Chapitre 118
Contre toute attente, j'eus un sommeil paisible, sans aucun rêve – j'étais simplement trop épuisé pour ça. Mais ce fut également un sommeil beaucoup trop cour à mon gout. Je n'avais dû dormir que trois heures quand je me fis réveiller par un garde, qui me secouait doucement l'épaule.
- Réveille-toi, Miö, il ne manque plus que toi.
- Où ? marmonnai-je en relevant la tête de mon oreiller.
- Tom veut faire une réunion avec vous tous.
Je grognai et hochai la tête, lacement. C'était ce que j'avais redouté depuis la mort de Frodo ; la réunion qui en suivrait. Je sortis de mon lit, passai une main sur mon visage et mes cheveux pour essayer de me réveiller un peu, puis suivit le garde qui sortait déjà de la chambre. Il m'entraina jusqu'au bureau de Tom, où il resta dehors, près de la porte. J'entrai dans la pièce pour voir que Tom et les clones étaient déjà là. Je les comptai rapidement ; sept. Je soupirai en me laissant tomber sur la dernière chaise restante. Si Léo avait pu mourir, ça m'aurait évité quelques questions existentielles.
- Tout le monde est là ? demanda Tom, l'air pas plus amusé que moi d'avoir cette discussion. Bien... Je suppose que vous savez déjà quelle est la conclusion que le peuple en a tirée sur vous. Ils vous veulent mort ou, dans le meilleur des cas, que vous retournez chez vous.
Je baissai les yeux sur mes genoux, n'osant pas regarder les autres clones autour de moi. Ça encore, c'était ma faute.
- Regardons les choses en face, vous avez tuer beaucoup de gens, ici. Les deux rois précédents ont été tué pas votre faute. Le premier par un clone, le deuxième par des clones – il était lui-même un clone – et le désastre, hier, c'était un clone. Tout ce qui ne tourne pas rond, ici, c'est vous, les clones.
- Tu ne regardes qu'un seul côté de la médaille, signalai-je en lui lançant un regard noir.
- Je sais, mais c'est le point de vue du peuple, et je n'ai pas réussi à leur faire comprendre... alors... je suis désolé. Comprenez-le, ils sont deux-cents contre moi, je ne peux rien faire sinon leur donner ce qu'ils veulent.
Je secouai la tête, énervé, puis me levai d'un bon pour sortir de la pièce sous le regard des autres clones autour de moi. Mais je n'eus pas fait trois pas en dehors du bureau qu'un garde m'attrapa par le bras et, sans ménagement, me tira à nouveau dans la pièce et referma la porte. Je serrai les poings et me retournai vers Tom avec mon meilleur regard menaçant.
- Tu te rends pas compte qu'on vous a sauvé la vie, autant à vous qu'à nous-mêmes, en tuant Frodo et le vieux ? Sans nous, vous seriez tous morts, déjà ! Et c'est comme ça qu'on nous remercie ?
- Miö, assieds-toi... dit Simmer.
- Non, je m'assiérais pas ! J'en ai marre ! T'as plus qu'à me tuer, Tom, parce que je partirais pas d'ici !
- Calme-toi, Miö, laisse-moi parler ! dit Tom en se levant de sa chaise, appuyé de ses mains à plat sur son bureau et me lançant un regard noir. Tu crois sérieusement que je serais d'accord de tous vous tuer de sang-froid ?! Je te croyais plus intelligent que ça ! (Tom prit une grande inspiration pour essayer de se calmer, s'assit à nouveau sur sa chaise.) J'ai trouvé une solution qui pourrait calmer le peuple pour qu'ils vous laissent tranquilles. Vous ne l'aimerez pas, mais c'est le mieux que j'ai trouvé.
- Nous mettre en prison ?
Tom me lança un énième regard noir, avant de se concentrer sur un autre clone. Visiblement, il en avait aussi marre de moi que j'en avais marre de lui.
- Remi a étudié ce produit bleu qui force vos transformations. Il l'a modifié et, apparemment, il aurait réussi à lui donner l'effet contraire. Il vous empêcherait de vous transformer et diminuerait également vos capacités de guérison.
- Nous rendre normaux, en somme ? demanda Aël.
- C'est ça.
- Pitié, je veux pas... je commençai juste à guérir, gémi Riley en balançant les jambes de devant en arrière sur sa chaise.
- T'en fais pas, dit Tom en secouant la tête. Tout ce qu'il faut faire, c'est prouver que le produit fonctionne. Ensuite, je ne vous forcerais pas à le prendre ; évitez de vous transformer, et personne ne pourra douter que vous ne l'avez pas dans vos veines.
- Alors c'est le roi qui veut fourrer le système, s'étonna Léo en haussant les sourcils. Qui l'eût cru.
- S'il n'a jamais été testé, il est peut-être dangereux, ce produit, encore plus que sa première version, dis-je en croisant les bras. Remi est un médecin, pas un scientifique.
- Je sais, mais il faut prendre le risque. C'est ça, ou vous partez pour ne jamais revenir.
- Je suis partant, dit Simmer.
Il nous regarda tour à tour, comme s'il s'attendait à des protestations, des « non, Simmer, fait pas ça, c'est dangereux ! » mais personne ne dit rien. Il fit la moue, frustré que son sacrifice ne soit pas plus théâtral que ça, puis se retourna vers Tom.
- On le teste sur toi ? En public, devant tout le monde.
- Oui, même si c'est redondant.
Tom haussa les épaules et fit un petit signe de main qui ne voulait rien dire.
- On fera ça demain. Maintenant, je suppose que... vous voudriez enterrer vos frères ?
Sa question, aussi timide et douce soit-elle, me donna l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. Je relevai vivement la tête vers Tom, le souffle coupé.
- Nous avons récupéré les corps, continua Tom nerveusement. Vous préférer un enterrement, l'incinération ? Autre... ?
Tom nous regarda tour à tour, attendant une réponse qui ne venait pas. Plus personne n'osait prononcer un seul mot. Tom gigota sur sa chaise, nerveux.
- OK... Ce sera un enterrement. Si personne ne pose d'objection ? (Encore le silence.) Je vais préparer tout ça et je reviendrais vous chercher quand ce sera prêt.
Je hochai la tête, les yeux rivés au sol. Même Simmer n'osait plus assumer son rôle de chef et parler pour nous, comme il en avait l'habitude.
- Vous pouvez y aller. Rester sur la propriété, je vous prie.
Je ne me le fis pas dire deux fois avant de sauter de ma chaise et de me précipiter en dehors de la pièce, le cœur pompant à cent à l'heure. J'entendais les autres sortirent à leurs tours de la pièce, plus lentement. Il ne me fallut pas longtemps avant de les distancer, alors que je me promenais sans but dans l'immense maison. Enterrer nos frères... Ces mots rendaient la mort de Télio et d'Arthur encore plus réel – même beaucoup trop à mon gout. À un point presque insupportable.
Sans même m'en rendre compte, mes pas m'avaient mené jusque devant la chambre de Math. Il me l'avait dit plusieurs fois, si j'avais besoin de parler, qu'il serait là. Mais maintenant que j'y étais, j'hésitais. Je me balançai d'un pied à l'autre, incapable de me décider ou non de cognée à la porte. Je savais qu'il était de l'autre côté, j'avais entendu un petit froissement, comme une page de livre qu'on tourne. En réalité, il jouait les gentils, mais j'étais sûr qu'entendre mon histoire une énième fois l'ennuierait. En même temps, ça m'avait fait du bien, un peu plus tôt, de lui parler, et j'avais besoin de retrouver cette sensation.
- Miö ?
Je tournai la tête à gauche, surpris. J'étais tellement perdu dans mes pensées que je n'avais même pas entendu Remi s'approcher de moi. Il tenait un grand sac contre lui alors que deux autres médecins, ses assistants, le suivaient de près.
- Tu es bien Miö ? se reprit-il timidement. Tu pourrais me dire où je saurais le trouver ?
- C'est moi, dis-je piteusement. T'es venu retirer la puce ?
- Oui... Excuse-moi, ce sera peut-être pas aussi professionnel que ce à quoi tu as l'habitude. La tour est instable, il serait dangereux de t'y emmener. On va faire avec ce qu'on a. Vraiment, désolé encore, on ne peut pas attendre. La puce pourrait s'activer d'elle-même, ou disjoncter... elle est reliée à ton cerveau et aussi à ta colonne et aux nerfs. Si elle abime quelque chose, tu pourrais devenir complètement paralysé. Ou pire encore.
- En gros, pas de pression, dis-je d'un haussement d'épaules.
Remi me fit un petit sourire triste, puis tourna les talons. Je le suivis, les mains dans les poches.
- Va falloir faire un lavement, et tout ?
- Non, pas la peine. Ça ne devrait pas me prendre plus de cinq minutes à la retirer. On va faire ça dans ta chambre, OK ? Cette maison est bien fournie, mais elle n'a pas d'infirmerie.
J'eus un petit sourire en coin, sans rien ajouter. Bien sûr, tel va le destin. J'ai passé mon enfance à avoir des opérations dans ma chambre du sixième. Maintenant que j'en étais débarrassé, que j'eusse une nouvelle chambre à plus d'une heure à pied de la tour, il fallait encore que j'aie une opération. Dans ma chambre.
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