Chapitre 73 : Concilier la diversité

Bonjour !!

J'espère que vous allez bien !

Perso je vais voir un concert ce soir (Stray Kids pour les curieux et celles.eux qui connaissent héhé) et demain mes parents viennent me rendre visite en Corée, donc je suis ravie *-* Et je sors de deux semaines de maladie débile (vous savez, le rhume/toux/gorge/sinus qui traîne et traîne)

Bref, tombez pas malade quand les températures retomberont hahaha

Une pluie de mercis pour votre soutien à toutes et à tous <3

Je vous souhaite une bonne lecture !

Chapitre 73 :  Concilier la diversité

- Tu ne manges pas ?

Minerva leva les yeux de sa purée de fèves. Saleh semblait l'observer depuis un moment et, curieux, avait fini par briser le silence. Minerva s'arrêta de touiller avec sa fourchette et tortilla ses lèvres ne sachant trop quoi dire. Son premier cours avec Sékou s'était achevé en silence, et même Hoda n'avait pas cherché à la taquiner. Elle était donc retournée à son rôle d'observatrice au milieu d'une ambiance très étrange, tapissée de coups d'œil en coin et de raclements de gorge. Sékou lui a dit qu'ils feraient un compte-rendu ensemble plus tard, car il devait se charger du fameux Johannes et Minerva s'était faufilée derrière les élèves à petits pas. Elle avait longuement erré dans l'école avant de prendre le chemin de la terrasse extérieure pour le déjeuner.

Elle ignorait comment aborder le sujet avec Saleh. Pas qu'elle craignait qu'il se vexe ou qu'il s'agace (ce jeune homme semblait être la dernière personne à pouvoir avoir des sautes d'humeur) mais surtout, elle ne savait pas par où commencer. Même, elle n'était pas sûre de savoir à quoi elle avait assisté. Elle était troublée. Du racisme, elle en avait déjà vu. Satya en avait fait les frais au Ministère, Filius aussi à l'école. Le racisme entre couleurs de peau, il y en avait en Angleterre. A Poudlard, sûrement aussi, elle imaginait. Elle n'avait pas vraiment fait attention, mais si elle y pensait franchement, elle n'avait pas non plus remarqué beaucoup d'étudiants à la peau noir à l'école.

Mais dans un continent où la majorité des étudiants étaient des africains noirs, elle aurait pensé que la dynamique serait différente. Or elle avait bien vu une claire séparation entre la minorité blanche et la majorité noire dans la salle de classe. D'ailleurs, si elle regardait bien autour d'elle, les quelques rares blancs de l'école étaient rassemblés autour des mêmes tables.

Saleh suivit son regard et fit une tête intriguée.

- Tu les connais ?

Minerva secoua la tête.

- Pourquoi ils sont... tous à la même table ? Je veux dire, les élèves de peau blanche sont à l'écart des élèves à la peau noire.

Ses lèvres butèrent sur les couleurs de peau, comme si elle insultait quelqu'un. Peut-être parce que pour certains c'était effectivement une insulte, comme Johannes. Cela parut faire sourire Saleh alors que Minerva était en nage.

- Il y a des élèves blancs qui se mélangent aux noirs, finit-il par répondre en pointant un autre élève blanc plus loin qui discutait gaiement avec d'autres élèves noirs. Mais ils sont rares, je le conviens. En général, ils sont enfants de représentants gouvernementaux, ambassadeurs ou autres dans les pays à la population majoritairement noire.

- Et les autres alors ?

- Des sud-africains. Une partie de leur population est blanche, et là-bas... je ne sais pas trop, je n'ai pas suivi, mais il me semble que blancs et noirs sont séparés dans les lieux publics. Je n'ai pas tous les détails, mais leur vie transparaît un peu dans notre école. Je ne suis pas certain que Tumusiime apprécie cela, mais beaucoup de parents de ces élèves sont haut placés et estiment déjà faire de gros efforts en envoyant leurs enfants dans une école à élèves majoritairement noirs.

Minerva réfléchit quelques secondes.

- En cours tout à l'heure, les élèves devaient transformer un détail physique chez leur camarade. L'un des élèves a eu sa peau changée en noire, cela l'a mis vraiment en colère.

- C'est donc cela qui te chiffonne, devina Saleh en hochant la tête. Si c'est un sud-africain, alors je ne suis pas étonné de sa réaction. Les professeurs doivent avoir plus de réponses que moi, tu devrais leur demander.

Minerva sourit.

- Tu es déjà mon recueil personnel d'informations. Je suis même étonnée que tu aies pu me répondre sur l'Afrique du Sud. Moi, je serais incapable d'expliquer comment vivent les populations dans les autres pays d'Europe.

Saleh fit un sourire évasif et répondit :

- Avec plus de 8 ans dans cette école, tu finis par retenir certaines choses. Quand se déroule ton prochain cours ?

- En fin d'après-midi, répondit Minerva après avoir consulté son emploi du temps. Pourquoi ?

Saleh se leva et fit signe de la suivre.

- Je vais te montrer un endroit, suis-moi.

Minerva engloutit ses dernières cuillères de fèves et le suivit. Il l'entraîna dans la montagne, dans les boyaux qui s'enfonçaient en plongeant dans la roche. Cette fois, les tunnels n'étaient pas trop étroits et le sol, normalement recouvert d'une natte tressée, semblait plus moelleux. Le tunnel s'ouvrit sur une pièce qui semblait circulaire, entrecoupée de voiles de couleur beige, eux-mêmes traversés par les rayons de lumières de l'ouverture dans la montagne. La brise fraîche faisait voleter doucement les voiles et laissait apparaître de temps en temps quelques rares étudiants, assis en tailleurs, yeux clos. Le silence régnait et instinctivement, Minerva se retrouva à marcher sur la pointe des pieds. Saleh l'emmena à l'écart, dans une alcôve. Le sol y était mousseux et des coussins crème étaient posés, petits nuages flottant sur un lac de verdure.

Saleh s'assit en croisant ses jambes et lui indiqua de l'imiter. Puis il se pencha en chuchotant :

- C'est notre pièce de méditation. Je viens souvent ici quand tout devient... trop. Trop compliqué, trop fatiguant, trop agaçant, trop frustrant...

Minerva n'avait aucune idée de ce qu'était la méditation. Satya avait déjà dû lui en parler dans ses souvenirs, mais à cette époque (qui n'était pourtant pas si lointaine), elle n'y avait guère prêté d'attention. Rester assise sans rien faire, cela ne l'enthousiasmait pas vraiment.

- Qu'est-ce que je dois faire ? demanda-t-elle.

- Laisse-toi aller. Laisse tes pensées s'éloigner et concentre-toi sur ta respiration. Ne songe plus à ton premier cours, à ce qu'il s'y est passé. Ferme les yeux.

Dubitative, Minerva obéit. Elle se tortilla sur ses fesses, arqua son dos, l'arrondit, chercha un dossier sans en trouver. Saleh se tenait droit, mains sur les genoux et fermait les yeux, respirant profondément. Lorsqu'elle prit la même position, elle sentit que son moment de méditation allait être long. Elle ressentait encore plus profondément qu'elle était mal installée et surtout, que ses pensées étaient bruyantes dans son crâne. Elle sentait la présence de Saleh à côté, si silencieuse et pourtant si imposante. Le moindre souffle de vent sur sa joue lui faisait rouvrir les yeux, le moindre mouvement d'étudiant qui sortait ou entrait également. Elle avait trop besoin d'observer son environnement, cela l'angoissait presque de ne pas voir ce qui se passait autour.

Comment oublier ses pensées de la journée ? Comment est-ce qu'on vidait son esprit ? Le fait même de penser à ne pas penser, n'était-ce pas penser ? D'ailleurs pensait-elle trop ? Saleh avait-il le cerveau vide de toute image actuellement ? Comment était-ce possible ? Lorsqu'elle se tenait immobile ainsi, elle ressentait tout en plus intense, le moindre chatouillis sur son nez devenait insupportable, le moindre reniflement devenait impossible à retenir, le moindre raclement de gorge... Les gens aimaient-ils vraiment méditer ? Ou était-ce quelque chose de socialement appréciable aux yeux de la société de Uagadou ? Comment oublier des pensées sombres ? Ce à quoi elle avait assisté n'était pas drôle du tout, mais quel était le but d'oublier ? Au contraire, ne fallait-il pas se souvenir ? Repousser le négatif, c'était fermer les yeux. Elle avait souvent fait cela, au point de s'en rendre malade mentalement au Ministère. A Uagadou, cela lui donnait l'impression d'assister à une mini-société parfaite et lisse : pas de compétition entre Maisons, pas de Maisons, le collectif et la solidarité en premier, l'accord avec la Nature... Et derrière, des tensions entre couleurs, que Tumusiime avait passé sous silence, que Sékou avait écarté au domaine du privé entre lui et Johannes au lieu de se saisir du sujet et le traiter en classe, que Saleh connaissait sans chercher à dénoncer.

- Tu n'y parviens pas encore.

Minerva rouvrit les yeux. Saleh l'observait. Lui non plus, n'avait pas l'air détendu.

- Je te sens gigoter dans tous les sens.

- Désolée, fit Minerva consciente qu'elle n'aimait pas la meilleure partenaire de méditation. Mais je ne comprends pas comment tu peux couper tes pensées comme ça.

Saleh jeta un coup d'œil autour de lui et lui indiqua de sortir pour discuter.

- Le but n'est pas vraiment de ne penser à rien. C'est surtout de laisser tes pensées glisser sur toi sans s'y accrocher. Qu'elles n'aient pas d'emprise sur ton humeur, tes émotions. Elles sont là, et c'est tout. Tu as raté un examen ? Tu feras mieux la prochaine fois, passe à autre chose. Tu as fait une erreur ? Elle est faite, tu ne peux pas revenir dans le passé, à quoi bon s'y attarder ? Tu angoisses de rencontrer quelqu'un ? Tu ne peux rien faire de plus qu'attendre.

- Et pour le cas de Johannes ?

Saleh haussa les épaules.

- L'évènement a eu lieu. Il est déplorable, oui. Es-tu responsable de Johannes ? Non. Ce qu'il s'est passé n'est pas une bête dispute entre deux amis qui peut être réglée rapidement. C'est un problème de société qui se travaille sur un long terme dont toi et moi ne verront probablement pas la fin.

- Et ça se règle par la méditation ? demanda Minerva sans empêcher son ton sarcastique de revenir.

- Ce n'est pas avec un esprit embrouillé que tu règles une situation. Il te faut des pensées claires. Et mes pensées, je les range et les rationalise par la méditation. Ce n'est pas un travail facile, la méditation. Il faut accepter de se retrouver seul avec soi-même, seul avec ses pensées, ses souvenirs, ses espoirs, ses peurs, et les laisser te passer dessus sans t'atteindre.

Minerva se racla la gorge. Elle venait de réaliser qu'elle avait parlé sur un ton défensif, presque agressif. Le calme de Saleh, qu'elle avait toujours apprécié depuis son arrivée, était arrivé à un stade qu'elle ne comprenait pas (encore ?). Son côté impulsif de Gryffondor s'insurgeait et s'agaçait de l'apparente apathie de son camarade. Puis son esprit Serdaigle, là où le Choixpeau avait hésité à l'envoyer, tentait de comprendre un avis qui n'était pas le sien. Peut-être, n'avait-il pas tort sur certains points ? Peut-être n'avait-elle pas toutes les cartes en main pour comprendre une situation qui la dépassait ? C'était probablement le cas. Elle était arrivée depuis seulement deux jours, comment pouvait-elle estimer en connaître assez sur les sociétés d'un continent entier dont elle ignorait tout jusqu'à peu ? Après une très courte réflexion, c'en était prétentieux. Alors, elle se mordilla la lèvre et dit :

- Je réessaierai la méditation, un jour.

Saleh sourit, et aussi simplement, avec ces mots qui semblèrent tout dire, il hocha la tête et approuva.

Elle resterait en observation en cours comme dans l'école en général. Elle avait beaucoup à apprendre, à intérioriser. Sûrement, y aurait-il des choses qu'elle n'apprécierait pas, mais c'était aussi le but de partir dans un pays totalement différent du sien : ce qui était anormal en Grande-Bretagne était normal ici, et inversement.

Le professeur Sékou apparut devant eux, mains croisées dans le dos. Il fit un salut à Saleh puis se tourna vers Minerva.

- Pouvons-nous discuter dans mon bureau ?

Ce n'était pas vraiment une question, plutôt une suggestion à laquelle il espérait une réponse positive. Saleh lui indiqua qu'il devait de toute manière faire sa ronde de surveillance à l'entrée et la quitta.

Dans le bureau, il lui montra un fauteuil de la main et lui servit un thé, sans un mot. Il s'assit, touilla dans sa tasse, fit tinter sa cuillère d'une manière très britannique et la posa avant de tremper ses lèvres.

- Tu as dû être surprise du cours de tout à l'heure.

Minerva ne dit rien cette fois. Elle attendit.

- Sais-tu pourquoi cette école prône la solidarité, le collectif plus que tout ?

- Parce qu'on va plus loin en groupe que tout seul ? répondit Minerva sans trop savoir si c'était une bonne perception.

- Parce que nous sommes le continent avec justement le moins de solidarité entre nous.

Il posa sa tasse, soupira.

- Bien sûr, en famille, entre amis, nous arborons un collectif presque irréprochable. Nous n'abandonnons pas les nôtres. Mais à l'échelle de notre continent... Aucun pays africain n'est d'accord avec l'autre, les allégeances varient en fonction des intérêts, des besoins. Les discordances sont légions, les disputes fréquentes, les haines mêmes, régissent les esprits par moment. Le travail de fond de notre école est par moment frustrant, car il donne l'impression d'être un simple coup d'épée dans l'eau.

- Cela prend du temps non ? releva Minerva en pensant au travail de long terme dont parlait Saleh.

- Sais-tu combien il y a d'étudiants sorciers en Afrique, Minerva ?

Elle leva les yeux au plafond, réfléchissant. Ils étaient quelques petites centaines, pas plus, à Uagadou.

- Ils sont des milliers, annonça Sékou en faisant arrondir les yeux de la jeune fille. Impossible à compter.

- Mais Uagadou...

- Uagadou n'est qu'une école de privilégiés. En Afrique, la magie est massive. Beaucoup de jeunes ont des pouvoirs. Mais beaucoup de jeunes proviennent de familles pauvres qui, non seulement n'ont pas l'argent pour envoyer leurs enfants à notre école, mais en plus ne voient pas l'intérêt de perdre des mains travailleuses pendant plusieurs années alors qu'ils ont besoin d'aide pour leurs récoltes. Pour l'immense majorité, les études ne suffiront pas pour obtenir un bon emploi. Les champs, hérités par la famille, sont la solution la plus viable et fiable. A quoi servent les études ? Et cela, c'est sans compter les haines entre pays, entre religions. Beaucoup de parents refusent d'envoyer leurs enfants dans une école qui mélange trop de diversité ethniques et religieuses.

- Mais alors, où vont les enfants qui ne s'inscrivent pas à Uagadou ? N'est-ce pas dangereux de ne pas contrôler sa magie ?

Sékou reprit une autre gorgée, tentant d'avaler le ton presque désespéré qui commençait à poindre.

- Il existe des écoles locales qui rassemblent les élèves de plusieurs villages. Elles ne sont pas homologuées auprès du Ministère, pas même légales en soit. Mais le Ministère laisse faire, car sinon les enfants seront incapables de contrôler leur magie. Mais les enseignements sont... rudimentaires. Certaines écoles contournent les curriculum officiels, voire sont tentées de virer sur la magie noire. Leur localisation est encore plus cachée que Uagadou, non seulement pour échapper aux Humains, mais aussi au gouvernement.

- Et pour les écoles qui respectent tout cela, en quoi ne sont-elles pas valorisées ?

Sékou leva les paumes de main au ciel.

- Ce sont des institutions instables et qui peuvent être victimes de fermeture brutale si elles n'ont pas les fonds financiers suffisants ni d'ancienneté. Bien évidemment, ces écoles visent en priorité les élèves sans moyens financiers donc la scolarisation est extrêmement peu chère, avec la qualité de l'enseignement qui va avec, et le gouvernement ne finance pas. En outre, elles ne sont pas aussi bien protégées par la météo ni par les bêtes sauvages, pas autant que Uagadou. Les édifices sont plus fragiles et donc plus faibles face aux aléas naturels. Certains élèves peuvent se retrouver sans études du jour au lendemain.

Minerva reposa son thé, l'estomac contracté. Tout était encore plus complexe qu'elle n'avait imaginé. Ce qu'elle avait pour acquis en Ecosse, en Angleterre, était si difficile à avoir pour les étudiants de ce continent. A cela s'ajoutait les oppositions entre couleurs de peau, et cela créait un cocktail de tensions et de challenges qui semblaient insurmontables. Sékou lui-même, à l'instant présent, semblait à nouveau réaliser tout le travail qu'il restait à faire. Et pourtant, dans ses yeux brûlait une détermination indéniable. Sékou était l'enseignant qui vivait pour l'élévation des étudiants, des enfants de son pays, de son continent, à travers l'éducation. Et dans ce regard, elle voyait un combat qui rallumait en elle la flamme passionnée qu'elle pensait avoir perdu.

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