Chapitre 26 : La morsure de la déception

Bonjour ! Comment allez-vous ?

Voici enfin le chapitre, pardon ça a mis un peu de temps, j'espère que vous avez tous pu voir mon message sur mon profil :)

Un grand merci pour votre soutien, vous êtes des anges !

Chapitre un peu plus court que d'habitude, mais j'espère qu'il vous plaira ! Bonne lecture !

Chapitre 26 : La morsure de la déception

« Ma chère fille,

Tu passeras le bonjour à ton frère puisqu'il ne semble toujours pas décidé à nous envoyer une lettre, malgré nos demandes. La maison est bien calme avec vous deux en moins. La cornemuse de votre père sonne un peu plus triste sur la colline et je sens que vous lui manquez déjà. A moi aussi, bien sûr. J'ai remarqué que tu n'avais pas emmené ta robe du mariage du jeune Potter à Poudlard... C'est dommage, elle aurait pu te servir, notamment pour ce spectacle dont tu m'as parlé dans ta dernière lettre. »

Minerva roula des yeux et râla pour la forme. Elle doutait même assister au spectacle, à moins qu'il soit obligatoire, alors s'embarrasser d'une robe, aussi belle soit-elle...

« Robert Jr s'est encore enfermé durant des heures sous sa couette après votre départ. Impossible de le faire sortir de là, il a même manqué le début du dîner avant que votre père ne s'énerve. Je ne sais que trop en penser. Il a encore trois ans à attendre, ça va lui paraître long. Je n'ose imaginer sa réaction quand tu vas quitter Poudlard et voler de tes propres ailes. Mais ce n'est pas pour tout de suite, n'est-ce pas ? Quoi qu'il en soit, Robert Jr n'est descendu qu'après l'abandon de ton père. J'étais d'avis à le laisser dans son univers et ne pas le brusquer puisqu'il est sensible, mais bon... C'était différent avec toi et Malcolm, là j'ai comme l'impression qu'il ne réagit pas des fois quand je lui parle et quand il me répond c'est parfois sans rapport. Aurions-nous loupé quelque chose ? Je crains son entrée à Poudlard.

Embrasse ton frère, dis-lui de ne pas trop courir après cette Beth, travaillez bien et bonne chance pour ton premier match de l'année.

Maman »

Minerva reposa sa lettre plus soucieuse que rassurée d'avoir des nouvelles de sa famille. Le cas de Robert Jr l'intriguait, voire l'inquiétait. Elle avait depuis quelques temps remarqué son comportement effacé, d'abord mis sur le compte d'une timidité et d'une introversion importantes. Mais cela ne l'empêchait pas de tiquer aux mots de sa mère : elle n'avait jamais réalisé l'effet que son départ pour Poudlard provoquait chez son plus jeune frère. Elle n'avait pas besoin de demander à Alan si sa petite sœur réagissait ainsi quand lui partait pour son année scolaire. Ce n'était pas juste qu'il osait à peine s'approcher des enfants de son âge, il en avait presque peur. Il se satisfaisait de sa bulle solitaire et imperméable au monde extérieur. Le jardin et les champs étaient ses limites les plus extrêmes. Parfois, Minerva se demandait s'ils avaient trop restreint sa magie lorsqu'il était plus jeune. Il était vrai qu'ils avaient fait en sorte qu'il reste éloigné des autres enfants tant qu'il ne maîtrisait pas sa magie ou du moins, tant qu'il ne comprenait pas l'importance de la dissimuler. Minerva et Malcolm, tous deux très précoces, avaient rapidement fait usage de leurs dons mais avaient vite réalisé dans quel environnement ils pouvaient relâcher leur contrôle. Robert Jr restait instable. Certes il était encore jeune du haut de ses huit ans, mais Minerva se demandait si ce retard accumulé n'allait pas lui être préjudiciable une fois arrivé à Poudlard.

Elle soupira et rejoignit Lewis sur un banc de pierre près de la Grande Salle. Il remarqua son air soucieux et une fois qu'il se fut décalé pour lui laisser la place, s'enquit de son état.

- On dirait que tu réfléchis au meilleur moyen de me faire tomber de mon balai pour le prochain match.

Minerva plissa les yeux à son encontre. Le premier match opposant Poufsouffle à Serdaigle s'était déroulé la veille et celui de Gryffondor contre les Serpentard s'enchaînait la semaine prochaine. Un bon moyen pour lancer les nouveaux dans le bain sanglant du Quidditch. Audric l'attrapeur en était malade depuis quelques jours.

- Pas besoin de réfléchir pour ça, répliqua-t-elle. Non, j'ai reçu ça de ma mère, dit-elle en lui tendant la lettre.

Elle avait très vite compris que Lewis était de bonne écoute et de bons conseils. Elle se souvenait parfaitement de cette conversation qu'ils avaient eus dans la Grande Salle, lorsqu'elle l'avait aidé à travailler ses BUSES. Si elle avait été gênée et mal à l'aise, sa clairvoyance avait visé juste. Elle reniait les compliments qu'elle pensait factices et Lewis avait taxé cette fausse modestie comme un manque d'estime de soi. En outre, celui-ci étant son copain à présent (même si cela lui paraissait étrange de le dire), elle estimait que peut-être il avait droit à ce qu'elle lui demande conseils. Inutile de tout garder pour elle. Peut-être cela noierait-il tous les autres secrets qu'elle gardait loin de lui.

Lewis lut avec attention la lettre en fronçant les sourcils. A la fin, il releva les yeux et demanda :

- Malcolm n'est pas comme ça, non ?

Minerva secoua la tête.

- Il n'est pas exubérant mais enfant c'était une petite terreur. Robert Jr, lui... Des fois je me demande si mes parents ne souhaiteraient pas qu'il fasse une bêtise comme n'importe quel enfant. Je ne te raconte pas sa tête quand on a des invités, j'ai l'impression que le monstre sous son lit vient le récupérer et l'emmener sur une autre planète.

- Le monstre sous son lit ? répéta Lewis en penchant la tête.

Minerva haussa les épaules. Elle avait tellement entendu cette histoire qu'elle était habituée à en parler comme si la situation était logique.

- Je ne sais pas trop ce que c'est. Tout ce qu'il n'aime pas, il les met sous son lit, cachés. Généralement, il se réfugie sous sa couette ensuite, comme si elle allait le protéger de tout. Impossible de l'en faire sortir tant qu'il ne l'a pas décidé.

- Et avec toi, il agit comment ?

Minerva prit un instant de réflexion avant de répondre. Etrangement, Robert Jr semblait plus apaisé en sa présence. Il ne résistait pas à ses caresses sur les cheveux ou à sa proximité. Devant sa propre mère, il reculait. C'était des gestes que la jeune fille avait régulièrement remarqués, des gestes particulièrement douloureux pour Isobel. Il était surprenant de voir la confiance que son frère lui témoignait alors qu'elle avait été absente durant plusieurs années dû à sa scolarité. Peut-être son inconscient avait gardé un souvenir vif et heureux de sa présence quand il était très jeune. En effet, Minerva avait dix ans lors la naissance de son frère et son esprit prompt avait bien compris l'importance de dissimuler la magie aux yeux des villageois. Pour une fois, Minerva avait donné plus de leste à son frère, contrairement à sa mère. Sans en avoir conscience, peut-être que Robert Jr en tenait rigueur à Isobel. Quand elle raconta tout ceci au Serpentard, il s'adossa au mur de pierre, l'air de réfléchir.

- Il semble comprendre ce qu'il se passe autour de lui, ajouta Minerva, mais c'est comme s'il était... déphasé. Tu peux lui dire n'importe quoi, s'il juge que ce n'est pas intéressant pour lui il ne te répondra pas. En revanche, si tu mentionnes ses sujets favoris, tu ne pourras pas l'arrêter de parler. Il serait même capable de discuter avec des inconnus.

Lewis resta silencieux de longues secondes.

- Il a déjà consulté un médecin ? s'enquit-il avec prudence.

Minerva le regarda avec un air étonné.

- Quel genre de médecin ? Sorcier, moldu ? On ne sait même pas s'il a réellement quelque chose qui ne va pas, qui veux-tu qu'on aille voir ?

- Peut-être pour savoir si son comportement est considéré comme normal ? Pourquoi tu ne l'emmènerais pas voir cette infirmière de la Mangoustine ?

Minerva se redressa. Mme Agrepine pourrait peut-être l'aider. Elle avait certifié que certains médecins moldus et médicomages travaillaient ensemble. Le seul problème semblait être leur manque de moyens financiers, mais cela valait le coup d'essayer. Elle se tourna vers Lewis avec un grand sourire, ce qui parut l'étonner, car il cligna des yeux d'un air ahuri.

- Arrête, tu vas m'aveugler.

Minerva eut un bref ricanement et le frappa à l'épaule. Elle proposerait cette solution à sa mère, ou du moins lui en toucherait deux mots. Restait à savoir si celle-ci allait accepter l'éventualité d'un possible traitement.

Un peu plus loin, elle vit Pomona traverser les couloirs d'un air affairé, une montagne de parchemins dans ses bras. Elle avait émis le souhait de partir à l'étranger pour sa sixième année, à l'école d'Amérique du Sud de Castelobruxo, réputée pour ses professeurs émérites en botanique. L'échange étant encore à son statut expérimental, Pomona se retrouvait à fournir de multiples papiers ainsi qu'un dossier de motivation afin d'espérer d'être acceptée.

Lewis suivit son regard et croisa les bras.

- Elle a une sacrée persévérance, ton amie, commenta-t-il. Elle file tout droit et sait déjà quoi faire après ses études. J'aimerais savoir moi aussi.

- T'as encore du temps, grogna Minerva en se rencognant sur le banc.

- Je parie que tu te disais la même chose il y a deux ans, taquina-t-il en se tournant vers elle. Mais le temps passe vite, n'est-ce pas ?

Minerva ne répondit pas tout de suite. Elle ne le montrait guère, mais tout cela l'angoissait. Sa famille commençait à lui demander ce qu'elle comptait faire après ses études. Sans parler des professeurs qui leur imposait une forte pression sur leurs examens de fin d'année. Leur premier emploi dépendrait de leurs résultats. Minerva n'était pas la plus à plaindre étant donné ses excellentes notes, mais sortir du cocon rassurant de Poudlard l'inquiétait. Elle qui n'avait aucune expérience dans le monde du travail, comme comptait-elle trouver sa voie ? Elle entendait parler du Ministère, mais quels types d'emplois pouvait-elle y trouver ? A quel poste pouvait-elle prétendre avec seulement un diplôme et une expérience qui se réduisait à s'asseoir sur une chaise et à écouter un cours ?

Lewis sembla comprendre que sa blague n'avait pas eu l'effet escompté car il perdit son sourire.

- Eh, tu vas trouver, ne t'en fais pas. Dans le pire des cas, tu resteras chez tes parents le temps de réfléchir.

- Génial, râla Minerva en roulant des yeux, je vais vraiment me sentir utile comme ça.

- Tu ne sais pas ce que l'avenir te réserve...

- Ça c'est sûr...

- Arrête d'être cynique tu veux, coupa Lewis. Qui sait ce que tu vas vivre cette année, qui tu vas rencontrer ? Tu ne peux pas tout maîtriser dans ta vie, et tu ne pourras pas toujours tout contrôler et tout provoquer. Des fois, tout ce que tu auras à faire, c'est saisir ta chance en plein vol. Parfois, cela fonctionnera, parfois non. Et dans ce cas-là, ce ne sera pas grave. A même pas vingt ans, tu as le luxe de pouvoir essayer, tâtonner, échouer, essayer à nouveau, expérimenter... Pourquoi perdre ton temps à angoisser ?

Minerva papillonna des yeux. Parfois, elle oubliait qu'il était plus jeune qu'elle tellement il paraissait plus mature. Pas seulement plus mature, mais également plus posé, plus détendu. Quelque chose que Minerva souhaiterait être capable de faire. C'était fatiguant de toujours craindre le futur, de s'y rendre à contre cœur voire à reculons. Alors que Minerva tentait vainement d'y résister et observait l'échéance avec des sueurs froides, Lewis semblait se laisser porter sans peur aucune. Cette maturité qu'il avait sûrement acquise à force de se frotter à l'ombre de Jedusor et qui à la fois contrastait avec l'apaisement qu'il affichait sur d'autres sujets. Il y avait forcément à y gagner à se comporter ainsi, mais Minerva avait toujours tout réussi : Animagus, meilleure élève de sa promotion, meilleurs résultats aux BUSES, capitaine de l'équipe de Quidditch... Et pourtant, elle avait encore tant à apprendre, même sur le monde magique. Avec un père moldu et une mère ligotant sa magie, elle n'avait guère pu explorer ce à quoi la vie après Poudlard pouvait ressembler. Allait-elle devoir quitter sa famille et prendre un appartement ? A cette idée, elle eut un frisson de doute. Elle ne savait même pas ce qu'elle allait faire de sa vie, alors prendre son envol et se débrouiller toute seule... ? Elle avait grandi avec ses deux parents, deux frères, puis avait suivi des études, accompagnée de jeunes étudiantes de son âge. Serait-elle heureuse à manger son plat à peine réchauffé, le regard fixé sur un mur blanchâtre et éclairé par une vieille ampoule vacillante ? C'était peut-être une version dramatique de la vie en solitaire qu'elle avait en tête, mais il lui était impossible d'imaginer sa vie si loin de sa famille. Et surtout si Robert Jr ne supportait pas son absence.

Elle se souvenait de sa conversation avec le professeur Dumbledore l'année précédente. Si le département de la Justice Magique semblait attrayant et ambitieux, il restait vague : quel emploi pouvait-elle y occuper ? Combien de temps avant qu'elle puisse réellement changer les choses au sein de la société magique ? Cela pouvait sonner prétentieux, mais elle avait grandi entre deux mondes, ou du moins dans deux mondes, et elle avait vu les dégâts causés par la séparation des communautés. Saurait-elle se plaire au Ministère ? Après tout, sa mère aussi prévoyait de s'y rendre... Elle soupira discrètement et laissa Lewis déblatérer à ses côtés sur les exigences de son professeur d'études moldues, puis ferma son esprit à ses doutes.

***

Difficile de savoir qui était le plus pâle chez les joueurs de l'équipe de Gryffondor. Minerva observait ses coéquipiers avec un malaise grandissant. Audric était presque translucide sous ses tâches de rousseurs et sa main tremblait tellement qu'il aurait pu en lâcher son balai. Olga était la plus calme. Ou du moins, elle semblait, car sa nature silencieuse lui permettait de dissimuler plus facilement ses émotions. Même Alexandra affichait une mine inquiète, se grignotant un ongle tandis que Fabio jetait des coups d'œil méfiants envers Grace qui arborait une tête boudeuse. Les entraînements en sa compagnie avaient été particulièrement difficiles. Chacun de ses échecs s'accompagnait d'une frustration croissante qui finissait par la rendre de mauvaise humeur pendant plusieurs heures. Ses coéquipiers avaient beau affirmer que ce n'était pas grave de ne pas réussir à chaque fois, elle ne semblait pas les croire. Alexandra avait fini par hausser le ton, agacée, ce qui avait envoyé Grace dans un mutisme profond. Depuis, les deux évitaient de s'adresser la parole et Minerva gémissait intérieurement. Grace n'était très clairement pas prête à s'ouvrir comme elle l'avait fait à sa capitaine.

Elle remarqua Audric s'essuyer discrètement ses mains moites contre sa robe et elle détourna le regard. Si elle ne les regardait pas, peut-être leur stress ne l'atteindrait pas. Le match s'annonçait particulièrement ardu et éprouvant. Ses nouvelles recrues n'étaient pas prêtes pour jouer contre les Serpentard. Audric était toujours en retard sur le Vif, Grace écrasait Fabio par sa personnalité bruyante et imposante et Olga avait tendance à reculer lorsqu'un joueur arrivait trop rapidement sur elle. Minerva savait que le début allait être difficile mais au fond d'elle, elle avait espéré dégotter les recrues qui permettraient à Gryffondor de l'emporter une nouvelle fois. En outre, Minerva refusait de quitter Poudlard dans la défaite, à la fois pour elle mais également pour son dossier scolaire. Elle ne savait pas quelle voie prendre après, alors elle devait avoir toutes les cartes en main pour s'assurer un panel de solutions.

C'est avec la boule au ventre qu'elle franchit les portes du stade, les deux autres poursuiveurs à ses côtés. Si elle devait nommer sa plus grande crainte, ce serait Mallony. Elle s'était révélée imprévisible durant les entraînements et elle espérait que l'équipe, et en particulier Fabio, n'en paierait pas les frais.

- ... un match qui s'annonce fort intéressant puisque nous allons voir si les Serpentard se sont relevés de leur année bien difficile, et si les Gryffondor ont été capables de reconstituer une équipe capable de tenir la compétition !

Quand Minerva alla serrer la main de Miller, elle vit dans ses yeux une flamme qu'elle reconnut immédiatement comme le désir incomparable de vouloir vaincre son adversaire : cette année était une nouvelle année, et il fallait effacer de l'ardoise les échecs récents. Lui aussi en dernière année, il ne laisserait certainement pas passer sa chance d'écraser ceux qui l'avaient envoyé en troisième place. A travers les conversations qu'elle avait eu avec Lewis, elle avait réussi à comprendre que les Serpentard étaient parvenus à prendre des joueurs prometteurs. Mais cela aurait pu tout aussi bien être du bluff de la part de son copain.

Les gradins étaient particulièrement bruyants, et Minerva ne prêta qu'une brève attention aux banderoles déployées au milieu des élèves. Elle se propulsa dans les airs au coup de sifflet et laissa Etna s'emparer du Souafle. Elle vérifia qu'Audric était bien parti au-dessus de leur tête et fila contrer un Serpentard qui fusait vers Etna pour la déstabiliser. Peu de temps après, elle dut virer dans la catastrophe alors qu'un Cognard venait à son encontre. Passant outre, elle récupéra le Souafle auprès d'Alexandra et marqua les premiers points des rouges.

Le nouveau Poursuiveur des Serpentard était doué dans le genre anguille : très agile, il leur filait entre les doigts et établissait des prouesses sur son balai. Il aurait pu être attrapeur, mais Minerva comprit rapidement pourquoi ce n'était le cas lorsqu'elle aperçut l'attrapeur officiel faire une feinte au pauvre Audric qui tomba dans le piège. L'attrapeur remplaçant de l'année précédente n'avait pas été gardé, sans surprise. Minerva commença à craindre pour ce match. Audric était un joueur doué, mais la pression du match lui était monté à la tête, ou peut-être n'avait-il pas réalisé que le niveau serait si élevé et sans pitié. Malgré tout, les trois Poursuiveuses parvenaient à réaliser leur mission et marquaient continuellement. Olga tenait la route en sortant de jolis arrêts. Même s'il lui manquait les mécanismes de l'habitude et de l'expérience, Minerva avait bon espoir d'en faire une joueuse prometteuse.

Celle qui pêchait le plus se tenait avec sa batte à la main. Grace avait une mine concentrée et frappait avec vigueur et précision sur les Cognards. Elle avait en revanche plus de difficultés à communiquer avec son partenaire Fabio et le moindre échec la mettait dans tous ses états. Peu à peu, Minerva nota son jeu de plus en plus effacé. Après qu'Etna ait failli chuter de son balai à la suite d'un Cognard qui était passé sous la vigilance de Mallony, la capitaine prit le temps de lancer à la batteuse :

- Grace, reprends-toi ! On a besoin de toi, ici !

Des voix dans les gradins semblèrent répéter ses paroles mais elle n'y fit pas plus attention et retourna au jeu. Malheureusement, elle entendit à plusieurs reprises Grace pousser des cris de frustration difficiles à ignorer. Les rires des Serpentard qui les accompagnaient ne faisaient qu'empirer la situation. S'il y avait bien une chose que Minerva avait comprise à propos de Grace, c'était que celle-ci cachait une basse estime de soi derrière une armure d'agressivité. Au lieu de s'ouvrir elle repoussait aussi violemment qu'elle pouvait, et lorsqu'elle acceptait une intrusion dans son intimité comme elle l'avait fait avec Minerva et le Quidditch, elle préférait s'auto-fustiger. Avoir l'air en colère contre soi-même lui paraissait sûrement plus acceptable que de devoir admettre directement sa faiblesse.

Si Minerva ne la canalisait pas maintenant, elle risquait de provoquer un désastre. La capitaine demanda un temps mort et s'enquit de l'état de ses joueurs. Olga semblait maîtriser la situation et Audric tentait tant bien que mal de se maintenir face à son adversaire. Grace haussa les épaules. Minerva fit mine de changer de sujet, mais après ses dernières recommandations à l'équipe, elle prit Grace à part.

- Que se passe-t-il ? C'est la pression du premier match ?

Grace se mordilla la lèvre et repoussa une mèche de cheveux trempée de sueur. Avec stupéfaction, Minerva crut apercevoir un éclat brillant dans les yeux de la batteuse avant que celle-ci ne souffle :

- T'avais dit que ça changerait. Qu'ils changeraient d'avis sur moi.

- Pardon ?

Minerva n'eut pas le temps de plus la questionner car l'arbitre sifflait la fin du temps mort. Troublée, elle retourna dans les airs sans vraiment comprendre ce que Grace avait voulu dire par là.

La reprise du match fut laborieuse. Fabio luttait continuellement pour s'aligner sur la technique de frappe de Grace. La jeune fille ne parvenant pas à se caler sur celle du garçon car peu expérimentée, celui-ci avait décidé de suivre une stratégie identique afin d'instaurer un semblant d'unité dans leur jeu. En cela, le batteur avait bien changé depuis le début de son intégration dans le groupe. S'il était toujours aussi timide et silencieux, il avait gagné en confiance durant les matchs et parvenait à prendre ses responsabilités et des décisions quand il le fallait. Cependant, il avait beau être doué, il ne pouvait pas rattraper les erreurs de Grace qui finissaient irrémédiablement par impacter les Poursuiveuses. Sans leur ancienneté, celles-ci seraient tombées à terre depuis bien longtemps.

A la énième embardée d'Etna, une acclamation ironique retentit chez les mêmes étudiants qui se moquaient de Grace plus tôt. Minerva se tordit le cou pour les fusiller du regard et faillit tomber de son balai. Ce n'était pas des Serpentard qui étaient irrespectueux depuis le début du match envers la batteuse, mais bel et bien des Gryffondor. A y regarder de plus près, la capitaine pouvait même reconnaître Zimmerman, l'élève qu'elle avait recalé aux sélections face à Audric.

- La ferme ! cria Grace à leur égard.

- Laisse couler, avertit Minerva avec un regard sévère.

Elle lui avait promis qu'elle n'aurait pas de problème avec Zimmerman s'il ne jouait pas, alors elle avait intérêt à tenir sa parole. Elle avait besoin que sa batteuse sache se fermer aux cris des gradins lorsqu'elle jouait. Mais elle en était incapable.

Ce qui devait arriver arriva et, lorsque Zimmerman et sa bande mimèrent une Ola lorsque Grace rata sa frappe, celle-ci craqua et envoya de toutes ses forces un Cognard sur le jeune homme. Minerva hurla si fort qu'elle se demanda si cela ne pouvait pas faire arrêter le Cognard par la seule force de ses cordes vocales. Mais Zimmerman se prit le Cognard au ras du front, assez pour lui arracher une touffe de cheveux et le blesser. L'arbitre siffla l'arrêt de match et imposa une sortie définitive de Grace du terrain. Pour toute personne qui n'avait pas suivi la tension grandissante entre la joueuse et le groupe, ce coup apparaissait comme une erreur de manœuvre comme cela arrivait souvent au Quidditch. Mais Minerva, seule témoin, resta un long moment à flotter dans les airs, le coup vengeur de la batteuse passant en boucle dans sa tête.

***

Ils avaient perdu. Avec une batteuse en moins, le moral était tombé au plus bas et l'attrapeur de Serpentard en avait profité pour laisser Audric sur place et fuser vers le Vif d'or. En quelques secondes, le match s'était terminé sous les cris de joie des Serpentard. Cette fois, c'était les verts qui renaissaient de leurs cendres tandis que les rouges se consumaient.

Minerva atterrit brutalement. Ce n'était pas tant la défaite qui la décevait, mais plus le comportement de Grace. Elle comprenait sa colère face aux élèves de sa promotion qui lui menaient la vie dure. Mais cela ne justifiait en aucun cas de lancer un Cognard par pur esprit de vengeance. S'il y avait bien un moment où l'impulsivité des Gryffondor était déplorable, c'était bien celui-là.

Elle trouva Grace dans les vestiaires, après y être entrée en faisant claquer la porte contre le mur derrière.

- C'était quoi ce bordel ?

Elle était si frustrée contre sa coéquipière qu'elle en devenait vulgaire. Grace leva un visage outré.

- Mais tu les as entendus, non ? Tous, ils étaient tous en train de se moquer ! Durant tout le match !

- Et cela te donne le droit de blesser Zimmerman ?

- Le coup m'a échappé.

- Arrête de mentir, riposta Minerva. Aux sélections, lorsque tu m'as promis que tu ne poserais pas de problèmes avec Zimmerman, ça aussi c'était un mensonge ?

Grace se leva brutalement.

- Ce n'est pas moi le problème, c'est lui !

- J'en n'ai rien à faire de qui est responsable. Moi ce que je vois c'est que j'ai une joueuse qui n'est pas capable de passer outre des commentaires désobligeants lorsqu'elle joue au Quidditch. Je t'ai choisie toi avec l'équipe, je t'ai entraînée parce que je croyais en toi. Pas Zimmerman. Quelle légitimité il a lui, à juger tes capacités sur le terrain ? Aucune ! Je t'ai demandée de passer outre, tu n'en n'as fait qu'à ta tête.

Elle était dure. Elle le savait. Plus dure qu'avec n'importe qui. Mais elle était si déçue, si déçue d'avoir vu un tel geste de la part de la jeune fille qu'elle avait pris tant de temps d'entraîner, en qui elle avait donné sa confiance. Et peut-être parce qu'elle voyait en elle sa protégée, elle lui montrait encore moins d'affection, était plus exigeante. Se retrouvait-elle en cette batteuse, elle ne saurait le dire.

- Tu crois que tes problèmes personnels se règlent sur le terrain ? continua Minerva en se rapprochant de la jeune fille.

- J'ai l'impression que ça vaut mieux, quand la préfète-en-cheffe n'est pas fichue de reporter le harcèlement d'un élève sur un autre aux professeurs, siffla Grace. C'est bien toi, non ? C'est ton rôle ?

Minerva ne répliqua pas. Grace n'avait pas tort. C'était même un de ses devoirs, pas seulement un rôle à avoir.

- Et toi, qui me parlait de mensonge, reprit Grace, ce n'est pas toi qui m'avais promis que les autres étudiants me verraient d'un bon œil si je rejoignais l'équipe ? T'as l'impression que ça me réussit ?

Minerva vit rouge.

- Si tu as rejoint l'équipe juste pour ça, tu peux tout aussi bien la quitter. Je t'ai déjà dit que nous n'étions pas un refuge pour âmes égarées. Et si tu croyais que tes problèmes allaient se résoudre dès l'annonce de ton intégration, tu te trompais lourdement. Tu es incapable d'attendre...

- Mais j'en ai marre d'attendre ! cria soudainement Grace en s'éloignant de Minerva. J'en ai marre, tu comprends ? Je veux qu'ils paient !

Le visage de Minerva se ferma brutalement. Elle regarda froidement sa batteuse.

- Tu m'as déjà déçue une fois, Mallony. Fais attention à ne pas dépasser les bornes.

Grace revint, les traits colériques, à la limite du mépris et souffla d'un ton furieux :

- Tu crois que j'en ai quelque chose à faire de ton avis sur moi ? Que ce soit ta pitié, tes remarques, tes déceptions, rien de ce qui sort chez toi n'est bon à prendre.

- Ça suffit !

Etna surgit dans les vestiaires, essoufflée encore de sa course pour les retrouver. Ses yeux firent un va-et-vient entre les deux jeunes filles et elle s'approcha doucement afin de leur imposer une distance.

Minerva ne savait quelle émotion était la plus forte dans son esprit : la colère noyait tout, comme à son habitude, la culpabilité, la honte, la déception se mélangeaient entre elles. Avoir déçu, également. Sa fierté, plus loin derrière, était bridée afin qu'aucun mot regrettable ne franchisse ses lèvres pincées.

Préférant en rester là, la capitaine lança un dernier regard indéchiffrable à Grace et lui tourna le dos, quittant les vestiaires dans un pas lourd. Lourd de quoi, elle ne savait pas précisément.

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