Chapitre 24 ✅
Je regardai tout autour de moi, dans la pièce, les instruments médicaux et autre sur les comptoirs le long du mur et les lits minuscules un peu plus loin, au même nombre que les aquariums. J'avais sous les yeux un énorme indice... mais lequel ? Et qu'est-ce qu'il voulait dire ? J'étais trop perturbé par ma découverte pour me pencher sérieusement sur la question.
— Alors, le chat. Tu saurais m'éclairer, toi ?
Le chat miaula doucement et, sans prévenir, m'enfonça les griffes dans le mollet. Je sursautai, échappant une exclamation de douleur, et le balançai d'un coup de pied. Ilrebondit contre le mur, s'étira et s'assit là, sans plus.
— Stupide chat !
Le matou miaula encore une fois. Je m'accroupis pour regarder l'état de ma jambe ; une dizaine de griffures en tout, certaines biens en sang. Comme si je n'avais pas assez de cicatrices...
— Va-t'en !
Je fis un mouvement brusque, espérant lui faire peur, mais il ne bougea pas de son coin, les yeux rivés sur mon mollet. Les quelques gouttes de sang coagulaient déjà, une petite croute commençant à se faire. C'était superficiel, comme blessure ; il ne me faudrait certainement pas plus d'une minute pour guérir totalement.
J'observai à nouveau le décor, mais encore là, je n'y comprenais toujours rien. Les lits au fond, le coin « laboratoire » le long du mur avec ses éprouvettes et autres instruments de scientifique, les aquariums... et cette semi-obscurité qui donnait en ses lieux une ambiance glauque de film d'horreur. J'en avais la chair de poule.
— Miö ? fit la voix de Samy, loin au-dessus. Encore en vie ? Le chat t'a pas bouffé ?
— Il a essayé !
— Je crois que tu devrais remonter.
Je hochai la tête dans un soupire puis, avec un dernier regard noir en direction du chat, me transformai en chauvesouris pour m'éviter de grimper les escaliers. Je passai dans la minuscule ouverture de la trappe, reprit forme humaine et m'assis au côté de Samy. Indifférent à ses œillades amusées, je remis mes souliers au pied et me levai, prêt à repartir. Il n'y avait rien à comprendre, ici. Mais je reviendrais avec de l'aide... Ça ne faisait que me rendre encore plus de mauvaise humeur à l'envisager, mais j'avais besoin de Télio. Il était concerné, de toute façon. À deux, nous y comprendrons peut-être quelque chose...
— Tu as vu quelque chose d'intéressant ?
— Certainement, dis-je dans un hochement de tête. Mais je n'ai aucune idée de ce que ça veux dire. Alors... je crois que je vais simplement revenir une autre fois.
— Pourquoi ? Qu'est-ce que tu ne peux pas faire maintenant ?
Je haussai les épaules, las. Ça me faisait honte d'avouer que j'aurais aimé avoir Télio ici, avec moi.
— Peu importe, dis-je dans un grognement. Je reviendrais... sans toi.
Samy me tira la langue et je l'ignorai royalement, lui tournant le dos pour sortir de la maison. J'entendais ses pas me suivre, à un mètre de distance.
— Alors, c'est vraiment tout ? dit-elle une fois que nous fûmes tous les deux dehors. On s'est tapé deux heures de marche rien que pour rester cinq minutes et repartir, avec l'intention de revenir plus tard ?
— Ouep.
Samy poussa un long soupir et je profitai du fait qu'elle était derrière moi pour sourire de toutes mes dents, fière de l'embêter. Je retournai vers le coin de la grange où j'avais laissé mes vêtements. Je les enfilai au-dessus de ma combinaison sous l'œil pervers de Samy, faisant de mon mieux pour l'ignorer. Et par vengeance, je m'avançai tout près d'elle, me penchant à son oreille. Samy sourit fièrement ; à quoi s'attendait-elle, exactement ?
Enfin, je pris une grande inspiration et sifflai entre mes dents, aussi fort que possible. Samy sursauta en criant, se cachant les oreilles derrière ses mains, pendant que je riais d'elle.
— Sale con ! s'énerva-t-elle en me frappant à l'épaule. Tu ne vaux pas mieux que Télio !
— J'avais besoin de siffler pour rappeler Bernadette, mais aux yeux doux que tu me faisais, tu semblais bien vouloir un certain rapprochement. Alors, j'ai fait les deux en même temps, dis-je en toute innocence.
Je souris de toutes mes dents, feignant de ne pas comprendre son trouble. Samy me lança un regard noir alors que je voyais au loin Bernadette qui volait vers nous. J'avais une furieuse envie de lui demander de s'élancer directement sur la tête de Samy, mais je me retins ; le risque qu'elle lui fasse mal était trop grand. Finalement, Bernadette trouva d'elle-même le chemin jusqu'à la poche avant de mon sweat pour s'endormir à nouveau. Je passai une main dans ma poche, glissant délicatement mes doigts sur son dos poilu.
— Miö... chuchota Samy devant moi.
Je relevai les yeux vers elle, étonné du ton de sa voix. Mais elle ne me regardait pas ; son attention était plutôt sur quelque chose derrière moi.
— Quoi ? dis-je sur le même ton.
— Quelqu'un nous observe...
Je crus pendant un instant qu'elle cherchait vengeance en me faisant peur, inventant n'importe quoi dans le simple but de me donner des frissons. Après tout, il était déjà rare en soi de parvenir à me surprendre ; avec mon ouïe, j'arrivais à entendre quelqu'un respirer à cent mètres. Et cette fois, j'avais beau me concentrer, je n'entendais rien, en dehors de Samy. Malgré tout, je gardai le bénéfice du doute et me retournai lentement.
Il me fallut un moment pour le trouver, un vieux visage ridé passant difficilement la crasse de l'une des fenêtres du salon. J'en fus tellement surpris que je sentis mon cœur arrêter de battre pendant une seconde. C'était ce genre de vision d'horreur que l'on appréhendait quand on visitait une maison hantée.
Passé le choc, Samy m'agrippa fermement par le bras et me tira contre elle :
— Viens, on fout le camp !
— Non... non, attends, bredouillai-je. Faut que j'aille voir.
— Miö ! couina-t-elle désespérément alors que je faisais un pas vers la maison. M'abandonne pas !
— T'as qu'à me suivre.
— Mais je veux pas m'approcher de ce type !
— Il a l'air vieux ; il ne peut pas être bien dangereux. Et puis, je suis assez doué à la boxe ! Et si ça tourne mal, bah... je cours très vite !
— Mais, et d'où il sort, au juste ? S'il était dans la maison depuis le début, on a fouillé partout et c'était vide ! C'est peut-être un esprit !
Je grimaçai à cette idée, ayant du coup beaucoup moins envie d'aller voir ce que c'était. Avec un bon trois quarts de la population en moins, c'en était devenu presque une preuve que les fantômes, spectre, poltergeist et tout ce cirque existait vraiment ; il ne se passait pas une semaine sans que mes oreilles indiscrètes surprennent une conversation dans ce genre-là, à la cité.
Si ce vieux était un esprit, alors, je ne pourrai compter que sur ma vitesse pour me sortir de là.
— Reste ici, dis-je en me retournant pour faire face à Samy. J'y vais. Je veux seulement en avoir le cœur net.
— T'es fou !
— Je suis pas le frère de Télio pour rien.
Je fourrai Bernadette dans les mains de Samy avant qu'elle n'ait le temps de protester puis, avec une grande inspiration, m'avançai à nouveau vers la maison. J'entendais toujours Samy gémir de peur derrière moi quand je passai l'entrée, regardant nerveusement de gauche à droite. J'allai au salon ; personne. J'ouvris toutes les portes sur mon chemin... personne. Cuisine ; personne. La trappe... hermétiquement close.
Je me rendis à la trappe, ne sachant plus quoi penser. À deux, Samy et moi avions été incapables de la faire bouger, et j'imaginai que la refermer aurait été tout aussi compliqué. Si un vieux avait plus de force que deux ados, alors, mon estime en prenait un coup.
Soudain, j'entendis des bruits de pas depuis la cave. Des pas pesants, faisant vibrer toute la maison. Elles montaient les escaliers, venant droit vers moi.
Je pris une grande inspiration, serrant les poings, faisant de mon mieux pour contenir ma nervosité. Peu importe ce que c'était, ça ne pourrait certainement pas me faire de mal...
Enfin, la trappe commença à bouger, une main blême et ridée la soulevant à elle seule. À mesure que la lumière passait, un visage apparaissait lentement. Le même visage que nous avions vu à la fenêtre, Samy et moi. Une lueur de folie faisait briller ses yeux presque aveugles.
— Qu'est-ce que tu fais là ? dit-il d'une voix tremblante.
— Heu... bredouillai-je nerveusement. Eh bien...
Je pris une nouvelle grande inspiration, essayant de remettre mes pensées en ordre. J'avais bien eu une idée de ce que je dirais quand je trouverais le propriétaire des lieux, mais l'étrange façon dont il m'était apparu me prenait de cour. Mais avant que je ne pus commencer simplement par une petite présentation de moi-même, l'homme sauta hors de la trappe et m'agrippa par les chevilles, me faisant tomber à la renverse, me trainant avec lui vers le sous-sol. Je hurlai de panique, essayant de me dégager de sa poigne.
— Reviens ici ! s'exclama le vieux en me postillonnant dessus. Retourne là-dedans !
Je réussis enfin à me libérer un pied et en profitai pour le lui envoyer en pleine poire. Il me lâcha l'autre pied et je me relevai d'un bon, sprintant hors de la maison.
— Cours ! hurlai-je pour Samy.
Elle ne se fit pas prier et se mit aussitôt à courir, Bernadette s'envolant au-dessus de nos têtes. Je rattrapai facilement Samy et me forçai à ralentir, m'adaptant à sa vitesse.
— Y'avait quoi, là-dedans ? s'écria Samy.
Je ne dis rien, incapable de trouver une réponse adéquate. Il y avait un vieux, c'était certain, et à la poigne qu'il avait, je pouvais dire qu'il était bien réel. Mais j'avais pourtant cette impression que c'était plus que ça. Pourquoi je ne l'avais pas vu à ma première visite dans la maison ? Comment arrivait-il à soulever la trappe aussi facilement ? Pourquoi vivait-il là, où Télio et moi avions été retrouvés à nos cinq ans ? Et pourquoi tenait-il à ce que je retourne dans la cave ?
Trop de mystère... il fallait sérieusement que je revienne avec Télio.
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