Chapitre 17

Mike et moi, on reste là, à les regarder être gênés, se questionner, s'observer en silence, le sourire aux lèvres et la main de l'autre emprisonnée dans la sienne. J'aimerais dire que c'est trop niais, mais en vérité, je les trouve trop craquants. Aurélia a trouvé sa moitié, j'en suis persuadée. Comment les trouver ridicule dans ce cas ?

— Je vais aller nager, maintenant.

Le spectacle est terminé, inutile de se cacher plus longtemps. Sans un mot, Mike me suit. Il rejoint Raphaël et Zack, occupés à s'approcher d'un peu trop près des filles, tandis que je continue vers le bassin des nageurs. J'ai suffisamment pataugé pour l'après-midi. Puis, tandis que je m'apprête à monter les quelques marches pour y accéder, une voix me fige. Instantanément, mon cœur s'emballe et je fais mine d'attendre quelqu'un, prenant soin de rester dos aux quelques marches. Il passe sans s'arrêter, au contraire de mon souffle. Bon sang, que fait-il là ? De tous les endroits possibles, pourquoi a-t-il choisi la piscine ? Je déteste les triangles amoureux, tout autant que les ex qui réapparaissent au moment où tout semble se résoudre ! Bon, je ne pense pas qu'on en soit là, Mike et moi mais n'empêche ! Quel jour maudit !

Léo éloigné, je relativise et accède au bassin. Nager va me calmer et quand je reviendrais parmi les autres, le problème aura disparu. Ou pas. Dans ma tête, le capharnaüm règne. Les souvenirs remontant à l'an dernier, tentent de refaire surface. J'ai pourtant mis tant d'énergie à les noyer ! Ils ont peut-être un souffle infini ? Non, certainement pas. Il doit y avoir un moyen de plus y penser. L'image de Mike m'apparait et je manque de couler à pique. Non, ça non plus ce n'est pas la bonne idée. Le frère d'Aurélia ne peut pas m'aider. Absolument pas. Même s'il est radicalement différent. La phrase de Sophie claque alors dans mon esprit. Vous vous plaisez. Ce ne sont que des suppositions, des déductions de notre comportement. Il est facile de mentir de cette façon. Tellement facile. Peut-être que ses mots tranchants sont la solution à mon problème ? Bien qu'elle tente de changer, elle n'en perd pas sa franchise. Je dois dire que parfois, cela fait du bien de ne pas essayer d'enjoliver une situation. D'avoir des mots durs et froids.

J'écarquille les yeux et sors immédiatement du bassin. Quelle idiote je suis ! La réponse à mon mal être est là, sous mes yeux et je n'ai jamais rien compris ! Bon sang, des fois, j'agis comme la pire des andouilles, ou la pire des héroïnes, au choix. Tandis que je marche avec détermination, je me flagelle pour ma naïveté, puis m'immobilise soudain. Je crois que toutes mes connexions nerveuses ne fonctionnent plus, parce que mes pieds ne peuvent plus avancer et ma respiration s'accélère. Aurélia souhaite une réaction normale de ma part ? J'espère qu'elle me voit dans ce cas.

— Minah, chuchote Léo.

Quelques secondes plus tôt, ma solution me semblait la bonne. J'ai tenté de mettre un couvercle sur cet épisode passé, sans y faire face. Comme me l'a dit Sophie, je ne suis pas très courageuse. Et tout comme elle me l'a déjà dit, je fuis quand je ne peux pas supporter. Alors, pour Léo, c'est ainsi que j'ai agi. Si stupide ! Je n'ai rien régler du problème, je l'ai enterré. Bien sûr que cela se déterre ! Ce qu'il faut, c'est lui donner un coup de pelle. Sans cela, pas de page tournée. C'est loin d'être facile. C'est pourquoi, tandis que mon ancien... Le mot reste bloqué dans les méandres de mon esprit.

Fait un effort Minah. Allez !

C'est pourquoi tandis que mon ancien petit-ami semble désirer une conversation, je trace ma route. Je ne le connais pas, d'accord ? Je me sens épiée et me rassure en captant le regard d'Aurélia et d'Eliott. Ce sont eux, pas vrai ?

La mine inquiète de mon amie confirme qu'elle m'a fixée durant mon immobilité.

— Qui était-ce ?

— Personne.

— Pourtant, j'ai cru que tu voyais un mort et il arrive vers nous.

Bordel, nous avons eu d'innombrables cours ensemble et il choisit aujourd'hui pour me casser les pieds ? Quelle était la probabilité que cela arrive ? Aucune !

— Qu'est-ce que tu fais ? s'enquit-elle.

C'est très clair. Je rassemble mes affaires afin de partir. Elle me stoppe, une main sur mon bras.

— Aide-moi, juste cette fois. S'il te plait.

— La vieille histoire sans importance ? rétorque-t-elle.

Mes yeux s'agrandissent comme des soucoupes face à sa sentence. Je sais. Mon histoire est un peu plus vilaine que je ne le laissais penser.

A mon étonnement, elle acquiesce et tout en me regardant, elle lâche bruyamment :

— Ton petit-ami attendra. Il ne va pas mourir si tu ne le rejoins pas dans la minute, si ?

Je l'aime trop cette fille. Je ne sais pas si ses lectures de romance sont excessives ou si elle écrit excessivement, en tous les cas, cela emplit son esprit d'idées. De très bonnes idées.

— Mon petit-ami se baigne, je ne comptais pas partir, juste chercher de la crème solaire.

— Désolée !

Elle me lâche et je sors l'objet que je suis supposée chercher. En me retournant, je constate que Léo rebrousse chemin. Je me laisse alors tomber sur l'herbe. Comment suis-je censée terrasser mon problème, si je ne suis pas capable de me tenir devant lui ?

Aurélia me lorgne, attendant des explications, mais mon cœur bat trop rapidement pour que je puisse m'exprimer. J'ai trop peur de revivre ce moment si je parle. J'ai été dupée tellement facilement et depuis, la déception serre mon cœur de toutes ses forces.

— Je ne comprends rien à ce qu'il vient de se passer, affirme Eliott.

Au même moment, j'aperçois le reste du groupe revenir. Je dois redevenir comme avant. Tout de suite. Pour commencer, je m'installe à ma place et chuchote un « demain » à Aurélia tout en désignant Eliott. Elle hoche la tête, compréhensive, puis demande :

— Tu sais pourquoi je préfère l'été ?

Sa phrase détonne avec les pensées sombres qui me hantent. Je vois plus un hiver glacial et des tempêtes de neige qu'un été chaud et ensoleillé.

— Pourquoi ?

— Parce qu'en été, tu es bien habillée.

Hein ? Comment ça « bien habillée » ?

— Je suis en maillot de bain, remarqué-je.

L'instant d'après trois masses se posent près de nous.

— Justement, rit-elle avant que je ne la suive.

Pas de fashion faux pas de cette façon ! Au regard de Mike, je sens que mon rire semble anormal. Léo, je ne peux pas l'oublier en claquant des doigts. Pourtant, j'aimerais vraiment.

— Eliott, tu n'es pas curieux pour tes cadeaux ? lance espiègle Raphaël.

Visiblement, ils n'ont pas eu l'information. Mike lève les mains en l'air face à mon regard et je souris. Ok, on va finir sur Eliott/Aurélia 10 – Les fauteurs de trouble -20. C'est d'ailleurs Eliott qui se jette à l'eau le premier.

Moi, je tente de ne penser qu'au présent, noyant encore un peu le passé.

— Je l'ai déjà eu.

Regard curieux échangés.

— Mike a lancé une idée vraiment originale.

Double regards curieux échangés. Aurélia n'appelle jamais son frère par son prénom, sauf en cas d'extrême sérieux.

— Et elle l'a tentée, finit Eliott, en glissant ses doigts dans les siens.

Il n'y a pas à dire, ils ont la classe ses deux-là. Et donc, je confirme : Eliott/Aurélia 10 – Les fauteurs de trouble -20.

— Purée, vous y êtes arrivés tout seul ? Improbable !

— Un ballon a tout changé.

— Ça c'était moi.

— J'étais sûre que tu n'étais pas partie ! s'exclame Aurélia. Tu ne pouvais pas rater ce moment !

Moi aussi parfois, je fais ma Aurélia, à vouloir tout savoir.

— Nous on l'a raté ! s'apitoient les deux exclus.

Devant l'absence de réaction de la part à Mike, les regards se braquent sur lui.

— J'étais avec Minah, explique celui-ci.

— Traitre ! lui reprochent Zack et Raphaël.

— Il faut savoir tirer profit de la situation.

On appelle ça un manipulateur. Les mots ne demandent qu'à sortir, et pourtant, je les bloque, là dans ma gorge. C'est un mot tabou depuis ce jour.

— Maintenant que la mission est accomplie, on peut rentrer, non ?

La proposition de Mike fait l'unanimité. Pourtant, elle détonne dans la légèreté du moment. Elle sonne trop précipitée. Personne n'y porte plus d'attention que cela. Chacun rassemble ses affaires. Pour ma part, il me suffit de quelques secondes pour être parée à quitter les lieux. Léo est toujours à l'eau, c'est le moment. Les risques qu'il me suivent sont ainsi moindres.

Tandis que nous marchons vers la sortie, Mike me tire soudainement en arrière et laisse les autres prendre de l'avance.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Il garde mon poignet emprisonné, me forçant ainsi à ralentir la cadence. Les battements de mon cœur s'inquiètent du temps que cela fait gagner à Léo. Est-il déjà sorti de la piscine ? Se change-t-il ? se sèche-t-il ? Lorsque Mike estime que nous sommes suffisamment éloignés, il me lâche. Nous marchons alors côte à côte.

— Il s'est passé quelque chose ? interroge-t-il.

Il n'avait qu'à me suivre, s'il souhaitait connaitre les événements.

— Cette question mérite vraiment ce traitement ?

Je soupire en baissant le regard au sol. D'accord, je suis toujours un livre ouvert. Grand ouvert d'ailleurs. Je suppose que cela peut en partie justifier son geste, bien que cette attitude ne lui ressemble pas.

— Tu as l'air terrifiée.

Bien sûr que je le suis. C'est bien beau de penser à l'affrontement, beaucoup moins d'agir ! Le revoir, là, avec ses amis, de façon aussi improbable, ce n'est pas bon pour ma tête. Et si je cède à nouveau ?

Nous arrivons bien trop lentement à mon goût à la sortie. Sachant qu'après son départ, il me faudra attendre le bus. A quelle heure passe-t-il déjà ? Peut-être vaut-il mieux que je poursuivre ma route jusqu'au prochain arrêt. Il ne me cherchera pas aussi loin.

— Minah, je te parle.

Je reprends mes esprits et le fixe. Même son regard brun clair, en raison du soleil, ne me font pas oublier les pupilles bleues que j'ai tant aimées. Je détourne finalement la tête et remarque que nous sommes déjà arrivés à sa voiture. Aurélia discute plus loin avec Eliott. Zack et Raphaël sont partis. Il faut que j'y aille aussi.

— Pourquoi es-tu autant sur tes gardes ?

Je reporte mon attention sur lui et ne parviens pas à deviner s'il est inquiet, désespéré ou las. Il faut dire que ce qu'il pense ne m'intéresse pas vraiment, pour le moment. Je veux simplement quitter cet endroit.

— J'ai vu quelqu'un que je ne voulais plus jamais recroiser.

Ai-je réellement avoué cela comme si j'annonçais acheter du pain ? Le décalage entre mes pensées et mes actes se creusent toujours plus et Mike semble avoir perdu toute curiosité en une seule seconde. Tout le contraire de ce à quoi je m'attendais. N'était-il pas inquiet quelques secondes plus tôt ? N'était-il pas curieux ?

— Je ne peux pas discuter comme si tout était normal. Je ne veux pas.

Mon assurance me surprend moi-même.

— C'est si loin maintenant et j'ai tant souffert...

Je m'imagine un vent fort qui balaie ces mots. Trop vrais. Trop douloureux. Je me dis que m'évader, ce ne serait pas mal. Avant de réaliser qu'une illusion ne peut durer éternellement.

Je fixe le sol, très attrayant au passage.

— Je fuis, voilà tout.

J'ai presqu'envie de me flageller. C'est un peu le même principe avec Léo. Je sais qui il est l'est, tout en ne le sachant pas. Il m'a toujours caché sa réelle personnalité.

— Et tu ne m'as demandé aucun détail, désolée de t'embêter.

Je n'ai pas trouvé d'autres explication pour combler le silence qui s'est installé entre nous. Je n'ai aucune raison de lui fournir des éclaircissements. En tout cas, pas des raisons logiques et rationnelles. Et Mike ne réagit toujours pas.

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