Chapitre 56 ✅

Je me réveillai en même temps que Debbie par son alarme, indiquant huit heures du matin. Elle était restée toute la nuit serrée contre moi, si bien que quand elle se retourna sur le dos, j'entendis clairement ses articulations craquer.

— Bien dormis ? demandai-je.

— Oh, oui, dit-elle dans un petit rire.

Debbie se releva à quatre pattes pour sortir du lit, passant au-dessus de moi. Je posai une main derrière son dos et elle me tomba dessus de tout son long, et je lui offris un bisou sur le nez.

— Arrête, dit-elle en se plaignant faussement. Faut que je me prépare pour les cours.

Je la lâchai à contrecœur et elle se leva une fois les deux pieds au sol.

Debbie enfila sa robe de chambre avant de se diriger vers son meuble où étaient cachés ses vêtements. Avouant que c'était une bonne idée, je mis à mon tour ma combinaison. Aussitôt fait, je m'assis à nouveau dans le lit, observant Debbie hésiter entre deux teeshirts.

— Tu penses à quoi ? dit Debbie en m'envoyant un petit regard en coin, avant de reporter son attention sur les deux linges qu'elle tenait, se demandant lequel porter.

— Le rouge, il te va super bien, dis-je pour l'aider dans son choix. Et puis... pour ce que je pensais... (Debbie leva à nouveau les yeux vers moi, intriqué par mon ton soudain sérieux.) Je ne t'ai toujours pas dit... ce qu'il fallait que je te dise.

— Eh bien, tu le fais maintenant, ou ça devra attendre. Je t'aime, mais pas assez pour arriver en retard en cour.

— Ouais, je sais...

Dans toute la ville, j'étais peut-être reconnu comme étant le gamin bizarre qui se transformait en chauvesouris ; à l'école, j'étais le gamin énervant qui séchait les cours tout le temps. J'avais essayé plusieurs fois d'entrainer Debbie avec moi – pas à faire, elle tenait trop à ses notes.

— Bon, je le dis. Je suis un clone.

— Qui veut dire ?

— Que je suis né dans un aquarium.

Debbie fronça les sourcils à son reflet, avant de se retourner vers moi, la tête penchée de côté.

— Je suis pas sûr de comprendre.

Je pris une grande inspiration, puis lui expliquait de A à Z l'histoire du clonage, allant même à parler du village où il y avait Simmer, Arthur, Albert et tous les autres. Je parlai aussi vite que possible, ne voulant pas la retarder pour les cours.

J'entendais, depuis la cuisine, sa mère s'activer à faire un petit déjeuner pour la famille, alors que son père était dans la douche.

— Tu vois ? S'en est venu qu'à chaque fois qu'on se retrouve, c'est toujours pour que je m'enfonce très, très bas dans ton estime. Avec tout le respect que je te dois, je me devais de te dire la vérité, mais je sais à quel point c'est... dégueulasse. Je comprends si tu ne veux plus de moi.

— Miö, s'énerva Debbie en abandonnant ses deux vêtements au sol pour mettre ses mains sur ses hanches, l'air sévère. Je ne peux pas ne plus t'aimer pour la simple raison que t'es née... différemment. C'est carrément raciste. C'est l'opinion que t'as de moi ? T'as peur que je te quitte pour chaque petit détail de ta personne ? Si c'était le cas, ce serait moi qui serais vraiment une salope ! Tu me prends pour une salope ?

— Non ! m'écriai-je. Bien sûr que non !

— Alors, arrête de faire comme si j'en étais une ! C'est insultant, à la longue !

J'en restai sans voix, ne sachant plus quoi répondre. Debbie garda son expression sévère pour bien appuyer ce qu'elle disait, avant d'éclater de rire devant ma tête de poisson rouge. Puis elle se pencha pour reprendre son vêtement.

— Ça va, tout est clair ? fit Debbie en se choisissant un jean, qu'elle enroula au-dessus du teeshirt.

— Je crois. C'est pas possible, t'es trop bonne pour moi.

— Si je suis si bonne, alors tu pourrais rester ?

— Ici, dans ton appart ? m'étonnai-je. Si t'es parents se rendent compte que je suis là... ce sera pas joyeux pour toi.

— Non. Non, je voulais dire que tu pourrais rester dans la ville. Proche. Parce que ces derniers temps, on se voit de moins en moins...

Je me mordis la lèvre, ne sachant pas vraiment comment répondre à la question. Pendant mon hésitation, Debbie se retourna à nouveau vers son tiroir pour en sortir des sous-vêtements, qu'elle enroula à leur tour dans le jean.

— J'ai pas le choix. Je mange pas de viande.

— Où est le rapport ?

— Bah, y'a qu'ici qu'il y a une serre.

Je lui expliquai ensuite le petit détail de Simmer, le pourquoi j'avais été retrouvé à moitié mort de faim à mes cinq ans.

— Donc, tu restes pour la serre. Et pas pour moi.

— C'est pas ce que j'ai dit ! m'écriai-je alors que je réalisais que c'était exactement ce que j'avais dit. Tu vois... je n'ai pas le choix si je veux manger, mais y'a pas que ça qui fait que j'ai envie de rester ! Genre, y'a toi, Math... heum...

Je fronçai les sourcils, cherchant d'autres raisons. La serre était une nécessité, ça ne comptait pas – et ça comptera encore moins quand l'été sera arrivé. Il y avait donc Debbie, que j'aimai énormément, il y avait mon meilleur ami Math. En dehors de ces deux-là... il y avait Saphie. Saphie est une bonne amie, elle est cool. Cynthia, elle a réussi à m'endurer – ce qui, je le sais, avait dû être particulièrement difficile quand j'avais tout juste emménagé avec elle ; je lui hurlai qu'elle n'était pas ma mère, déversant littéralement ma rage sur elle pour aucune raison, pour que je finisse par craquer et lui pleurer dessus une journée entière, et qu'ensuite je me mette à l'éviter autant que possible.

Depuis la cuisine, la mère de Debbie annonça que le déjeuner était prêt. Debbie tourna la tête vers la porte, signe qu'elle avait entendu, mais ne répondit rien. D'un autre côté, j'entendis le père de Debbie sortir de la salle de bain.

— Faut que j'aille manger, dit Debbie en se retournant vers moi. Et toi, que tu sors de ma chambre. Pas la fenêtre, s'empressa-t-elle de spécifier. Promets-moi que ce ne sera pas la dernière fois avant un long moment qu'on va se voir...

— Promis, dis-je en me levant du lit pour lui faire face. Le seul petit problème...

— Cette histoire de meurtre, dit Debbie dans une grimace.

— Ouais. Je sais pas trop ce qui va se passer, de ce côté-là... mais ce sera surement pas très joyeux. Je veux pas te mêler là-dedans.

— Mais pourquoi tu ne ferais pas simplement la bonne chose, par exemple ; aller voir le roi... peu importe qui sera le nouveau. Et expliquer que ce n'était pas toi, mais Télio. Il ne va pas t'en vouloir si ce n'était pas toi.

— Sauf que j'ai ma part, là-dedans, soupirai-je en m'asseyant au bord du lit. Je l'ai aidé à s'enfuir ; je suis complice. Ça revient au même que si j'avais moi-même tué le roi.

— Oh.

Debbie fronça les sourcils, cherchant une solution. Sa mère l'appela à nouveau pour aller manger, mais elle l'ignora.

— Et si tu attrapais Télio et que tu le leur amenais ? Comme tu étais censé le faire depuis le tout début ?

— Non.

Debbie fronça encore plus les sourcils. Je baisai la tête dans un soupir.

— Ne me demande pas pourquoi, j'en sais rien moi-même... mais je peux pas. Peut-être parce qu'on est techniquement la même personne ? Je l'ai vu dans ses yeux, comment ça le perturbait, cette histoire de clonage, et tout... enfin, je sais qu'il ne voulait pas tuer le roi ; il a paniqué. Aussitôt fait, il a figé, et il s'est mis à pleurer ! Et c'était pour me protéger ; il ne voulait pas que je découvre qu'on est clone. Je sais pas, c'était... gentil ? D'un certain point de vue ? J'en sais rien... Il me fait chier à un point, mais je le vois un peu comme un petit frère énervant. Même s'il est probablement plus vieux que moi. Il a, genre, deux centimètres de plus que moi...

— Mais tu ne peux pas attendre que les choses se tassent d'elles-mêmes. Ça n'arrivera pas.

— Je sais...

J'enfonçai mon visage dans mes mains, poussant un long soupire. Debbie avait raison ; je ne pouvais pas rester là à me tourner les pouces.

— Je vais aller chez Math. Lui et son père auront surement une idée. Son père est garde, tu savais ? Enfin... il était.

— C'est un début, dit Debbie en hochant la tête. Et puis...

Je l'interrompis d'un doigt sur ma bouche. Des pas s'approchaient.

Je me levai d'un bon du lit pour l'embrasser rapidement.

— Je t'aime, dis-je dans un chuchotement. Je reviendrais demain. Peut-être même ce soir. Mais, promis, je reviendrais !

Sans lui laisser le temps de répondre, je me transformai et m'envolai par la fenêtre. Presque aussitôt, sa porte de chambre s'ouvrit et sa mère entra dans la pièce.

— Je n'arrivai pas à me décider quel haut mettre, expliqua-t-elle pour sa mère. Mais je crois que je vais choisir le rouge.

J'étouffai un rire, alors que j'allais me poser sur le toit. Je n'avais entendu aucune variation dans son pouls face au mensonge. Une bonne menteuse...

Mon sourire s'évanouit alors que j'en venais à cette conclusion... et si, à moi, elle m'avait menti ? À côtoyer Télio, il était peut-être normal que je me méfie... et pourtant, j'avais cette impression d'avoir mis le doigt sur quelque chose.

Arrête ça, tu deviens parano.

Assis sur le bord du toit, je regardai le paysage, droit devant moi. Le centre-ville, où il y avait quelques petites tours, et la grande. La tour de tous mes malheurs...

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