Chapitre 86

Je fis un petit crochet chez moi pour aller chercher Aël et Hadrien, puis nous reprîmes le chemin de la tour. Quand nous arrivâmes devant la tour, il y avait tellement de monde que c'était presque impossible de comprendre ce qui se passait exactement, au bout de la file. Je n'étais pas particulièrement grand – pas encore, du moins, j'étais destiné à la grandeur de Simmer, mais pas avant quelques années –, Aël et Hadrien étaient dans le même bateau, et Debbie était encore plus petite ; il nous était impossible de voir. Alors, sans trop de gêne, je pris une main à Debbie pour ne pas la perdre, et m'aventurais dans la foule en jouant des coudes, Aël et Hadrien nous suivant de près.

Enfin arrivé au-devant de la foule, nous pûmes enfin voir quelque chose devant les portes de la tour, au sommet des marches, notamment Tom, la jambe dans le plâtre et les fesses dans un fauteuil roulant, et Math derrière lui, les mains sur les poignées du fauteuil et regardant la foule un peu nerveusement. Il y avait aussi des gardes autour d'eux, avec ou sans uniforme. Il y avait même Remi, appuyé contre un mur en ver de la tour. Près de lui, il y avait Simmer, Arthur, Seth et Télio – Télio était facilement repérable, quant au fait qu'il dévisageait Remi avec une visible envie de meurtre dans le regard.

- Tu crois qu'on devrait les rejoindre ? souffla Aël à mon oreille.

- Nah, dit Hadrien. On est bien ici.

Simmer, qui venait tout juste de nous remarquer, nous fit signe d'un doigt de le rejoindre. Hadrien fit un petit gémissement ennuyé. Je poussai Aël et Hadrien sur les épaules pour les forcer à avancer, et nous sortîmes de la foule pour rejoindre les autres clones sur le genre de petit balcon au-devant de la tour. Elle nous élevait juste assez haut pour avoir une vue sur tous les regards braqués sur nous. C'était plutôt malaisant.

- Math ! murmurai-je en me tournant vers lui. Tu m'expliques ce qui se passe ?

Math secoua la tête, me fit un grand sourire et leva le pouce en l'air. De son côté, Tom fit un signe du doigt au garde le plus proche, qui se pencha vers lui pour échanger quelques mots. Je me rendis compte un peu tard que le garde en question était Creg, celui qui nous avait, en quelque sorte, sauvé de la colère de Mikaël. Ou du moins, avant que ça ne dégénère.

- Bon, je vais supposer que tout le monde est là, dit Creg en tapant dans ses mains pour attirer l'attention. Pour le reste, vous ferez passer la rumeur. Alors, il y a certain petit truc dont je me devais de vous partager l'information...

Creg se mit alors à raconter, devant les quelque trois-cents habitants de la ville, ce qui s'était passé hier soir, dans les moindres détails. Il raconta même l'idée de départ de Télio, puis comment ça s'était réellement passé – peut de différence d'un côté comme de l'autre – notre tentative, à Simmer et moi, de discuter avec lui, et finissant par le fait que Mikaël était un clone comme nous, et qu'il s'était donc transformé en grizzli et avait essayer de nous tuer.

Selon moi, la dernière partie était assez mal expliquée. Elle laissait croire qu'il voulait nous tuer pour la simple raison qu'il était un clone. Comme si c'était une maladie mentale assez grave.

Je me mordis la langue pour ne rien répliquer. Il y avait quand même six-cents yeux braqués sur nous ; il valait mieux faire le gentil et laisser couler.

- Et donc, termina Creg, c'est pourquoi notre roi est mort. Mais on ne le pleurera pas ; je crois pas qu'il ait gagné ce privilège, en essayant de nous tuer... Et voici également pourquoi on va faire – encore une fois – des élections. Quelqu'un voudrait tenter sa chance ?

Personne ne se prononça. Creg lança un regard vers Tom, le sourire aux lèvres.

- Moi, je vais proposer Tom. Quelqu'un s'y oppose ?

Encore une fois, personne ne dit un mot. Comme quoi tout était déjà gagné, Creg se mit à applaudir Tom, et la foule le suivit rapidement. J'en fis de même, puis donnai un coup de coude à Télio pour qu'il en fasse autant. L'ovation dura deux bonnes minutes, alors que Tom restait là, cloué dans son fauteuil roulant, à regarder tout le monde d'un air un peu perdu, bouche bée.

Math ce pencha à l'oreille de son père, le sourire aux lèvres.

- C'est génial ! l'entendis-je murmurer. Ça fait de moi un prince !

- N'attrape pas la grosse tête, Mathématique, répliqua Tom dans un rire.

- Oh non, pas toi aussi, soupira Math en se redressant.

Creg se pencha à son tour à l'oreille de Tom.

- Lève-toi et fais un discours, Tom.

- Me lever ? Tu te fous de moi ?

- Je profite de mes dernières chances ; d'un coup que tu seras officiellement roi, je serais tenu au respect.

Tom secoua la tête en pouffant, l'air de dire « depuis quand sais-tu ce que respect signifie ? », puis fit avancer son fauteuil de quelques coups de roues. Math recula à son tour, se postant au côté de Creg.

Tous les regards étaient sur Tom. Son visage virait au rouge ; il n'avait visiblement aucune idée de ce qu'il devait dire.

- Heum... merci, dit-il maladroitement. Merci d'avoir voté pour moi, on va dire, même si j'ai vu personne voter.

Il y eut un petit rire discret parmi la foule. Tom prit une grande inspiration, puis secoua la tête.

- Bon, désolé, mais les discours, c'est pas mon fort. Je vais m'améliorer avec le temps, je suppose. On peut passer au sujet sérieux ?

Creg s'approcha pour souffler quelques mots à l'oreille de Tom.

- Oui ! répondit Tom. Les nouveaux arrivants. Eh bien, bienvenue à vous. Si j'avais été en charge depuis le début, je peux vous dire qu'il n'y aurait même pas eu de mur – sérieux, j'ai jamais compris pourquoi on vous empêchait d'entrer. Donc, voilà ce que je propose ; vous irez tous voir Remi (il leva la main vers Remi, pour que tout le monde puisse comprendre de qui il parlait) pour faire des tests médicaux, qu'on soit assuré que vous ne transportez pas de maladie, ou autre, et vous serez soigné si c'est le cas. Tant que vous n'aurez pas eu vos résultats, vous dormirez au sixième étage de cette tour ; c'est le rayon-hôpital. Quand ce sera fait, je vous donnerais des appartements. Gratuit, bien sûr, je sais que vous n'avez pas d'argent, mais vous devrez penser bien assez tôt à vous trouver de l'emploi. Je vous ferais une liste de tout ce qui est disponible.

Tom hocha la tête, fier de lui, puis lança un regard incertain vers Creg, qui leva son pouce avec un sourire fier. Tom tourna cette fois la tête vers nous, nous regardant tour à tour. S'il me cherchait, il était incapable de dire lequel j'étais, parmi mes clones. Aussi visibles que nous fussions, j'étais maintenant invisible.

- Et vous, les clones, dit-il en levant les bras. En dehors de Miö, qui n'est pas vraiment nouveau, et Télio qui, malgré tout, a fait sa place dans la cité en se faisant passer pour Miö... (Télio me donna un coup de coude dans les côtes et je tournai la tête vers lui pour le voir me faire un grand sourire plein de fierté.) Eh bien, je vous souhaite la bienvenue, et je vous interdis sérieusement de vous transformer en public, si ce n'est que pour faire peur aux autres. Vous aussi, vous ferez les tests médicaux avec Remi. Et ensuite, je vous donnerais un endroit où vivre. Chez moi, ça vous dit ? Enfin, dans la maison du roi, mais c'est moi, maintenant, donc c'est chez moi... Merde, je m'y fait toujours pas, dit-il en éclatant de rire. Oh, et merde, ça fait pas du tout professionnel de dire merde, termina-t-il dans un murmure.

- C'est parfait, Tom, dit Simmer, qui était quelque part derrière moi. Nous sommes d'accord.

Nous hochâmes tous la tête pour le confirmer. Même si je savais que j'avais toujours ma place chez Cynthia, sa proposition me faisait chaud au cœur.

Tom se tourna encore une fois vers Creg, cherchant son approbation. Ça allait certainement lui prendre un petit moment avant de trouver un peu de confiance en soi.

- Vivre dans la maison du roi, hein ? dit Télio en se tournant de moitié vers moi. Et puis quoi ? On sera des gardes ?

- Vous serez plutôt ce qu'on appel des « Filles du roi », dit Math en s'approchant de nous. Des femmes à marier.

Je me tournai de moitié vers Math, ennuyé de son commentaire, mais c'était difficile de lui en vouloir avec l'énorme sourire qu'il avait au visage.

- Ce sera génial, dit-il. Vous allez voir, y'a assez de chambres pour tout le monde, y'a même une salle de cinéma ! Vous avez déjà vu des films ?

Tous, en dehors de Télio et moi, secouèrent négativement la tête.

- Je m'occuperais de vous faire des cours de culture générale. Heum, Miö ?

- Ici, dis-je en levant un doigt.

- Désolé, dit-il en se tournant vers moi, ça m'a pris un peu de temps à te différencier de Télio, mais là, vous êtes trop... Est-ce que tu vas y aller aussi ?

- Je sais pas... j'ai encore ma place chez Cynthia, dis-je en haussant les épaules. Mais je vais quand même y réfléchir.

- Ce serait chouette que tu viennes, insista Math.

- Je veux des droits d'auteur sur l'expression, dit Télio.

- Abuse pas, hein, dit Math en lui lançant un regard noir.

Derrière lui, Tom et Remi terminaient une conversation que je n'avais pas remarquée. Math se retourna en remarquant mon regard, alors que Remi reculait à nouveau pour laisser la place en premier plan à Tom le roi.

- Les potins sont terminés, dit Tom, vous pouvez retourner à vos occupations. Congé aujourd'hui, faites ce que vous voulez ! Les nouveaux, par contre, restez ici. On va commencer dès maintenant à vous faire un rendez-vous pour les tests médicaux.

La foule se dispersa rapidement, ne laissant sur place qu'un quart de l'assemblé. Remi sortit un crayon et un calepin de sa poche et se mit à noter des heures et des dates en passant chaque nom. Derrière lui, Tom s'approcha de nous avec son fauteuil roulant. Math se précipita pour l'aider, poussant son fauteuil jusqu'à nous.

- Je me répète, mais, bienvenue, dit Tom avec un sourire chaleureux. Je me répète encore, mais, je suis sérieux, interdis de vous transformer. En public, du moins. Pas sans mon accord. Je sais que certain d'entre vous on des combinaisons – Tom me lança un regard, et je tirai sur les manches de mon teeshirt pour cacher celle de ma combie, en dessous, qui descendait jusqu'au coude. Si j'ai un témoignage de cougar qui se promène dans les rues, je serais obligé de vous trouver une punition.

- Je me transforme en guépard, monsieur, pas en cougar, précisa Seth.

- Peu importe. Vous avez compris.

- Mais si y'a personne en vue et qu'il y a rien que nous, disont, dans votre jardin ?

- Entre vous, vous faites ce que vous voulez. On ne veut pas vous voir.

- Compris, soupira Seth.

- Ça compte pour moi aussi ? demandai-je. Je suis Miö.

Tom hocha la tête, comme quoi il avait réellement eu besoin de cette précision.

- Ce serait nul de faire du favoritisme, non ? dit Tom avec un petit sourire désolé.

- Mais c'est vraiment stupide, comme règle ! s'énerva Télio. J'ai besoin d'un minimum de liberté, je suis un animal sauvage !

- Télio ! dit Simmer en l'agrippant par les épaules. Calme-toi, c'est pour notre bien qu'il fait ça.

Télio grogna quelques insultes chaudement colorées, dont Tom choisit de faire comme s'il n'avait rien entendu.

- Et si tu allais prendre un peu d'air, Télio ? dit Tom en prenant une grande inspiration, comme pour tenter de garder son calme. Je t'autorise à te transformer, si c'est pour aller partager la nouvelle... je suppose qu'il reste encore des gens à votre village ?

- Ouais, c'est vrai, dit Simmer. Ils sont encore une vingtaine à être restée là-bas. Il faut bien que quelqu'un leur dise qu'ils peuvent venir, et emporter tous les effets personnels.

- Et quelqu'un pour les aider a emporté lesdits effets personnels, ajouta Arthur. Je me dévoue à la tâche. Seth, tu me donnes ta combie.

- C'est vrai que c'est pas juste, soupira Seth.

- Et Miö, tu viens avec moi, dit Télio en me lançant un regard noir.

Je haussai les épaules ; j'avais vu la requête venir de loin.

- Quand tu voudras.

- Maintenant.

- Vous apporterez les nouveaux arrivants ici, dit Tom en pointant le sol. Vous aviserez Remi pour qu'il prenne les rendez-vous, et ensuite qu'il leur donne une chambre au sixième. Ensuite, vous viendrez m'avertir. Je serais chez moi... mon nouveau chez-moi.

- Comme vous voudrez, majesté, dit Télio.

- Juste Tom, ça fera l'affaire, dit Tom en grimaçant.

- Ce sera donc « juste Tom », majesté.

- Viens, Télio, soupirai-je.

Je lui attrapai le poignet et l'entrainai avec moi dans la tour.

- Je vous suivrai de loin, dit Arthur derrière nous. Vous m'attendrez là-bas.

- OK ! dis-je en passant les portes et poussant Télio devant moi. Et toi, s'te plait, arrête de dire des conneries.

- Je croyais que c'était ce que tu aimais le plus chez moi.

Je levai les yeux au ciel en soupirant, préférant ne rien ajouter.

Télio et moi allâmes dans l'ascenseur, montant jusqu'au dixième étage. Nous retirâmes nos vêtements pour ensuite les mettre dans le meuble, au coin du mur, qui cachait quelques autres de mes vêtements, ne laissant sur nous que nos combinaisons. Télio s'envola le premier par la fenêtre éclatée, je sautais à sa suite pour prendre la direction du village. Et nous volâmes vers le sud-est, ce qui dut nous prendre au moins quatre heures de vols. Dans nos quelques pauses, ni Télio ni moi n'avons eu l'idée de nous pleine ; c'était la dernière fois que nous aurons à faire cet aller-retour... la dernière. Celle-ci n'était qu'une formalité, il n'y avait plus rien de grave, personne n'était menacé de mort, personne – surtout ! – n'était en voie de mourir de faim.

Quand nous arrivâmes au milieu du village, il était un peu plus de midi. Il était temps de faire une pause et de retrouver la terre ferme, car le soleil commençait à se faire atrocement chaud.

Télio et moi nous séparâmes, passant toutes les maisons pour propager la nouvelle ; qu'ils pouvaient faire leur valise, car Digora ouvrait ces portes à tout le monde. Et tout le monde sautait de joie, une dame se précipita même pour me prendre dans ses bras et disant « Merci, Seth ! Tu as toujours été mon préféré ! » Je répondis d'un simple merci, préférant ne rien dire de plus.

En une demi-heure, j'avais presque terminé ma moitié de village. Il ne restait plus qu'Albert et Riley, les seuls clones à être resté ici. Je n'eux pas à les chercher longtemps ; Albert était assis sur le balcon de sa maison, la tête appuyée sur la ridelle.

- Hé, Albert ! dis-je en levant le bras. Déprime pas, on a réussi. Cours faire ta valise !

Albert leva vers moi un regard ennuyé. À ses yeux rouges et gonflés, il donnait l'impression de ne pas avoir dormi de la nuit.

- Qui est avec toi ? demanda-t-il. Simmer ? Arthur ?

- Y'a que Télio et moi. Arthur arrivera un peu plus tard. Quoi, il s'est passé un truc ?

Albert secoua la tête, poussant un long soupir de désespoir.

- Riley a disparu.

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Donc voilà, ceci marque la fin du tome deux de Miö. Un troisième est en vue, qui commencera prochainement. Encore une fois, pas de nouveau livre, je vais juste continuer tout ça ici à partir du chapitre 87. Alors, jusqu'à maintenant, vous avez aimer ? Des points positif ou negatif a partager ? Soyez pas timide.
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