Chapitre 61 : Hellébore noire recherche glaïeul
Bonjour !!
Voici la suite de Minerva ! Je vous l'annonce, les choses vont de plus en plus s'accélérer dans la vie de Minerva au Ministère, et j'ai hâââââte
Merci à tout le monde pour vos retours, vos votes, vos commentaires, votre gentillesse tout simplement, MERCI <3
Je vous souhaite une très bonne lecture !
Chapitre 61 : Hellébore noire recherche glaïeul
Minerva n'avait pas encore eu l'occasion de contacter Alfie. Avec l'approche des fêtes, de plus en plus de collègues avaient posé leurs jours de congé et Minerva remarquait bien que l'absence des employés inquiétait Elphinston. Elle aussi avait réalisé que si chacun n'avançait pas plus rapidement dans les dossiers, ceux-ci finiraient par les noyer après leurs retours de congés. A nouveau, la jeune femme avait tardé à se signaler. Dougal avait entamé sa guérison et elle savait devoir faire de même. En étant aussi proche de lui, elle craignait que les souvenirs affiliés à leur environnement commun ne la refassent plonger. Elle avait conscience d'être encore fragile psychologiquement sur ce sujet-là. D'un autre côté, revoir sa famille lui offrirait un réconfort bien mérité après ses derniers mois douloureux.
Sans surprise donc, Urquart vint la retrouver un soir alors qu'elle quittait le Ministère. Il la rattrapa à petites foulées alors qu'elle traversait le hall principal.
- Minerva, attendez !
Sa façon de s'adresser à elle et son visage détendu lui indiquèrent rapidement qu'il avait revêtu sa casquette de « l'ami Elphinston » et non pas « le supérieur Urquart ». Il mettait un point d'honneur à laisser son poste hiérarchique au bureau, ce qui rendait leur relation très saine lorsqu'ils se retrouvaient tous les deux à discuter.
- Pour une fois que nous quittons le bureau en même temps, remarqua-t-il en s'arrêtant à ses côtés. Vous avez reçu ma note ?
L'air interrogateur de Minerva lui répondit, et il sembla soulagé.
- Je vous y proposais d'aller boire quelque chose, puisque nous sommes samedi.
Minerva jeta un coup d'œil à sa montre. Il n'était pas très tard et comme il le disait, demain étant dimanche, ils ne travailleraient pas. Du moins, Minerva n'irait pas au Ministère, car elle emportait souvent avec elle quelques dossiers à rectifier pour le dimanche afin de prendre de l'avance sur sa semaine.
Elle accepta, prévenant qu'elle ne buvait pas d'alcool. Si avant elle refusait d'en boire pour une question de goût, aujourd'hui elle y associait également la période durant laquelle il lui arrivait de boire pour oublier et parfois, parvenir à dormir. Elle y raccrochait trop de mauvais souvenirs.
- Je le sais. Je connais un bon endroit, ne vous en faites pas.
Minerva le regarda de biais.
- Qui vous dit que je n'ai pas fait semblant de ne pas avoir vu votre note ? Partir comme je l'ai fait aurait pu être un moyen délicat de ma part de refuser votre proposition.
Elphinston parut presque trébucher, embarrassé. Il la regarda d'un air mi-inquiet mi-amusé.
- Vous seriez venue me voir, non ?
C'était probablement vrai.
- Vous auriez sûrement inventé une excuse, plaisanta-t-il.
Minerva rougit. Ça aussi, c'était vrai. Il commençait à la connaître.
- Où est-ce que l'on va ? demanda-t-elle lorsqu'il furent sortis chacun des toilettes qui les ramèneraient au monde moldu.
- Un de mes endroits préférés à Londres. Pas très connu, et ce n'est pas plus mal.
- Nous restons chez les moldus ? s'étonna Minerva.
- Je n'emmènerais pas n'importe qui là-bas, sourit-il, la plupart des collègues ou de mes connaissances ne savent pas se tenir dans un monde qui n'est pas sorcier. C'est gênant par moments. Vous, vous y êtes plus que familière, n'est-ce pas ?
Il l'entraîna dans des rues parallèles, loin des rues encombrées de fêtards, de soldats en uniformes apparemment en permission, de femmes pressées à l'allure élégante qui lui rappela sa mère. Elphinston finit par s'arrêter devant une devanture qui avait tout l'air d'une librairie plus que d'un bar. Minerva haussa les sourcils mais Elphinston avança d'un pas assuré, bien habitué par les lieux.
- Les gens ne s'arrêtent pas les samedi soirs pour aller lire un livre, expliqua-t-il en voyant son regard interloqué. La pièce principale se trouve au sous-sol.
- Ce n'est pas très bon pour les affaires ça, si ?
Elphinston referma la porte derrière elle et haussa une épaule.
- L'endroit s'est constitué un groupe d'habitués. Tout va bien pour le gérant. Suivez-moi. Attention à votre tête, ajouta-t-il en posant la main sur l'encadrement de pierre qui menait à un escalier étriqué. Et attention aux marches.
- Si vous vouliez me tuer, il fallait prévenir, vous savez.
Le rire d'Elphinston lui parvint, étouffé entre les murs froids éclairés par quelques lampes aux lueurs orangées.
- Je vous emmène dans un endroit qui sauvait des gens. C'était un ancien abri durant la guerre que les moldus ont réhabilité. Ils sont doués les moldus, à se réapproprier des endroits malheureux. C'est plutôt intelligent.
Minerva sourit. Il était tellement rare qu'un sorcier souligne positivement les actes des moldus. Mais encore une fois, sa femme ayant été moldue, il avait lui aussi vécu avec un pied dans ce monde.
En bas des marches, Minerva entendait une musique de jazz provenant d'un gramophone. Un simple lourd rideau de velours était à écarter afin d'entrer dans la pièce suivante. C'était une grande salle circulaire aux murs étrangement recouverts de bibliothèques et étagères remplies de livres. Quelques personnes dansaient aux sons entraînants mais la plupart discutaient avec entrain sur des tables enfoncées dans des alcôves.
- A la place des clients, dit Elphinston, c'était là qu'ils mettaient les masques à gaz. Et là où se trouve le bar, continua-t-il en pointant sur sa gauche, étaient entreposés des réserves de nourritures, des boîtes de conserve...
- Comment vous savez tout ça ? s'étonna Minerva alors qu'il les entraînait vers une table.
- Je m'y suis réfugié quelques fois durant la guerre. Mes bureaux étaient à côté.
Minerva eut comme un vertige. Elle avait tendance à oublier que son supérieur était bien plus âgé qu'elle et que lorsqu'elle avait quatre ans aux début de la guerre, lui devait déjà avoir fini Poudlard.
Pour se changer les idées elle attrapa la carte et remarqua que toutes les boissons étaient des cocktails sans alcool avec des mélanges qu'elle n'avait jamais vu de sa vie. Du sureau, du pamplemousse, du romarin, de la verveine.
- J'aime la diversité de ce qu'ils offrent. La délicatesse de ce qu'ils préparent.
- C'est-à-dire ?
- Vous connaissez le langage des fleurs, Minerva ?
Minerva haussa les épaules.
- Pas trop. Des choses basiques, peut-être. Pourquoi ?
- J'aime à penser que chacune de leur boisson, en fonction des ingrédients qui s'y trouvent, ont les capacités de vous faire rire, de vous consoler, de vous donner de la force... C'est psychologique, mais c'est une habitude que j'ai prise : boire un verre en y associant une fleur et mes émotions que je ressens.
- Et vous vous y connaissez ? Je veux dire, vous savez à quelle émotion est reliée quelle fleur ?
- A force d'en boire, oui, s'amusa-t-il. Vous avez choisi ?
Minerva n'y connaissait rien au langage des fleurs alors elle prit ce qui lui semblait bon. Elphinston, lui sembla longuement pondérer son choix, comme s'il analysait quelle émotion allait décider de son cocktail. Il finit par se porter sur une base de géranium, avant de partir commander. Elle trouvait cela drôlement surprenant de la part d'Elphinston de s'intéresser au langage des fleurs. Peut-être tout bonnement parce qu'il s'y intéressait pour le simple plaisir, et non pas parce que cela lui apporterait quoique ce soit. Elle se demanda si elle aussi avait des passions de ce genre sans caractère utilitaire. Elle qui buvait fréquemment des infusions aux œillets, que cela voulait-il dire de ses émotions ?
Alors qu'Elphinston revenait avec les verres, elle observa autour d'elle. Il n'y avait pas forte affluence, résultat d'une vitrine en leurre et probablement d'un passé de guerre que trop devaient percevoir dans cet ancien abri anti-aérien. Et pourtant, les gens y dansaient, y discutaient joyeusement en conversations passionnantes, intimes, timides. Pour une fois dans un espace public, il était interdit de fumer en raison des plafonds particulièrement bas.
- Vous avez dit que vous vous étiez retrouvé ici durant la guerre, reprit Minerva après l'avoir remercié pour le verre. Vous travailliez dans quoi ?
- Oh, je faisais partie des rares sorciers enrôlés. Non pas de force bien sûr, les Sang-Pur ne sont pas enregistrés chez les moldus et n'étaient donc pas appelés, contrairement aux Nés-moldu et Sang-Mêlé. Mais quelques rares Sang-Pur ont demandé à rejoindre les forces Alliées. Moi, j'ai eu un accident de balai plus jeune avec dislocation de l'épaule, ce qui m'a rendu inapte. Ils m'ont envoyé dans les bureaux, au service de logistique et ravitaillement du front.
- Quand avez-vous rejoint l'armée ?
Elphinston but une gorgée de son verre avant de répondre.
- Dès que je suis sorti de Poudlard, en 1940.
Il eut un regard doux pendant quelques secondes avant d'enchaîner :
- C'est à ce moment-là que j'ai rencontré ma femme d'ailleurs.
La fameuse femme moldue, songea Minerva.
- Elle travaillait au même endroit ?
Il secoua la tête.
- Elle était institutrice. Pendant le Blitz, elle s'occupait de l'administration et l'accompagnement des enfants qui quittaient la capitale pour se réfugier en campagne. Un jour, elle est venue me réclamer de l'approvisionnement pour les enfants qui partaient de Londres.
Il s'esclaffa, comme s'il revivait la scène.
- Je n'étais pas à l'aise. Elle me faisait passer pour un sans-cœur qui ne voulait pas nourrir des pauvres gamins. Mais il était hors de question de passer en cours-martiale pour avoir détourné de la nourriture destinée à des soldats sur le front. Les sorciers avaient pour principale mission de se faire tout petit au milieu des moldus.
- Et alors, elle est tombée amoureuse d'un homme au cœur de pierre donc ? plaisanta Minerva.
Elphinston sourit.
- J'ai, comment dire, importé de la nourriture du monde magique. Nous avions moins de restrictions à l'époque, la magie nous aidait à faire pousser plus rapidement et plus efficacement ce dont nous avions besoin. Elle n'en a jamais rien su, bien sûr.
Minerva prit le temps de l'observer. En dépit de la mort de sa femme et de la douleur que cela avait dû lui procurer, il ne semblait pas triste. Nostalgique des bons moments, mais il paraissait avoir accepté l'idée qu'elle ne reviendrait pas.
- Je peux vous poser une question d'ordre privé ? demanda-t-elle soudainement.
Il eut l'air surpris mais il acquiesça.
- Comment...
Elle chercha ses mots, le sujet étant délicat et la touchant directement.
- Comment avez-vous fait pour tourner la page ? Vous aviez dit qu'elle était décédée après un an de mariage. C'est si court...
Elphinston eut un éclat dans ses yeux, qu'elle ne parvint pas à déchiffrer.
- Lorsque l'on aime, tout instant vous semble court. Si nous avions vécu quinze années ensemble, sa mort m'aurait semblé tout aussi injuste.
Il posa le menton au creux de sa main.
- Son accident m'a paru injuste. Elle a été renversée par une voiture. Quand vous vivez continuellement sous la menace des bombes en temps de guerre, une telle mort... c'est injuste, oui.
- Mais un an..., insista Minerva. Un an...
- Pendant une guerre, tout est différent, tout se fait plus vite. On se marie plus vite, notamment. Après quelques mois, nous étions mariés, ce qui, même pour nos connaissances, était particulièrement lent. Juste après sa mort, j'ai longtemps regretté ne pas avoir vécu certains événements avec elle. Tout ce qui aurait pu être et qui ne l'a pas été. Mais Minerva, il est douloureux de ressasser ces activités que vous n'avez jamais pu faire, ces évènements qui ne se sont jamais réalisés, ces dates qui ne sont jamais passées. Il est dur de vivre une vie de « et si » et de « peut-être ». Si seulement ma femme Linda n'avait pas oublié son foulard en sortant, elle n'aurait pas été percutée par la voiture. Si seulement le bus des enfants ne partait pas de Tottenham mais de n'importe où ailleurs, elle aurait pris un autre chemin et n'aurait pas perdu la vie. Si seulement, et si, alors peut-être que. J'ai beaucoup pensé à tout cela Minerva, affirma Elphinston après une gorgée tandis que la jeune femme l'écoutait intensément. Cela étant, j'ai pensé : et si elle m'avait vu faire de la magie ? Et si j'avais dû lui avouer ma condition ? Et si ma famille, qui n'était pas au courant de mon mariage, apprenait que j'étais en couple avec une moldue ? Après la guerre, qu'aurions-nous fait ? Vivais-je intensément notre amour parce qu'il était justement compliqué ? Vous comprenez ?
Minerva mit du temps à répondre.
- Oui. Oui, je comprends.
Comment n'aurait-elle pas pu ? Elle était la mieux placée. Le destin avait choisi de tuer Linda tandis que c'était Minerva elle-même qui avait décidé de tuer sa relation avec Dougal. Elle avait vécu ce qu'Elphinston aurait pu vivre un jour dans sa vie. Cette vie, la sienne, celle d'Elphinston ou de n'importe qui, étaient faites de coups du sort, d'enchaînement, de minuscules gestes qui entraînaient des proportions gigantesques. Si Linda n'avait pas oublié ce foulard... elle ne serait pas morte, elle aurait peut-être survécu à la guerre, aurait continué sa vie avec Elphinston, et celui-ci n'aurait jamais rejoint le Ministère, ne venant ainsi jamais à la Foire des Métiers de Poudlard. Minerva n'aurait peut-être jamais pris cette route professionnelle. Ou alors, Elphinston aurait avoué la magie à Linda, ce geste aurait peut-être fait grand bruit dans la communauté magique de la part d'un employé du Ministère. Peut-être que finalement, avouer ce deuxième monde à une moldue n'aurait entraîné aucune répercussion et Minerva aurait songé à cette même vie avec Dougal. Les possibilités étaient infinies. Si Dougal et elle avaient été mariés, leur passion les auraient-ils dévorés ? Minerva l'avait quitté alors qu'ils étaient si heureux ensemble. Sa douleur en était plus que normale. Si elle était restée, se seraient-il lassés de l'autre ? Elle ne le saurait jamais, et probablement, était-ce là le message qu'Elphinston voulait lui faire passer : il était inutile de se faire du mal sur une vie remplie de « si ».
- Je ne dis pas qu'une vie aurait été mieux que l'autre ou inversement, reprit Elphinston. Elles sont juste différentes et j'ai décidé de mener celle-ci au lieu de me noyer dans la précédente.
Il se pencha légèrement en avant, bras croisés sur la table.
- Tout cela, Minerva, c'est psychologique. Vous aurez beau avoir conscience de devoir tourner la page, si vous n'êtes pas prête, cela ne fonctionnera pas.
Minerva eut un regard troublé et se racla la gorge.
- Le plus important, c'est que vous ayez réussi à tourner la page, alors, j'imagine, balbutia-t-elle.
Il resta silencieux un moment, la fixant impassiblement.
- Oui, j'imagine, finit-il par souffler.
Pour une fois, aucune des deux ne transplanèrent pour rentrer chez eux. Ils empruntèrent le passage du Chaudron Baveur et marchèrent longuement jusque chez Minerva, prolongeant leur discussion.
- Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois à Poudlard, qu'est-ce que vous rêviez d'être ? De faire ?
Surprise par cette question, Minerva mit du temps à rassembler ses pensées. A ce moment-là, elle était en couple avec Lewis mais commençait à s'éloigner de lui, coupable de sa lâcheté et également inquiète de la tournure que prenait l'affaire Jedusor. Elle était bien perdue aussi. En dernière année de Poudlard, elle ne savait pas où elle voulait aller après l'école, elle était également assoiffée de victoire au Quidditch. Ce jour de la Foire aux Métiers, elle avait vu Filius exceller dans les duels, Alan et Lewis se diriger naturellement vers le stand choisi, Pomona avait sa voie toute tracée déjà. Aucun ne semblait s'inquiéter cette année-là, contrairement à Minerva.
- Je ne sais pas trop, répondit-elle finalement. Je voulais réussir, j'imagine, sans trop savoir comment.
Elphinston hocha la tête, pensif.
- De toute façon, continua Minerva, quand j'y réfléchis, beaucoup de choses se sont passées entre cette Foire aux Métiers et mon entrée au Ministère.
Sa rupture avec Lewis, le Quidditch avec le conflit entre Zimmerman et Grace et sa chute qui avaient révélé la tournure malsaine que prenait le sport aux yeux de Minerva, sa relation avec Dougal... Trois évènements principaux qui l'avaient à la fois détruite et construite.
- Tout est imprévisible, conclut-elle. Celle que j'étais il y a deux ans était bien perdue.
- Et aujourd'hui ?
Minerva ne sut que répondre. Perdue, peut-être un peu moins. Mais elle avait une désagréable sensation d'être en transition entre deux tranches de sa vie. Il y avait celle de Poudlard derrière elle... mais l'autre partie lui était inconnue. Et cette transition qui la mettait si mal à l'aise, était exacerbée par l'inconnue de son futur. Vers où allait-elle ?
Elphinston la laissa en bas de chez elle.
- Ne vous tracassez pas la tête, dit-il. Reposez-vous demain.
Minerva le remercia avant de passer le pas de sa porte. Il semblait avoir senti que la question identitaire était un sujet sensible chez elle, car très incertaine, très floue. Qu'elle était capable de ruminer toute la nuit à ce propos.
Elle allait monter les escaliers lorsque la porte du rez -de -chaussée s'ouvrit sur la propriétaire qui y vivait.
- Ah, c'est vous, fit-elle. Tout va bien ?
Minerva papillonna des yeux. C'était bien la première fois que la propriétaire se préoccupait de son bien-être.
- Heu, oui, pourquoi ?
La propriétaire croisa ses mains dans le dos.
- Non, c'est juste que... Enfin, j'ai cru voir la silhouette d'un homme par la fenêtre. Il ne vous embêtait pas ?
- Non, non, il me raccompagnait.
La propriétaire eut un fin sourire complice.
- Votre compagnon, peut-être ?
Minerva eut un hoquet.
- Pas du tout, c'était mon supérieur ! se défendit-elle tout en songeant qu'elle pouvait bien se mêler de ses affaires.
- Oh... Bien. Enfin, je suis sûre que vous trouverez quelqu'un de bien un jour !
Minerva haussa les épaules.
- Je ne sais pas. Je ne cherche pas, répondit-elle simplement.
La propriétaire secoua la tête.
- Non, non. Ce n'est pas bien de rester seule, vous savez. Et puis, vous ne pouvez pas vivre dans une si petite chambre jusqu'à votre mort non plus !
Minerva n'avait pas le cœur de répliquer qu'elle faisait ce qu'elle voulait.
- On verra, dit-elle sèchement en indiquant que leur conversation était terminée. Bonne soirée.
La propriétaire lui fit un signe de main avant de retourner dans son appartement. Minerva grimpa les six étages dans un soupir. Si sa propriétaire commençait à se mêler de sa vie privée, elle n'allait pas s'en sortir.
Dans sa chambre, une chouette qu'elle n'avait jamais vue l'attendait patiemment, à moitié endormie, sa patte posée sur une lettre. Au claquement de la porte d'entrée, Bonnie et la chouette sursautèrent et se mirent à hululer, l'une pour l'accueillir, l'une pour râler de son retard. Minerva caressa la première et donna de la nourriture à la seconde pour la récompenser de son travail.
- Qu'est-ce que tu m'apportes ?
Elle tira la lettre et la décacheta. C'était des nouvelles de Holly.
« Ma très chère Minerva,
Comment te portes-tu ? Nous avons été très silencieuses ces derniers temps. J'espère que tout se passe bien pour toi.
J'ai eu une période un peu compliquée chez les Harpies. Plus de deux ans déjà que je les ai rejointes et j'ai toujours stagné en remplaçante. J'ai été très naïve de penser que mon niveau à Poudlard me donnerait une meilleure chance dans l'équipe. Tout le monde est si doué. J'adore ce sport, ce métier, mais je m'ennuie, assise sur le banc, ou à enchaîner des entraînements où aucun entraîneur ne te regarde, aucune capitaine ne t'observe. C'est frustrant. J'ai beau m'améliorer, et je pense être assez douée pour concourir dans des matchs professionnels, rien n'y fait. On nous ignore.
J'ai préféré quitter l'équipe. Ne t'en fais pas, je travaille toujours chez les Harpies, mais je ne suis plus sur le terrain. J'ai juste changé de voie. »
Minerva s'assit sur son lit pour lire plus confortablement. Holly adorait tellement le Quidditch, il était étonnant qu'elle lâche son poste ainsi.
« Je m'épanouis bien plus, à vrai dire. J'ai rejoint une équipe de recrutement. Bien sûr, je ne suis qu'assistante pour l'instant je gagne moins bien ma vie, mais c'est tout aussi passionnant ! Avec mes collègues, nous nous rendons dans plusieurs pays pour repérer les bons joueurs de Quidditch, dans les matchs, dans les écoles. Les missions sont plus diverses, mes collègues sont très avenants. Et puis, je peux toujours jouer au Quidditch, pour le plaisir. Minerva, j'avais si peur de changer de voie ! J'avais un travail plutôt stable qui me permettait de vivre de ma passion, ce n'est pas donné à tout le monde ! Et j'ai trouvé encore mieux que ce que j'espérais. C'est effrayant aussi, de changer de voie. Suis-je en train de faire le bon choix ? Si je déteste mon nouveau poste, que vais-je devenir ? Je craignais d'être malheureuse.
Ce nouveau travail m'apporte tellement d'opportunités, professionnelles, comme humaines. J'ai rencontré la directrice de l'école de Uagadou, en Ouganda je crois (les avis ne sont pas clairs sur le lieu précis). Là-bas, les élèves apprennent la magie sans baguette ! Tu serais très impressionnée ! Il y a également un nombre phénoménal d'étudiants Animagus. Imagine, des gamins de quatorze ans par centaines, capables de se transformer en Animagus. Si tu as l'occasion de t'y rendre un jour, dis-moi ! Je m'entends très bien avec le professeur de Quidditch (même si ce n'est pas le sport principal de l'école), je lui en toucherai deux mots.
Avec toute mon affection,
Holly »
Minerva soupira d'envie en se laissant tomber sur son lit. Holly était si courageuse. Elle le disait si bien, elle avait été terrifiée de ne pas savoir ce qui l'attendrait en démissionnant de son poste d'attrapeuse. Minerva se demanda même si elle avait ressenti une forme d'échec. Ce n'en n'était pas un techniquement, mais Minerva savait qu'elle-même l'aurait ressenti. Elle relit à nouveau la lettre et tiqua lorsqu'elle parlait de ses doutes. « C'est effrayant aussi, de changer de voie. Suis-je en train de faire le bon choix ? Si je déteste mon nouveau poste, que vais-je devenir ? Je craignais d'être malheureuse. »
Je craignais d'être malheureuse.
C'était ce qui frappait le plus Minerva. Elle n'avait pas écrit « je craignais de ne pas être à la hauteur », ni « je craignais de ne pas être embauchée », « je craignais de ne pas avoir les compétences ». Non, elle avait craint de ne pas être heureuse.
« Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois à Poudlard, qu'est-ce que vous rêviez d'être ? » avait demandé Elphinston. Minerva avait répondu qu'elle avait voulu réussir.
Quelle sorte de vie était-ce, lorsque l'on mettait la priorité sur la réussite plus que le bonheur ? Était-elle en train de gâcher la seule vie qu'elle n'aurait jamais ?
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