chapitre 105
Léo
Un peu plus tôt
Je me réveillai paisiblement, par un rayon de soleil passant par la fenêtre et tombant devant mes yeux. Je me tournai dos à la fenêtre, puis me mit assis dans mon lit. Riley, dans le lit en face de moi, en fit de même, en bâillant et s'étirant. Il se passa les mains sur le visage, les yeux bouffis de fatigue, puis se figea en remarquant le décor.
- On est à la maison ? murmura-t-il pour lui-même. Oh non...
- Eh, ça va, Riley, papa en a fini de ses récoltes d'échantillons. Il est arrivé à son but.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
La porte de notre chambre s'ouvrit à la volée, me stoppant net dans mes explications. Papa était là, un grand sourire au visage. Il ne semblait même pas se demander pourquoi et comment on s'était retrouvé ici. Tout ce qui lui importait, justement, c'était que nous y étions.
- Le petit déjeuner est prêt, dit-il joyeusement. Venez tant que c'est encore chaud !
Puis il nous tourna le dos, sans attendre de réponse.
- Je veux partir d'ici, gémit Riley.
Je fronçai les sourcils, irrité. Pourquoi même Riley le détestait ? C'était notre père, enfin. Riley dut comprendre ce à quoi je pensais, car il baissa les yeux vers ses couvertures qui lui recouvraient encore les jambes.
- Je m'inquiète pour les autres.
- Ils sont perdus. Ces croâs de gardes les ont tués, tu dois les oublier, maintenant.
Riley pinça les lèvres, sans rien ajouter.
Enfin, il sortit du lit, alla à la commode pour se choisir quelques vêtements, puis sortit de la chambre, la tête haute, sans me lancer un seul regard.
Prétentieux, pensai-je rageusement. Il ne supporte pas d'avoir tort.
Je sortis à mon tour de la pièce pour rejoindre les deux autres à la salle à manger. Papa avait commencé à manger sans nous attendre, mordant à pleines dents dans son pain maison. Dans nos assiettes, ils y avaient des oeufs et des saucisses. J'en pris une bouchée avant de lever les yeux vers papa pour le détailler. Il semblait encore plus vieux que d'habitude, encore plus de rides, presque plus de cheveux sur la tête. Mais ses yeux pétillaient de vie, d'un profond bonheur. J'avais des doutes que ce soit grâce à Riley et moi.
- Papa, dis-je après une seconde bouchée de saucisse. Je savais pas que tu aimais le seigneur des anneaux à ce point.
Riley leva les yeux vers moi, sans comprendre le sens de ce que je venais de dire. Je l'ignorais, gardant les miens plantés dans ceux de mon vieux, dans un défi de "celui qui cligne des yeux en premier a perdu". Puis, papa éclata de rire, laissant tomber sa toast au sol.
- Quand est-ce que tu es allé dans la cave ?
- Hier soir. J'y ai trouvé un hobbit.
- De quoi tu parles ? demanda Riley. T'es avec nous que depuis une semaine et tu parles déjà comme Math.
- OK, j'avais plus d'idée pour les prénoms. J'ai pris ce qui m'était venu à l'esprit. Bon, c'est pas comme s'il allait avoir le temps de se complexer ! dit-il dans un rire.
- Alors tu l'as vraiment créé rien que pour qu'il meure ? dis-je, commençant à avoir de la difficulté à retenir ma rage qui montait.
- Non. Je l'ai créé pour tuer, c'est différent. Ensuite, s'il peut mourir rapidement après coup, ça m'arrangerait.
Je frappai la table de mon poing, à bout de nerfs. Je pris une grande inspiration pour essayer de me calmer, sans grand résultat.
- Papa, dis-je lentement, choisissant bien mes mots. C'est un être vivant que tu as créé, tu ne peux pas jouer avec sa vie comme ça.
- Je vois pas ce qui m'en empêche.
Je bouillais, littéralement. Il valait mieux changer de sujet, ou j'allais m'emporter. Riley du penser à la même chose, malgré que la conversation lui échappât un peu, car il s'empressa d'intervenir.
- Ils sont tous morts, y'a plus personne à tuer. Les gardes de Digora ont tué les autres ; nous sommes les seuls à s'être échappés.
Papa pouffa de rire en secouant la tête. Il nous regarda tour à tour, l'air de se dire à quel point nous étions croâ.
Il me tombait sérieusement sur les nerfs. C'était la première fois que je ressentais ça pour lui.
- Certains sont encore en vie, pour sûr. Je le sais ; ils sont pistés ! dit-il en éclatant à nouveau de rire. Tout comme vous deux.
- Quoi ? Nous sommes pistés... ?
- Bien sûr, tu ne croyais tout de même pas que je vous laissais libre d'aller et venir sans garder un œil sur vous ?
Je hochai la tête, ne sachant plus quoi répliquer. C'était à la fois sensé et complètement immoral.
- Nous vivons dans un monde dangereux, je me dois de prendre soin de ce que j'aime.
J'échangeai un regard avec Riley ; il haussa les épaules et baissa la tête vers son assiette. Il vida son verre de lait d'un trait, puis promena son regard un peu partout autour de lui. N'importe quoi pour ne pas croiser le regard de papa.
Je commençai à être d'accord avec lui. Moi aussi, j'avais envie de partir d'ici. Il était temps d'en venir au sujet important.
- Donc, ton plan machiavélique est prêt à être mis en route ? dis-je en levant les yeux vers papa, qui étalait du beurre sur une nouvelle tranche de pain.
- Ouaip ! dit-il en même temps de manger. Dès que j'ai fini mon petit déjeuner, je passe à l'action. C'est-à-dire, en ce qui me concerne ; appuyer sur un bouton.
- Tu vas t'exploser un furoncle ? dit Riley.
- Non, dit papa en éclatant de rire. Un gros bouton rouge sur une télécommande. Le genre de bouton où il ne faut surtout pas appuyer.
- Alors pourquoi tu vas appuyer dessus ?
- Parce que c'est amusant !
Riley fronça les sourcils d'incompréhension en levant les yeux vers moi. Il n'y comprenait absolument rien – et moi encore moins.
J'attendis patiemment que papa termine de manger, sans plus toucher à mon assiette. J'étais habituellement du genre à manger tout ce qui venait, mais cette fois, la peur me nouait l'estomac. J'avais peur, mais j'avais surtout hâte de comprendre ce qu'il comptait faire exactement. Enfin, son assiette fut vide, il s'essuya les doigts sur son chandail troué et sortit la fameuse télécommande d'une de ses poches. Il repoussa l'assiette et posa la télécommande devant lui, un grand sourire aux lèvres. Elle contenait six boutons, dont un qui était le grand bouton rouge, bombé comme un champignon. Les cinq autres, simplement noirs et de taille raisonnable, étaient alignés en dessous. Une lettre était ajoutée en dessous de chaque : « R, L, A, M, F, ». Enfin, une roulette en dessous était entourée de chiffres.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Riley.
- Vous avez compris quand je disais que vous étiez traquée ?
- Malheureusement, dis-je.
- C'est une puce que je vous ai mise dans la nuque. Riley, dit-il en tournant les yeux vers lui, tu ne t'es jamais demandé comment tu arrivais toujours à me retrouver, alors que tu ne sais même pas faire trente mètres par toi-même ?
Riley ouvrit la bouche, sans rien dire. Il était sous le choc.
- Tu me contrôlais ? dit-il enfin.
- J'avais besoin de toi ! dit papa dans un haussement d'épaule. Mais plus maintenant, je te jure. Du moins... plus de la même façon. J'ai besoin que vous retourniez à Digora.
- Avec plaisir ! dis-je en me levant d'un bon. J'aime pas quand tu te sers de moi. Viens, Riley.
Riley obéit aussitôt, heureux de s'éloigner de papa. Pour cette fois, je devais bien le lui avouer ; papa était pénible, quand il le voulait.
- Attendez ! Vous voulez pas savoir votre tâche, d'abord ?
- Quoi ? soupirai-je en me tournant vers lui.
Papa nous montra à nouveau la télécommande, un grand sourire au visage.
- Vous serez la première vague. Tuez les clones.
Riley hoqueta de surprise, puis se colla contre mon bras. Je le sentais trembler contre moi.
- Tu nous prends pour quoi ? m'énervai-je en serrant les poings. Va les tuer toi-même !
Papa secoua la tête, puis appuya sur toute les lettres avant de relever les yeux vers moi.
- Si seulement ! Mais je suis vieux, je n'ai plus la force de ma jeunesse. C'est pourquoi vous le ferez pour moi. Et c'est aussi pourquoi... j'ai créé Frodo.
Il pianota encore un peu sur sa télécommande, avant de relever les yeux vers moi. Dans ce moment de silence, j'entendis les marches d'escalier craquer, alors que quelqu'un les remontait. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que c'était Frodo, le tout nouveau clone, âgé de six jours. Quand il émergea enfin de la trappe, ma mâchoire se décrocha sous le choc de ce que j'avais sous les yeux.
Il portait très mal son nom. Frodo était encore plus grand que Simmer, il devait certainement dépasser les deux mètres vingt. Alors que, dix heures plus tôt, il avait la taille d'un enfant de huit ans !
Ses muscles avaient autant grandi que ces os. Ses bras et ses jambes étaient énormes. Il n'était recouvert que par un boxer hyper élastique, comme Hulk. Sauf qu'il n'était pas violet, mais gris. Je reconnus aussitôt le matériel ; c'était une combinaison.
- Heu... Salut, dis-je d'une toute petite voix.
Frodo ne répondit rien. Riley se cacha derrière mon dos en gémissant.
- Maintenant, Léo, si tu ne veux pas faire ton boulot de « première vague », tu vas partir en même temps que Frodo. Vous ferez tout le chemin jusqu'à Digora ensemble. Vous aurez le temps d'apprendre à vous connaitre !
- Non ! couinai-je. Je... vais partir en premier. Avec beaucoup d'avance.
J'attrapai Riley par le poignet et l'entrainait avec moi vers l'entrée.
- Léo ! N'essaie pas de me mentir, ça se voit que t'as pas l'intention de m'obéir.
- T'arrêtes pas, souffla Riley. T'arrêtes pas !
Riley me tira vers l'entrée, mais je résistai pour me retourner une dernière fois vers papa. J'étais prêt, au moindre signe, à m'envoler très loin. Je saurais surement porter Riley dans mes serres, sous sa forme de chat.
- Qu'est-ce que tu vas me faire ? grognai-je. Dire à Frodo de m'attaquer ?
Je levai les yeux vers Frodo, la peur au ventre. Il ne réagissait toujours pas, aussi figé qu'une statue.
- Bien sûr que non ! Je t'aime, mon petit Léo. Je vous aime tous les deux. Non, tout ce que je vais faire, c'est d'activer la puce.
Papa appuya sur quelques boutons de sa télécommande. Presque aussitôt, je sentis un mal de tête monter.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Tu ne veux pas tuer les autres pour moi, j'ai compris. Mais tu vas le faire quand même.
- J'ai mal, gémit Riley.
- Ça va aller.
Je posai une main réconfortante sur son épaule, puis me transformai pour m'élancer vers papa, dans le but de lui arracher la télécommande. Mais il fut plus rapide que moi ; il appuya sur le bouton rouge de toutes ses forces, du plat de sa main. Le mal devint si intense que je perdis la concentration et me retransformais pour tomber à plat ventre au pied de papa. Je me pris la tête à deux mains, mais déjà, je ne sentais plus rien. Papa était aux commandes de mon propre corps, malgré que j'étais toujours conscient de ce qui se passait.
Je me relevai devant lui.
- Retourne à Digora, dit-il. Et tue les clones.
- Oui, papa.
Je lui tournais le dos, repris mon pyjama qui était tombé à cause de la transformation, l'enfilai, puis sortit de la maison, suivi de Riley qui était dans le même état que moi.
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