Chapitre 55 : La tombée du rideau

Alors celle-là, vous vous y attendiez pas hein

Un chapitre... en avance ?? Bon c'est surtout que demain je travaille et comme le chapitre est prêt depuis ce début de semaine, autant vous le poster aujourd'hui ! (oui, oui le chapitre n'a pas été écrit la veille du post ou le jour J, je sais, c'est louche)

Il me semble que c'est les vacances en plus ce soir, en France du moins, profitez bien pour celles et ceux qui prendront une pause bien méritée ! Préparez bien Noël si vous le fêtez, profitez de votre temps en famille <3

Merci à toutes celles et ceux qui suivent cette histoire, qui la font vivre à travers des commentaires, des votes, des réactions <3

Très bonne lecture à vous !

Chapitre 55 : La tombée du rideau

L'affaire ne fit pas de bruit. Elle explosa, bien au-delà du Ministère, bien au-delà des frontières anglaises. Du moins, indirectement. Minerva n'avait guère fait attention aux nouvelles, elle n'écoutait que très peu la radio. Marchbank était en retard ce jour-là, et Minerva apprit plus tard qu'elle était en fait restée avec des collègues à débattre sur l'évènement qui venait de se dérouler. Minerva avait bien remarqué une certaine frénésie dans les couloirs, à laquelle elle avait prêté peu d'intérêt. Finalement, dérangée par le bruit, elle s'était décidée à sortir.

Les employés discutaient à grands renforts de gestes, journal en main. Quelques-uns se passaient les doigts dans les cheveux, l'air abasourdi. Minerva localisa Marchbank et alla la rejoindre.

- Que se passe-t-il ? s'enquit-elle, et sa tutrice lui tendit le journal, le même que tous les autres tenaient fermement.

- Le vacarme dont je t'ai parlé. Tu crois que cela ira plus loin ? demanda Marchbank en se tournant vers le collègue avec qui elle échangeait précédemment.

Minerva recula de quelques pas et lu l'en-tête qui paraissait en une.

« Le Grand Manitou en eaux troubles : le dossier qui fait mal »

En illustration, se tenait un homme à la moustache blanche, vêtu d'un long costume noir illuminé par les flashs des appareils photos. « John Hall, en bas des marches de l'entrée de la Confédération Internationale Magique » y était-il légendé.

« Le dossier que personne n'attendait et qui pourtant émerge à point nommé, sauf pour quelques-uns. Une enquête menée durant ces deux dernières années révèle que l'équivalent de 9 400 individus, moldus et sorciers provenant de la République Démocratique Allemande, ont pu passer en République Fédérale Allemande avec l'aide de sorciers et sorcières usant volontairement et à la vue de tous de la magie. L'information jusque-là tenue secrète, est arrivée sur le bureau du Grand Manitou et du grand public sorcier mondial.

Si le monde magique évite de s'ingérer dans cette guerre moldue opposant les deux blocs de l'Ouest et de l'Est, le Grand Manitou devra faire preuve de fine diplomatie afin de dissimuler ce scandale aux moldus ou du moins, éviter le conflit qui pourrait s'ensuivre.

Cette découverte éclate en parallèle des remous multiples effectués par la petite fille du Grand Manitou, Carlotta Pinkstone, récemment libérée de la prison d'Azkaban après avoir brisé le Secret International Magique pour la sixième fois. »

Minerva releva les yeux du journal.

- Comment ça se fait que ça sorte maintenant ça ?

Marchbank se mâchonna la lèvre inférieure et échangea un regard avec son collègue.

- Cela tombe très mal pour le Grand Manitou, admit celui-ci, cela tombe bien pour d'autres... peut-être étrangement trop bien.

- Le Grand Manitou est dans une position délicate, reprit Marchbank. La Confédération n'a pas le droit de s'ingérer dans les affaires des pays, mais le Secret International Magique en est une exception. Il n'est pas rare de la voir rappeler certains gouvernements à l'ordre. Tu connais déjà l'ambiguïté de la relation entre Carlotta Pinkstone et John Hall. Elle est protégée par son grand-père, ce que la plupart des sorciers trouve culotté. Personne n'en parle, mais...

- L'article dit que le Manitou doit soit dissimuler l'information soit faire preuve de diplomatie, releva Minerva en levant le journal.

- Comment veux-tu dissimuler cela ? D'ici la fin de la journée, cela aura fait le tour des Ministères sorciers qui demanderont une réaction de la part du Manitou.

- Et s'il ne fait rien ?

- S'il ne fait rien, cela sous-entendra qu'il valide les actes de ces passeurs. La Confédération se doit de dénoncer, alerter et réprimer tout acte magique réalisé face à des moldus, martela Marchbank, qu'on le veuille ou non. Et puis, l'information parviendra aux oreilles des Ministères moldus. C'est impossible de cacher ça. Les Etats vont en entendre parler ; le bloc de l'Est va accuser la Confédération de prendre parti pour un camp. La situation est déjà suffisamment tendue...

Marchbank soupira, secoua la tête, observa le journal avant de repartir en silence à son bureau. Le collègue pinça les lèvres.

- Si tu veux mon avis, le Grand Manitou est coincé. Il va être forcé de faire une déclaration de condamnation des actes. Et son continuel silence envers sa petite fille et notre Ministère va lui être rabattu au visage.

Le collègue jeta un bref coup d'œil en direction du bureau de Ross et Minerva l'imita.

- Il n'aurait tout de même pas... ? marmonna-t-il plus pour lui-même avant de lui aussi secouer la tête et de quitter Minerva.

La jeune fille resta immobile un moment, réfléchissant. Ross n'aurait pas pu prévoir cela. Il ne pouvait pas savoir qu'un tel dossier sortirait pile après le procès Pinkstone. Et puis de toute façon, elle ne parvenait pas à savoir quelle serait la finalité de toute cette histoire. Le plan, si plan il y avait, comportait des zones d'ombres que Minerva ne parvenait pas à éclaircir. Quelle en était la logique, le fil conducteur, le mécanisme ? Ce dossier, quel rouage enclenchait-il ?

Le reste de la semaine, les médias ne firent que parler du scandale, soulignant le silence hésitant opéré par le Grand Manitou Hall qui assurait vouloir peser ses mots afin de « garantir l'intégrité de chacun dans le respect du droit international ». Les différents Ministères de la magie avaient tempêté et même si elle n'en parlait pas, les employés du département de la Justice avaient deviné que la Ministre recevait continuellement des visites des dirigeants moldus, appelant à la justice ou à l'apaisement des relations. L'enquête avait révélé que les sorciers ayant utilisé de la magie face aux moldus étaient principalement originaires de France, Angleterre, Etats-Unis et Allemagne de l'Ouest. La nationalité britannique du Grand Manitou avait dirigé tous les regards vers la petite île britannique qui attendait avec angoisse que Hall prenne parole. L'attente mettait les gouvernements à cran et bien que les sorciers ne se mêlaient pas au monde moldu, Minerva avait ressenti un vent glacial s'installer entre l'Est et l'Ouest.

Plusieurs centaines de sorciers se réunissaient régulièrement devant le siège de la Confédération, appelant à une réaction de la part de Hall. Si ses choix avaient été limités quelques jours plus tôt, ceux-ci s'étaient drastiquement réduits à néant. Oser espérer que le scandale s'essouffle n'était désormais plus possible et consistait en une ligne rouge qu'aucune personne saine d'esprit ne pourrait franchir.

- Plus il attend, plus la probabilité pour que les deux camps se tirent dessus augmente, commentait Elphinston en sirotant son thé auprès de Minerva.

- Cela n'a pas l'air de vous inquiéter ? remarqua-t-elle d'un ton surpris.

- Bien sûr que si. Idiots sont ceux qui pensent que tout ceci n'est qu'une affaire de moldus. Les évènements historiques chez l'une des communautés ont toujours eu son impact chez l'autre. Actuellement, les gouvernements sorciers attendent une allocution de la part de M. Hall et lui mettent la pression. Mais eux-mêmes sont mis sous pression par les gouvernements moldus. Toute cette guerre idéologique est moins perçue chez les sorciers, donc nos gouvernements auraient bien plus à perdre si la situation venait à dégringoler.

- J'ai l'impression que tout le monde a peur, fit Minerva, que tout le monde s'énerve, dénonce, condamne... De simples paroles vont-elles suffire à apaiser la situation ?

- Vous seriez surprise du pouvoir des mots, Minerva. Dire, c'est aussi faire, dans certains cas. Dans une bonne situation, avec des mots prononcés par la bonne personne, vous pouvez faire acte.

Minerva fronça les sourcils, cligna des yeux.

- Je ne comprends pas.

Elphinston sourit et leva la tête au plafond, réfléchissant un instant.

- Prenons cet exemple : imaginez que je désigne un collègue au hasard et vous annonce que vous deux êtes désormais mariés, que me diriez-vous ? Que c'est impossible. Pourquoi ? Parce que je n'ai pas le pouvoir ni le statut de vous marier et que la situation -le lieu, entre autres- ne s'y prête pas. A l'inverse, une personne habilitée à marier des personnes et officiant dans un lieu désigné par le mariage, obtiendra le pouvoir des mots lorsqu'il prononcera « je vous déclare mari et femme ». Vous voyez ?

- Je crois, oui, acquiesça Minerva. Donc vous pensez que, parce que M. Pinkstone prononcera les bons mots, dans un lieu propice, la situation peut s'arranger ?

Elphinston ne répondit pas immédiatement, semblant imaginer la scène.

- J'en doute. Je sais, je sais, je vous ai sous-entendu le contraire, s'amusa-t-il en voyant Minerva ouvrir la bouche pour le contredire. Cela va avoir son effet, c'est sûr. Mais il aura tardé, beaucoup tardé. Ce long silence, il va falloir lui trouver une explication, voire une sentence.

De quel type de sentence parlait-il, Minerva n'en n'avait aucune idée.

La réponse lui parvint le lendemain, six jours après la révélation du scandale. Le collègue qui avait discuté avec Marchbank surgit dans leur bureau, suivit par deux autres collègues.

- Il va parler ! annonça-t-il en posant une radio sur le bureau de Marchbank.

Il s'y pencha, tournant les boutons afin de mieux capter derrière le crachotement. L'un des collègues s'adossa à la porte et croisa les bras, dans l'expectative, tandis que le second prenait une chaise et y croisait les jambes. Minerva les observa. C'était bien la première fois qu'elle trouvait les employés habités par une étincelle de vie et qu'ils sortaient de la spirale du travail. Elle posa elle aussi sa plume et s'adossa à sa chaise.

Finalement, le collègue réussit à trouver la bonne fréquence. Hall avait déjà commencé à parler, sa voix mesurée crachotant à travers la radio.

- ... conscience de l'inquiétude de nos citoyens. La situation, déjà instable, a pris un autre tournant il y a quelques jours. Les évènements derniers ont démontré un usage massif de la magie dans une zone à risques élevés. Notre communauté magique déplore les tensions qui sévissent chez nos compatriotes moldus ; bien que nous compatissions avec leurs difficultés, il nous est tout aussi important de prendre un recul nécessaire mais douloureux. La protection de chacun commence par une maîtrise juste de nos devoirs. L'un des nôtres est de ne pas interférer dans la vie moldue, tout comme nous ne souhaiterions pas qu'ils le fassent chez nous. De ce fait, et en conséquence des actes opérés durant ces deux dernières années, je condamne fortement les agissements clandestins réalisés à la frontière entre la République Démocratique Allemande et la République Fédérale Allemande. J'en appelle au bon sens et à la responsabilité de chacun d'entre nous afin de ne pas céder à la panique et à la plus violente part de notre conscience. J'en appelle également à la mesure de la part des gouvernements moldus afin de préserver les populations.

- Il est amusant, lui, bougonna le collègue contre la porte, la mesure et le bon sens ont disparu de ce monde depuis bien longtemps. Ils n'en seraient pas là sinon.

- Chut, il n'a pas fini, fit Marchbank en levant la main.

- Cette situation ne relève malheureusement pas d'une simple crise ponctuelle. Ces actes, perpétrés depuis maintenant deux ans, se sont déroulés de manière régulière. Notre incapacité à repérer ces agissements répétitifs démontre un échec qu'il m'est forcé de constater. Cet échec a évolué en des proportions qui s'étendent bien au-delà de nos frontières et de notre communauté. C'est pourquoi, après longue réflexion, je vous annonce avec humilité et regret que je me retire de mes fonctions de Grand Manitou de la Confédération Magique.

- Oh bah merde, souffla le collègue assis qui en décroisa les jambes.

Après ces mots, la radio se remit à crépiter. Était-ce là la sentence dont parlait Elphinston ? Avait-il réagi à temps, cette démission aurait-elle été nécessaire ? Une petite voix dans sa tête lui soufflait que oui. Condamner les faits à la frontière des deux Républiques allemandes, mais garder le silence par six fois lorsqu'il s'agissait de sa petite fille et de sa fille ? D'une manière ou d'une autre, il aurait été forcé à la démission.

- Mais qui va le remplacer ? finit par demander Minerva.

Marchbank haussa les épaules.

- Probablement quelqu'un particulièrement sévère sur la question du Secret International Magique.

- Préparez-vous à une refonte du gouvernement, murmura le collègue en reprenant sa radio et en se levant.

Il échangea un regard entendu avec Marchbank et un par un, les collègues sortirent. Minerva jeta un œil interrogateur à sa tutrice.

- Emma Pinkstone est sur la sellette, répondit-elle simplement.

***

Le jour des élections était arrivé. Pour l'occasion, dix représentants pour chaque département avaient été sélectionnés afin d'être témoin des résultats et avaient été installés dans l'hémicycle du département de la Justice. Les candidats avaient été placés tout en bas face à une estrade composée de la Ministre et des directeurs des départements actuels. Marchbank avait été tirée au sort parmi les représentants du département de la Justice, ainsi que Ross. Ce dernier avait l'air serein, contrairement à Emma Pinkstone, assise à l'estrade, les lèvres pincées. Minerva avait été conviée en sa qualité de greffière avec Haminston afin de retranscrire le déroulement de la cérémonie.

La Ministre semblait particulièrement tendue ; à raison, puisqu'à elle-seule revenait le choix des directeurs même si elle était conseillée. Si chacun avait droit de faire campagne pour le poste, celle-ci n'était pas obligatoire. Bien sûr, les chances de se faire élire étaient donc minimes, mais si la ministre estimait que son choix était le bon, alors elle le soumettait.

- Messieurs dames les directeurs de départements, les représentants. Greffiers. Merci de votre présence pour cette nomination quinquennale si essentielle au bon fonctionnement de notre gouvernement. Les temps sont durs et nous avons besoin de chacune de nos forces, chacun de nos atouts afin de mener, ensemble, notre communauté sur une vie paisible, respectueuse de leurs besoins.

Elle s'éclaircit la gorge.

- Mes choix ont été longuement réfléchis. Ils sont le reflet des capacités qui peuvent être offertes au gouvernement et des réponses pouvant être apportées pour assurer notre stabilité. Candidats, représentants : merci de vous lever pour les nominations gouvernementales.

Il y eut un bruissement de capes et de robes alors que tous se redressaient dans un murmure collectif.

- Département des transports magiques : Otto Buth.

Il y eut des applaudissements polis ; M. Buth gardait son poste qu'il avait espéré renouveler. Le département des Jeux et Sports Magiques n'eut pas non plus de changement, contrairement à la Coopération Magique. Minerva avait entendu que l'ancien directeur avait renoncé à une prolongation de poste au dernier moment. Elle se demanda si, comme Hall, il avait été poussé à la démission après le procès de Satya.

- Département des Accidents et Catastrophes magiques... Emma Pinkstone, veuillez me rejoindre et me remettre votre écharpe d'élue.

Ce n'était pas surprenant, mais les représentants s'entre-regardèrent en gigotant sur place. Une fois John Pinkstone écarté de la Confédération, la Ministre n'avait pas hésité à se débarrasser de celle qui la dérangeait, Emma Pinkstone. Sans sa protection paternelle, elle n'était plus rien. Qui allait donc la remplacer ?

La Ministre resta silencieuse quelques instants. Emma, amère, avait rendu son écharpe et s'était assise parmi les représentants, les mains tremblantes.

- Gerhart Flint. Veuillez remettre votre écharpe de directeur de la Justice et enfiler celle de directeur des Accidents et Catastrophes magiques.

Cette fois-ci, les représentants n'essayèrent même pas de cacher leur surprise. Flint ? Changer de département ?

-J'ai conscience que vous n'étiez pas candidat mais vous avez prouvé à de multiples reprises que vous portiez l'intérêt sorcier au sommet de vos priorités. Notre communauté a besoin de se savoir protégée des interférences extérieures.

Tous se tournèrent vers Flint, y compris Minerva qui s'attendait à ce qu'il refuse le poste. Mais elle semblait avoir loupé un indice important dans la matrice, car Flint ne semblait pas le moins du monde pris de court. Il arborait même un sourire à la fois confiant et satisfait alors qu'il descendait les marches de l'hémicycle afin d'arborer l'écharpe que Pinkstone portait quelques minutes auparavant.

- Je serais très honoré de revêtir ce rôle et vous remercie de votre confiance.

Alors qu'il rejoignait l'estrade des élus, il fut impossible à Minerva de rater le regard victorieux que Flint lançait à son adversaire. Minerva se tourna vers Marchbank, plus loin. Celle-ci plissait les yeux tout en mâchant sa lèvre. Elle paraissait réfléchir à la suite de la cérémonie. Si Flint laissait son poste à la Justice, qui prendrait sa place ? Qui obtiendrait le poste le plus haut placé du département le plus prestigieux du Ministère ?

- Au département de la Justice Magique, je nomme M. Leopold Ross.

Minerva ne lâcha sa plume. Yeux ronds, elle regarda son collègue Haminston lui demandant silencieusement si lui aussi avait entendu la même chose. Il paraissait également tomber des nues, cependant il se pencha à nouveau sur son parchemin après avoir enjoint Minerva à faire de même. Mais la jeune fille se tourna vers son grand-père qui se levait sous les murmures déconcertés. L'avocat renié et sali par son scandale familial, désormais à la tête du département de la Justice ?

- Il est désormais temps de récompenser nos meilleurs éléments. Maître Ross est l'un de nos plus brillants avocat, qui a toujours démontré être prêt pour plus de responsabilités.

Ross inclina la tête en guise de remerciement, atteignit l'estrade, s'inclina légèrement pour accueillir l'écharpe autour de son torse. Puis il serra la main de la Ministre, se dirigea vers les élus et s'arrêta auprès de Flint. Minerva surpris un échange entre eux, une connivence. Pourquoi une telle satisfaction commune alors que Marchbank avait assuré qu'ils ne s'entendaient pas, que Ross avait toujours voulu le poste de Flint ? Aussitôt qu'elle émit cette réflexion, elle eut comme un déclic. La logique de l'article contre Pinkstone, le rouage, voilà ce qu'il enclenchait : le poste de directeur. Si les deux hommes se réunissaient régulièrement, ce n'était très certainement pas pour parler de l'affaire mais de leur plan final.

Tout n'était pas encore très clair dans l'esprit de Minerva, mais elle était persuadée que ce plan avait été réalisé à deux dans le but d'obtenir ce qu'ils souhaitaient : Flint, si acharné pour la préservation du Secret Magique, si désireux d'enfermer Pinkstone pour de bon mais éternellement bloqué par les relations de Carlotta et Emma, allait pouvoir mener sa mission à bien à la tête du département des Catastrophes et Accidents magiques. Emma avait perdu sa protection et du fait de son renvoi, Carlotta avait également perdu la sienne. D'autant plus que désormais, Flint ne laisserait plus aucune incartade passer. La gérance du département des Catastrophes et Accidents magiques étant libre, Flint avait pu s'y positionner. Il avait fait bien du bruit lors des derniers procès des Pinkstone ; comment la Ministre aurait pu ne pas voir qu'un employé tel que lui était disponible pour prendre la relève de Pinkstone ? Par effet boule de neige, la tête de la Justice magique s'était libérée. Mais comment Ross aurait pu avoir la certitude d'avoir le poste ? Et surtout, pourquoi s'embêter à défendre Emma Pinkstone ?

La dernière nomination se déroula comme dans un brouillard, avec une femme élue dont Minerva ignorait l'identité. Elle avait repris sa plume mais écrivait mécaniquement, réfléchissant toujours au plan complexe que Ross avait mis en place. Toutes les informations semblaient avoir été révélées mais elle ne parvenait pas à les remettre dans le bon ordre pour reconstituer le fil rouge.

A la fin de la cérémonie, elle enroula son parchemin, rangea sa plume et son encrier dans son boîtier personnel et s'empressa de rejoindre Marchbank.

- Ah, brillant avocat, brillant stratège, fit celle-ci avec une mine désabusée. Je me doutais qu'il préparait quelque chose, mais tout de même...

Elle secoua la tête et Minerva ne répondit pas.

- Enfin, il restera mieux que Flint, reprit Marchbank et Minerva ignorait si elle lui parlait ou si elle était entrée dans un monologue. Mais sa méthode, ah...

Elle se frotta le bras, effaçant un frisson invisible. Minerva acquiesça. Elle ne retirait aucun bénéfice ni désavantages à cette élection et pourtant, elle avait l'impression d'avoir été manipulée, voire d'avoir été prise pour une imbécile. Les employés représentants retournaient à leurs bureaux, marmonnant dans leur barbe, l'air de ne pas réaliser que le lendemain, Flint aura disparu sans remords de leur département pour être remplacé par Ross.

De la porte ouverte de son bureau, Minerva pouvait voir Ross mettre ses affaires dans un carton, prêt à prendre la place de Flint.

- Tu comptes le fixer longtemps comme cela ?

- Je ne comprends toujours pas comment il a fait, répondit Minerva à sa tutrice en ne lâchant pas son regard.

Marchbank soupira.

- C'est assez simple, pourtant. Flint et Ross ont formé une alliance pour obtenir leur poste respectif. Tout le monde sait que Ross voulait la direction de la Justice. Flint est obsédé par le Secret International magique, tu l'as vu. Il sera bien à son nouveau poste.

- Alors quoi, ils ont juste parié sur le fait que la Ministre leur donnerait le poste ?

- La Ministre ne voulait qu'une chose, se débarrasser d'Emma Pinkstone. Elle n'apprécie peut-être pas Flint, mais au moins il ne la rendra pas ridicule auprès de la communauté internationale ; n'importe qui ferait l'affaire à la place de Pinkstone. Et je te rappelle que Ross est très réputé. Son scandale l'empêchait d'atteindre les sommets mais sa réputation était bel et bien installée. Il lui suffit de glisser quelques mots à la Ministre et le tour est joué. En échange, Flint, Sang-Pur sans reproche, a pu proposer le nom de Ross pour le remplacer. Un simple échange de bons procédés.

- Et l'article ? Cela aussi, cela fait partie de leur plan ?

Marchbank parut réfléchir.

- Je ne sais pas. Ross a beaucoup de relations, cela ne m'étonnerait pas qu'il ait la main sur certains journaux.

- Ce journal a failli créer de sérieux problèmes, répliqua Minerva en fronçant les sourcils. Il était réellement prêt à menacer la paix internationale pour son poste au Ministère ?

Marchbank posa un regard pensif sur Ross et ne répondit pas.

Minerva se leva. Elle avait besoin de réponses. Cette sensation de s'être fait rouler ne la quittait pas, d'une certaine façon.

- Je peux t'aider ?

Ross semblait d'humeur apaisée après sa victoire, et Minerva fit la moue. Elle chercha longuement ses mots, ce qui fit hausser les sourcils de son grand-père.

- L'article de la semaine dernière, dit-elle finalement. C'était vous ?

- Je ne suis pas journaliste aux dernières nouvelles, lâcha-t-il avec flegme.

Minerva serra les dents. Voilà, elle n'arrivait pas à saisir quel type de personnage il était, mais elle haïssait cette part de lui : il avait le don de rendre ridicule autrui et cela l'insupportait.

- Vous savez très bien de quoi je parle. Avez-vous, oui ou non, demandé la publication de cet article juste avant les élections afin d'écarter Hall et Pinkstone ?

- Cet article était prêt bien avant et allait de toute manière faire l'objet d'une publication. J'ai juste retenu le moment de vérité. Oui, bien sûr, je l'ai fait en fonction de mes plans mais en aucun cas ces faits sont des inventions. L'écartement de Pinkstone n'était qu'une question de temps. Avait-il réagi plus tôt, peut-être serait-il toujours en poste.

- Vous n'y croyez pas.

Ross leva les mains, paumes vers le ciel.

- Personne ne le saura jamais.

Minerva eut un esclaffement. Son audace la sidérait. Elle n'eut pas l'occasion de répliquer car quelqu'un fit irruption dans le bureau. Telle une furie, Emma Pinkstone se pencha sur Ross, mains posées à plat sur le bureau.

- C'était quoi ça ?

- Une mise à pied, Madame Pinsktone, répondit simplement Ross et Minerva crut que Pinsktone allait se jeter sur lui pour le mordre ou quelque chose dans le style.

- C'est un renvoi sans préavis, rectifia-t-elle. Etes-vous responsable ?

- C'est la Ministre qui décide des nominations, pas moi.

Pinkstone se redressa, ses yeux bleus brillant d'ébahissement.

- Ne jouez pas au plus imbécile. J'ai des droits à défendre. Maître Ross, défendez-moi à nouveau en procès, je vous en prie.

Ross prit une mine étonnée.

- Vous me traitez d'imbécile et vous voulez que je vous défende ?

- Ce n'est pas...

- D'autant plus que ce ne sera pas possible, coupa Ross. Je vous ai déjà défendue au précédent procès, la déontologie m'empêche de vous défendre à nouveau. On m'accuserait de prendre parti.

- La déontologie ?

Pinkstone se tourna vers Minerva, l'air de lui demander si elle avait bien entendu comme elle.

- Ne me faites pas passer pour une naïve. Votre déontologie, vous l'utilisez quand cela vous arrange, persifla Pinkstone. J'aurais dû me méfier que vous acceptiez de me défendre. Vous qui avez été victime de votre scandale familiale, pourquoi auriez-vous défendu une personne dont la fille ne fait que briser le Secret International ?

Minerva sursauta, comme ayant reçu un électrochoc. Elle avait été si stupide ! Emma avait raison : la fille de Ross était partie avec un moldu, ce qui avait jeté sa famille dans l'opprobre. A cause de cela, il n'avait pu gravir les échelons et était resté à son statut d'avocat, Flint lui volant son poste et lui faisant miroiter ses infimes chances de le remplacer. Pourquoi irait-il défendre Emma et sa fille s'il n'avait pas un autre but derrière ? Les interactions moldues et sorcières avaient détruit sa réputation, il n'avait aucun intérêt à le rebâtir en défendant Emma qui passait son temps à menacer le Ministère de révéler l'existence des sorciers aux moldus si sa fille venait à subir une implacable sentence. Sauf si cela lui apportait autre chose.

- Vous avez accepté le procès pour vous faire remarquer par la Ministre, intervint Minerva obtenant l'attention de Ross et Pinkstone. C'était un cas difficile et vous n'aviez que peu de chance de remporter le procès.

Mais Ross, encore une fois, était brillant. Il avait dû être persuadé de remporter le procès.

- En le gagnant, vous montrez que vous êtes aptes à mener ce département... A l'inverse, Maître Flint, si ardent dans sa défense du Secret International, montre que sa place se trouve au département des Catastrophes magiques.

Ross ne répondit rien, avouant silencieusement que Minerva avait bien suivi son raisonnement. Le reste n'était qu'historique. Après avoir montré à la Ministre qu'il était efficace et surtout, disponible pour un poste plus élevé, il avait juste à libérer l'évènement déclencheur qu'était l'article et qui permettait de libérer les postes désirés.

- Vous me dégoutez, cracha Pinkstone.

Minerva sentit que c'était là la défaite qui parlait, car Pinkstone aussi avait son bagage en manipulation. Elle était juste tombée sur plus fort qu'elle. Et dire que Minerva l'avait trouvé manipulatrice... elle n'était rien comparée à Ross.

Si seulement Minerva avait réussi à lire entre les lignes. Si seulement elle avait usé de ses deux yeux, de ses deux oreilles au lieu de chercher à demander des réponses. Tous les indices étaient présents, et pire, Minerva savait des choses que la plupart des employés ignorait. Elle était le sang de Ross, la fille de celle qui avait créé le scandale au couple Ross. Elle était directement impliquée et pourtant, elle n'était pas parvenue à lire son environnement. Avait-elle réussi, elle aurait eu aucun mal à comprendre les manigances de Ross. Pas étonnant qu'il n'avait pas apprécié que Minerva vienne lui parler de faux témoignage et de corruption. Si le procès n'avait pas eu lieu, pire, si le jury avait découvert que le grand avocat Ross avait utilisé un faux témoignage, jamais il n'aurait pu installer son pouvoir dans l'esprit de la Ministre.

Les mots de Carlotta, avant son emprisonnement, lui revinrent en tête : « vous comprendrez rapidement que la Confédération, le Ministère... tous sont corrompus jusqu'à la moelle. Si vous voulez rester ici, adhérez-y, ou utilisez-le pour votre propre intérêt. » Corruption, manipulation : était-ce la recette miracle pour s'élever au sein du Ministère ?

Elle se sentit stupide. Naïve, trop innocente. Humiliée, même. Pourquoi une telle réaction ? Ses collègues étaient tout aussi déroutés qu'elle, mais ils ne le prenaient pas personnellement. Était-ce à cause de sa relation familiale ? Parce qu'elle avait travaillé sur le procès ? Qu'il l'avait menée en bateau tout le long ? Parce que cela lui donnait la dynamique qui rythmait le Ministère et que cela la rendait malade ?

Elle ne se rendit même pas compte que Pinkstone, venimeuse, était emmenée à l'extérieur par des employés.

- Vous prenez cette histoire trop à cœur.

Cela faisait bien trois fois qu'on lui disait cette phrase. A croire que pour vivre dans ce Ministère, il fallait ne pas avoir de cœur du tout.

- Vous m'avez prise pour une imbécile avec vos mensonges.

- Je ne t'ai pas menti, soupira Ross en passant au tutoiement. J'ai juste préféré cacher certaines informations.

Minerva haussa un sourcil à la limite du mépris.

- Cela vous va bien de dire ça.

Ross eut un fin sourire amusé.

- N'as-tu pas fait la même chose ?

Minerva tiqua. Elle lâcha son expression mauvaise pour plisser les yeux d'incompréhension.

- Tu crois que je ne suis pas au courant que tu es une Animagus et que c'était toi qui nous espionnait Pinkstone et moi, dans le hall du Ministère il y a quelques semaines de cela ?

Elle sursauta. Comment avait-il deviné ?

- Je m'informe toujours sur mes collègues, en particulier ceux qui travaillent étroitement avec moi. Ton nom apparaît dans le journal Métamorphoses de nos Jours. Bravo, félicita-t-il et Minerva trouva que c'était les pires félicitations qu'elle n'ait jamais reçues. Il y est indiqué que tu as été formée par le professeur Dumbledore pour devenir Animagus. Je n'avais qu'à aller regarder le registre des Animagi et ton nom y était bien inscrit. Un chat. Je ne t'ai pas suspectée directement. Mais j'ai revu ta forme d'Animagus dans les rues du Chemin de Traverse, près de la boutique de Messieurs Trye et Pinkstone. Cela pu rester une simple coïncidence mais peu après, tu es venue me voir, parlant de faux témoignage. Tu avais relié les indices entre eux et tu as mentionné les paroles d'Emma Pinkstone qui assurait bien me payer pour cette affaire. N'est-ce pas de la dissimulation d'informations ?

- Je ne vois pas en quoi cela a un rapport avec l'affaire, se défendit Minerva en croisant les bras.

Ross se redressa sur son siège, sans se départir de son air assuré.

- Tu veux un rapport avec l'affaire ? Je vais t'en donner un.

Il se leva.

- Tu crois que je ne sais pas qui tu es ? reprit-il et Minerva sentit le sang quitter son visage. Tu crois que je ne reconnais pas les traits de ma fille chez toi ? Les yeux de ton père, qui était venu sonner à notre porte un soir proche de Noël ?

Minerva recula d'un pas.

- Tu crois que je ne t'avais pas reconnue à Halkirk, à visiter la tombe de ma mère ? La fuite de ta mère est directement reliée à mon statut que j'ai traîné au sein de ce ministère, la fuite de ta mère est la raison pour laquelle je dois me démener pour obtenir la place que je mérite dans ce département.

- Vous n'avez pas le droit de dire cela, bredouilla-t-elle. Vous êtes son père, comment pouvez-vous critiquer les choix qui font son bonheur... ?

Elle se trouvait presque honteuse de dire cela, elle qui avait si souvent jeté la pierre à sa mère pour avoir repoussé la magie.

- Tu me dis ceci, répondit Ross en la fixant droit dans les yeux, mais qui était ce jeune moldu à Halkirk, avec qui tu es repartie ?

Le fantôme de Dougal apparut immédiatement sous ses yeux, sa main chaude l'emmenant loin de son grand-père alors qu'il la tirait d'une mauvaise situation.

- Il fallait être aveugle pour ne pas comprendre votre relation, continua Ross et une boule se forma dans la gorge de Minerva. Pourtant te voilà au Ministère, ce qui signifie qu'une seule chose : tu as renoncé à cet homme pour être ici.

Une larme roula sur la joue de Minerva. Elle se sentait acculée, menacée au plus profond de son être, malade que son grand-père voit si clair en elle, qu'il saisisse toutes ses faiblesses.

- Tu me demandes de faire preuve de compréhension envers le choix d'Isobel, mais il y a quelques mois de cela, tu as pris la décision de prendre la direction opposée.

Minerva avait envie de réfuter ses paroles, de secouer la tête. Pourtant, il avait raison sur toute la ligne. Ce grand-père qui ne la connaissait presque pas, avait mis au jour ses blessures, ses plaies qui ne guérissaient pas et qui continuaient à saigner. Il avait relevé son rang de sorcière, sa décision d'écouter son ambition et non pas son amour.

Il avait fait émerger son sang de Ross, et elle en avait peur.

J'espère qu'il vous a plu ! J'ai été plus inspirée parce que pour une fois je savais ce que je voulais écrire en amont dans ce chapitre au lieu d'être en totale impro ^^'

Je l'avoue, je me suis permise une micro-référence à BTS dans le titre du chapitre XD si vous me suivez sur insta, j'avais dit que Jin, l'un des membres, partait faire son service militaire obligatoire (et que mon cœur se serrait, c'est faux, mon cœur en saigne lol), et le matin de son départ (le jour où j'ai fini d'écrire ce chapitre) il a posté sur un réseau social "le rideau tombe" ; lui faisait référence à un jeu vidéo et il voulait absolument mettre la phrase pour son départ, moi j'ai juste saisi une autre réf en plein vol pour mon chapitre parce qu'en plus ça correspondait à la thématique hahaha (et puis cœur sur Jin)


VOILA

Allez, passez de bonnes vacances et de très joyeuses fêtes !! <3

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