Chapitre 36 : Défiler la pelote de ses erreurs
Bonjour !
Et c'est avec une semaine de retard que je vous poste ce chapitre... Encore une fois désolée ! J'essaie d'être régulière le plus possible, mais mes études restent encore très compliquées à gérer, c'est la fin et ça se ressent haha (oui je dis ça alors que j'étais à Annecy hier, considérez ça comme une journée de break)
Merci pour votre patience <3
Aussi ! Je doute que vous soyez au courant, mais j'ai un mémoire à écrire pour achever mes études, et cela porte sur la Corée du Sud (bon je vous donne le sujet en large hein) et bref, je voulais faire des enquêtes sur le terrain (interview et observations etc). Tout ça pour dire qu'en mai/juin, je m'envole pour la Corée et vous imaginez même pas à quel point ce projet me tient énormément à cœur (demandez à Perripuce annabethfan et Cazolie elles suivent mes avancées depuis je ne sais combien de temps, same pour Renarde_de_Brume) ! Je vous dis ça maintenant parce que j'ai pris mes billets y a quelques jours haha. Si ça vous intéresse, je posterai sur mon compte insta !
Pour les prochains chapitres, je continuerai d'alterner avec Perripuce, donc je posterai la semaine prochaine pour ne pas perturber le rythme. Ensuite on reprendra un chapitre toutes les deux semaines !
Chapitre 36 : Défiler la pelote de ses erreurs
Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle s'ennuyait. Frustrée peut-être, était le mot. Loin de la communauté magique, elle avait l'impression d'être à l'écart de la vie, enveloppée dans la bulle familiale. Elle s'imaginait Cora entourée de livres et parchemins volants, Alan à faire des pieds et des mains pour intégrer n'importe quel laboratoire médical magique, Filius faire sa valise pour la France, Pomona pour le Brésil...
Minerva grogna et roula sur le côté, le nez dans le gazon de son jardin (le sien cette fois). Pas de mariage de Fleamont, pas de Grace à entraîner, pas de cours à préparer. Chercher un travail ? Oui, accessoirement. C'était d'ailleurs allongée dans l'herbe qu'elle était le plus efficace : son esprit cartésien avait besoin d'un espace ouvert pour oser emprunter des chemins hypothétiques. Elle avait été ravie de pouvoir éliminer le secteur de la finance et de la vente de ses projets. Bravo. Parfois elle se disait qu'elle abusait, qu'il fallait aller à l'encontre des sorciers pour créer des contacts et décrocher une place. Un emploi ne tombait pas tout cuit dans le bec. Puis elle se souvenait qu'elle ne savait même pas quelle direction prendre, et il n'y avait rien de pire que de chercher sans savoir où aller.
La joue contre son bras, les lunettes de travers, elle suivit du regard une abeille butiner plus loin.
- Apicultrice ? murmura-t-elle pour elle-même. Ah, n'importe quoi ! s'exaspéra-t-elle avant de se détourner à nouveau.
Pour être honnête, elle s'appuyait beaucoup sur ses excellents résultats aux ASPICS. Majore de promotion, elle avait eu droit à des félicitations en bonne et dû forme et s'était régalée de pavanement face à Alan.
***
Vêtu d'une somptueuse et pimpante robe violette qui jurait affreusement avec l'auburn de ses cheveux, le professeur Dumbledore lui faisait de discrets signes de la main, accompagné d'une femme brune et frisée, inconnue du corps professoral. Minerva avait une vague impression de déjà-vu en s'approchant et la dame lui offrit un sourire.
- Je suis ravie de vous revoir à nouveau, dit celle-ci en tendant une main aimable. Rachel Van Kaas, de Métamorphoses de nos jours. Vous étiez venue dans nos locaux il y a quelque temps.
Minerva se souvenait surtout de l'interrogatoire en règle qu'elle avait subi, mais reconnaissait que Van Kaas avait été la plus aimable et courtoise.
- Le professeur Dumbledore n'a eu de cesse de louer vos qualités, continua-t-elle tout en faisant rougir la Gryffondor. Je crois qu'il est très fier de vous avoir comme élève.
- Ah... Ça a été un honneur pour moi également, répondit Minerva en tripotant ses doigts devant elle. Mais je ne suis désormais plus étudiante malheureusement.
Malheureusement, oui. Il y avait ce côté rassurant d'être étudiante, d'être choyée dans ce cocon de Poudlard, d'avoir des enseignants qui la soutenaient, étaient sévères, d'être entourée d'amis qu'elle connaissait depuis des années, de retrouver sa tour de Gryffondor perchée au septième étage... Courir dans les couloirs parce qu'elle avait raté le réveil, taper du pied devant la salle de bain parce qu'une de ses camarades prenait trop de temps, enfourner une plâtrée d'œufs brouillés avant sa première heure et en mettre un peu sur sa jupe. La nettoyer dans les toilettes abandonnées parce qu'elles étaient les plus proches de sa salle de classe, claquer des dents dans les serres et frissonner de peur et d'excitation en s'approchant de la Forêt Interdite, casser ses dents dans les biscuits de Hagrid, récupérer un peu de bave de Crockmou. Attendre le courrier et l'ouvrir au coin du feu, pleurer quand il y avait trop de cendres dans l'âtre et que certaines atteignaient ses yeux, boire un verre d'alcool interdit en compagnie de l'équipe de Quidditch, frotter sous le savon ses mains pleines d'encre... Pourquoi n'avait-elle jamais réalisé que ces petites choses, souvent agaçantes, faisaient partie de sa vie de Poudlard ? Cet ordinaire, qui n'avait été jusque-là que banal, venait tout à coup de se transformer en extraordinaire. Elle se doutait bien que cette nostalgie naissante l'envahissait particulièrement en cet instant alors qu'elle recevait les compliments de son mentor, habillée de sa robe de cérémonie noire au col rouge et de sa coiffe carmin.
- J'ai beaucoup appris grâce à Poudlard, reprit-elle alors qu'elle sentait qu'un certain silence s'installait. Sur moi, sur mes proches, mes passions... Je ne sais pas encore trop où je vais, mais je sais par quels moyens.
Et aussi cliché que cela pouvait paraître aux yeux de beaucoup, c'était en restant fidèle à elle-même qu'elle avancerait droit. Dumbledore lui avait prouvée qu'elle avait de la valeur, Grace et Lewis, à leur manière, lui avaient montrée que l'honnêteté, la transparence, l'intégrité, comportaient plus d'or que n'importe quelle coupe, que n'importe quelle reconnaissance par autrui. Si elle les acceptait, elle ne les recherchait plus avidement.
Poudlard n'était pas juste une école : chacun d'entre eux ou presque, y avait vécu des joies comme des peines, des désillusions, des victoires comme des échecs, était tombé amoureux et avait rejeté... Chacun d'entre eux avait un jour détesté cet endroit, avait été ravi de prendre le train du retour, avant de se languir du 1er septembre. Ils avaient grandi et mûri ici. Ceux ne s'étant pas encore trouvés après les sept années, étaient en chemin.
***
Elle avait reçu la récompense « révélation de l'année » par le journal, pour une édition qui paraîtra à la fin du mois prochain. Cette fois, elle doutait recevoir des remarques désobligeantes à son égard.
- Tiens, Minerva ? Tu peux apporter ça chez les voisins ? Mme McGregor adore ça apparemment.
Sa mère se tenait dans l'entrebâillement de la porte, un plat de pommes confites dans les mains.
Minerva se redressa, des brins d'herbes dans les cheveux.
- Pourquoi moi ?
- Pour m'aider, peut-être ? Et puis, tu n'as pas l'air très occupée.
Minerva scella ses lèvres et regretta de bonne grâce son comportement désagréable. Elle se leva et prit le plat avant de franchir une énième fois la délimitation qui séparait son jardin de celui des McGregor. Ses yeux papillonnèrent vers l'annexe de Dougal, et elle se demanda s'il y était. Elle s'approcha de la porte d'entrée de la maison principale, mais se figea en entendant des éclats de voix. Même si elle ne percevait pas les mots, elle distinguait le timbre plus aigu de Helen McGregor. Gênée, Minerva recula de quelques pas. Peut-être qu'elle devrait juste déposer le plat par terre... ? Elle n'avait guère envie de se retrouver mêlée à une dispute de couple.
- Je n'ai pas fini, jeune homme, ne t'avise pas de sortir !
Minerva tituba encore plus, car les voix s'étaient rapprochées et, avant qu'elle ne puisse abandonner son colis et filer, la porte d'entrée s'ouvrit, non pas sur Hamish McGregor, mais sur Dougal. Il avait un regard beaucoup plus sombre et les sourcils froncés. Il parut aussi surpris de la voir qu'elle. Helen arriva derrière, l'air courroucé. Il y eut un bref silence durant lequel Minerva crispa ses mains sur le plat. Cette situation lui rappelait celle qui avait opposé Mme Rollin et son fils. Minerva n'avait jamais pu mettre la dispute au clair, qui l'avait fortement perturbée.
- Hum, désolée, je suis chargée de vous apporter cela, fit Minerva en tendant le plat devant elle. J'ai entendu dire que vous les aimiez... ajouta-t-elle en regardant Helen.
Peut-être que les pommes confites apaiseraient les tensions. Helen et Dougal y jetèrent un coup d'œil et Minerva sut immédiatement que quelque chose clochait. Le coin de la bouche de Dougal s'affaissait et Helen agrippa son torchon dans ses mains.
- Ou pas, couina Minerva. Je vais vous laisser, alors.
Dougal s'avança et lui attrapa le bras.
- Viens avec moi.
Puis il l'entraîna vers son annexe et Minerva entendit Helen claquer la porte dans son dos.
- Désolée, je suis arrivée au mauvais moment, dit Minerva alors qu'ils entraient dans le petit salon.
- Ce n'est pas ta faute.
Silence. Dougal s'affairait dans la cuisine attenante, mais il avait surtout l'air de vouloir s'occuper les mains.
- On m'a dit que ta mère adorait les pommes confites, ajouta Minerva inutilement. Mais elle n'a pas eu l'air de les apprécier. Je peux les ramener chez moi.
- Non. Ma mère adore. Moi aussi. Tu peux les laisser.
Interloquée, Minerva déposa le plat sur la table de cuisine.
- Remercie ta mère. Et merci à toi d'être venue. Je sais que ça te coûte beaucoup de voir mon affreux visage, dit Dougal ironiquement.
Minerva fit la grimace. Il avait beau plaisanter, elle avait l'impression qu'il cachait quelque chose et que cette chose le minait. Aussi, elle évita de balancer un sarcasme (et pourtant, elle en avait plein en stock) et préféra une nouvelle approche :
- Dis, tu vas bien quand même ? Sinon... enfin, si t'as besoin de parler, je peux faire un effort et ne pas t'envoyer balader.
Dougal haussa les sourcils.
- Ta manière de consoler est extrêmement originale, tu sais.
- Je n'aurais rien dû dire et te laisser avec tes pommes, grogna Minerva en se drapant de sa dignité et tournant les talons.
Dougal contourna la table et la rattrapa par une pression légère sur le bras.
- Excuse-moi, je n'ai pas été clair. J'apprécie ton aide, et je suis content que tu me l'offres.
Minerva hocha la tête. Ce qu'elle notait avec surprise, c'était que contrairement à beaucoup d'autres, il ne cherchait pas à reporter la faute sur elle et sa fierté mal placée.
- Je ne veux pas en parler tout de suite, continua Dougal, mais tu le sauras bientôt.
- Pas de souci. Quand tu veux.
- Je peux venir te voir quand je veux ? répéta le jeune homme qui reprenait son sourire classique ironique.
- N'abuse pas non plus.
Elle sortit, le visage rose. Voir un Dougal en colère lui avait fait bizarre, et elle se demanda quel sujet était capable d'effacer le sarcasme de son visage. Quelle conversation avec sa mère amenait tant de tensions ?
Cette réponse, elle l'eut quelques jours plus tard. Déjà, elle reçut une lettre. Pas par hibou, mais dans la boîte aux lettres. Comme les moldus. Son père était venu dans sa chambre, aux anges, l'air ravi de penser que sa fille avait des amis qui utilisaient des moyens conventionnels pour communiquer. Minerva avait ouvert la lettre, pour réaliser qu'elle provenait très exactement d'une cinquantaine de mètres à côté, soit de son voisin. Au début, elle avait trouvé cela ridicule : il aurait pu venir chez elle et lui parler directement. Puis elle s'était souvenue de la réaction de son père quand un garçon était venu pour elle chez les McGonagall. Finalement, c'était peut-être mieux ainsi. Pas qu'il y ait quoique ce soit d'ambigu, bien sûr.
La missive était très courte, elle lui demandait juste de venir dans le bois qui jouxtait leurs deux jardins.
A l'heure prévue, c'est une Minerva intriguée qui sortit de chez elle, prétextant une balade dans les alentours. Sa famille n'y verrait que du feu. Elle avait toujours du mal à s'adapter à nouveau à la présence des trois enfants au complet. Malcolm flirtait allègrement avec une Beth qui avait rompu avec le batteur de Poufsouffle depuis la demi-finale et la blessure au poignet de Minerva. Aussi, et c'était quelque chose sur laquelle Minerva s'était régulièrement penchée, Malcolm n'avait guère changé depuis son entrée à Poudlard. Sa sœur, elle, se considérait en pleine crise de soi. Elle commençait à trouver les mots sur ce qu'elle ressentait vraiment, sur ce qui la dérangeait, et sa famille ne faisait pas exception au traitement. Sa manière de vivre et sa manière d'être avaient essuyé de profonds changements et alors qu'elle apaisait sa relation avec elle-même, celle avec sa famille en pâtissait, surtout avec sa mère.
En bref, si elle parvenait à disparaître sans que ses parents se demandent pourquoi, c'était bien parce que chacun des côtés avait besoin de gérer tranquillement la nouvelle dynamique qui s'installait.
Dougal était déjà présent, assis sur une souche d'arbre qu'il céda dès qu'il la vit. Minerva l'ignora et s'installa à même le sol. Il eut un léger rire étouffé et l'imita.
- Eh, dis donc, t'as oublié de me dire quelque chose la dernière fois toi.
- T'as l'air plus au courant que moi, répliqua Minerva. De quoi tu parles ?
Et puis, l'ambiance de la dernière fois ne prêtait pas à une quelconque conversation.
- J'ai entendu dire que tu étais diplômée, et avec les honneurs en plus. Félicitations.
Et il sortit un petit cake de sa besace, un peu bosselé mais bien doré. Minerva eut un mouvement inquiet.
- Comment t'as appris ça ?
Le tout était de savoir ce qui lui avait été dit, jusqu'où il en savait.
- Ton père qui l'a dit au mien. Majore de promotion hein ? Allez, ne fais pas ta modeste, taquina-t-il en voyant qu'elle haussait vaguement les épaules.
A vrai dire, Minerva cherchait à tout prix à éviter le sujet. Terrain glissant oblige.
- C'est pour moi ? finit-elle par demander en désignant le gâteau.
Dougal éloigna le cake de sa main qui se tendait.
- Doucement, vorace ! C'est pour nous deux. Tu ne vas quand même pas le manger entier ? C'est moi qui l'ai fait en plus.
- Cela explique les bosses.
Dougal mima sa remarque en grimaçant. Minerva sourit : elle était à la fois gênée et touchée d'être félicitée ainsi. Chez elle, ils n'avaient pas vraiment célébré. Il y avait eu un excellent repas, mais personne n'avait mentionné les résultats, la récompense du journal ou encore les félicitations de Dumbledore autour de la table. Personne n'avait demandé les résultats des autres élèves ; ils avaient fêté sans donner les raisons de cette festivité, car les mentions au monde magique étaient trop prégnantes entre eux. Dougal ne poserait jamais toutes ces questions bien entendu, mais au moins il avait pris le temps de cuisiner un gâteau et officiellement fêter la fin de ses études. En cela, elle lui était reconnaissante.
- Laisse-moi goûter, ordonna-t-elle en dressant le menton.
- A quoi bon, finalement ? fit mine d'hésiter Dougal. Quoi que t'en penses tu vas dire que c'est mauvais et que le chien du maire aurait pu mieux faire.
- C'est faux.
- C'est vrai. Allez, tiens, étouffe-toi avec, va.
Il prit un air offensé en lui mettant un morceau dans la main. Minerva porta un bout à ses lèvres et mâchonna. Il n'était pas mauvais, mais il n'était pas excellent non plus. Peut-être un peu trop farineux, et elle trouva une coquille orpheline qu'elle jeta discrètement dans l'herbe. Dougal surveillait ses réactions, et elle n'eut pas le cœur de critiquer son gâteau. Le faire, ça serait lui donner raison à ce qu'il venait de dire. Et peut-être, peut-être qu'elle prenait pitié de ses yeux noisette attentifs qui la fixaient.
- Y a pas de quoi s'étouffer avec, finit-elle par dire.
- Dans le genre compliment caché, t'es très forte.
Minerva ne répondit pas et grignota avec un faux entrain le gâteau. L'intention initiale lui faisait bien plus chaud au cœur. Le gâteau aurait pu être infect, qu'elle aurait tout de même apprécié le geste.
- Merci encore pour les pommes confites.
- Je n'ai fait que les transporter d'une porte à une autre, remets-en toi. T'as bien partagé ?
Le regard de Dougal fila sur le bout de ses chaussures.
- Pas vraiment.
- Franchement ! Et Helen alors ?
- Bah justement... Elle aime pas trop ça.
Minerva souffla du nez.
- Faudrait savoir, la dernière fois tu m'as dit que ta mère adorait.
Dougal se mit en tailleur, gratta sa tête et releva les yeux.
- Helen... n'est pas ma mère.
Minerva eut le bon goût de ne pas pousser une exclamation de surprise. Elle cligna des yeux plusieurs fois dans le silence qui s'installait.
- Mais ton père... ?
- Est mon père, oui, assura Dougal. Ma mère est décédée quand j'avais dix ans et mon père s'est remarié deux ans plus tard avec Helen.
Minerva se retrouvait à court de mots. Encore une fois, elle avait perdu une bonne occasion de se taire. Elle lui devait encore des excuses pour avoir parlé trop vite.
- La dernière fois que tu es venue, reprit Dougal, je venais de me disputer avec elle. C'est assez fréquent. Je fais des efforts, mais j'ai beaucoup de mal. Et je m'en veux de la blesser, aussi.
- Comment ça ?
Dougal pencha la tête et observa au loin sa maison. Helen était en train d'étendre le linge au soleil.
- J'ai eu deux mères. La première m'a élevé dans mon enfance avant de me quitter. La seconde l'a remplacée pour prendre en main mon adolescence et ma vie de jeune adulte. Quand elle est arrivée, j'ai été abominable avec elle. Comme tout enfant ayant perdu sa mère, je me disais qu'elle voulait me la faire oublier, et j'en voulais à mon père de l'avoir oubliée. Bien sûr qu'il ne l'a jamais oubliée, et c'est peut-être cela aussi le souci.
Il fit une pause et Minerva posa discrètement le reste du gâteau qui commençait à humidifier sa main. Elle essuya sa paume sur sa jupe, observant son voisin. Elle était étonnée qu'il se livre ainsi à elle. Ils ne se connaissaient pas spécialement, mais il vidait son sac sans aucune gêne. Cela demandait tellement de courage -elle était bien placée pour le savoir- que cela forçait l'admiration.
- Mon père pensait que j'allais avoir besoin d'une mère, alors il a épousé Helen. Elle était follement amoureuse de lui et lui l'appréciait beaucoup. Quand elle est arrivée, je lui ai dit des choses affreuses, qu'il ne l'aimerait jamais comme il a aimé ma mère. C'est peut-être vrai, mais Helen savait déjà tout ça. Je suis sûr qu'elle en souffre terriblement.
Il se tourna vers Minerva, le sourire légèrement triste.
- Imagine-la, à aimer profondément quelqu'un qui ne lui rend pas autant son amour et que l'unique fils qu'elle a élevé mais pas enfanté, rejette son rôle de mère. Cela fait presque dix ans qu'elle se bat contre un fantôme. Quand tu es venue avec les pommes confites, le dessert préféré de ma mère, nous venions de nous disputer à son propos.
Minerva se sentait affreusement coupable envers Helen. Et envers sa propre mère. Elle l'imaginait aussi aimer son père sans condition, et se battre ensuite contre le spectre du mensonge... Avec une fille la rejetant. Au début, elle s'était demandé pourquoi Dougal ne réparait pas les pots cassés avec sa belle-mère, puisqu'il parvenait à poser les mots sur le problème. Mais ce même problème pouvait s'appliquer à elle aussi ; pourtant elle imposait une barrière entre elle et sa mère. Bien sûr, sa situation n'était pas entièrement comparable à celle de Dougal, mais au moins n'était-elle pas seule.
- Je ne parviens pas à la voir, m'excuser, m'expliquer, passer du temps avec elle, la remercier de m'avoir élevé. Je n'y parviens pas.
Minerva se rapprocha de lui, compatissante. Un des bons côtés à passer des heures à réfléchir sur son propre comportement lui permettait de comprendre les autres.
- Dougal... Tu as grandi ainsi, tu as grandi en la rejetant. Tu t'es aussi construit dans le souvenir de ta mère et dans l'ombre que tu croyais menaçante de ta belle-mère. Revenir sur tout cela, c'est détruire dix ans de ta vie, dix ans de convictions ; ce n'est pas juste faire face à ses erreurs, c'est faire face à une remise en cause de toi-même. Pour approcher ta belle-mère, il faudra d'abord que tu te regardes dans le miroir et que tu acceptes que ce que tu réalises aujourd'hui, cela fait aussi partie de ta construction.
Dougal s'était mis à l'observer attentivement. Minerva n'avait jamais usé d'analyse psychologique pour rassurer ou consoler. Elle ne savait pas trop ce que cela donnerait, mais elle estimait que c'était la chose à faire face à son voisin qui s'était ouvert sur sa famille.
- Tu as trop avancé pour devoir tout défiler et reprendre à zéro. Il s'agit désormais d'accepter ce défaut.
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