Chapitre 10: Sous un ciel d'ébène (Partie 3)

Dark et Athéna se dévisagèrent, puis il soupira.

– Grandissez un peu... On est tous les deux majeurs et consentants, il n'y a pas de quoi en faire un drame ! C'est elle qui a fait le premier pas de toute façon...

– Je ne t'aurais pas imaginé aussi passif... s'étonna Snipe en haussant un sourcil.

– Tu sais, j'aime bien essayer diverses choses... J'ai d'ailleurs tout un programme en tête...

Un couvert tomba au sol et Mélodie chercha à changer de sujet.

– Donc, Athéna, qu'as tu décidé de faire ?

La déesse dévisagea l'ensemble de l'équipage. Même si elle n'en avait pas l'air, ils avaient compris qu'elle était nerveuse.

– Après tout le mal que j'ai fait, je me dois de me racheter. La meilleure façon de le faire est d'arrêter le véritable assassin de mon père, et seuls les Rois peuvent le faire. C'est pourquoi je voudrais aider Dark Raven dans sa quête. Cependant, j'ai cru comprendre que ça ne serait possible que si...

– Je t'arrêtes tout de suite ! la coupa Snipe sous le regard étonné de Mélodie qui allait prendre la parole. Je pense que nous savons tous ce que tu veux nous demander. Mais avant que l'on te réponde, je n'ai qu'une question à te poser !

Mélodie ne savait pas ce qu'il avait en tête, mais elle espérait qu'il savait ce qu'il faisait. Athéna hocha la tête pour lui indiquer qu'il pouvait poser sa question.

– Alors, voilà ! Entre toi et Dark, c'est...

Frustrée de l'avoir laissé parlé aussi longtemps, le capitaine claqua l'arrière de la tête du tireur pour le ramener à l'ordre, provoquant l'hilarité des autres mercenaires.

– C'était bien, répondit naturellement Athéna sans aucune honte tandis que son partenaire ricanait dans son coin.

– Disons qu'elle comprend un peu mieux pourquoi son père ne voulait pas voir les mortels disparaître... parvint à expliquer ce dernier.

– J'ai peur de comprendre... dit Théo en se concentrant sur son assiette.

– Si je me souviens bien, Zeus était... tenta Mélodie. Comment dire ?

– Un vrai coureur de jupon ? suggéra Dark.

Théo aida sa sœur à ne pas s'étouffer avec son verre.

– J'espère qu'elle a répondu à ta question... marmonna Mélodie en se tournant vers Snipe qui se faisait petit.

– Et donc, renchérit Cap qui s'amusait, tu as été curieuse de voir les choses comme ton père le faisait, c'est ça ?

– Oui, et je dois dire que j'en ai appris beaucoup, expliqua-t-elle comme si elle faisait un rapport. J'ai l'intention de répéter l'expérience et de diversifier mes partenaires.

En disant cela, elle sembla fixer Mélodie qui était vraiment mal à l'aise. Tandis que les autres digéraient la nouvelle, chacun à sa manière, Hawk dernière s'intéressa à Dark

– Et toi ? Tu n'as pas de problème à servir de cobaye ?

Elle constata avec horreur qu'il allait lui répondre avec un large sourire.

– Bof, tu sais... Si c'est pour satisfaire sa curiosité scientifique... Et puis, je peux aussi mener mes propres... expériences de mon coté...

Autour de la table, seules trois personnes avaient encore faim, Sophie se délectant du regard gêné qui était figé sur le visage de ses amis.

– Bon, je suppose que tu désires rester avec nous... conclut Mélodie.

– En effet. Est ce que ça posera un problème ?

– Quelques uns, mais je pense que nous saurons faire avec... soupira le capitaine qui se sentait bien las.

Les uns après les autres, les différents membres de l'équipage inventèrent une excuse pour s'éclipser, bien décidés à trouver un moyen d'oublier ce qu'ils avaient entendu ce soir.

***

Sur le pont de l'Aube, Dark baillait.

La journée avait été longue. Ayant eu à lutter pour sa survie et celle du reste du monde, il considérait qu'il avait bien le droit à un peu de repos.

Il grimaça quand le vent froid de la nuit faisait souffrir sa blessure. Sophie avait beau être un incroyable médecin, il lui faudrait encore un peu de temps pour qu'elle ne le fasse plus souffrir.

– Ça fait encore mal ?

Il se retourna pour voir venir Mélodie. Il était clair à son expression qu'elle ne voulait pas aborder un sujet similaire à celui abordé durant le repas.

– C'est rien, dans un jour ou deux, je ne sentirai plus rien ! annonça Dark en bougeant son bras pour souligner ses propos.

– Tant mieux ! dit elle en s'appuyant sur la barrière.

Ce soir là, la lune se cachait, alors le ciel était sombre. Seule source de lumière dans les environs, l'Aube éclaira le paysage d'une lumière discrète, donnant naissance à des ombres qui ne rendaient pas la scène effrayante, mais qui, au contraire, lui donnait un côté apaisant.

Sans savoir pourquoi, Mélodie compara Dark à ce qu'elle voyait.

Tous deux étaient de nature à faire peur, on ne pouvait pas vraiment se fier à aucun d'entre eux. Et pourtant, si on décidait de voir ce qui s'y cachait, on se rendait compte qu'il n'y avait pas de monstre prêt à vous sauter dessus, juste de la solitude. Même si on en avait peur, on ne pouvait pas s'empêcher de l'approcher.

Bien sur, ce qu'elle ne savait pas, c'était qu'il y avait des monstres cachés dans les environs, se méfiant de cette source de lumière inhabituelle qui volait dans le ciel nocturne. Enfin, ce que l'on ne sait pas ne nous tue pas.

En théorie.

– Je suis vraiment désolée pour ce que je t'ai dit... s'excusa Mélodie. Sur le moment, seule la sécurité de mes compagnons importait... On ne croyait pas ton histoire, non plus... Ça a dû te blesser d'entendre tout mes propos, alors que tu croyais en ta mission plus qu'en quoi que ce soit...

Dark jeta un regard de côté à Mélodie, surpris que ce soit elle qui fasse le premier pas vers leurs véritable réconciliation. Il se gratta la tête et décida de suivre son exemple.

– C'est vrai que j'étais aussi énervé, mais ce n'était pas parce que vous ne m'aviez pas cru... Avec un peu de recul, moi non plus je n'aurais pas cru en une histoire aussi abracadabrante que celle des Rois.

– Pourtant, je ne t'avais jamais vu énervé avant, pas même quand on a fait face à Vilodas! s'exclama-t-elle. Si ce n'était pas notre incrédulité, qu'est ce qui a bien pu...

Dark poussa un soupire et dévisagea Mélodie.

– Quand je vous regarde, toi et tes compagnons, je me rends compte que vous n'avez rien d'ordinaire... Confronté à un combat dont dépend l'avenir du monde, bien des personnes seraient tentées de s'enfuir. Mais vous, en comprenant la situation, vous n'avez pas hésité à vous battre au péril de votre vie. J'avais vu cette étincelle en vous dès le début, c'est pour ça qu'il m'était insupportable de vous voir fuir aussi facilement malgré votre potentiel.

Mélodie resta là, sans dire un mot, le regardant fixement. Elle n'aurait jamais cru Dark capable de faire de telles éloges à quelqu'un d'autre que lui même.

– Certains mortels sont capables de grandes choses, continua-t-il, mais ils ne font rien car ils ne croient pas en leurs capacités. C'est ce même défaut qui a failli causer la disparition des humains, il y a un siècle de cela. Voilà pourquoi ça me désole autant de découvrir que vous n'avez pas perdu ce défaut, qui est le seul parmi tous ceux qui vous définissent qui vous nuit réellement.

– La peur de découvrir ce dont on est vraiment capable, n'est ce pas ?

Il lui adressa un hochement de tête approbateur et recommença à fixer l'horizon.

C'était bien la chose qu'elle détestait le plus chez lui. Il avait beau agir de manière inconsciente et irréfléchie, il avait toujours une idée derrière la tête et voyait les choses avec plus de clarté qu'eux. Il se permettait ensuite de leur faire la leçon, mais le pire dans tout ça, le pire...

Le pire était qu'il avait à chaque fois raison, malgré son tempérament immature.

– Tu as vraiment l'intention de retrouver les neuf autres ? demanda-t-elle après un moment.

Le Roi soupira et scruta l'horizon.

– Si je ne le fais pas, rien ne changera... Tant que les dix Rois restent séparés, rien ne pourra sauver ce monde, et ça, les autres l'ignorent. Cela ne fait même pas deux semaines que je parcours ce monde, mais plus je le découvre, plus je me dis que les humains ont le droit de vivre. Vous avez beau avoir de nombreux défauts, vous faites de votre mieux pour aller de l'avant.

– À en croire ta définition de l'être humain, tu ne serais pas si différent de nous !

Dark commença à rire.

– Tu es la deuxième personne à m'avoir dit ça aujourd'hui !

– La première était Athéna, j'imagine... soupira Mélodie

– Évidement !

– Elle peut sembler bizarre par moment, pour nous autres humains, mais elle est loin d'être stupide...

– Je ne te le fais pas dire ! ricana Dark.

Le vent commença à souffler de plus en plus fort.

– Tu comprends bien que tu ne réussiras sûrement pas si tu continues à regarder les gens de haut comme tu le fait, pas vrai ? l'interrogea Hawk.

– C'est vrai, mais je ne regarde pas tout le monde de haut, seulement les personnes qui gâchent leur potentiel sans raison... Maintenant que je vous vois tous tels que vous êtes, je me rends compte que je devrais faire un effort avec vous.

Il fit alors face à Mélodie et se mit à rire.

– Cependant, ne vas pas t'imaginer que je vais changer pour autant ! Cette vie est la mienne, et je compte bien en profiter tant que je la possède ! Il y a encore deux trois bricoles que j'ai envie de faire !

Mélodie le regarda, puis soupira, s'étant attendu à cette réaction. Après tout, comment est ce qu'une personne qui se ment à soi-même pourrait accomplir l'impossible ?

– Bon, on ferait mieux de rentrer... annonça Mélodie. On doit encore parler aux autres de ce que l'on va faire.

– Oui, souffla Dark, parce que notre nouveau compagnon risque de nous attirer quelques ennuis là où on va.

– Alors que toi, tu nous en trouves partout...

– MAAIIIS ! C'est méchant de dire ça ! Ce sont les ennuis qui me trouvent, pas l'inverse !

– Oui, on se demande ce qui les attire...

Tout en se disputant, ils rentrèrent alors que le vaisseau continuait sa route silencieusement à travers un ciel noir comme l'ébène.

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