper de justesse aux coups de son adversaire de façon maladroite. Mais Mélodie et ses compagnons avaient pris part à suffisamment de combats pour reconnaître les signes indiquant que l'homme en noir jouait avec son agresseur, lisant clairement ses mouvements et ne feignait la maladresse que dans le seul but d'enrager son adversaire. Pas un seul instant avait-il cessé d'afficher son sourire proche de l'hilarité. Les mercenaires comprirent que l'homme en noir était plus expérimenté qu'il en avait l'air. Trop pour une brute comme Maurice.
– Allez, du nerf, c'est mou tout ça ! ricana l'ivrogne. Une, deux ! Une, deux !
Dans un élan de colère, le titan décocha un coup plus rapide qui sembla toucher sa cible. Maurice commença à sourire jusqu'à l'instant où il se rendit compte que son adversaire avait attrapé son poing d'une main et qu'il ne pouvait plus se dégager.
– Bon, c'était amusant, mais maintenant, c'est mon tour...
Ce fut bref. Personne ne l'avait remarqué, à l'exception de Mélodie qui n'était pas sûre de ce qu'elle avait vu. Pendant une fraction de seconde, elle avait eu l'impression que l'expression sur le visage de l'homme en noir avait changé, passant d'un état de quiétude absolue à quelque chose de bien plus sombre et malsain. Son visage était identique, mais l'impression qui s'en dégageait fit frissonner la mercenaire qui n'avait jamais ressentie une aura aussi obscure.
Une fois cet instant passé, l'homme en noir glissa le long du bras de Maurice tel un serpent et le frappa au ventre. Le colosse fut propulsé à travers un mur de l'autre coté de la rue. La foule demeura silencieuse devant cette scène inimaginable.
Puis, comme s'ils s'étaient réveillés d'un rêve, les amis de Maurice décidèrent de se venger et approchèrent de leur cible.
– En avez-vous vraiment le courage ?
Ils se figèrent. Le sourire qu'affichait leur cible respirait l'innocence et l'honnêteté, et pourtant...
...pourtant, il semblait dire que toute confrontation serait vaine, et que ça finirait très mal pour eux. Leur décès ici aurait été synonyme de suicide du point de vue de ceux qui observaient ce qui se passait.
Ils prirent une décision et s'enfuirent après avoir récupéré leur infortuné camarade. Tout le monde s'écarta de leur chemin, sans quitter des yeux l'inconnu.
– Mais... Qui es-tu ? bafouilla Mélodie sans croire ce qu'elle venait de voir.
L'intéressé se retourna, l'air surpris. Aussi ivre qu'il ai été un instant plus tôt, il était devenu apparemment sobre. Il se fendit d'un large sourire et s'inclina devant les mercenaires.
– Moi ? Je m'appelle Dark Raven ! Ravi de faire votre connaissance !
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