Chapitre 71 : Communauté, solidarité
Oui, j'ai lutté.
Bonjour !
Un million de mercis pour votre patience <3 Et un autre million pour votre soutien, vos retours et commentaires <3
J'espère que votre rentrée s'est bien passée, ou la reprise du travail, ou autre si vous faites autre chose de votre vie !
L'écriture du chapitre a été trèèèèès poussive, je m'en excuse d'avance si cela se ressent, ça m'a juste drainée de mes forces ><'
J'essaie de vous poster la suite dès la semaine prochaine, et vous souhaite une bonne lecture !
Des bisous <3
Chapitre 71 : Communauté, solidarité
Comment s'était-elle retrouvée à faire léviter des sacs de sable dans l'entrée, elle n'en savait que trop peu. Une alarme avait retenti alors qu'elle était encore en pleine discussion avec la directrice, et des nuées d'oiseaux étaient sorties des hauteurs sous plafond de la pièce pour s'enfuir par l'ouverture de la montagne. Le directrice avait jeté un coup d'œil à son horloge murale (des lianes entrelacées qui formaient les chiffres des heures) et avait dressé un sourcil.
- Elle est en avance.
- L'heure ..? avait demandé Minerva d'une petite voix alors que l'alarme beuglait dans ses oreilles.
La directrice avait eu un sourire et s'était redressée, rajustant sa tunique.
- La pluie. Tu vas pouvoir nous aider à protéger l'école.
Minerva papillonna des yeux, puis elle se souvint que seuls les étages cinq et six étaient protégés de la météo. Elle se demanda si tous les niveaux disposaient d'ouverture comme chez la directrice. Elle remarqua qu'il faisait encore beau dehors mais sentait dans le vol des oiseaux une atmosphère lourde, annonciatrice de l'orage.
- Suis-moi, je vais te montrer ce qu'il faut faire.
Elles empruntèrent le même couloir pour monter à nouveau dans le funiculaire. Cette fois-ci elles ne descendirent que de quelques étages, combien, Minerva n'en n'avait pas la moindre idée.
- L'inconvénient de mon étage et de celui des dortoirs, c'est qu'ils sont vraiment trop hauts pour être atteints à pieds, dit la directrice. Dans ce genre d'urgence, je mets toujours plus de temps à rejoindre les étudiants et professeurs.
- Pourquoi ne pas inverser les étages alors ?
- C'est aussi un avantage. Si nous devons protéger les élèves, nous les envoyons dans leurs dortoirs et nous avons juste à couper les accès du funiculaire. Il est impossible de monter à pied jusqu'aux cinquième et sixième étages. Allons-y.
A cet étage, la forêt se faisait moins dense, les plantes plus basses et plus éparses. Il y avait également plus de fleurs, d'arbres fruitiers. Contrairement à l'étage de la directrice, celui-ci semblait construit sur le flanc de la montagne et en longueur, non pas en profondeur, ce qui laissait passer bien plus de lumière. Il ne semblait pas y avoir d'escaliers pour atteindre les autres niveaux de l'école, juste des chemins en pentes, composés de terre poussiéreuse recouverte par des nattes tressées. Ici, les élèves s'entrecroisaient d'un pas pressé, le visage sérieux, semblant tous savoir quoi faire.
- Je suis affiliée à l'étage trois, annonça la directrice.
- Affiliée ? répéta Minerva en évitant un élève qui passait dans sa direction.
- Dans ce genre de situation, chacun doit savoir où aller et quoi faire pour être efficace. Autrement, imagine le bazar.
Minerva observa les étudiants et les professeurs agir autour d'elle. Ce n'était pas la cohue, elle pouvait même voir deux files distinctes sur les chemins pour éviter de se percuter.
L'étage trois était, semblerait-il, l'équivalent de la Grande Salle. Minerva comprenait pourquoi la directrice y était postée. C'était probablement l'endroit le plus à risques : la majorité de la pièce était à ciel découvert, ce qui faisait que l'endroit tenait plutôt lieu d'une grotte. La seule partie couverte était un espace qui ressemblait à un autel avec des statuettes et de l'encens et le chemin par lequel elles étaient venues. Le reste se trouvait à l'air libre, abrité seulement par des canopées de grandes toiles de tissu, simple protection au soleil. Déjà, des étudiants disposaient de lourds poteaux de bois pour incliner la toile et faire glisser l'eau qui tomberait vers le bas de la montagne. D'autres rassemblaient le mobilier vers le centre. Au milieu, un professeur semblait superviser le tout d'un œil acéré.
- Tu vois les sacs de sable là-bas ?
Minerva suivit le doigt de la directrice, qui pointait vers un abri de bois rempli de sacs de sable.
- Dispose-les le long des accès, cela évitera à l'eau de s'infiltrer dans les rouages du funiculaire.
Minerva hocha la tête et sortit sa baguette pour remarquer qu'autour d'elle, les élèves ne semblaient qu'agiter leur main avec une dextérité étonnante. Seule une fillette d'une dizaine d'années semblait lutter à ses côtés avec son sac de sable. Minerva s'apprêtait à l'aider lorsqu'un étudiant plus âgé surgit, les mains sur les hanches.
- Rosa ! Je te cherchais partout, tu es encore trop jeune pour aider, file.
La Rosa fit la moue mais obéit, comme si elle savait que son renvoi n'était qu'une question de temps. Son sac de sable retomba lourdement sur le sol et Minerva le récupéra, tandis que l'étudiant la raccompagnait vers un groupe de jeunes sorciers du même âge, attendant sagement devant le funiculaire.
Sans qu'elle s'en soit rendue compte, le ciel s'était assombri, et des nuages gorgés d'eau s'étaient amassés autour de la montagne. Les premières gouttes ne tardèrent pas à tomber, et Minerva entendit la directrice et le professeur crier quelques mots pour les encourager.
De temps en temps, Minerva sentait les regards s'attarder sur elle. Étant une des rares personnes de peau blanche, les autres étudiants devaient bien avoir remarqué qu'elle n'était pas une étudiante de l'école. Sans que lesdits regards soient désagréables, elle qui n'était en général pas à l'aise au centre de l'attention, essayait tant bien que mal de les ignorer. Entreposer bêtement ces sacs lui donnait l'impression de faire partie de leur groupe. Elle sentait leur dévouement dans leur volonté de protéger cette école. Mine de rien, inclure les élèves dans ce processus devait forcément créer un sentiment de communauté, de collectivité et de solidarité.
Lorsque les gouttes se mirent à tomber de plus en plus fort, la plupart des tables et chaises avaient été décalées au centre de la terrasse. Il n'y avait plus de sacs de sable à transporter, aussi, Minerva ne savait plus trop quoi faire. La directrice semblait occupée de son côté, tandis que certains étudiants tendaient la main au-dessus du vide pour sentir les gouttes de pluie.
- Tu devrais t'abriter, fit une voix derrière elle.
Elle se retourna et reconnut Saleh, un des gardiens de l'entrée. Elle le salua timidement avant de demander :
- N'es-tu pas censé surveiller l'entrée de la montagne ?
Saleh passa une main sur ses cheveux coupés à ras.
- J'ai fini mon roulement. Quelqu'un m'a remplacé. Je devais avoir un cours mais...
Il désigna le ciel.
- Cela arrive souvent ? s'enquit Minerva alors que la pluie s'intensifiait.
- Cela dépend des saisons. Aujourd'hui, ce n'est pas grand chose. Tant que l'orage ne s'invite pas, ce n'est pas très dangereux.
Derrière, la voix de la directrice ordonnait aux élèves de se réfugier dans la montagne. Elle arriva au niveau de Minerva.
- Ah, te voilà. Saleh, parfait, peux-tu emmener Minerva aux étages inférieurs avec les autres s'il te plaît ? Je dois vérifier les autres niveaux et voir si les protections des dortoirs ont tenu.
Saleh acquiesça et fit signe à Minerva de le suivre.
- Je croyais que les étages du dessous étaient aussi sujets aux inondations ?
- L'espace dans la montagne y est plus profond, expliqua Saleh. Ici, on ne peut pas abriter tous les élèves, alors on se répartit entre les étages un, deux et quatre.
Il la dirigea vers l'unique chemin qui semblait mener plus bas, une file d'étudiants s'y rendant déjà. Elle sentait que l'air s'était humidifié avec la pluie et son front se couvrit d'une fine pellicule de sueur.
- Où vont les plus jeunes dans ce genre de situation ? demanda Minerva en remarquant que tous les étudiants de l'âge de la petite Rosa étaient absents.
- Les élèves en dessous de treize ans ont interdiction de sortir lors d'opérations comme celle-ci. Ils sont envoyés dans les dortoirs, où des protections sont mises en place. Certains élèves sont chargés de les rassembler, de les accompagner et de les surveiller là-haut.
- Pourquoi treize ans ?
Il agita la main.
- Leur magie est encore trop instable pour être efficace. Ils pourraient nous noyer, plaisanta-t-il.
Minerva sortit sa baguette et l'observa.
- J'ai remarqué que vous n'utilisiez pas de baguette. Comment vous faites ? Chez nous, la magie sans baguette est une prouesse.
Saleh sembla être interloqué.
- Aucune idée. Ce n'est qu'un réceptacle, non ? Nous apprenons à maîtriser la magie directement avec nos mains, donc j'imagine que ce n'est qu'une question d'habitude.
Ils s'étaient arrêtés au deuxième étage, lui aussi composé d'une partie en intérieur et d'une autre en extérieur, comme une immense esplanade en terrasse. Juste en dessous, Minerva pouvait apercevoir l'étage inférieur avec sa terrasse plus étendue où se trouvait un espace (étrangement) gazonné mais vide.
L'étage où elle se trouvait était clairement un espace de loisir. Pour le moment, les poufs, les hamacs et les tables de picnic avaient été déplacés à l'abri, créant un joyeux bazar de monticule de mobilier sur lequel quelques étudiants s'étaient installés. La zone couverte paraissait particulièrement grande, car plusieurs tunnels s'enfonçaient dans le flanc de la montagne semblant mener vers d'autres pièces.
- Ce sont les étages préférés des étudiants, expliqua Saleh qui venait de s'improviser un rôle de guide de l'école. Ici, c'est principalement de la détente. Il y a une bibliothèque tout de même pour les recherches, mais on l'utilise très peu pour cela, car nous avons surtout des évaluations de pratique. Il me semble que chez vous, vous avez beaucoup de théorie ?
Minerva se demanda comment il savait cela, mais elle acquiesça.
- Le reste, je te laisserai explorer par toi-même, mais tu trouveras une salle de méditation, de repos, de prières. Si l'envie te prend de boire un thé ou un café sur la terrasse, des vendeurs des villages des alentours viennent de temps en temps à l'école avec leur stand. Le premier étage accueille le sport, dont le Quidditch, dont vous êtes très friands chez vous.
- Comment tu connais tout cela ? demanda-t-elle finalement.
Elle, ne savait rien de l'Ouganda, ni même de l'Afrique, et elle se sentait honteuse.
- Mon père travaille au ministère de la Magie ougandais, au service international, expliqua-t-il simplement.
Minerva regarda autour d'elle et fut surprise de constater que les élèves se mélangeaient assez facilement entre eux, que ce soit filles et garçons, ou même entre différents âges. Pour certains, il était clair qu'il y avait quelques années d'écarts entre chaque membre d'un groupe. Quelques-uns semblaient particulièrement âgés.
- A quel âge vous entrez et sortez de l'école ? s'enquit-elle alors qu'elle regardait une fille clairement plus âgée que Minerva.
Saleh suivit son regard.
- Cela dépend. Il n'y a pas vraiment d'âge de fin de scolarité, n'importe qui peut venir apprendre la magie, mais en général, les plus âgés ont la vingtaine, peut-être 25 ans ? Quant aux plus jeunes, l'âge légal d'entrée est à 10 ans, pas avant. Mais chacun est libre d'entrer à l'école quand il le souhaite. Avant, on avait cinq ans d'études mais avec la colonisation britannique, l'école a été influencée et a augmenté ses années à sept, comme en Angleterre. Au bout de ces sept années, on est autorisés à rester jusqu'à trois années de plus, mais c'est surtout pour assister l'école dans les tâches de sécurité, parfois d'enseignement. Travailler en échange du logis et des repas. De ce que j'ai compris en discutant avec la directrice, c'est dans ce genre de programme que tu as été placée. Maintenant que tu as achevé tes sept années d'études, tu vas pouvoir assister des enseignants tout en étant logée et nourrie.
- Tu sembles proche de la directrice, remarqua-t-elle.
Elle avait noté qu'il avait l'air plus au courant du système de l'école, plus familier avec Tumusiime. Saleh haussa les épaules.
- J'ai aussi étudié pendant sept années et j'en suis à ma troisième et dernière année de volontariat. Tumusiime me connaît bien, elle est comme une tante pour moi.
- Et tu enseignes ?
- Pas du tout, répondit-il. J'assure la sécurité à l'école. Sur mes dernières années d'études, j'ai commencé à être un des gardiens à l'entrée. J'ai décidé de continuer mais à temps plein sur ma première année de volontariat car l'école manquait d'étudiant qui pouvaient allier études et ce genre d'activités. Maintenant, je travaille aussi avec la directrice sur l'administration.
Le système de Uagadou était encore plus différent de ce qu'elle avait imaginé. A Poudlard, des personnes étaient embauchées pour faire ce genre de travail. Si les étudiants devaient se focaliser sur des activités extra-scolaires mais aussi des travaux d'intérêts généraux, comment pouvaient-ils pleinement étudier ?
- Je sais à quoi tu penses, mais nous ne sommes pas si débordés que cela. Nous n'avons que très peu de cours à Uagadou. Ces missions ne sont pas obligatoires, la majorité n'en fait pas. Mais elles nous permettent d'avoir de l'expérience professionnelle.
Minerva s'apprêtait à lui expliquer que l'expérience professionnelle, ils pouvaient l'acquérir durant leur premier emploi, avant de se rappeler qu'elle avait eu de grandes difficultés à s'adapter au Ministère justement à cause de ce manque d'expérience. Qu'elle avait eu le sentiment d'être perdue, pas à la hauteur, peu professionnelle. Et finalement, elle profitait actuellement de ce système apparemment.
La pluie tombait drue dehors, tellement que Minerva peinait à distinguer les contours des rares arbres du désert. La situation paraissait habituelle pour les étudiants qui riaient entre eux, jouaient à un jeu de cartes... Ils paraissaient tout bêtement attendre que la pluie se calme pour remettre tout en ordre et vaquer à leurs occupations. Mais certains, déjà, quittaient les lieux.
- Ça va être l'heure du repas. Je pense que la directrice va vouloir te présenter. Quand la pluie ne se calme pas au bout de trente minutes de forte intensité, il nous est demandé de retourner à nos activités. En général, ceux n'ayant rien de prévu se portent volontaire pour surveiller l'évolution de la météo mais comme c'est le dîner... tu comprends bien que personne ne veut rester là le ventre vide !
Il lui fit signe de le suivre pour remonter là où ils étaient précédemment. Minerva ne dit rien mais elle ne se souvenait pas avoir vu d'endroit abrité pour dîner, seulement la terrasse en extérieur qui justement, avait été évacuée à cause de la pluie. Mais Saleh semblait savoir où il se rendait car au lieu de retourner au même endroit, il longea la grotte jusqu'à une petite entrée dissimulée sous des feuillages et lianes devant laquelle une file d'étudiants patientait déjà.
- C'est notre salle de secours, plaisanta Saleh en plissant ses yeux sombres en amande. En général, on mange tout le temps dehors, sauf en cas de météo comme celle d'aujourd'hui.
Le tunnel qu'ils empruntèrent était profond, sombre et étriqué. Pas étonnant que certains étudiants soient partis plus tôt de la terrasse, l'attente devait être interminable en heure de pointe. Quand Minerva eut l'impression qu'elle allait étouffer entre les pierres humides,le tunnel s'ouvrit enfin sur une immense salle circulaire aux murs lisses, comme s'ils avaient été polis par l'eau d'une cascade. Des feux magiques étaient suspendus dans des globes tout autour de la salle ainsi que sur les tables rondes. Tout était en bois, et les chaises étaient en fait des morceaux de troncs d'arbres découpés.
Si l'école avait jusqu'à lors démontré un esprit de collectivité et de proximité entre étudiants et professeurs, la table de ces derniers était tout de même détachée du reste, rectangulaire et légèrement en hauteur. Une deuxième, plus petite, se tenait à côté. Enfin, au fond, était dressée une immense table qui longeait le mur et offrait un buffet aux plats infinis. Minerva y remarquait des drapeaux qu'elle ne connaissait pas au dessus de la nourriture et des boissons.
- Vous vous servez vous-même ? demanda-t-elle à Saleh tandis que les étudiants s'installaient dans un brouhaha.
Saleh acquiesça.
- Avant, la nourriture apparaissait directement sur les tables, mais au fur et à mesure que de plus en plus d'étudiants de tous les pays d'Afrique venaient, chacun voulait de la nourriture de leur pays ou d'un autre, et cela créait un bazar pas possible quand les étudiants se déplaçaient entre les tables pour piquer la nourriture des autres. Maintenant, on se débrouille avec ce buffet, et tout le monde est satisfait.
Intriguée, Minerva demanda également :
- Et comment vous asseyez-vous ? Par Maison, pas âge ...?
Elle remarquait que les tables ne pouvaient accueillir qu'un maximum de six étudiants. Cela parut rendre Saleh encore plus interloqué.
- Des Maisons ? Non, on s'assoit comme on le souhaite. Nous les volontaires, on dispose de notre propre table près des professeurs.
Il lui attrapa gentiment le bras pour la guider.
- Dis, c'est quoi une maison dans votre école ?
Elle lui expliqua que Poudlard était séparé entre quatre Maisons, représentant chacune des états d'esprit, des personnalités.
- Cela nous permet de nous rassembler, de créer un sens communautaire. Des tensions, aussi, admit-elle en pensant à la rivalité Gryffondor-Serpentard.
Saleh hocha la tête, songeur mais peu convaincu.
- Je comprends l'intérêt.
- Mais ? devina Minerva en tirant sa chaise alors que Tumusiime apparaissait dans l'entrée de la salle.
La directrice les vit et se dirigea d'un pas nonchalant vers eux. Saleh sembla réfléchir.
- Je ne sais pas... L'idée me semble étrangement non applicable chez nous. Ah, Madame Tumusiime, vous voilà.
Tumusiime les salua.
- Tout est sécurisé aux étages, merci pour votre travail.
- Madame Tumusiime, vous saviez qu'ils avaient un système de maisons en Angleterre ?
- Bien sûr. Un système avec ses points forts et faibles, n'est-ce pas ? Ici, ce serait même un système dangereux.
- Justement, pourquoi ? demanda Saleh et Minerva eut l'impression que la discussion tournait à un cours privatif.
Tumusiime leur enjoignit de s'asseoir.
- Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais pour plus de simplicité je dirais ceci : notre continent est déjà bien assez divers, avec bien assez de tensions entre Humains et même sorciers. Des tensions politiques, financières, sociales... L'existence même de cette école, avec autant d'ethnies et de nationalités si différentes, est un exploit. Nous n'avons pas besoin de Maisons. Elles ne créeraient aucun sens communautaire et exacerberaient les divisions. C'est un sujet intéressant et complexe, mais pour ce soir, mieux vaut aller vous chercher à manger.
Saleh hocha la tête.
- Merci Madame Tumusiime.
Minerva songea aux paroles de la directrice. Depuis son arrivée, le moindre détail, le système entier insistait sur la coopération et le solidarité : pour grimper à l'entrée de l'école, pour sécuriser l'entrée de l'école, le volontariat, le rapport à la Nature, accepter ses dangers et vivre avec en harmonie, le buffet aux multiples nationalités, les tables autour desquelles s'installaient les amis et non pas des Maisons... Savoir que les autres élèves seraient toujours un soutien devait sûrement représenter une charge mentale en moins.
Elle rejoignit à petits pas hésitants Saleh, en pleine réflexion sur son dîner. Minerva observa le buffet qui s'étalait devant elle. Elle ne reconnaissait rien, excepté le riz et quelques légumes. Elle sentait des effluves de citron, de cacahuètes d'elle ne savait quel plat, apercevait probablement de la banane flambée, de la viande séchée, marinée, grillée, recouvertes de sauce ou d'épices, des ragoûts... Séparément, elle reconnaissait des ingrédients, mais jamais elle n'aurait pensé faire de tels mélanges. Après tout, elle n'était pas non plus grande cuisinière et la plupart des légumes et fruits présents n'avait jamais constitué son régime personnel. Elle n'avait jamais vu autant de bananes rassemblées au même endroit. La dernière fois qu'elle en avait mangé, c'était à Poudlard, mais en dehors de l'école, il était plus difficile d'en trouver et surtout, c'était bien trop cher.
Elle se décida avec précaution sur un ragoût de viandes et de légumes mijotés qui dégageait des odeurs prometteuses (et non épicées, contrairement à d'autres).
- Prends du riz avec, suggéra Saleh. Avec ton plat de Harira, c'est délicieux.
Minerva décida de suivre son conseil et de retourner à sa table. Assise plus loin avec d'autres étudiants, Hoda l'observait avec un sourire en coin. Minerva ne savait que trop penser d'elle. Même si elle était digne de confiance selon Saleh et la directrice, elle ressentait une sorte de gêne en sa présence. Sans que cela soit malsain, elle avait une forme de malaise.
La salle s'était bien remplie et le brouhaha des discussions résonnait dans la grotte. Tous les professeurs avaient rejoint la directrice autour de la table rectangulaire et celle de Saleh et Minerva était désormais composée de trois autres volontaires qui regardaient la nouvelle arrivante avec des yeux curieux. Après un silence, Minerva les salua et se présenta.
- C'est toi qui sera avec le Professeur Sékou ? demanda une des volontaires.
- Heu, peut-être, répondit Minerva sans savoir qui était le professeur en question.
La fille désigna un homme à la table des professeurs et Minerva reconnut celui qui supervisait l'étage qu'elle avait aidé à protéger. La volontaire se présenta comme étant Inaya, elle veillait à la préservation de la faune et flore de l'école avec le professeur de biodiversité, l'équivalent de la botanique de Poudlard.
Tumusiime finit par se lever et Minerva sentit que le moment de sa présentation arrivait. Son cœur fit un bond dans sa poitrine alors qu'elle tentait d'essuyer ses mains moites sur son pantalon.
- Je vous demanderai de bien attendre que la pluie s'arrête avant de remettre le mobilier en place. Comme d'habitude, les élèves de moins de treize ans sont priés de ne pas participer.
Tumusiime jeta un coup d'œil à Minerva, lui faisant signe de se lever. Le tabouret émit un raclement dans le silence de la grotte et tous les regards convergent vers elle.
- Comme je vous l'avais annoncé, une sorcière écossaise, diplômée de l'école de Poudlard va séjourner chez nous quelques temps en tant que volontaire enseignante de métamorphose. Je vous demanderai de lui réserver un accueil chaleureux.
Les étudiants applaudirent poliment, semblant jauger Minerva du regard. Celle-ci remarqua que les rares étudiants de peau blanche étaient en majorité rassemblés entre eux, et sans savoir pourquoi, elle en ressentit un malaise. Elle demanderait à Saleh des détails, songea-t-elle en se rasseyant.
Une main se posa sur son coude, et Minerva se retourna pour voir le professeur Sékou penché dans sa direction. Elle se leva, le salua.
- Je serai ton tuteur, annonça-t-il. Demain matin, viens devant mon bureau, nous verrons ensemble les missions que je vais t'assigner.
Il repartit sans un mot de plus et Minerva se rassit, sans trop savoir quoi penser. Saleh la rassura après avoir une bouché de poulet :
- Professeur Sékou n'a pas l'air comme ça, mais c'est un enseignant attentionné. Il ne le montre pas trop, mais il ferait tout pour ses élèves. Il n'est pas si sévère que ce que les étudiants disent, il souhaite juste nous voir réussir. Tu verras, tu es entre de bonnes mains.
Saleh ajouta enfin qu'il lui expliquerait comment se rendre au bureau du professeur Sékou le lendemain et Minerva lui fit reconnaissante. Elle avait l'impression de vivre une deuxième première rentrée scolaire. Comme lors de son premier jour à Poudlard, elle allait devoir apprendre un nouveau système de vie, rencontrer de nouvelles personnes, se perdre dans le labyrinthe de couloirs, espérer ne pas arriver en retard aux cours... Mais cette fois-ci, au-delà de la peur, elle ressentait une fibre d'excitation qu'elle n'avait pas ressentie depuis un moment. Elle avait hâte d'être à demain, hâte de se familiariser avec ce nouvel environnement, d'apprendre aux côtés de professeurs collègues.
Pour la première fois depuis trop longtemps, elle allait se coucher en espérant que le temps passe plus vite, en espérant être immédiatement à demain.
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