Je ne veux pas te blesser.

Albafica attendait, assit parmi ses roses, dans son jardin. Il faisait maintenant nuit noire. Cela faisait désormais plusieurs heures qu'il était immobile, et ses muscles commençaient à s'engourdir. Son regard était levé vers le ciel. On aurait pu croire qu'il guettait les étoiles, mais ce n'était pas totalement vrai. Il était à la recherche d'une masse noire volante qui viendrait vers lui.

Il baissa la tête, regardant tour à tour la maison du grand Pôpe, puis les 11 autres temples qu'il surplombait. Tous dormaient. Le silence était uniquement brisé par le bruit des oiseaux, où des insectes.

Soudain, il entendit le bruit mat d'un atterrissage près de lui. Il sourit. Il était de nature patiente, mais rien ne pouvait le retenir lorsqu'il savait qu'il allait le revoir.

Il se leva avec grâce. Il pouvait sentir son regard sur son corps. Il sourit et, sans attendre une seconde, sauta dans ses bras. Il sentit des mains caresser son dos. Il ferma un instant les yeux, pour mieux profiter de l'instant.

  - Minos ...

Il releva la tête, et ils échangèrent un baiser langoureux.

Cela faisait déjà un certain temps qu'ils entretenaient la flamme de leur passion secrète.Un jour, alors qu'il était parti en mission, Albafica avait croisé Minos. Ils avaient fait connaissance, et le bleuté avait apprit à déchiffrer les sentiments qui se cachaient derrière la froideur apparente de son amant. Depuis, ils étaient inséparables, et leurs rencontres interdites se multipliaient.

  - Bonsoir, ma fleur bleue. Je t'ai manqué j'espère ?

Albafica sourit, sans répondre. Ils connaissaient tout deux la réponse à cette question. Soudain, il se rappela de ce qu'il devait dire au juge des enfers, et soupira.

  - Minos ... Il faut qu'on parle.

  - Je te préviens, si tu me quittes, je brise tous tes os.

Une menace vaine, qu'il serait bien incapable de réaliser. Une carapace de violence, qu'il avait apprit à revêtir pour ne pas être blessé.

  - Tu sais bien que je ne ferais jamais ça ...

La main du chevalier se glissa dans celle de son amant, et la serra. Il le guida jusqu'à son salon, et Minos se laissa tomber dans un des deux fauteuils. Le poisson le laissa, le temps d'aller préparer deux thés. Il revient, donna une tasse à son ami, et s'assit dans l'autre siège. Il porta la boisson à ses lèvres, et en but une longue gorgée.

  - Alors, j'attends, s'impatienta Minos. De quoi tu veux me parler ?

Albafica posa sa tasse sur la table, l'air sombre.

  - Je ne sais pas comment ça se passe en enfer ... Mais de la Terre, il est évident qu'une Guerre Sainte se prépare.

Le visage du juge se referma aussitôt. Il fixa son thé sans le voir, le regard perdu dans le vide.

Le bleuté poussa un soupir triste. Cette réaction prouvait une chose : Il avait eu raison.

  - En effet ... Mon maître prépare déjà nos troupes. Ce n'est qu'une question de temps.

  - Tu sais ce que ça veut dire ...

Un silence lugubre s'abattit entre les amants. Il n'était plus question de baisers, de rencontres nocturnes, d'amour ... Mais de guerre et de morts.

  - Oui, soupira Minos. Tu risques d'être blessé. Peut-être même pire, tu pourrais être tué ...

  - Non, coupa Albafica. Enfin si, mais ... Minos. Il se peut qu'on doive combattre l'un contre l'autre.

  - Non ! Jamais je ne te ferais le moindre mal !

Le chevalier soupira, triste. Il aurait préféré ne jamais en venir là, ne jamais avoir à dire ça ... Pourquoi leurs deux dieux devaient-ils se mener une guerre sans pitié, et sans fin ?

  - Mais moi si. Je me battrais contre toi si c'est la volonté de ma déesse, Minos.

  - Je ...

Il y eut une pause. Le front de Minos était barré d'un pli soucieux. Enfin, il expira, visiblement fatigué.

  - Moi aussi. Quoi qu'il se passe, j'obéirais à Hadès.

L'immaculé chercha la main de son amant à tâtons. Quand il la trouva, il s'en empara, et la serra. Lui-même risquait peu dans cette histoire. Quoi qu'il se passe, son maître et seigneur le ressusciterait. Son rôle en enfer était trop important pour que ce ne soit pas le cas. Mais son amant lui ne reviendrait pas. Une fois mort, il passerait le restant de ses jours au Cocyte. Et peu importerait les supplications de Minos, Hadès refuserait de le faire sortir ...

  - Minos, reprit calmement le chevalier. Si on doit s'affronter, je veux que tu donnes le meilleur de toi.

  - Quoi ? Mais si je fais ça tu vas ...

  - Mourir. Si tu fais preuve de pitié, on se rendra compte de notre liaison, et ton maître pensera que tu l'as trahis.

Le bleuté sentit les doigts de son amant serrer sa main. Il pouvait deviner sa colère, sa haine ... Et sa peur. Il ne voulait pas le perdre. Ils échangèrent un regard triste. Puis un sourire apparut sur les lèvres du chevalier.

  - Minos, si on doit combattre ... Je veux que tu lâches toute ta puissance. Montre-moi à quel point celui que j'aime est fort ! Donne-moi une dernière raison d'être fier de toi.

  - Alba, si tu meurs, tu ne reviendras pas ...

  - Je sais. Mais tu m'as assez parlé des enfers pour que je sache ce qui va m'arriver ...

Il leva la main, et la posa sur la joue de son amant. Ses doigts effleurèrent les cheveux immaculés alors qu'il caressait sa peau douce. Ce contact était l'un des derniers qu'ils auraient, un au revoir muet qu'ils ne pourraient jamais prononcer à voix haute.

  - Je serais envoyé dans un enfer de glace. Je serais conscient, pour pouvoir souffrir. Minos, si je suis conscient ça veut dire que je peux penser à toi. Et jamais je n'arrêterais de penser à toi. Minos, je serais avec toi à chaque instant, en pensée ...

  - Moi aussi.

  - Non. Si je meurs, je veux que tu refasses ta vie. Tombe de nouveau amoureux. Sois heureux !

Un tremblement remua les épaules du juge. Comme s'il se retenait de pleurer. Pourtant, son visage demeurait impassible.

  - Je ne pourrais pas être heureux sans toi. Tu le sais très bien.

  - Minos, c'est ma dernière volonté : Sois heureux. Je t'aime trop pour te savoir triste, même lorsque je serais mort.



L'homme s'avança, la glace craquant sous ses pieds. Il ne s'arrêta qu'une fois devant un petit monticule glacial qu'il connaissait bien. Il se pencha en avant, cherchant la tâche bleue des cheveux d'Albafica. Chaque jour, son corps qui n'était plus que souffrance s'enfonçait un peu plus. Bientôt, il ne serait plus visible du tout. Une fois de plus, Minos regretta de ne pas avoir prit de photos de son amour alors qu'il était encore vivant.

Sa botte vient gratter le sol. Il ne s'arrêta que lorsque sa botte rencontra un pétale rouge. Alors, il se pencha, et posa délicatement une fleur écarlate qu'il était allé cherché sur Terre. Ses doigts effleurèrent le monticule de glace, puis il se releva. Déjà, la rose avait été recouverte par une couche de glace transparente.

Ce qu'il venait de faire, c'était son petit rituel. Chaque jour, c'était la même chose, et ça continuerait jusqu'à ce qu'il ne puisse plus utiliser ses deux jambes pour aller jusqu'au Cocyte.

L'air glacial lui brûlait la gorge, engourdissait sa gorge, le poussait sans ménagement. Pourtant, il restait droit, observant la ligne rouge constituée de fleurs qui s'enfonçait dans le sol. Cette corde végétale, c'était ce qui le reliait à Albafica. Elle commençait au niveau du torse de l'homme, et remontait jusqu'au juge.

Cela faisait plusieurs années qu'ils s'étaient entretués. Plusieurs années que Minos se haïssait d'avoir fait ça. Il ne pouvait plus se regarder dans un miroir, buvait pour oublier. Il c'était encore plus renfermé, passant son temps à insulter ou torturer tout ceux qui croissaient sa route, Rune le premier.

Il s'en voulait tellement ... Il se serait cru incapable d'un tel sentiment. Et pire que tout ... Il était incapable de satisfaire la dernière volonté de son aimé.

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