Chapitre 69

Télio
Oui, encore moi...

La route jusqu'à la tour aura duré, plus ou moins, vingt minutes, et j'avais ressenti chaque seconde comme une éternité. Coincé dans une cage minuscule dans les bras de Tom, j'avais une pensée pour chaque hibou aillant participé à a la production des Harry Potter.

Arrivés à la tour, Tom et Math entrèrent et prirent l'ascenseur. J'entendis l'un d'entre eux appuyer sur le bouton, les portes ce refermer et la cage ce mettre à monter. Le sentiment d'apesanteur, qui n'avait duré qu'une seconde, me donna presque envie de vomir. Coincé dans cette cage - elle-même dans une cage -, tout me donnait envie de vomir. Ou de tuer quelqu'un. Je penchais pour Math, puisque Tom pouvait être utile, quand il voulait. Je pourrais tuer Math et ne rien dire à Miö !

- Tais-toi, Télio, dit Math. On y est presque.

Réalisant que mes pensées m'avaient fait rire (ce qui était sorti en un ululement), je m'efforçai de penser à autre chose, qui n'impliquait pas le meurtre de Math. Seulement celui de Remi, qui était en train de martyriser mon clone préféré.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et le père et le fils s'avancèrent dans le corridor du cinquième étage. Dans une démarche qu'il voulait le plus naturelle du monde, Tom balançait ma cage de gauche à droite sans se soucier une seule seconde de moi, qui me cognais contre les barreaux à chacun de ses pas.

- Salut, Marissa, dit Tom une fois arrivé au comptoir de la secrétaire. J'aurais besoin d'un rendez-vous avec Remi.

- À quel sujet ? répondit la femme.

- Pour mon hamster, dit Tom en levant légèrement la cage. Ça fait plusieurs jours qu'il ne veut plus manger...

- Je vois... dit Marissa, et j'entendis clairement qu'elle se retenait pour ne pas se moquer. T'as de la chance, Tom. Remi a justement un moment libre dans dix minutes. Vous pouvez aller dans la salle d'attente.

- Merci !

Math et Tom se dirigèrent aussitôt vers la salle d'attente, qui n'était pas très loin. Math passa la porte en dernier et il la ferma derrière lui, pendant que Tom allait s'assoir tout au fond de la salle.

- Maintenant, on fait quoi ? chuchota Math.

Je hululai en frappant les barreaux de mon bec. Tom donna un coup sur le sommet de la cage pour me faire taire.

- Pas maintenant, Télio, dit Tom. Attends encore un peu... On va attendre d'être seul avec Remi avant de faire quelque chose. Ce sera mieux, selon moi.

Je hululai encore une fois, en colère. J'en avais par-dessus la tête de cette cage, je voulais sortir d'ici tout de suite... et il fallait encore attendre ! J'aurais pu sortir maintenant et foncer directement à la chambre de Miö, elle n'était pas loin d'ici, dans un corridor voisin. Mais Tom donna un deuxième coup sur la cage, plus fort que le premier.

- Ta gueule, Télio ! s'énerva-t-il. Fait pas tout foirer !

- Pour une fois, ajouta Math.

Tom releva légèrement la couverture au-dessus de la cage et croisa mon regard, l'air menaçant. Je hululai à nouveau, provocateur.

- Fait du bruit, encore une fois, et je t'arrache les plumes pour en faire des pends d'oreilles.

- Chut ! s'écria Math.

Tom abaissa brusquement la couverture et posa la cage sur ses genoux avec force. J'entendis des pas dans le corridor avant que la même personne n'ouvre la porte.

- Ah, Tom et Mathieu, dit l'homme, et je reconnus tout de suite la voix de Remi. Vous pouvez me suivre...

Tom et Math ne se firent pas prier, se levant d'un bon de leurs chaises pour suivre le docteur dans le corridor, jusqu'à son bureau. Tom entra en premier et Math ferma la porte derrière lui, encore une fois.

- Bon, bon... dit Remi en s'asseyant sur la chaise de son bureau en poussant un soupir. C'est votre hamster qui ne veut plus manger ? Je savais même pas que t'avais un hamster. Je croyais que t'avais que des poissons...

- Pas exactement... dit Tom.

Je sentis ma cage bouger vers l'avant, et je compris que c'était Tom qui m'avait posé sur le bureau.

- ... j'ai aussi un hibou.

- Un quoi ? dit Remi en riant.

Remi s'arrêta de rire aussi vite qu'il avait commencé, comprenant soudainement où voulait en venir Tom. Remi se leva d'un bon, peut-être pour s'emparer de la cage, mais Tom fut plus rapide ; il retira la couverture et ouvrit la cage. Je m'envolai aussitôt droit vers le visage de Remi, le griffant de mes serres, pour ensuite me transformer et lui tomber dessus pour le rouer de coup de poings et de coups de pied. J'avais prévu user d'un peu plus de diplomatie, mais cette foutue cage m'avait mis sur les nerfs.

- Télio ! s'écria Tom derrière moi. Je t'ai pas amené ici pour que tu le tues !

J'arrêtai de frapper le docteur, malgré que c'était vraiment bien. Je l'attrapai par le col de sa longue chemise blanche de docteur et tirai pour le mettre à genou. Remi se laissa faire, le visage en sang, mais me lançant un regard noir avec le peu de mobilité facial qui lui restait.

- Tu vas m'emmener à Miö, dis-je. Je te jure que si tu refuses...

- Épargne-moi t'es menace, espèce de sale petit... morveux, dit-il, et j'éclatai de rire malgré moi devant son manque d'imagination.

Remi se dégagea de ma prise et se leva lentement pour retomber assis sur la chaise de son bureau, tâtant doucement sa joue gauche, qui avait pris le plus de coups. Puis il leva les yeux vers moi pour me lancer un regard noir.

- J'avais pas prévu me faire attaquer par un nudiste aujourd'hui, moi.

Réalisant qu'il avait raison, je me cachai aussitôt l'entrejambe de mes mains. Math pouffa de rire, le regard orienté vers l'autre côté de la pièce.

Sans me laisser décourager, j'ouvris la bouche pour renvoyer plusieurs couches de menace, mais Remi m'arrêta aussitôt, une main en l'air.

- Je suis de ton côté, dit-il en secouant mollement la tête de gauche à droite. Alors pas la peine de me menacer. J'obéis aux ordres, moi, OK ? J'ai jamais voulu faire de mal à Miö.

- À Miö, bien sûr. Tu t'étais donné à cœur joie, quand c'était moi, grognais-je.

- Quand tu apprendras la politesse, je te la renverrais ! dit Remi en se redressant dans sa chaise, l'air menaçant.

Je ne répondis rien à ça, préférant lui envoyer une grimace.

- Tu vas nous aider à sortir Miö d'ici ? dit Math nerveusement.

- Ouais, dit Remi en haussant les épaules. Je vais rien faire du tout, alors débrouillez-vous. Mais je vous empêcherai à rien.

Remi se pencha légèrement sur sa chaise pour ouvrir un tiroir, où il en sortit une clé qu'il mit sur le bureau.

- Ça ouvre la porte de la chambre de Miö. Maintenant, démerdez-vous, je vous ai jamais aidé. Télio m'a frappé si fort que je me suis évanoui, et vous avez trouvé les clés par vous-même.

- C'est pas un problème, dis-je en m'emparant des clés, puis les remettant à Tom en me souvenant que je n'avais pas de poche. Allons-y.

- Toi, tu retournes là-dedans, dit Tom en pointant l'intérieur de la cage.

- Je peux marcher... marmonnais-je.

- Va dans la cage.

Je baissai la tête, dépité. Miö, si seulement tu savais tout ce que je fais pour toi...

Après un grand soupir de désespoir, je me transformai et m'envolai pour me poser sur le bureau, et Math me prit dans ses mains pour me poser dans la cage, comme la dernière fois. Pendant ce temps, Remi se levait de sa chaise et allait s'allonger au sol, étendu sur le côté, les yeux ouverts à nous observer.

- Désolé, dit Math pour Remi. Je croyais vraiment que tu étais un des méchants de l'histoire. Pas vraiment le Bowser... mais, pour sûr, une tortue.

- Je faisais mon job, c'est tout, dit Remi en se retournant sur le dos et fermant les yeux. Bonne chance, hein. Possible qu'il y ait des gardes un peu partout.

- Si c'est le cas, on ouvre la cage et on part en courant, dit Tom en refermant le sommet de ma cage et remettant la couverture en place.

Tu parles d'un sacré courage, pour un ex-garde !

Tom prit la cage dans ses mains et repartie en dehors du bureau, secondé par Math, qui ferma à nouveau la porte derrière lui. Nous passâmes près du bureau de Marissa, où tout le monde se souhaita « bonne soirée ! », sans rien de suspect.

Mon ouïe était très inférieure à celle de Miö, mais tout de même énormément supérieure à l'être humain moyen. Je n'arrivais pas à voir avec mes oreilles, comme lui, mais j'arrivais tout de même assez bien à me figurer où nous étions, soit dans le corridor qui faisait une ligne droite entre le bureau de Marissa et l'ascenseur. J'avais cette impression que Math et Tom avaient pris ce chemin pour éviter d'éveiller les soupçons de Marissa, mais une fois arriver à l'ascenseur, ils prendront le couloir d'à côté, où il y avait plusieurs chambres pour patient, et celle de Miö, tout au bout. Et j'avais vu juste, quand je sentis Tom, qui me portait, tourner à droite, et encore à droite pour s'engager dans le corridor. Cette fois, par contre, mon ouïe était maintenant inutile ; je ne pouvais pas voir s'il y avait des gardes qui nous attendaient là, patrouillant dans le corridor. Mais je ressentis tout de même le pas de Tom se faire hésitant, pendant quelques secondes, avant de reprendre sa marche. Il y avait des gardes.

- Ça va devenir chaud, je crois, murmura Tom. Tu devrais sortir d'ici.

- Non, je veux aider Miö, répliqua Math sur le même ton. C'est mon meilleur ami !

- C'est dangereux !

- Non !

- Mathieu !

- Hé, Tom ! s'écria une nouvelle voix.

Le père et le fils se turent aussitôt, pendant que j'entendais des pas venir vers nous. Alors qu'il était encore à plusieurs mètres, je sentis Math arracher la cage des bras de son père assez brutalement, et je me retins de justesse de faire le moindre bruit.

- Qu'est-ce que vous faites ici ? demanda le nouveau venu, mais à son ton, je savais qu'il connaissait déjà la réponse. Miö, hein ?

Et pour la surprise de tout le monde – moi le premier -, c'est le moment que choisit Math pour éclater en sanglot. Tout le monde garda le silence, ne sachant plus trop quoi faire. Puis, Tom passa un bras autour des épaules de son fils et l'attira contre lui.

- Qu'est-ce qui va pas ? lui murmura-t-il à l'oreille, aussi bas que possible.

- Ils vont pas nous laisser le voir, hein ? renifla Math, sans s'inquiéter de se faire entendre ou non – j'avais même l'impression qu'il voulait être entendu. Miö...

La voix tremblante à souhait, j'avais plutôt entendu « Mihihihiö »

- Ça va... Math, ça va, calme-toi, dit Tom, incertain.

- C'est mon ami ! s'écria Math en reniflant. C'était ma dernière chance de lui dire adieux !

- Heum... Miö ne va pas mourir, signala l'un des gardes. Il est juste...

- IL EST JUSTE ENFERMÉ DANS CETTE PUTAIN DE CHAMBRE POUR LE RESTE DE SA PUTAIN DE VIE ! hurla Math à plein poumon.

Il y eut encore une fois un long silence, alors que j'imaginai assez bien tous les gardes se dévisager entre eux, se demandant ; « mais c'est quoi, sont problème, à ce gosse ?! ».

- Bon, ça va, tu peux entrer le voir ! dit le garde en faisant quelque pas vers la droite. Tiens, entre, et arrête de chialer, merde ! T'as plus sept ans !

- Il a... quelque trouble émotionnel, marmonna Tom.

- Ouais, bah ça lui prendrait peut-être des médocs.

- J'en parlerais avec Remi.

J'entendis la porte de la chambre de Miö cliqueter contre une clé – celle du garde, finalement, nous n'avions même pas eux besoin de celle de Remi – puis la porte s'ouvrit. Le garde fit quelques pas vers la gauche, cette fois, nous laissant libre d'entrer. Math se précipita dans la pièce aussitôt, presque en courant, en criant « Miöoooo ! » Tom le suivit à quelque pas de distance, pendant que Math contournai le lit et posait la cage au sol pour ensuite l'ouvrir.

Je sortis précautionneusement de la cage avant de me transformer, accroupi derrière le lit pour ne pas me faire voir par les gardes, tant que je n'avais pas entendu la porte se refermer. Je risquai un regard vers le haut et vie, au coin du lit, une main dépassée des couvertures. La main de Miö.

- Miö... murmura à nouveau Math, avec beaucoup plus de réalisme dans la voix. Hé, mon pote ? T'es là ?

- Il dort, signala Tom, qui avait enfin fermé la porte.

Je me levai lentement de ma cachette, me permettant de voir Miö, couché dans son lit, les couvertures jusqu'au milieu du ventre. Il avait les yeux fermés, la bouche légèrement entrouverte, et il était clair qu'il était complètement dans les vapes. Ça me tordait douloureusement l'estomac de le voir comme ça.

- Je te savais pas si bon acteur que ça, Math, murmura Tom en se penchant un peu au-dessus de Miö, posant une main sur sa poitrine pour sentir son pouls.

- Peut-être que je me suis juste... laissé aller, dit Math, qui essuyait ses fausses larmes, les yeux rivés sur Miö. Alors, Télio ? Qu'est-ce qu'il faut faire, maintenant ?

- Eh bien... on a réussi à entrer sans tuer personne, c'est déjà bien. Mais on pourra pas sortir sans tuer personne, ça, c'est sûr. Surtout s'il faut se trimbaler un Miö inconscient.

Nous gardâmes tous le silence, en quête d'inspiration. Je promenai mon regard un peu partout, et un petit quelque chose de bleu sur le comptoir au fond de la pièce attira mon regard. Je lançai un regard vers la porte, souhaitant que les gardes ne se décident pas d'entrer dans la seconde, puis allait vérifier de quoi il s'agissait. C'était une minuscule bouteille de verre avec un large bouchon gris, dont le contenu était d'un joli bleu clair. Au petit trou dans le bouchon, je compris que c'était un médicament, mais il n'y avait aucune étiquette sur la bouteille pour spécifier. Mais je compris en deux secondes où j'avais déjà vu cette couleur ; dans la seringue que le vieux avait plantée dans le bras de Miö. Quand nous étions allés à la ferme en quête d'information sur notre passé.

- J'ai une idée, dis-je dans un souffle. Une mauvaise idée.

Les mains tremblantes de nervosité, j'ouvris chaque tiroir à disposition, jusqu'à trouver une seringue, que j'enfilai dans le trou du bouchon et aspirai le contenu de la bouteille en tirant sur le bouton de la seringue. Je vérifiais la quantité ; oui, c'était à peu près ça que lui avait refilé le vieux... Je retirais la seringue et m'approchai de Miö, décidé. Mais math me barra aussitôt le chemin, les bras écartés.

- C'est pas le moment de lui refiler je ne sais quelle drogue ! dit-il dans un murmure.

- Et c'est pas le moment d'abandonner notre coup et de le laisser là ! grognais-je en le menaçant de l'aiguille. Pousse-toi, je sais ce que je fais !

Math resta bien planter sur ses pieds, me fusillant du regard, mais abandonna la partie au bout de cinq secondes. Finalement, je m'approchai de Miö et, doucement, insérait l'aiguille dans son coude. La sensation de sentir l'aiguille s'enfoncer dans son bras me fit grimacer, comme si c'était mon propre doigt que j'enfonçais dans une plait. J'appuyai sur le bouton de la seringue, doucement, jusqu'à ce qu'elle soit vide. Miö bougea la tête de gauche à droite, ouvrit un œil vitreux pour me regarder, puis sa tête retomba sur l'oreiller. Et il se transforma, son corps minuscule disparaissant sous les couvertures et ses vêtements.

Tom releva aussitôt les couvertures, étonné, pour retrouver la petite chauvesouris rousse étendu sur le dos, comme si elle était morte.

- Qu'est-ce que t'as fait ? s'étonna Tom.

- J'ai forcé une transformation, dis-je en secouant légèrement la seringue pour bien lui faire comprendre. Ça va durer, peut-être... une dizaine d'heure. Comme ça, il est beaucoup plus petit et facile à transporter ! Math, met-le dans la cage.

- Et toi ? Tu vas te cacher comment ?

- Moi, je me cache plus ! j'en ai marre !

- Bah du coup, transforme-toi, ou trouve-toi un pantalon, dit Math dans une grimace.

- OK, je vais me transformer. Que dis-je ; je vais me sacrifier ! Cachez-vous derrière la porte... et tu m'ouvriras la porte, et je leur ferrais leur compte, à ses salops de gardes !

- Toi, tu ne vas tuer personne ! dit Tom en m'agrippant le bras.

- Ah, parce que t'as une meilleure idée, peut-être ?

Tom garda le silence quelques secondes, avant de me lâcher le bras et de reculer en grognant. Il prit Math par une épaule, qui déposait doucement Miö dans le fond de la cage et mettait la couverture à l'intérieur pour le couvrir. Ils allèrent ensuite tous les deux derrière la porte de la chambre, Math serrant la cage contre lui. Tom mit la main sur la poignée, puis leva les yeux vers moi.

- T'es vraiment sûr de vouloir faire ça ? demanda-t-il.

- Ouais, ce sera facile, dis-je en pensant tout le contraire. Dis-moi juste... ils étaient combien, dehors ?

- Quatre.

- Ouais... facile, répétai-je dans une grimace. Compte jusqu'à trois et ouvre la porte.

Tom hocha la tête, puis fit le décompte. J'embarquai debout sur le lit, pour avoir un peu d'élan, puis Tom dit « trois » en même temps d'ouvrir la porte. Je me transformai et m'envolai en dehors de la pièce pour m'élancer sur le premier garde que je vis, tout juste derrière la porte. Je lui fonçai dessus, les serres en avant, et il eut tout juste le temps de s'exclamer « Oh ! » que je lui labourai déjà le visage de mes serres et la tête de mon bec. Les autres gardes s'affolèrent, et je savais qu'ils sortaient leurs armes pour me pointer. Mais aucun n'osait tirer, car toutes les chances étaient pour que la balle touche plutôt ma victime que moi, qui agitait les bras dans tous les sens en hurlant.

Quand le garde réussit enfin à m'attraper, les mains à plat sur mon dos, je me transformai pour lui tomber dessus. Mon poids le fit tomber lui aussi, et une fois au sol, je lui attrapai une touffe de cheveux pour lui frapper la tête de toutes mes forces sur le plancher, à plusieurs reprises.

Un sur quatre de K.O. Ça commence bien !

Et c'est quand je me dis ça que l'un des gardes derrière moi me tira dessus.

Je sentis la balle me traverser le dos et ressortir par en avant, pour aller se ficher dans le mur devant moi. Mes yeux s'écarquillèrent quand je remarquai la tache de sang et le trou de plâtre dans le mur, puis les larmes me montèrent quand la douleur frappa. Je plaquai aussitôt une main contre mon ventre, fermant les yeux en gémissant. En quelques secondes, la douleur avait augmenté à un point que je me sentis sur le point d'évanouir. La balle s'était creusé un chemin au centre de mon ventre, un peu au-dessus du nombril. Une énorme quantité de sang goutait entre mes doigts.

J'essayai de me relever, mais je n'en avais plus la force. Pourtant, il fallait que je parte, ou une balle bien placée va me tuer, d'ici une seconde à l'autre. Miö n'était pas là pour me couvrir, cette fois...

J'avais la tête qui tournait atrocement, faute du sang qui me quittait. Je n'arrivais plus à me concentrer sur ce qui arrivait autour de moi, mais j'avais bien l'impression que la seconde balle, s'il devait en avoir une, prenait bien son temps.

Par un dernier effort de volonté, je me trainai jusqu'au mur pour m'y appuyer, la tête juste à côté du trou de balle, puis regardait d'un œil vitreux ce qui se passait autour, et pourquoi plus personne n'essayait de me tuer. Tom faisait le barrage entre les gardes et moi, les bras écartés.

- S'te plait, tirez pas, dit Tom en secouant lentement la tête.

Deux des gardes le pointaient de leurs canons, le troisième avait son arme bien visée sur ma tête. Je cherchai Math des yeux, mais ne le voyant nulle part, je supposai qu'il était toujours caché dans la chambre.

- Tu te rends compte de ce que tu me demandes ? dit le garde qui était tout juste en face de lui.

- Je sais, c'est... Télio, dit Tom, comme si mon prénom était suffisant pour décrire ma personne. C'est pas le plus saint.

- Il a tué deux personnes en un mois. Dont le roi !

Tom garda le silence, apparemment à court d'arguments. Malgré tout, les gardes hésitaient. Tom était l'ami, ou au moins une forte connaissance, à tous ses gardes. Il était de leur rang, il n'y a pas si longtemps.

- C'est pas pour lui que je fais ça ; c'est pour Miö. C'est inhumain, ce que vous lui faites ! Permettez au moins qu'il parte... et qu'il ne revienne jamais. Je vous le jure sur ma propre vie ; vous ne reverrez plus jamais Miö, ou Télio... ce qui revient un peu au même... S'ils reviennent, vous faites ce que vous avez à faire, je serais plus là pour vous en empêcher. Mais pas aujourd'hui, s'il te plait !

- Ça me plait pas, grimaça le garde en secouant la tête.

Le garde abaissa son arme, me lançant un bref coup d'œil. J'essayai de soutenir son regard, mais j'avais les yeux qui tombaient de fatigue.

- Très bien. Parce que c'est vrai, pour Miö, il fait pitié. Et pour Télio, j'espère que la balle le tuera. Maintenant, foutez le camp d'ici ! Mais je te donne un conseil, Tom... tu ferais mieux de quitter la ville, toi aussi. Et ne jamais revenir ! Je vais dire ce qui s'est passé au nouveau roi. Et ce sera ma version, que je vais dire. Je serais pas gentil avec toi.

Tom garda le silence, sous le choc. Puis, au bout d'un moment, il hocha la tête.

- OK, dit-il, la voix tremblante. Je comprends que...

Tom toussota, ne sachant plus quoi dire. Il hocha la tête à nouveau, marmonna un autre « OK », puis se tourna vers Math, qui était à moitié caché par la porte de la chambre de Miö, et lui fit signe de sortir de sa cachette. Math s'avança vers moi, les yeux écarquillés, mais je ne savais pas si c'était pour mon état lamentable, ou pour la nouvelle que son père – et lui aussi, donc – devait quitter la cité. Il avait toujours la cage enfermant Miö dans les bras, ainsi qu'une belle pille de vêtement. Il mit les linges au sol, en ressortit un drap, et le pressa sur mon ventre. La douleur me fit grincer des dents, alors qu'un nouveau flot de larmes coulait de mes yeux.

- C'est de ta faute, chuchota-t-il.

- Je sais...

- Enfile ça.

Le drap toujours appuyé sur mon ventre, il me tendit un jogging, trouvé dans l'armoire de la chambre de Miö. Je le reconnus même pour avoir déjà vu Miö le porter. Avec infinie précaution, je l'enfilai une jambe à la fois, pleurant de douleur à chaque mouvement. Une fois habillé, Tom apparut de l'autre côté de moi, il passa un bras sous mon dos et un autre sous les genoux pour me porter. J'enfonçai le visage dans son cou, essayant d'étouffer mes gémissements.

- Ça va aller. Si t'avais été quelqu'un d'autre, j'aurais pu te promettre une mort après d'atroces souffrances – une balle dans le ventre, c'est assuré. Mais vu que c'est toi, tu auras tout le temps de guérir pendant l'atroce souffrance.

- Merci, c'est encourageant, marmonnais-je faiblement.

- Tu le mérites, de toute façon.

Je ne répondis rien à ça, autant parce que je voulais garder mes forces que parce que je savais qu'il avait parfaitement raison. Les gardes dans le corridor s'écartèrent du chemin alors que Tom, avec moi dans ses bras, secondés par Math, avec Miö dans ses bras, nous avancions vers l'ascenseur.

- Adieu, Tom, dit l'un des gardes.

Tom figea pendant quelques secondes. Je levai les yeux pour le voir ; son visage était livide. Tom hocha lentement la tête, sans rien répondre, et continua son chemin. Math glissa la main sous le coude de son père, la tête basse.

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Chapitre 69, tout le monde tout nu ! 🙌😂

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