Chapitre 26
Je cligne des yeux, peu certaine que ce soit réel. Mais non, j'ai beau fermer mes paupières et les rouvrir, mon père et Mike se tiennent bien tous deux un rouleau de pâtisserie à la main. Je rêve. J'ai souhaité que mon potentiel petit-ami persuade mon père de mes bonnes intentions, pas qu'ils deviennent soudainement proches ! Je n'y comprends rien.
— Ah, Minah ! Tu savais que ton ami était bon cuisinier ? me lance mon père.
Comme si je n'étais pas bouche bée devant leur attitude !
Pour ne pas paraitre suspecte, je m'avance et me dis que j'ai troqué l'élastique pour la pince, pour rien. Mon père n'y fait même pas attention !
— Non, je ne savais pas.
Je fronce les sourcils en arrivant à l'ilot centrale. Je cherche toujours une logique qui puisse conduire à cela, n'en trouve pas. Ils ne peuvent pas soudainement être ainsi l'un envers l'autre.
— J'ai enfin de l'aide pour la cuisine, s'émerveille mon père.
Je suis ainsi à nouveau bien réveillée et prête à rebondir aux accusations. Mes plats ne sont pas comestibles, et alors ?
— J'ai d'autres qualités.
— Comme ? me taquine-t-il.
— Les Maths ?
— La pédagogie, propose en même temps Mike.
— J'ai une bonne pédagogie pour les Maths, reformulé-je.
Est-ce utile de préciser que mon père fixe l'invité comme s'il avait commis un péché ? Je le précise tout de même.
— C'est vrai, j'ai oublié qu'elle te donnait des cours particuliers.
Mike est accepté en cuisine, mais pas exempté de tout soupçon. « Particulier » a été beaucoup trop prononcé.
— Ça remonte à quand déjà ?
Lui et son petit air innocent ! Mon paternel n'a rien d'innocent !
— 8 mois.
— Octobre, répond en même temps Mike.
Il faut qu'on arrête ça, vraiment. Ça devient gênant.
— J'ai commencé en octobre et mon dernier cours était fin décembre.
Pourquoi toutes ces questions, dont il connait les réponses ?
— Hum... Tu as reçu ton concours ? enchaine mon père.
Et dire qu'il parle si naturellement tout en cuisinant. Je risquerais de mettre le feu à la maison, si je m'y aventurais.
— Haut la main, grâce à Minah.
La précision était superflue. Vraiment.
— La partie « mathématiques » a toujours été celle qui me posait problème et grâce à son aide, j'ai bien remonté mes notes. Quand on comprend ce qui est écrit, ça devient de suite beaucoup plus clair à expliquer.
Visiblement, je n'aurais plus le droit à la parole. Alors, je m'assois sur une des chaises hautes et pose ma tête entre mes mains. Je vais me contenter d'observer leurs gestes. Peut-être que cela me fera apprendre quelques méthodes ?
— Et donc tu seras enseignant en septembre ?
Il aura mis quatre années à y parvenir. Moi, je recommence tout à zéro. Je suis loin de pouvoir gagner ma vie, malgré tous les espoirs que je nourrissais il y a quelques mois.
— C'est ça. En parallèle, je vais devoir décrocher ma deuxième année de Master.
Aucun doute qu'il l'empochera haut la main. Mike est persévérant et intelligent.
— Tu te sens prêt ?
Sa réponse échappe à mon esprit, je suis concentrée sur leur mouvement. J'ai compris que ce qu'ils faisaient : ils pétrissent une pâte. Pourquoi faire ? Je me demande ce qu'on va manger. Soudain, un rouleau à pâtisserie passe devant mes yeux et je bondis en arrière. Mon père sourit, fier de lui. J'ai failli me casser la figure et il trouve ça drôle ?
— Papa !
— Plus tu regarderas, plus tu auras faim. Et Mike a juste, on avait l'impression que tu voulais entrer dans la pâte.
— Qu'est-ce que vous préparez ?
— Des quiches, répondent-ils en même temps.
Je souris, puis regarde l'heure et fronce les sourcils. Aurélia et Eliott ont fait un détour ? Ils devraient déjà être là. Prise d'un doute, je vais vérifier mon téléphone. 4 appels manqués de sa part, je suppose que c'est explicite.
Je la rappelle tout en descends les marches.
— Aurélia et Eliott se sont perdus, je vais aller les chercher.
Mon père ne comprend pas comment c'est possible, tandis que le frère rit. Aurélia se perd toujours, parce qu'elle ne fait jamais attention au chemin qu'elle emprunte. Elle confie son destin à ses accompagnateurs.
— Enfin tu décroches ! me reproche-t-elle.
Sympathique le bonjour.
— Je t'appelle depuis 10 bonnes minutes !
— Désolée, dis-je tout en enfilant des chaussures.
J'ouvre ensuite la porte et me glisse à l'extérieur. Est-ce que je vais retrouver Mike en entier à mon retour ?
— Vous êtes où ?
— Une ruelle bizarre et le GPS a planté ! Comment tu fais pour venir jusqu'à chez moi sans te tromper ? grogne-t-elle.
— J'apprends le chemin par cœur ?
Je pense qu'elle devrait s'y mettre, mais je me garde de commenter. Ne l'énervons pas davantage.
— Ne me répond pas avec des questions, je vais t'étriper !
Puisqu'elle ne m'informe pas de ce qu'elle voit, j'emprunte au hasard à droite, puis poursuis tout droit.
— De quelles couleurs, les maisons ?
— Je sais pas !
— Aurélia.
— D'accord. Bleu, orange, et y'en a une... grise ? Beurk, c'est moche on dirait du noir.
Je lève les yeux au ciel. A priori, ils sont rue des Roses. Pas mal pour des amoureux quand même. Quelques minutes plus tard, j'y parviens. Comme je ne les vois pas, je fronce les sourcils. La maison grise moche est bien là, pas eux.
— Aurélia, vous avez continué à avancer ?
— Ben oui.
Sa stupidité est à la hauteur de son génie en matière de romans.
— Quelle rue ?
— Coquelicot.
— Couleur des maisons.
— Rouge, orange, jaune.
— Prends à gauche au niveau de l'orange, puis toujours tout droit jusqu'à la multicolore, là à droite et tu y seras.
Ils arriveront avant moi maintenant. Quelle ironie !
— A toute de suite alors !
Et elle me raccroche au nez. Merci l'amie !
Lorsque je franchis la porte de la maison, je salue Eliott avant de fusiller Aurélia du regard. Elle pense que la voir intéressée par la cuisine arrangera les choses, peine perdue !
— Pas mal la pince à cheveux, lance-t-elle en désespoir de cause.
Merci, mais ce n'est pas de sa part que je souhaitais le compliment.
— Aurélia, la prochaine fois que tu appelles quelqu'un pour te chercher, restes sur place.
— Oups ?
Je lève les yeux au ciel avant de m'approcher d'eux. Une seconde, je pense qu'il y a quelque chose de bizarre dans son attitude. Puis, l'odeur de la quiche lorraine envahit mes narines et mon estomac pense à ma place. La quiche est au four, mais mon père et l'étudiant ont toujours un instrument de pâtisserie à la main.
— Un brownie, explique Mike face à mon regard curieux.
— Vous aimez beaucoup trop ça ta sœur et toi.
— Je confirme. J'y ai eu droit, chaque fois que j'ai vu Aurélia.
C'est-à-dire chaque jour de la semaine qui s'est presque écoulée, soit quatre jours. Avec aujourd'hui, Eliott passera à cinq ! Moi je dis, il mérite un oscar. Trop de chocolat, tue le chocolat.
— Tu n'avais qu'à dire que tu n'en voulais pas, je l'aurais mangé toute seule, lui reproche mon amie en gonflant ses joues.
Si gamine, mais si mignonne !
— Et Aurélia aurait pu en manger deux fois plus, commenté-je.
— Mais oui ! clame-t-elle. Je t'offrirai des cookies la prochaine fois.
— Merci.
J'entends presque le « mon ange ». C'est écrit en gros sur son visage. Est-ce que je vais survivre si je vois toujours mon amie en sa présence ? Je ne suis pas sûre !
Le brownie se retrouve dans le four à son tour.
— Je surveille, profitez du soleil.
— Oui !
Le coucher de soleil est pour nous ! Enfin, si la quiche n'est pas servie avant. Une fois à l'air libre, nous nous asseyons à la table. Eliott à côté de Mike, Aurélia et moi en face d'eux. Je pense que le couche de soleil, c'est raté pour aujourd'hui. Je ne pourrais pas y penser avec le futur enseignant devant moi. Surtout avec son regard appuyé sur ma personne.
— Un président ? propose Aurélia.
Je hoche la tête, même si avec les probabilités de mon côté, je perds toujours. Pourtant, les règles sont simples : toujours jouer une carte plus grande que la précédente et ainsi se débarrasser de toutes celles qui sont en main. Même ça, je n'y ai pas le droit !
Eliott non plus n'est pas très enthousiaste. Ai-je une chance de ne pas finir « trou de cul » ? La place de « vice trou de cul » me conviendrait !
Aurélia, loin de s'attarder sur les réticences de son petit-ami, se met à distribuer toutes les cartes, puis demande qui souhaite commencer. Elle me lorgne très ouvertement. D'accord, je sais que je n'ai pas de chance et alors ? Je n'ai jamais caché que les probabilités ne m'aimaient pas.
— Eliott, parce qu'il a l'air plus désespéré que moi encore, ris-je.
Ce dernier sourit avant de poser sa première carte : un 3. Ok, il commence petit. Sauf que je sais que personne d'autre n'a de 3, j'ai tous les autres. Conclusion : Mike va jouer plus grand et moi, je me retrouve avec 3 cartes difficiles à poser, le 2 étant la carte la plus forte.
— Minah, tu es trop expressive, me reproche Aurélia, en posant un 4 à son tour.
Eliott n'a pas le dernier, je le possède. Bon sang, ça commence tellement mal ! De toute façon, ce n'est pas comme si j'avais une quelconque chance de gagner : dans ma main, je possède trois 3, un 4, deux 5, un 7, trois 8, un « valet » et ma plus forte carte : une « dame ». Autrement dit, je suis dans une situation catastrophique. Mon « valet » et ma « dame » vont très vite se faire engloutir par les autres et je ne pourrais jamais poser mes 3.
— Je ne le fais pas exprès.
Le tour est revenu à moi. Eliott a posé un 8 et Mike un « valet ». Alors, je passe mon tour. Aurélia a de sûr au moins un 2 dans son jeu.
— Déjà ? C'est rapide.
Elle pose une « dame », Mike un « Roi », Eliott ayant passé, et Aurélia pose un as. Mike ne la suit pas. Grave erreur !
— Tu n'as jamais joué à ce jeu avec Aurélia ?
Je lui demande tandis qu'elle pose trois 10. Voilà pourquoi la jeune femme ne doit jamais, oh grand jamais, avoir la main. Elle a toujours des triplets, voire parfois des quadruplés.
— Hé n'essaie pas de lui retourner le cerveau ! se plaint la visée.
Conclusion : non, ils n'ont jamais joué ensemble.
— Ta sœur a une chance incroyable, donc si tu veux gagner, ne la laisse pas prendre la main.
Mike me fixe, en haussant les épaules. S'il ne souhaite pas être « Président », tant pis !
Aurélia pose un « roi ». Elle veut voir qui peut suivre, pas moi en tous les cas. Je pose mes cartes à plat devant moi. Je ne jouerais plus de toute façon. Eliott suit avec un autre « roi ». Donc Mike doit aussi en poser un. Puisqu'il passe, Eliott est celui qui détient le quatrième. Voilà comment joue Aurélia, elle a déjà de la chance et elle rajoute de la stratégie par-dessus, quelle plaie !
— Tu ne veux plus participer ? m'interroge Eliott tandis qu'Aurélia pose un « as ».
— J'ai perdu.
— Ce n'est pas la fin, commente-t-il en abattant lui aussi un « as ».
Oh que si, c'est la fin. Mike pose un « as » et sa soeur un 2. Elle ferme ainsi, le tour. A ma surprise, elle pose un 9. Eliott se disant qu'il faut tout miser, pose son « roi » et Mike finit par un 2. Il relance avec un 6 et je le regarde interloquée.
— Je n'ai pas plus petit, annonce-t-il simplement.
J'en profite alors pour poser un 7. Aurélia ferme avec un 2, repose une paire de 2 et termine par un « valet », faisant d'elle la « Présidente » de la partie. Comme toujours. Si elle est un peu perdue mentalement, elle n'en perd pas le sens de la compétition.
Eliott joue un « valet », et Mike passe, car seul un autre « valet » peut-être joué. Je le pose, Eliott passe et Mike surenchérit avec une « dame ».
— Je crois que tu as autant de chance que moi au jeu, Eliott.
C'est rassurant.
— Je pense plutôt qu'il joue mal, réplique sa petite-amie. Il ne pense pas assez stratégie.
— Toi un peu trop.
A ma surprise, Mike a joué sa dernière « dame ». Ainsi, je pose la mienne et emporte le tour. Eliott n'a pas de « dame » et Mike n'a pas au-dessus. Je pose alors mes trois 3. C'est inespéré. Eliott pose trois 6 et Mike passe.
— Je rêve, Minah ne va peut-être pas finir dernière ! se moque Aurélia.
Son sourire radieux me rassure encore plus. Eliott est-il lié à ce changement ? Celui-ci pose d'ailleurs deux 5 et Mike passe encore. Très curieux quand même. Je pose mes deux 5 et cela ferme le jeu, puisque 4 cartes de même valeur ont été posées d'affilés. Heureuse, j'abats mes trois 8, ce qui les contraint à passer. Puis pose ma dernière carte : un 4. Je deviens alors « vice-présidente ».
— C'est un M.I.R.A.C.L.E, continue de se moquer mon amie.
Je laisse passer. Qu'elle plaisante ! Moi, je suis très contente et cela me suffit.
Eliott lâche un 7, Mike de même et Eliott en repose un. Ce dernier finit « vice-trou de cul » et Mike « trou de cul ». Je suis deuxième ! C'est génial ! Jusqu'à ce qu'Aurélia explose.
— Tu l'as laissée gagner !
Son frère lui sourit en montrant ses quatre cartes : un triplé de 9 et un 10. Il aurait pu suivre le triplet, mais il ne l'a pas fait ! Sa sœur a raison et moi, j'en suis plus que ravie.
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