Chapitre 95
N'ayant pas de combinaison sur moi, j'avais foncé à ma nouvelle chambre sous les cris des gardes qui me suivaient en courant dans les corridors de la maison du roi. J'arrivai à ma chambre à temps pour fermer la porte, la verrouiller et m'appuyer dessus avant qu'ils ne débarquent en hurlant et frappant la porte à grand coup de poing.
- Miö, t'as plus le droit de faire ça ! hurla l'un d'entre eux.
- Je suis complètement nu ! hurlai-je en retour.
Il y eut une hésitation de leur côté, ce qui me fit éclater de rire.
- Habille-toi et sors de là !
- Si vous arrêtez d'essayer de défoncer ma porte !
Ils arrêtèrent enfin de frapper. Je soufflai, l'adrénaline disparaissant d'un coup, et allai fouiller dans mes armoires à la recherche de quelques vêtements. Tout ce que je pus trouver fut ma combinaison. Bien sûr, mes vêtements étaient encore chez Cynthia, mais le problème était justement que je ne savais pas quoi choisir entre ici et chez elle. Tant que je ne me déciderais pas, je ne pourrais pas déménager mes vêtements...
- C'est long ! dit un garde.
J'ouvris la porte, à bout de nerfs. Le garde – c'était Peter – fronça les sourcils. Je ne l'aimai pas particulièrement, celui-là. C'était quand même lui qui avait dit que, si je ne reprenais pas mon rôle de cobaye, ce serait Debbie qui serait prise à ma place.
- Une combinaison ? Je ne veux pas que tu te transformes !
- C'est tout ce que j'ai ici ! m'énervai-je. J'ai cette chambre depuis deux jours, laisse-moi chance ! Maintenant, je peux voir Tom ?
- Qu'est-ce que tu lui veux ?
- Lui parler d'un truc.
- Tu vas pas essayer de le tuer, hein ? Jamais deux sans trois.
- Mais non ! Les deux autres l'avaient cherché !
Peter m'agrippa par le col de ma combie, m'attirant à lui pour qu'il ne reste plus que quelques centimètres entre nos visages. Mes pieds ne touchaient le sol que par leurs orteils.
- Ce n'est pas parce que tu as quelques dons particuliers que tu peux faire tout ce que tu veux. J'espère que tu le sais !
- Ce n'est pas parce que t'es un garde rapproché du roi que tu peux faire tout ce que tu veux, répliquai-je sur le même ton. Je pourrais dire à Tom que tu m'as agressé.
Peter lâcha mon col et je tombai par en arrière pour m'appuyer à la porte de ma chambre. Il m'envoya un dernier regard noir avant de tourner les talons et de continuer sa ronde dans les corridors. Son acolyte hésita une seconde, m'envoyant un regard en coin, incertain, et suivit Peter.
Je grognai en me redressant, passant ma main derrière mon dos où j'avais frappé la porte un peu durement. Rien que ça m'avait refilé un subtil mal de tête. Je pris un moment pour essayer de reprendre mon souffle, puis repartis à la recherche de Tom. Je pris une chance en visant le bureau et je le trouvai là, assis sur la chaise imprimée des fesses énormes du premier roi, une grosse pille de papier devant lui, se prenant la tête à deux mains avec un air de profonds ennuis. Je frappai doucement quelques coups contre la porte et Tom sursauta en se redressant bien droit. Il soupira en voyant que ce n'était que moi.
- Je peux entrer ? demandai-je.
- Mes-toi à l'aise, dit-il en désignant le fauteuil de l'autre côté du bureau. Tu es ?
- Miö, soupirai-je en m'asseyant dans le fauteuil. Ça commence à être énervant, qu'on ne me reconnait jamais...
- Désolé... mais vous êtes tous identiques.
- Je sais...
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu ne devrais pas être à l'entrainement, à cette heure ?
- J'ai eu un petit contre temps...
Je lui expliquai en quelques mots ce qui s'était passé là-bas, ensuite que je m'étais échappé de l'hôpital en me faisant passer pour Seth et que je m'étais envolé jusqu'ici, mettant l'accent sur le fait que je n'aurais pas eu assez de force pour marcher toute cette distance. Je terminai par Peter qui m'était tombé dessus, pour le simple plaisir de le dénoncer.
Tom soupira en croisant les bras sur son bureau, éparpillant un peu les feuilles qui y étaient.
- Excuse-le. Creg m'avait assuré que tout le monde était d'accord avec son choix de faire de moi un roi, mais il n'avait pas ajouté Peter à l'équation. Ni plusieurs autres... Toujours d'après Creg, c'est quand même la majorité qui est d'accord, mais on parle plutôt de 51% de la population... Ils ont un peu en travers de la gorge l'épisode où, toi et moi, nous sommes montés dans la tour en pleine nuit pour prendre des cordes pour escalader le mur autour de Digora. Tu sais, quand tu as tué deux gardes sans aucun remords.
Je me mordis la lèvre en baissant les yeux vers mes genoux, que j'avais repliés contre moi pour me mettre confortable au maximum dans le fauteuil.
- J'avais oublié ça, avouai-je dans un murmure.
- Tu avais oublié, répéta Tom, qui semblait avoir perdu toute trace de fatigue. Tu as oublié avoir tué deux hommes ?!
Je préférai ne rien répondre à ça, promenant mon regard un peu partout dans la pièce. J'avais peur d'affronter son regard. Et dire que j'étais venu le voir justement pour lui parler du vieux, que j'avais atrocement envie de tuer !
- Miö ? dit Tom d'une voix un peu plus douce. Tu n'as vraiment rien à dire là-dessus ?
- Non, dis-je en me forçant à croiser son regard, pour l'abaisser aussitôt. C'était... instinctif. C'était eux ou moi, j'ai fait ce que j'ai pu pour survivre, c'est tout. Écoute, je suis désolé, OK ? Mais si quelqu'un essaie de me tuer, j'ai pas l'intention de me laisser faire !
Tom secoua la tête en soupirant, ne sachant plus quoi dire pour sa cause. Durant le silence qui suivit, j'entendis un bruit qui me fit sursauter, provenant de derrière la porte du bureau, que j'avais fermé derrière moi en entrant.
- C'est surement Peter, dit Tom en apercevant mon trouble. Je sais, c'est un peu énervant, mais il faut s'habituer à ce qu'il y ait des oreilles partout, maintenant. C'est pour ma sécurité. Faut avouer qu'ils ont raison d'avoir un peu peur, puisque c'est Télio qui a tué le premier roi, et toi qui as tué le deuxième.
- Le premier me torturait, dis-je en serrant les poings. Le deuxième à essayer de nous tuer par vengeance, il a presque tué Simmer et Seth en premier !
- Je sais, Miö, je sais ! Je vous aurais pas tous proposé d'habiter ici si je ne vous faisais pas confiance !
- Les autres vont peut-être croire que tu es incroyablement naïf de nous garder près de toi.
- Possible, mais je m'en fiche ! Moi, j'ai confiance en vous. Tu crois que j'ai raison, ou que je suis naïf ?
- Honnêtement ? J'en sais rien.
Tom garda le silence, troublé par ma réponse. Je lançai un regard nerveux vers la porte ; si Peter était vraiment là à nous écouter, j'aurais dû prendre le temps de réfléchir avant de répondre à la question de Tom.
- Pourquoi tu voulais me voir, en faite ?
J'avais la vague impression que Tom avait pensé à la même chose que moi, vu le regard en coin qu'il lançait vers la porte toutes les deux secondes.
- C'est pas en ma faveur du moment de te l'avouer, marmonnai-je piteusement. Mais je veux que le vieux meure. J'en ai marre de le savoir en vie !
- T'as raison, c'est pas en ta faveur. (Tom lança un dernier regard vers la porte avant d'ajouter :) Écoute, je suis peut-être un « roi », dit-il en faisant les guillemets avec les doigts, mais je n'ai pas plus le droit qu'un autre de décider de la vie d'un homme.
- Le premier roi s'est bien amusé avec la mienne, pourtant, dis-je en serrant les poings.
- C'est pas pareil ! Et je ne suis pas lui. S'il te plait, Miö, je veux que tu restes ici et que tu te reposes, c'est tout ce dont tu as besoin. J'enverrais des gardes s'occuper de lui.
- Qu'est-ce que tu veux dire pas « s'occuper de lui » ? Tu ne veux pas le tuer et on n'a pas de prison !
- Mais je ne vais quand même pas le tuer ! s'impatienta Tom en levant les bras au ciel.
- Il faut faire quelque chose ! m'énervai-je en me levant d'un bon de mon fauteuil. Le vieux va continuer de faire souffrir tous les clones qu'il croisera, et Dieu sait que nous sommes encore plus nombreux que les mouches autour de ton cul !
- Miö ! s'écria Tom en se levant à son tour. T'as pas de raison à me parler comme ça !
- Et t'as pas de raison de refuser de faire quelque chose, en ce qui le concerne ! Merde !
À bout de patience, je sortis du bureau en furie, les poings serrés. J'entendais Tom me crier de revenir, mais je l'ignorais. Sa jambe toujours dans le plâtre, il n'était pas en mesure de me suivre.
En sortant du bureau après avoir rageusement claqué la porte derrière moi, je me retournai d'un bon pour regarder de chaque côté du corridor. J'avais entendu un bruit de course et un claquement de porte, mais j'avais peut-être halluciné, puisque je venais moi-même de claquer une porte.
Je m'avançai vers une seconde porte, en face de moi, et l'ouvris par curiosité. C'était une pièce avec une énorme table et plein de chaises tout autour, un tableau blanc accroché au mur du fond. Sur le mur à ma gauche, il y avait une fenêtre ouverte. Sans trop comprendre, je m'y approchai et passai la tête pas l'ouverture, qui donnait sur la cour arrière. Un champ parsemé de quelques arbres, un troupeau de cockers qui jouaient ensemble.
Je deviens paranoïaque.
Je secouai la tête pour essayer de me remettre les idées en ordre, puis quittai la pièce pour retourner dans ma chambre et m'affaler sur mon lit.
Qu'importe ce qu'en pense Tom. Dès que je serais plus en forme, je fonce m'occuper du vieux.
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