Chapitre 27 ✅

J'avais passé les deux jours suivants à essayer d'arranger les bêtises de Télio. Le plus dur avait été de convaincre Math que ce n'était pas moi qui lui avais fait tout ce mal, et le plus pénible de faire entendre raison à Cynthia.

Math avait fini par me tomber dans les bras en s'excusant de m'avoir enfoncé son poing dans la mâchoire. Cynthia en avait fait de même, cette fois en pleurant, culpabilisant à l'extrême de m'avoir laissé aller dehors sous la tempête alors qu'elle savait à quel point j'avais peur des orages. Au bout d'un moment, elle avait même avoué :

— J'avais bien cette impression que tu étais le vrai Miö, mais l'autre était plus poli avec moi.

J'avais roulé des yeux et aussitôt ressorti de l'appartement.

*

Et maintenant, au troisième jour, j'étais affalé dans les gradins après l'entrainement de boxe, complètement vidé d'énergie. Après la course, la boxe était mon sport préféré et ça m'avait manqué. Ce qui avait achevé de me rendre heureux avait été de me battre contre Zack et de gagner. Apparemment, lui et Télio étaient devenus presque amis. Zack n'avait rien compris quand je lui avais enfoncé mon pied de toutes mes forces dans le ventre, ce qui avait réussi à le mettre K.O.

— C'est moi ou tu t'es amélioré ? dit Debbie en s'asseyant à mes côtés.

— Je crois que c'était plutôt le besoin de me défouler, dis-je en souriant. Et le fait que c'était Zack, quoi. Bon, ce n'était qu'un entrainement. Télio va y passer aussi.

Debbie donna une claque sur ma cuisse en éclatant de rire, elle tout autant ravie que moi à cette idée.

— À la douche, maintenant. Et ensuite, on va le voir ?

— T'es sérieuse ? m'étonnai-je.

— Bah, ouais. Je te crois totalement, dit-elle aussitôt, mais j'aimerais bien le voir de mes yeux.

Je souris avant de l'embrasser sur la joue.

— Comme tu voudras. Mais la douche en premier.

Nous allâmes dans nos vestiaires respectifs pour y faire ce que nous avions à faire. En sortant après m'être habillé, je tombai face à face avec Math, alors que j'allais quitter la pièce au même moment qu'il entrait.

— Désolé ! s'écria-t-il aussitôt - il était à fond dans la politesse depuis qu'il avait compris sa gaffe.

Il recula pour me laisser passer, le visage rouge de honte.

— Arrête de t'excuser à tout bout de champ ! Ça va, je t'ai pardonné !

Math releva timidement les yeux vers moi.

— Désolé, j'arrête. Excuse-moi.

J'éclatai de rire malgré moi, et Math se permit un sourire. Alors que je passai enfin la porte, j'aperçus, adossé au mur d'en face, Debbie qui m'attendait tout en discutant avec Saphie.

— Eh, ça te dit de venir avec nous ? dis-je subitement à Math.

— Qui, vous ? Et où ?

— Debbie et moi, on va aller voir Télio. Normalement, il serait toujours à l'hôpital.

Ses yeux s'agrandirent aussitôt, mais il lui fallut dix secondes de réflexion avant de parler :

— Je crois que c'est une mauvaise idée...

— Moi, je crois au contraire que c'est une excellente idée. Tu pourras de défouler sur la bonne personne !

— Je pourrais ?

— Je vais même t'encourager à le faire.

— Oh, dans ce cas ! dit-il avec un rictus de sadique. Tu m'attends ?

— Ouep.

Math alla dans le vestiaire et j'allai rejoindre Debbie et Saphie, incapable de me défaire de mon sourire.

— Math vient aussi, dis-je en guise de salutation.

J'embrassai rapidement Debbie et Saphie s'exclama, me tirant par le bras pour m'attirer à elle :

— Tout le monde vient sauf moi ?!

— Tu peux venir si tu veux, dis-je en haussant les épaules. Au point où on en est. Mais je vous préviens, il est très mytho.

— On s'en doutait déjà, dit Debbie en roulant les yeux.

Nous discutâmes de tout et de rien en attendant le retour de Math. Ça me faisait tellement de bien de parler de choses qui n'avaient que peu d'importance ; comment avait été l'entrainement de boxe - Saphie s'était battu contre Miley, une fille du deuxième groupe. Elle avait perdu, mais avait tout de même donné un très beau spectacle. Debbie n'avait pas eu de combat, elle avait seulement simulé avec Math. Et moi, j'étais fier de répéter comment j'avais mis Zack K.O. avec mon coup de pied !

Finalement, Math sortit des vestiaires, tout propre et son sac de sport sous le bras, et nous allâmes tous les quatre au sixième étage pour trouver Télio, chacun à son degré d'appréhension.

Je pris naturellement les devants de notre petit groupe et ouvris la porte de ma chambre. Télio était là, couché sur le ventre et le visage enfoncés dans l'oreiller, sans bouger.

— Télio, dis-je en m'avançant d'un pas. Réveille.

Télio leva la tête avant de s'asseoir dans le lit, ses yeux lançant des éclairs. Il était torse nu, mettant bien en évidence sa toute nouvelle cicatrice près de l'épaule.

— Je vous présente un hibou à son état naturel. Faites attention, c'est un animal très vicieux.

— Va te faire foutre, dit Télio.

Il prit un petit moment pour regarder mes amis, tous coincé dans le cadre de porte, car personne n'osait s'approcher un peu plus de lui. Un sourire pervers apparut sur son visage en les reconnaissant.

— Debbie, ma chérie, je t'ai manqué ?

J'aurais voulu me précipiter sur Télio pour lui casser la gueule, mais je n'en eus même pas le temps. S'il y avait une chose à savoir sur Debbie, c'était bien qu'elle était parfaitement capable de se défendre elle-même.

Aussitôt le dernier mot prononcé, elle s'élança sur Télio en criant comme un chat enragé pour le rouer de coups. Télio, encore ramolli par ses trois jours à ne rien faire, ne put que se couvrir le visage en pleurnichant. Je vins à sa rescousse, attrapant Debbie à bras le corps et la tirant par en arrière. Mais c'était plus par crainte qu'elle se fasse mal que pour Télio.

— Espèce de débile ! cria-t-elle en se débattant.

— Ça va, Debbie, si tu veux qu'il parte, il va avoir besoin de ses bras pour voler.

Debbie arrêta enfin de gigoter, haletante. Finalement, elle avait bien eu son combat de boxe de la semaine.

Télio tâta précautionneusement un bleu qui apparaissait déjà sur sa joue de gauche en grimaçant, avant de relever les yeux vers elle.

— Je vois pas ce qui t'enrage à ce point ! Je n'étais pas bon, avec toi ?

— Tais-toi, Télio, m'énervai-je.

— Attends, j'ai trouvé ! s'écria-t-il en souriant. C'est parce que j'ai couché avec toi. C'est ça ? C'est ce qui te met en rogne, parce que tu croyais que j'étais Miö ? Tu devrais pas t'en plaindre, j'ai plus d'expérience que ce puceau. Enfin, s'il l'était vraiment à ce moment-là...

Télio !

— ... parce qu'il a couché avec Samy.

Voilà, la bombe était lancée. Plus personne ne dit un mot, ne fit le moindre mouvement, sauf Télio qui souriait toujours. Debbie se détacha lentement de mes bras pour me dévisager, le visage blême et les yeux exorbités.

— Je vois pas pourquoi je suis plus méchant qu'un autre, continua Télio. J'ai couché avec ta copine, t'as couché avec la mienne. On est quitte, non ?

N'y tenant plus, je m'élançai à mon tour sur lui pour le rouer de coups. Mais Télio, plus rapide que moi, se changea en hibou et fila au-dessus de nos têtes pour s'envoler par la porte. Mais je me retournai et l'attrapai in extremis par les pattes pour le plaquer au sol. Télio se retransforma, nu comme un ver et coincé sous moi, se débattant pour m'échapper, mais je lui enfonçai mon poing en pleine gueule, encore une fois, et encore une autre. Son sang giclait sur le carrelage blanc et Télio restait là, sans défense, n'arrivant plus à faire le moindre mouvement.

Je sentis des mains m'agripper les bras et me forcer à reculer, alors que je bouillais toujours d'une furieuse envie de meurtre.

— Calme-toi, dit Math, me tirant toujours par le bras. Calme...

Télio était étendu en étoile, les yeux fermés et crachant faiblement du sang.

— Voilà, marmonna Télio au bout d'un long moment de silence. J'ai eu ce que je méritais. Maintenant, on est quitte ?

— Ta gueule ! hurlai-je.

Math vint aussitôt se mettre devant moi, prévoyant que j'étais sur le point de m'élancer à nouveau sur lui.

— Arrête, Miö. Télio a raison ; il a fait le con, mais tu as atteint son niveau.

Comprenant enfin les conséquences de mes actes, je me calmai un peu et me retournai vers Debbie. Mais les filles n'étaient plus là ; elles avaient quitté la pièce pendant que je me défoulais sur mon jumeau.

— Vas-y, je le surveille, dit Math. Faut vraiment que t'ailles lui parler.

— J'espère que tu trouveras les mots justes, ajouta Télio. C'est une fille bien, et surtout, une grosse cochonne au lit. Ce serait triste que t'aies pas chance d'en profiter.

Appréhendant ce que j'allais en faire, Math me poussa de toutes ses forces dans le corridor et clencha la porte devant moi, m'empêchant de m'élancer à nouveau sur Télio.

Je pris plusieurs grandes inspirations, puis fermai les yeux pour me concentrer sur mon ouïe ; c'était plus rapide que de fouiller tout l'étage. Je cherchai des bruits de pas, la voix de Debbie ou Saphie, mais ce que j'entendis, ce fut des sanglots. Le cœur serré, je me précipitai dans cette direction pour trouver, dans la salle d'attente déserte en face du bureau de Marissa la secrétaire, Debbie et Saphie, assises sur les chaises au fond de la pièce et dans les bras l'une de l'autre. Debbie pleurait, Saphie faisait de son mieux pour la réconforter en lançant toute sorte d'insultes contre moi. Je restai devant la porte, ne sachant plus vraiment quoi faire. Saphie, qui m'avait remarqué, m'envoya un regard noir des plus menaçants. Étrangement, c'est ce qui me donna le courage d'entrer.

— Debbie, dis-je doucement tout en m'avançant dans la pièce.

Debbie sursauta légèrement et se dégagea des bras de son amie pour me dévisager, alors que je m'asseyais sur une chaise en face d'elle. La voir aussi dévastée me faisait terriblement mal, j'avais presque envie de pleurer avec elle. Il me fallut un petit moment avant de reprendre contenance.

— Saphie, s'il te plait... tu peux nous laisser ?

Elle lança un regard à Debbie, qui approuva d'un timide hochement de tête.

— Je serais juste à côté.

Avec un dernier coup d'œil menaçant, Saphie m'abandonna à mon problème. Debbie s'essuya lentement les joues de ses paumes, les yeux rivés sur mes poings, croisé entre mes genoux. Les jointures de ma main droite étaient tachées de sang, à la fois le mien et celui de Télio.

— Je suis désolé, dis-je enfin. Sincèrement.

— Et c'est tout ? dit-elle après un silence. Désolé, et tu crois que je vais l'oublier ?

— J'ai peur que, si je te donne une excuse, tu viennes à croire que c'est toujours possible de recommencer. Puisque j'aurais eu des « raisons ». Mais c'est faux. Alors, tout ce que je peux te dire, c'est que je suis énormément, terriblement désolé. Je me sens atrocement mal, en ce moment. C'est vrai, soupirai-je, j'ai couché avec Samy, la petite amie de Télio. Et c'est vrai également, avant que tu poses la question, que j'avais espéré que tu ne l'apprennes jamais. Pour des raisons totalement égoïstes ; te voir souffrir me fait souffrir en double. Mon cœur est directement lié au tien, et te faire du mal, ça revient à du masochisme. Je ne le suis pas, précisai-je, pensant que mes cicatrices pourraient porter à confusion. Loin de là... Et j'ai peur de te perdre. Je suis désolé.

Debbie s'arrêta enfin de pleurer, essuyant la dernière larme avant même qu'elle ne déborde de sa paupière. Elle prit une grande inspiration, essayant de réguler sa voix.

— Tu me donnes l'impression d'être la méchante de l'histoire.

— Non, dis-je dans un petit rire. Loin de là. T'es ma princesse.

Ses joues devinrent aussitôt bien rouges, et elle baissa la tête en se mordant les lèvres pour s'empêcher de sourire.

— Majesté, ajoutai-je en cherchant son regard.

— Arrête, dit-elle, souriant enfin. Je peux pas t'en vouloir quand tu parles comme ça.

— C'est bien mon but !

J'attrapai délicatement sa main et y déposai un baiser, mes yeux toujours rivés aux siens.

— Dame Debbie, murmurai-je. Acceptez mes plus plates excuses.

— Je peux pas faire autrement, dit-elle dans un soupir théâtral, comme à regret. Je suis pas mieux que toi, dans ce coup-là. Télio...

— Tu ne pouvais pas savoir. Ce n'est pas ta faute, mais la sienne. Tout est sa faute. Sauf, bien sûr... Samy. J'aurais pu l'éviter, et je ne l'ai pas fait. Ça, c'était la mienne. Et je m'excuse.

— Arrête. Tes excuses sont acceptées.

Debbie m'embrassa avec toute la douceur du monde. Je passai délicatement une main derrière sa tête, mais Debbie se dégagea aussitôt :

— Me touche pas les cheveux, t'as du sang sur les doigts !

Je m'éloignai d'un bond, rouge de honte. Debbie éclata de rire en réalisant le malaise qu'elle venait de créer.

— Excuse-moi, j'ai encore les émotions complètement de travers, je pense plus avant de parler. Miö, reprit-elle avec plus de sérieux, tu es totalement pardonné, mais la prochaine fois, je vais t'enfoncer mes deux souliers en entier dans le cul. Et ils y resteront assez longtemps pour que ta seule chance de survie soit d'apprendre à chier par le nombril.

— J'en prends bonne note, dis-je, partagé entre l'envie d'éclater de rire et de pleurer.

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