Chapitre 57 ✅

J'avais passé vingt minutes assis sur le toit à regarder le lever de soleil, mes pensées partant dans tous les sens, avant d'avoir le courage de baisser la tête.

En bas, dans la rue, des adultes allaient à leurs travaux pendant que les plus jeunes allaient à leurs cours. Près de la moitié de tous ces piétons prenaient la direction de la tour. Mais parmi eux, je voyais quelques hommes et femmes en costumes de polices. Ceux-là ce dirigeaient presque tous vers la maison du roi – peu importe qui est le nouveau roi.

Je restai là à les regarder un petit moment, puis me transformai et volai aussi rapidement que possible vers l'appartement de Math. J'y arrivais en moins d'une minute, me suspendant à la fenêtre de leur cuisine, et frappai frénétiquement dans le verre avec ma griffe. Tom était là, faisant la vaisselle et portant un tablier « kiss the cook ». Tom leva les yeux vers moi et figea quelques secondes, étonné de me voir. Il ouvrit enfin la fenêtre, les doigts dégoulinants de savon. Je m'engouffrai dans la pièce et Tom referma la vitre derrière moi, après y avoir lancé un regard en direction de la rue.

Je me transformai, mes pieds nus firent un léger « boum » en touchant le sol et Tom se retourna vers moi, s'essuyant les mains de sa serviette.

— Désolé de débarquer à l'improviste, dis-je.

— Ça va. Toute façon, t'avais pas vraiment de moyen de nous prévenir. Qu'est-ce que tu fais là ? Je me doutais un peu que tu passerais un jour, mais je m'étais pas attendu à ce que ce soit aussi tôt.

— Eh bien, c'est que... (je levai les bras, puis les laissaient retomber contre mes flans) Je suis paumé. Je sais plus du tout ce que je dois faire.

— Eh bien... répéta Tom en replongeant ses mains dans le savon, en ressortant une assiette qu'il frotta avec un chiffon. J'en sais pas plus que toi.

Tom mit l'assiette du côté « propre » de l'évier, puis se tourna à nouveau vers moi, le regard grave.

— J'ai été renvoyé, tu t'en doutes. Je suis plus dans la confidence et je ne connais pas les nouvelles directives en ce qui concerne ton affaire.

— Je suis désolé, soufflai-je en baissant la tête.

— Ça va, t'en fait pas. J'étais bien payé, et il me reste assez d'argent pour m'occuper de Math et moi pour un bon petit moment... Mais s'il y a une chose que je peux te conseiller, ce serait de te rendre et faire tout ce qu'ils veulent. Tu seras peut-être enfermé dans le bunker pendant un certain temps... Mais ils finiront par te relâcher et tout sera oublié.

Je secouai la tête en grimaçant, réfléchissant tout de même un peu à cette possibilité. Puis secouai la tête à nouveau.

— Si j'avais été n'importe qui, ç'aurait pu le faire. Le problème, c'est qu'ils ne vont pas simplement m'enfermer dans le bunker. Ils vont me ramener à Remi pour continuer les tests.

J'allai rejoindre Tom près de l'évier, pris la serviette sèche et me mis à essuyer la vaisselle propre, la posant ensuite sur le comptoir.

— Je peux bien essayer de t'aider, mais je sais pas comment, dit Tom. Je sais bien que ça craint, les opérations, mais c'est la seule option que je vois.

Je hochai platement la tête, sans rien ajouter.

— Math est en cours ? demandai-je au bout d'un moment.

— Non, il est dans sa chambre. Le remède contre les commotions ; interdis de penser, dit Tom en pouffant. Du coup, plus de cours pour lui jusqu'à mercredi.

— Ça aura au moins servi à ça, dis-je en riant. Je peux aller le voir ?

— Oui, mais lui demande pas de faire tes devoirs.

Je hochai la tête, me sentant rougir. Tom s'était aperçu que c'était toujours Math qui faisait mes devoirs à ma place ? Enfin, il faut me laisser une chance ; avant cette année, je n'étais jamais allé en cour, et je n'y connaissais pratiquement rien. Math m'aidait pour un dix dollars par semaine.

Je posai la serviette sur le comptoir et allai vers la chambre de Math, qui était fermée. Je frappai doucement avant de tourner la poignée, pour trouver Math étendues dans son lit, portant un vieux bas de pyjama à carreaux et un teeshirt blanc, à regarder un film sur sa télé et grignotant ce qui ressemblait à des popcorns dans un bol.

— Coucou, dit-il en me lançant un popcorn, que j'attrapai de justesse avant de le mettre dans ma bouche. Je me demandai combien de temps ça allait te prendre pour deviner que j'étais là.

— J'ai pas deviné, je pensais que t'étais en cour. J'ai posé la question pour la forme.

Math me lança un grand sourire, accompagné d'un autre popcorn. Je ne réussis pas à l'attraper et il tomba à mes pieds.

— Tu te ramollis.

— Je crois bien que t'as raison.

— Alors, t'es coincé ici jusqu'à ce que tu trouves quelque chose de mieux à faire ?

— Mouais.

— Bah, c'est cool ! Tien, choisis un film. J'ai écouté celui-là vingt fois, j'ai envie de changer.

Souriant, j'allai m'assoir devant son meuble de télé, où il y avait une petite collection à parts égales de DVD et de Blue Ray. Ce n'était que de grand succès vu et revu, le genre qui avait réussi à survivre aux quinze dernières années, où il n'y avait eu aucune nouveauté depuis. J'avais moi-même déjà regardé chacun d'eux et aucun ne me donnait particulièrement envie. Je lu malgré tout les résumés, à la recherche de quelque chose de bien.

— Et la tête, ça va ? demandai-je.

— C'est pas si mal. J'avais un de ces maux de tête, hier... mais je sens presque plus rien. Je pourrais aller en cour, à l'entrainement, et tout, pas de problème !

— C'est qu'une impression. Vaut mieux que tu te reposes.

— Eh bien, j'ai jamais dit non à ne rien faire, fit Math, et sans même me retourner, je savais qu'il souriait de toutes ses dents. Pa' me dorlote comme si j'étais à l'article de la mort. Regarde, il m'a même trouvé des popcorns !

Je ris pour toute réponse, pendant que je lisais le résumé d'un film dont je connaissais l'histoire par cœur. Malgré tout, je me demandai où Tom avait bien pu dégoter des popcorns. Ils étaient aussi rares que la morphine à l'hôpital – et je sais de quoi je parle.

— Et sinon, de ton côté ? Il s'est passé quoi, depuis... ça ?

— Eh bien, après ça, dis-je en appuyant bien le mot, le clown et moi, on a flâné dans la forêt... et dans la soirée, on est allé chez lui... et puis boum. Le bordel. Mais j'en dirais pas plus. T'es interdit de pensée.

— Non, raconte-moi ! s'écria Math en venant s'assoir au pied de son lit, derrière moi, alors que je restai obstinément à regarder les choix de films. Quel genre de bordel ? Le genre où on se dit « Oh, putain ! », ou le genre où on se dit « Oh, la belle putain ! » ?

Je pouffai malgré moi. Je me retournai vers Math qui riait d'un air un peu débile. J'avais l'impression que son cerveau était encore de travers.

— Le genre où il y avait des gardes partout et qui tirait sur tout le monde, dis-je en reprenant mon sérieux. Télio s'est fait tirer dessus. Malheureusement...

— Il est mort ? dit Math, son sourire s'évanouissant d'un coup.

— Non. J'allais pour dire « Malheureusement, il s'est seulement fait tirer dans la hanche ».

— Ah. Ouais. Dans le cul, ç'aurait été mieux.

Je souris à nouveau, mais ça ne dura pas longtemps. Mon moral était tombé à plat.

— Non, mais c'était vraiment un foutu bordel. La mère de Télio était en sang... j'ai tiré sur deux types ! Je les ai peut-être tués, je ne le sais même pas.

Cette fois, Math ne trouva rien à répondre. Son sourire avait lui aussi disparu, alors qu'il était assis, les coudes sur les genoux.

Je reportai mon attention sur les DVD, le regard dans le vague. Ça changeait surement la donne, si j'avais tué ces deux hommes, non ? Et dire qu'ils m'étaient complètement sortis de la tête.

Après tout, j'ai été conçu comme armes de guerre. Mes gènes proviennent d'un vrai soldat...

Un soldat mort et qui faisait des crises de panique. Mais un soldat quand même.

Math me donna un coup de pied dans le dos, pas assez fort pour me faire mal, mais assez pour me faire sursauter.

— Choisi, dit-il. Une comédie. C'est trop sérieux.

Je hochai vaguement la tête, puis tendis la main vers le DVD tout juste en face de moi ; un remake de Jumanji. Je le donnai à Math et il s'agenouilla à côté de moi, arrêta le film qui jouait déjà et échangea les disques.

Faudrait que je lui dise, pensai-je alors que Math retournai s'assoir dans le fond de son lit, cherchant la télécommande sous les couvertures. Si je fais rien, il va croire que je le prends pour un salop, comme avec Debbie. Il ne peut pas prendre la chose si mal que ça, non ? Avec Debbie, ça a bien été.

Je peux pas lui dire de truc aussi gros maintenant, je vais réussir qu'à lui refiler une migraine.

Tout de suite ou plus tard, c'est la même chose. Et plus tôt est le mieux.

— Tu viens, Miö ? dit Math, qui avait retrouvé sa télécommande. Ça va commencer.

J'allai m'assoir à ses côtés. Math s'était poussé le plus à gauche possible, son oreiller contre le mur, me laissant toute la partie droite du lit. Le film débuta et Math posa le plat de popcorn entre nous. Il me donnait une claque sur la main à chaque fois que j'y plongeais la mienne, pour ensuite dire « je rigole, prends-en », et d'encore me claquer la main. Il riait de sa blague stupide, jusqu'à ce que je retirai ma main à temps et que la claque tombe directement sur le coin du bol, qui se renversa sur les couvertures. J'échangeai un regard avec Math avant d'éclater de rire. Je me levai pour remettre les popcorns dans le bol et le porter à la poubelle, mais une pensée me traversa l'esprit, pour tous ceux – tout le monde, en fait – qui ne mangeaient pas à leur faim. J'en faisais moi-même partie.

— C'est quand, la dernière fois que t'as lavé tes draps ?

— Environ deux semaines, répondit Math.

— Et c'est quand, la dernière fois que tu t'es masturbé dedans ?

Son virage devint rouge et ses yeux se rivèrent sur la télé.

— OK, tant pis. J'avais pas faim.

Je me retournai à nouveau vers la poubelle pour y balancer tous les popcorns. Et pour le reste du film, j'optai pour la chaise de son bureau.

Il était temps que je parle. Ça faisait près d'une demi-heure que je me répétai ses mots.

— Math...

— Présent.

— C'est ce que je pensais.

Math n'ajouta rien, toute son attention pour le film.

— Math, dis-je encore.

— Absent.

— Faut que je te dise un truc.

Math tourna la tête vers moi, refoulant un fou rire.

— Tu me parles quand je dis que je suis absent, mais pas quand je suis présent ? Y'a des moments où t'es bizarre, tu le savais, ça ? Enfin... c'est plus juste de dire « y'a des moments où t'es normal »... Parce que ces moments sont bien plus rares.

— T'as raison. Je suis un clone.

Le mot était sorti à toute vitesse, comme pour m'empêcher de faire demi-tour. Mais je l'avais dit tellement vite que Math n'y avait rien compris. Il fronça les sourcils, mais il fixait encore la télé.

— Je croyais que c'était Télio, le clown.

— Pas clown, soupirai-je. Clone.

— Bah, ouais. C'est synonyme de jumeau. Ou triplet, ajouta-t-il en me lançant un regard en coin. Attends, ne me dis pas que tu deviens aussi cinglé que lui ! Ou... ou eux !

— Laisse-moi parler, ce sera plus simple !

Math baissa le son du film, repositionna l'oreiller dans son dos et se tourna vers moi, balançant la télécommande dans le lit qui se faufila dans un pli de la couverture. Il lui faudra certainement de longues minutes avant de la retrouver.

Je me mordis la lèvre, cherchant un moyen de commencer mon récit. Avec Debbie, ç'avait été bien plus facile ; il faut dire aussi que j'avais passé une superbe nuit avec elle... Surtout quand on ne dormait pas encore. Mais avec Math, je réfléchissais trop.

Mais avant que je ne pus dire quoi que ce soit, j'entendis quelqu'un cogner à la porte. Je pensai d'abord à Tom, mais je me rendis compte rapidement que ça venait plutôt de la porte d'entrée.

— Tu attends de la visite ? Toi, ou ton père ?

— Pas que je sache. C'est peut-être que la femme de ménage.

— Vous avez une femme de ménage ? m'étonnai-je.

— Bah, quand t'as pas de maman, t'as une femme de ménage, dit Math dans un mouvement d'épaule. Pa' peut bien passer le balai de temps en temps, il est presque jamais à la maison. Aujourd'hui, c'est différent... puisqu'il a été renvoyé. Il va probablement renvoyer la femme de ménage aussi, du coup. Au moins jusqu'à ce qu'il se trouve un job.

Mais les voix que j'entendais, depuis l'entrée, étaient deux hommes. Celle de Tom, pour sûr, l'autre me disait vaguement quelque chose... j'étais pourtant incapable de mettre le doigt dessus.

— OK, murmura Math. C'est pas la femme de ménage.

— Chut !

J'écoutai attentivement la conversation pendant que Math cherchait sa télécommande. Comme je l'avais deviné, il l'avait perdu sous les couvertures.

— Je passai dans le coin et j'ai pensé à toi, dit l'homme. C'est nul que t'aies été renvoyé... je peux entrer ?

— Oui, bien sûr.

J'entendis les pas s'avancer et se diriger vers le salon pour s'asseoir dans les fauteuils. Je fermai les yeux pour mieux me concentrer, percevant vaguement Math qui retournait sa couverture à la cherche de la télécommande.

— Je resterai pas longtemps... il faudrait même que je reparte déjà, pour pas être en retard. J'ai que vingt minutes pour me rendre chez le roi...

— Qui est le nouveau ?

— C'est pas encore sûr. Mais à midi, ce sera décidé. J'ai entendu dire par Peter que certains auraient voté pour toi, si t'avais pas été renvoyé juste avant ! Dommage, hein ?

— Oh non, c'est pas pour moi ! T'es sérieux ?

— Ouais !

Ils rirent ensemble quelques instants, avant de se calmer.

— Et Miö ? demanda Tom. Qu'est-ce que vous avez décidé pour lui ?

— Difficile de prendre une décision sans roi... mais on a réussi à se mettre d'accord sur un truc. En ce qui le concerne, s'il veut rester caché, qu'il y reste, parce que ce sera pas joyeux pour lui. S'il se rend avant demain soir, il l'aura échappé belle.

— Et donc ?

— Il ira voir Remi... Tu étais au courant, toi, de ces opérations ?

— Depuis peu....

— C'est dégueulasse, dit l'autre, et j'eus la certitude qu'il hochait la tête, les yeux rivés au plafond. Mais quelqu'un doit se sacrifier.

— Ouais, marmonna Tom tout bas. Et s'il ne se rend pas ?

— Faudra le tuer. Pas le choix. Avec l'autre, là, celui qui vie dans le village, quarante kilomètres plus loin. Celui-là... dit-il avec un petit rire nerveux. Celui-là, il faut vraiment qu'il meure. C'est qu'un gros boulet. Regarde ça...

J'entendis l'homme se pencher légèrement, peut-être pour attraper quelque chose dans ses poches.

— C'est dingue, hein ?

— Ouais, dit encore une fois Tom, sans entrain.

— Et sinon, Mathieu ? Il va bien ?

— Oh, oui, oui ! s'écria Tom, heureux de changer de sujet. Très bien.

— Il est en cours ?

Il y eut un silence alors que Tom semblait secouer la tête de gauche à droite.

— Dans sa chambre ?

— Il se repose, vaut mieux le laisser tranquille.

— Je croyais qu'il allait très bien ?

— Dison, une coche en dessous du « très bien ».

Il y eut à nouveau un silence, alors que j'imaginai les deux hommes se lancer des regards lourds de sous-entendus.

— Bon, c'est pas tout, mais je dois partir si je veux pas être en retard... ce sera une journée de dingue ! Et puis, un petit conseil, juste comme ça... ne dit rien à Math, OK ? Il est trop proche de Miö, d'après moi.

— Oui, dit Tom d'un air un peu agressif, où j'entendis clairement le « ne me dit pas comment éduquer mon enfant » qui se cachait en dessous. À plus, Creg.

— À la prochaine.

Le dénommé Creg se leva de son fauteuil. Une porte s'ouvrit, se referma derrière lui. J'échangeai un regard avec Math ; il avait peut-être perçu les voix, mais à sa tête, je savais qu'il n'avait pas réussi à y placer les mots.

— Il est parti ? demanda Math après un moment.

— Ouais.

— Qu'est-ce qu'ils ont dit ?

Je haussai les épaules, nerveux. Je n'avais pas vraiment envie de répéter, mais alors que je me décidais finalement à le faire, j'entendis Tom, depuis le salon, se lever et venir vers nous. Il arriva devant la porte de la chambre de Math en dix secondes et frappa doucement.

— Entre, dit Math.

Tom attendit deux secondes de plus avant de tourner la poignée. Il referma derrière lui et s'appuya dessus. Il avait encore son tablier « kiss the cook ».

— Vous avez entendu ? dit-il, le visage blême et les yeux rivés au sol.

Je répondis oui en même temps que Math répondait non.

— Qu'est-ce qu'il t'a donné ? demandai-je.

Tom leva la main et sembla étonné pendant une seconde d'y trouver une feuille de papier. Il reporta son attention sur moi et, cette fois, j'y vis de la tristesse.

— Papa ? dit Math.

Voir son père avec cette expression au visage le mettait clairement mal à l'aire.

— Ça va, fit Tom d'un air incertain. Tiens, regarde.

Je m'approchai pour prendre la feuille. « Nous reviendrons dans trois jours. Si vous ne nous livrez pas Télio, il y aura des morts » y était inscrit. Je relis les quelques lignes plusieurs fois.

— Ça a été fait quand ?

— Il y a deux jours.

— Alors... Télio...

— Soit il meurt, soit sa famille meurt à sa place, résuma Math. Tu parles d'un choix... Il ne pourra pas laisser passer ça. C'est peut-être un gros débile, mais pas à ce point...

Je hochai la tête, continuant de relire le message. Je commençai à bien le cerner, Télio, et j'en étais venu à la même conclusion.

— Dans le fond, c'est pas plus mal, dit Math. Depuis qu'on le connait, il ne fait que causer des ennuis partout où il passe. Je serais bien content de savoir qu'il n'est plus de ce monde.

Je froissai la feuille et la lançai sur Math. Il ferma les yeux et fronça les sourcils, et la boule de papier s'écrasa pile au centre de son visage.

— Tu as totalement raison, dis-je en leur tournant le dos pour aller ouvrir la fenêtre. Mais moi, je peux pas laisser passer ça. Mon choix est beaucoup plus facile que le sien ; personne ne va mourir pour moi si je fous le camp d'ici.

— Mais...

— Je veux pas mourir ! dis-je en me retournant vers lui. Alors lui non plus.

— Mais la serre ? se repris Math en se redressant légèrement. T'as rien à manger, en dehors.

— C'est pas un problème. J'ai fait un trou dans le plastique de la serre, je peux y entrer à volonté.

— Mais tu seras loin...

— Dix kilomètres en vol, c'est une question de minutes. Arrête de t'inquiéter pour moi.

— Mais t'es dingue ! s'énerva Math. Tu vas risquer ta vie pour... Télio ?

— Oui.

Math garda le silence, ne sachant plus quoi ajouter pour la cause. Même Tom ne disait rien, appuyé contre la porte.

— Math a raison, dit-il au bout d'un moment. Télio a cherché ce qui lui arrive. Et toi, tu devrais te rendre.

— Non, dis-je dans un grognement dédaigneux. J'ai pas envie de mourir, mais j'ai encore moins envie de passer un autre dix ans de ma vie cloué à mon lit, au sixième. Une fois, c'est bien assez. C'est même beaucoup trop.

Je m'avançai vers la fenêtre, m'appuyant contre le bureau qui bloquait le chemin. Au-dehors, il n'y avait presque plus de piéton dans la rue.

— Miö, dit Tom derrière moi. Tu devrais peut-être y réfléchir un peu...

— J'ai jusqu'à demain pour y réfléchir. Et ça me fait du bien de voler, alors je vais faire les deux en même temps. Il se trouve simplement que j'ai une destination.

Je me retournai à nouveau vers le père et le fils.

— Au revoir. Ou... en cas de complications ; adieu.

— Arrête, avec tes « adieux », s'énerva Math. La dernière fois, c'était il y a deux jours.

— Je préfère ne pas prendre de chance.

— Y'a des moments où tu me fais chier, sérieux.

— Math ! s'écria Tom.

— Bah, c'est vrai ! C'est pas le jumeau de Télio pour rien, hein.

— Pas jumeau, dis-je dans un grognement.

— Oui, oui. Triplet.

— Clone.

— Ouep. Vous êtes tous les deux des clowns ! Et le troisième aussi, j'en doute pas.

— Il est vraiment temps que je foute le camp d'ici, soupirai-je.

— Miö ! s'écria Tom.

— Que je parte ! Que je parte d'ici, avec tout le respect que je vous dois, vous me tapez sur les nerfs.

Puis, sans attendre une seconde de plus, je me transformai et sortis par la fenêtre.

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