Chapitre 30
Nous arrivons devant la maison et Mike décrète qu'il s'en va. Comme ça. Juste comme ça ! Il va simplement nous laisser de cette façon ? Est-ce autorisé ?
Sophie entre dans la maison sur un rapide au revoir, et je trouve cela très suspect. Elle prépare quelque chose, elle ne peut pas disparaitre sans raison, en laissant son Dieu vivant en ma compagnie.
— Tu boudes ? m'interroge l'invité.
Ne parvient-il pas à décrypter mon expression, cette fois ?
— Pour quelle raison ?
Sophie est chiante, mais j'en ai l'habitude. A peu près.
— Ta sœur ?
— Non.
— Tu n'as pas hésité, sourit-il.
Bon sang, combien j'aime cette étincelle de vie qui brille en lui.
— Parfois, je suis sûre de moi. Je ne boude pas, je réfléchissais.
— Ton orientation ?
— A « MinMi ».
Qu'on soit d'accord, je ne souhaitais pas le dire, c'est sorti tout seul, ok !
Mike me fixe sans rien dire. Je vois pourtant qu'il est perdu, que des milliers de questions semblent le traverser. Cependant, nous restons là, l'un en face de l'autre et c'est la chose la plus merveilleuse de la journée.
— Tu as lu ? finit-il par souffler.
Est-ce si surprenant ? Depuis le temps qu'Aurélia me la vend !
— Il se pourrait bien ?
— Aurélia serait ravie de l'apprendre.
Je grimace et me dis que je ne compte pas lui dire tout de suite. C'est sa punition pour ne pas avoir attendu avant de la publier.
— Tu en penses quoi ? relance-t-il.
— C'est... magique ? Comme toutes les fictions de ta sœur.
Même si dans celle-ci, à chaque fin de chapitre, je me demande pour quelle raison elle fait durer la déclaration.
— Tu penses qu'elle la finira un jour ? questionne-t-il sérieusement.
J'ai d'abord envie de lui répondre qu'on s'en fiche, puis je ravale ma pensée. Il a l'air de tenir à l'histoire. Rien n'est réel pourtant.
— Et toi ?
Volontairement, je n'apporte aucune information sur mes pensées.
— Tout dépend de ce que ses inspirations lui fournissent.
— Il y a eu une sortie cinéma, une promenade et un repas chez le beau-papa. Franchement, on a été hyper sympa avec elle, je trouve.
Et cette fin ne vient pas. Ce point final. Ce moment où les lecteurs crient de joie, parce qu'ils obtiennent enfin ce qu'il désire. Je suis persuadée que pour obtenir le happy-end à « MinMi », Mike et moi devons devenir MinMi.
— Ton père t'a parlé à ce propos ?
Je hoche la tête, puis le remercie, comme je le souhaitais.
— Il m'a dit que nous aurions dû inverser nos métiers. Tu as l'air d'un psychologue, selon lui.
— Et selon toi ?
— Les deux te conviendraient.
Même si je préfère qu'il reste sur son idée d'enseignant. Il n'a pas fait tout ce chemin pour faire demi-tour !
— Je pense que toi aussi, tu peux faire une bonne psy. Tu t'es déjà mise à travailler et on voit les résultats sur Sophie.
J'aurais préféré une remarque sur mes expressions faciales, mais c'est déjà mieux que rien.
— Oh, ça je pense que c'est grâce à toi. Elle m'a dit que tu déteignais sur moi et que je devais davantage te parler.
Certes, cela remonte à plusieurs mois, mais il n'est jamais trop tard pour le mentionner.
— Tu n'as pas cherché à le faire.
Très bonne remarque. J'attendais qu'il le fasse, ce qui revient à être la fausse Minah. Mince, moi qui voulais éviter d'être l'un de ces clichés !
Je n'ai rien à ajouter à cela. Je n'ai pas cherché à le faire, c'est ainsi. Alors, pour me faire pardonner de cette erreur, je plonge une nouvelle fois mon regard dans le sien. J'essaie de lui transmettre tout ce que je ne dis pas, tout ce que je n'ai pas dit et tout ce que je ne dirais probablement jamais. Les mots « Je t'aime » ne m'emplissent pas d'un bonheur incroyable. Ces mots n'ont plus d'importance, dès lors que les actes ne vont pas dans le même sens. Mais je suis persuadée que Mike n'en aura pas besoin pour le comprendre.
Puis, alors que je crois lire « N'espères-tu pas la même chose que moi ? » dans ses pupilles, Sophie ouvre la porte d'un grand geste en beuglant :
— J'en ai assez ! Vous êtes TROP chiants !
Sa voix brise le charme et je sursaute violemment. Aussi violemment qu'est son ton. Wow, ma sœur est énervée et, pour une fois, je ne suis pas sa seule cible. Est-ce un progrès ?
— Donne-moi tes clés, me quémande-t-elle.
Je m'apprête à refuser, lorsqu'elle réitère, en prétextant en avoir besoin. Elle possède déjà un trousseau, quel est son problème ?
Je soupire et cède. Brutalement, elle se place entre Mike et moi, se saisit de ma main gauche et de la droite à Mike et les réunit. Elle fait de même avec l'autre côté, puis se poste à nouveau devant l'entrée.
— Et maintenant, vous vous regardez !
Son ton autoritaire me surprend et me révolte. Ma petite-sœur est vraiment en train de me donner des ordres ? C'est un comble !
— Sophie....
— J'ai dit de le regarder, assène-t-elle les sourcils froncés.
Je tente de lui faire face, mais Mike exerce une pression sur mes mains et je me concentre sur lui. Qu'est-ce qui se passe, bon sang ? Il ne réagit jamais ainsi en temps normal !
— Mais...
Les mots m'échappent, car il me regarde en souriant. Il n'y a rien de drôle ! On était déjà en train de se fixer avant son irruption et je déteste l'idée d'obéir à cette gamine. C'est moi la plus âgée, j'ai même décidé de faire des efforts, plus tôt dans la journée ! Elle gâche tout.
— Je reviens dans deux minutes trente et les choses ont intérêt à avoir avancé, menace-t-elle avant de retourner à l'intérieur.
Le temps que je comprenne qu'elle m'enferme dehors, il est trop tard. De toute façon, l'invité est d'accord avec elle, puisqu'il réitère sa pression sur mes mains pour m'empêcher de partir. Je n'ai rien demandé, c'est quoi ce bordel ?
Lorsque je reporte mon attention sur la seule autre personne présente, je perds toute volonté de réprimander Sophie. L'effet Dieu vivant.
— Tu es fâchée ?
— Oui.
Sans le vouloir, je gonfle mes joues. Purée je déteste quand je fais ça. J'ai l'impression d'avoir l'âge à ma sœur ! Mais celle-ci a gâché tout ce que j'accomplissais. Qu'aurait été la suite de notre observation, sans son intervention ?
— Et tu boudes, se moque gentiment Mike.
— Évidemment ! Elle se permet de me laisser à l'extérieur ! m'enflammé-je avec de grands gestes de la main.
Mike les a suivis. Pourquoi ne pas simplement s'être éloigné ? Puis, je constate que son regard n'a pas bougé d'un millimètre depuis le début et je déglutis. Bon sang, qu'est-ce qui se passe ? Je ne suis pas prête, ok ?
— J'ai quelque chose à te demander.
Son expression est si sérieuse que je déglutis une seconde fois. Il compte me demander la lune ? Je ne pourrais pas la lui décrocher, je suis un peu petite pour ça. Qu'est-ce que je me mets à raconter ? Je divague.
— Argh tu me stresses à pas développer !
Son regard me happe et la tension redescend instantanément. Il sourit avant de lâcher :
— Tu voudrais bien devenir ma colocataire en septembre ?
Sa colocataire ? C'est quoi ce plan pourri ? Sophie lui a-t-elle mis cette idée en tête ? Je ne cherche pas vraiment de colocataire, un appartement oui, un colocataire, non.
— Enfin, ma fausse colocataire, rectifie-t-il.
Son sourire est large et j'ai l'impression que ses pupilles sourient aussi. Un éclair de compréhension me traverse, tandis que j'aperçois du coin de l'œil la porte se rouvrir lentement. Deux minutes trente, cela passe très vite.
— Ta fausse colocataire ?
J'ai décidé de répéter, histoire d'être certaine qu'il n'y ait pas de quiproquo. Quoi qu'il en soit, le silence de Sophie prouve son accord sur la suite des événements. Elle a fait tout ça pour ça ? Une demande de colocation ? C'est trop gros.
— J'ai envie qu'on soit plus proche.
« Plus proche comment ? » ai-je envie de répliquer. Mais je me tais, parce qu'il n'y a pas besoin d'être plus explicite. Je n'ai pas non plus besoin d'approuver de vive voix. Déjà parce que je suis un livre plus qu'ouvert en cet instant, ensuite parce que l'exclamation de victoire de Sophie répond parfaitement à la question implicite. Et pour finir, parce que je pense avoir voulu lui dire la même chose, juste avant que nous ne soyons interrompus.
Je crois que nous finissons par nous sourire, jusqu'à ce que nous n'en pouvons plus.
La case « ami » ne sera finalement jamais atteinte, elle nous est bien trop inutile.
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