Chapitre 24 : Et dans un dernier souffle

Bonjour !!

J'espère que vos vacances débutent bien, que vos examens pour ceux qui en avaient se sont bien déroulés, et pour ceux qui ne sont pas encore en vacances : patience, ça approche !

Pour ceux qui vivent en région Occitanie et qui comptent prendre un TER cet été, peut-être que vous me verrez dans les trains parce que je bosse comme contrôleuse en job saisonnier hahaha (ouvrez l'œil et cherchez mon nom sur mon badge XD)

Merci à tous pour vos commentaires et votre soutien, toujours aussi présent ! Cœur sur vous <3

Bonne lecture !

Chapitre 24 : Et dans un dernier souffle

Minerva était adossée au mur de la maison de Grace, buvant un grand verre d'eau fraîche. Sa camarade, épuisée à côté d'elle, avait un immense sourire aux lèvres : son acharnement aux entraînements portait leurs fruits et elle devenait une très bonne joueuse. Minerva espérait sincèrement qu'elle serait la meilleure aux sélections, car elle s'était attachée à la jeune fille et à sa forte volonté. Grace aurait besoin d'exceller pour prouver à tous qu'elle jouerait un beau rôle dans l'équipe. Minerva s'était mise dans une position délicate en tant que capitaine en choisissant de l'aider. Certains pourraient crier à l'injustice et d'autres dénoncer du favoritisme lors des sélections, c'est pourquoi Grace ne devait laisser place à aucun doute quant à son talent.

La porte de derrière de la maison s'ouvrit et laissa apparaître à la grande surprise des filles Carwood Mallony, ses mains enfoncées dans ses poches. Il sembla hésiter un instant, le regard fuyant avant de marmonner à sa fille :

- C'est bien, mais tu devrais te tenir moins droite, tu perds en puissance.

Minerva fronça les sourcils mais Grace l'empêcha d'ouvrir la bouche en se redressant, le regard brillant :

- C'est promis, j'y penserai ! Merci, papa.

Carwood hocha la tête et rentra silencieusement tandis que Grace se retournait avec un sourire vers Minerva.

- Tu as vu ? Il s'intéresse à ce que je fais !

Minerva l'observa un instant. Elle savait combien son amie brûlait d'envie de voir son père redevenir comme il l'était avant. L'entendre donner des conseils la ramenait à son enfance lorsqu'il prenait le temps de l'entraîner dans le but de devenir une grande joueuse de baseball, comme lui et sa mère. Aussi, elle fut gênée de devoir le contredire :

- Tu sais, je crois plutôt que te tenir trop droite ne t'apportera pas grand-chose... Ce n'est pas uniquement de la force dont tu auras besoin, mais également de la précision. Avec la vitesse des Cognards, jamais tu n'auras le temps de te redresser. Tu seras soit allongée sur ton balai, soit à moitié tordue...

- Qu'est-ce que tu racontes ? coupa Grace en crispant les lèvres. Mon père est un excellent joueur de baseball, je pense qu'après plus de vingt ans d'expérience il sait de quoi il parle.

Minerva ne s'offusqua pas de son ton.

- Justement, de baseball, souligna-t-elle. Nous jouons au Quidditch, et je me rends compte maintenant que tu as trop tendance à rapprocher le rôle de frappeur de baseball et de batteur de Quidditch. J'en suis désolée, ajouta-t-elle, je t'ai sûrement entraînée dans cette pensée. Les deux postes frappent dans une balle, mais la ressemblance s'arrête là.

Le visage de Grace se referma et elle fouetta l'herbe de sa batte. En regardant ses cheveux blonds tomber devant ses yeux, Minerva se souvint de la photo sur la console de la télévision.

- Pourquoi veux-tu jouer au Quidditch ? demanda-t-elle soudainement. Réellement.

Grace parut surprise avant de hausser les épaules.

- Parce que le poste de batteur me rappelle le baseball ? Cela me rassure que nos deux mondes puissent se retrouver sur certains points.

- Tu veux surtout être comme ta mère, souffla Minerva.

Grace stoppa le mouvement répétitif de sa batte et se figea. Minerva avait longuement réfléchi à cette supposition. Alma Mallony avait été une excellente joueuse, et la jeune Gryffondor était prête à mettre sa main au feu qu'elle entraînait sa fille avec Carwood. Son père avait fait des plans pour la faire devenir la meilleure joueuse de baseball et la faire intégrer la même université que lui et que sa mère. Si auparavant Grace avait pu être dans la parfaite lignée parentale, ce n'était désormais plus le cas aujourd'hui. Minerva se rappelait son rejet du monde sorcier lorsqu'elle l'avait vue dans la cabane de Hagrid. Avoir découvert qu'elle était une sorcière avait écrasé toute possibilité de reprendre le flambeau familial. Puis, avec la mort de Mme Mallony, leur déménagement forcé, Grace avait dû se sentir responsable de la déception de son père. Lui qui avait porté tant d'espoirs en elle, se voyait contredit par la nature de sa fille.

Et plus Grace grandissait, plus elle prenait les traits de sa mère ; Minerva s'était souvent fait la réflexion de croiser un double plus jeune d'Alma. Une mère au passé sportif glorieux et qui était la responsable de la moitié des coupes entreposées fièrement dans l'étagère, la capitaine que la fille tentait inlassablement d'imiter.

- La première fois que je suis venue, continua Minerva en regardant les réactions de Grace, je t'avais dit que tu ferais honneur à ta mère, et j'ai senti ton rejet, ton hésitation. Tu fais du Quidditch en tant que batteuse pas juste parce que cela te rappelle le monde moldu, mais aussi parce que c'est ce qui se rapproche le plus de la destinée que ton père espérait pour toi.

Grace baissa la tête et Minerva sut qu'elle avait visé juste.

- Tu devais aller à l'université d'Atlanta et fouler le même chemin que tes parents, que ta mère. Et le monde sorcier t'a enlevé ce projet.

- Tu ne comprends pas, murmura Grace. Si j'intègre l'équipe en tant que batteuse, que je suis assez douée pour peser durant un match, que j'aide à rapporter des coupes... alors peut-être que mon père se rendra compte que je suis comme elle.

- Mais ce n'est pas le cas, répliqua Minerva peut-être plus durement qu'elle ne l'avait souhaité. Tu es Grace, tu es une sorcière. Tu vas à Poudlard, pas à l'université d'Atlanta, tu joues au Quidditch, non pas au baseball. Et tu es Grace, pas ta mère.

- Mais mon père...

- On s'en fiche de ce que veut ton père ! Tu te souviens de ta peur d'être rejetée par tes camarades de Gryffondor ? Je t'avais répondu qu'avant d'être acceptée par les autres il fallait s'accepter soi-même. Alors sois Grace, et non Alma.

Minerva se leva, épousseta son pantalon et reprit son balai et son coffre.

- Je ne me permettrai pas de juger, dit-elle, et peut-être que je me trompe en disant cela, mais nous savons toutes les deux que ton père vit encore avec le souvenir de ta mère, sans réussir à s'en détacher. Tu penses y être parvenue, mais de ce que je vois, c'est tout le contraire.

Elle hésita un instant avant de continuer :

- En revanche, je peux t'affirmer une chose : je refuse de t'intégrer dans l'équipe si tu postules pour faire plaisir à ton père. Tu es une sorcière née-moldue et tu dois l'accepter. Je veux d'une Grace, pas d'une Alma. Contacte-moi lorsque tu seras prête à l'être, ou retrouve-moi aux sélections.

Elle lui fit un dernier sourire entendu pour adoucir ses reproches, puis tourna les talons pour rentrer chez elle.

*** 

- C'était horrible, j'ai peut-être été un peu dure dans mes paroles. Ou peut-être que j'aurais dû rester avec elle.

- Et pour lui dire quoi ? C'est une Gryffondor : après des critiques elle préfèrerait rester seule pour penser et surtout pour essayer d'assumer ses erreurs. Un peu comme toi.

- Ce n'est pas vrai, j'assume mes erreurs, répliqua vertement Minerva.

Lewis leva les yeux de son café qu'il était en train de préparer.

- Tu vois, tu n'assumes pas là.

Minerva croisa les bras et fit une mine boudeuse.

- Il n'empêche que je l'ai rejetée, comme tous les autres. Alors que je n'ai eu de cesse de lui dire qu'on acceptait tout le monde dans l'équipe.

- Alors déjà, elle n'est pas encore dans l'équipe, répondit Lewis, ensuite tu ne la rejettes techniquement pas. Tu rejettes la seconde version d'Alma, en attendant de voir Grace.

Minerva gémit en plongeant son visage dans ses bras, affalée sur la table de la cuisine des Rollin.

- Je ne sais même pas si elle va me contacter, cela fait presque un mois. Si ça se trouve, je viens de perdre une excellente joueuse.

- J'aimerais compatir pour ton équipe, mais je n'en trouve pas la force.

Minerva jeta un regard peu amène au Serpentard qui eut un sourire innocent en la rejoignant. Il s'assit juste à côté d'elle, et elle fut ravie de ne pas sentir ses joues rosir. Depuis leur baiser, ils s'étaient revus quelques fois et si à la première les deux avaient paru gênés (surtout Minerva), ils avaient réussi à retrouver cette relation qu'ils appréciaient. Minerva avait encore du mal à ne pas sursauter lorsqu'il s'approchait plus près que d'habitude, ou lorsqu'il l'embrassait rapidement sur la joue.

- Pourquoi je te parle de mes stratégies d'équipe, au fait ?

Lewis pouffa dans sa tasse.

- Tu baisses ta garde, Minerva, fais attention. Tu es sûre que tu ne veux pas boire quelque chose ?

Minerva secoua la tête et promena son regard sur la pièce qui était ouverte sur la salle à manger. C'était la première fois qu'elle venait chez les Rollin, et cela lui faisait étrange de voir un environnement où régnait la magie. La poudre de cheminette était rassemblée dans un récipient d'étain accroché à l'âtre et des plumes rédigeaient des notes pour le compte de M. Rollin qui était journaliste pour Les Nouvelles du Monde Sorcier, un journal qui tentait de garder la tête hors de l'eau face à la montée en notoriété de la Gazette du Sorcier. Minerva savait que la famille Rollin refusait de s'abonner à la Gazette, réputée selon certains d'avoir des avis biaisés et surtout, d'arranger la classe politique. Il suffisait de voir que même si la maison-mère se trouvait sur le Chemin de Traverse, un bureau avait été installé au sein même du Ministère, sous l'œil vigilant des conseillers du Ministre. Les Nouvelles du Monde Sorcier, lui, avait refusé l'injonction du gouvernement et faisait face désormais à une baisse drastique d'abonnés. En subventionnant la Gazette, le Ministère tenait le journal sous sa coupe (sans grande protestation de celui-ci) et assurait une chute drastique des prix pour les consommateurs, à savoir une Mornille. Les Nouvelles ne pouvait se permettre cela, et offrait un abonnement à cinq Mornilles afin de pouvoir survivre. Autant dire que les abonnés avaient très vite changé d'allégeance, au risque de se faire abrutir d'informations déplorables. Minerva s'était abonnée aux Nouvelles, pas seulement parce que le père de Lewis y travaillait, mais surtout parce qu'elle avait eu l'occasion de lire un article très critique sur les lois gouvernementales et notamment sur le code du Secret International Magique.

Son regard fut attiré par l'image de deux jeunes garçons, s'agitant sur une photo posée dans un cadre sur une étagère. Minerva se leva et s'approcha pour la prendre en main. Elle reconnut sans difficulté Lewis plus jeune, sûrement âgé d'à peine dix ans. Le garçon à ses côtés était sans aucun doute le fameux frère pour qui le Serpentard s'échinait tant à découvrir la vérité. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d'eau : mêmes cheveux blonds, des prunelles bleues et un sourire sarcastique identique. Minerva sentit Lewis se rapprocher d'elle, son regard songeur posé sur le cadre.

- C'est Albert, mon frère, commenta-t-il, confirmant la pensée de Minerva. Juste avant qu'il ne se renferme sur lui-même.

Comme lorsqu'il lui en avait parlé dans le couloir qui menaient aux cachots, Minerva remarqua cette éternelle lueur blessée dans son regard.

- J'allais rentrer à Poudlard quand il a définitivement changé, murmura Lewis les yeux fixes. Cela avait commencé durant sa dernière année, c'était étrange, mais nous étions toujours aussi proches. Et puis cela s'est détérioré dès que je suis rentré à Poudlard. Quand je suis revenu pour les vacances de Noël, je ne reconnaissais plus mon frère.

- Tu l'as confronté à ce propos ? s'enquit Minerva.

Lewis secoua la tête.

- Je comptais le faire, mais je me suis dit qu'en revenant pour les vacances d'été, il serait redevenu mon frère avec qui je passais tellement de temps. Pas cet étranger. A la place, dès février, j'ai reçu une lettre de sa part. Il m'annonçait qu'il quittait l'Angleterre et que cela valait mieux. Malgré les lettres de mes parents, je crois que j'avais toujours espéré qu'il serait à la maison en juin. Qu'il m'avait juste fait une blague de très mauvais goût tel qu'il en était le spécialiste.

- Mais... il est décédé beaucoup plus tard, non ? remarqua Minerva d'un ton prudent.

Lewis but une gorgée de son café et acquiesça.

- J'ai appris sa mort durant les vacances de Noël 1950. (Il frissonna) Mes parents ont reçu son corps en novembre, ils ont dû l'enterrer avant mon retour. C'est eux qui m'ont dit qu'il avait été assassiné, par le sortilège de la mort.

- Comment connaissaient-ils la raison ?

- J'imagine que quand tu vois ton fils allongé dans une boîte, les yeux ouverts et aucune trace quelconque sur le corps, tu devines facilement la cause, répliqua Lewis avec un ton sec.

Minerva se raidit.

- Tu as raison, je suis désolée, dit-elle bien consciente qu'elle n'avait pas été délicate.

Lewis soupira, posa sa tasse et se frotta les paupières.

- Ce n'est rien, souffla-t-il, c'est juste que... quand je suis rentré et qu'ils ont dû m'annoncer la nouvelle... Jamais je n'oublierai leur regard. Il avait disparu depuis presque trois ans, l'espoir de le retrouver était infime, et pourtant... à chaque vacance, j'espérais qu'il serait là, à m'accueillir sur le pas de la porte. Qu'il serait redevenu lui-même, qu'il s'excuserait de son comportement. Ou juste qu'il me serrerait dans ses bras.

Lewis posa ses mains à plat sur la table, les épaules voûtées, et Minerva entrevit le petit garçon qui avait tant cherché son frère et qui n'avait jamais compris pourquoi il avait été abandonné ainsi. Elle s'approcha de lui et mue par un instinct dont elle ne disposait que très rarement, passa une main dans son dos et l'attira contre elle. Il se laissa faire et déposa sa tête sur son épaule en l'enlaçant. Elle n'osait imaginer la douleur qu'elle ressentirait s'il arrivait quoique ce soit à Malcolm ou Robert Jr. Aussitôt, l'ombre de Jedusor et sa menace semblèrent planer plus longuement sur ses épaules, et ce fut elle qui frissonna.

L'ouverture de la porte d'entrée les firent s'écarter et Minerva se retourna pour voir Faye Rollin, anciennement Bridgeburn, entrer avec un soupir. Son visage eut une moue surprise en voyant la jeune fille et Minerva rosit. Elle n'avait encore jamais rencontré les parents de Lewis et apparemment celui-ci ne l'avait pas prévu non plus car il se redressa d'un coup.

- Déjà rentrée ?

- Oui, je terminerai mes dossiers ici, au calme. Tu me présentes ton amie ?

Minerva s'avança et tendit la main en s'annonçant. Le visage s'étira en un mince sourire mais qui ne parvint pas à illuminer pleinement ses traits fatigués.

- Ah, la fameuse... Enchantée de te rencontrer enfin. Pardonnez-moi, je ne m'attarde pas, j'ai du travail.

Alors seulement lorsqu'elle lâcha la main de Minerva remarqua-t-elle le cadre photo que la jeune fille tenait. Aussitôt, son visage se tordit de peine.

- Dès sa première visite tu lui montres ça ?

Elle avait tenté de prendre un ton sarcastique, mais Minerva ne comprit pas l'agacement qu'elle sentait poindre derrière. Lewis se crispa.

- Elle était déjà au courant avant maman, elle ne fait que mettre un visage sur un nom.

- Déjà au courant ?

- Désolée madame, intervint Minerva, il m'a expliqué ce qu'il s'était passé, j'en suis sincèrement navrée...

Elle amorça un geste pour remettre la photo sur son étagère quand Faye leva la main pour l'arrêter et se tourner vers son fils.

- Tu cherches encore des réponses ?

Lewis serra les dents.

- Tant que je n'en n'aurais pas, oui.

Faye lâcha son sac et se prit la tête dans les mains.

- Mais par Merlin, quelles autres réponses veux-tu ? Il est mort, Lewis ! Tu crois qu'il voudrait que tu gaspilles ta vie à poursuivre un fantôme ?

- Une chose est sûre, répliqua Lewis en faisant un pas en avant furieux, c'est qu'il voudrait que justice lui soit rendue ! Que l'on ne se satisfasse pas de l'avis d'un nécromage. Il n'est pas seulement mort, il a été assassiné ! Et tu dis ne pas vouloir de réponse ?

- Je veux surtout tourner la page, Lewis ! cria Faye les yeux brillants. A force de chercher tu vas te brûler les ailes et il va t'arriver quelque chose à toi aussi ! Tu crois que je veux perdre un deuxième fils ?

- Laisse tomber, fit Lewis en la dépassant avec rage et en sortant de la maison après avoir claqué la porte.

Minerva resta immobile un instant, pétrifiée par la soudaine dispute. Pétrifié et désarçonnée, car elle avait l'impression de mener le même discours que Mme Rollin, avec certes moins d'éclats, mais le même fil de pensée. Faye se passa la main sur les paupières, les épaules basses et, sans dire un mot de plus, reprit son sac et se faufila silencieusement à l'étage. Minerva reposa le cadre en déglutissant difficilement, les yeux bleus d'Albert se confondant avec ceux de son frère plus jeune. Étant donné leur ressemblance, Faye voyait sûrement en son cadet son fils aîné, seulement avec plus de feu en lui, et moins de bride. Elle qui avait découvert les yeux vides d'Albert dans cette affreuse boîte, peut-être les prédestinait-elle une nouvelle fois dans ceux de Lewis.

Lorsqu'elle sortit rejoindre le jeune Serpentard qui faisait les cent pas au fond du jardin, le visage dur, Minerva songea que Faye n'aurait jamais les compétences ni le poids pour endiguer la frénésie vengeresse qui animait son fils, et que ce feu qui l'habitait, finirait par le consumer à la fin.

***

La rentrée approchait à grands pas, et Minerva avait décidé de rendre une dernière fois visite à son grand-père avant de retourner à Poudlard. Mme Agrepine était encore là et ce fut avec résignation qu'elle la laissa rentrer.

- Je reste, au cas où vous auriez besoin de moi, prévint-elle en s'éclipsant néanmoins dans le bureau attenant la pièce à vivre.

Minerva haussa les épaules. Si cela lui faisait plaisir. Mais très vite, elle se rendit compte que ce n'était pas une question d'envie, mais de prudence. Eugene était affalé dans son fauteuil usé, dormant profondément. Ses traits étaient tirés, ses cheveux blanchis et il semblait avoir maigri car sa robe de chambre paraissait l'engloutir. Mme Agrepine passa la tête par la porte du bureau.

- Allez-y doucement, chuchota-t-elle, il est très affaibli.

Minerva hocha la tête et s'assit silencieusement sur le canapé. Là, elle prit la main ridée de son grand-père et la serra délicatement. Son regard se fixa sur sa poitrine qui se soulevait de manière régulière. Cela la rassura. Seul le souffle un peu sifflant de sa respiration lui tordait l'estomac. Si elle se concentrait exclusivement sur ce buste qui montait et descendait, qu'elle ignorait la main molle dans la sienne, la présence de l'infirmière à quelques pas d'eux ou encore la pâleur du teint de son grand-père, alors elle pouvait se convaincre que tout irait bien.

- Minerva... ?

Celle-ci sursauta et croisa le regard vert brillant de son grand-père.

- Comment tu te sens ? murmura-t-elle.

Eugene grogna et Minerva l'aida à se redresser.

- Pas besoin de parler aussi bas, mes oreilles vont bien.

Elle sourit et pressa sa main, au grand déplaisir d'Eugene.

- Pas de sentimentalisme, ma grande. Tu pleureras sur ma tombe.

- Grand-père !

Eugene grimaça mais ne répondit pas. Minerva se leva et alla chercher des biscuits et un thé qu'elle lui apporta.

- C'est moi qui devrais m'occuper de toi, marmonna Eugene en portant d'une main tremblante la tasse à ses lèvres, pas l'inverse.

Minerva resta silencieuse et grignota du bout des dents son biscuit. Elle n'avait pas faim, mais cela lui permettait de se concentrer sur autre chose que sur les gestes incertains de son grand-père.

- Allons, ne fais pas cette tête-là, gronda-t-il gentiment. Je ne souffre pas, tu sais.

- Arrête de parler comme ça.

- Comme ça quoi ? Comme si j'allais mourir ? Et tu penses que ne pas en parler va me faire vivre éternellement ?

- Non, mais tu peux accepter que certains ne préfèrent pas en discuter.

Eugene la regarda longuement avant de soupirer.

- Ma chérie. Tout le monde doit partir un jour. Bien sûr que c'est triste. Mais si tu as vécu une vie aussi remplie que la mienne, pourquoi l'être ? Ce n'est pas le nombre d'années qui définit si oui ou non quelqu'un part trop tôt, c'est ce qu'a fait cette personne de sa vie.

Minerva n'osa pas croiser le regard de son grand-père et celui-ci lui tapota la main.

- J'ai pu me marier avec la femme de ma vie. Tout le monde n'a pas cette chance. Et lorsque j'ai failli tout gâcher avec ma famille, tu es apparue et tu as réparé les pots cassés. Tu es revenue à temps, avant qu'il ne soit trop tard. Ce n'est pas triste, au contraire. Maintenant, redresse-moi ces coussins, je suis en train de tomber.

Minerva s'empressa d'obéir, afin de cacher ses yeux qui se brouillaient de larmes contenues alors qu'Eugene refermait ses paupières. Elle qui avait fait face à la mort brutale de Jimmy, était désormais mise à l'épreuve devant la faiblesse croissante de son grand-père. Son père l'avait prévenue que l'état d'Eugene se détériorait, mais sûrement avait-il essayé de protéger sa fille en taisant le plus gros. Eugene allait mal et lui-même le savait, le sentait au plus profond de son être. C'était un fait et il l'appréhendait avec sérénité. Peut-être parce qu'il retrouverait Moira, perdue depuis bien trop d'années. Minerva l'observa, ses traits plus détendus dans les prémices du repos.

- Je t'aime, grand-père, souffla-t-elle alors qu'il semblait prêt à s'endormir à nouveau.

Il rouvrit les yeux, ces yeux si semblables à ceux de son fils et de sa petite-fille, et Minerva y vit, comme dans un miroir, tout l'amour qu'il lui portait. Il sourit et lui pressa la main.

***

Minerva pouvait presque entendre sa respiration alors qu'elle écoutait la conversation qui avait lieu en bas. Les mots ne lui parvenaient pas, juste des murmures étouffés d'un homme et de sa mère, dans l'entrée de la maison. Puis la porte principale se referma et Minerva fit de même avec la sienne dans un mouvement silencieux. Elle appuya son front contre le battant, le souffle court, les secondes s'égrenant. Puis les sanglots de Malcolm percèrent l'attente et Minerva pressa les paupières. Très vite, elle entendit son petit frère monter les escaliers en courant, ses pleurs l'accompagnant. Robert Jr sembla sortir de sa chambre et Minerva entendit sa mère lui chuchoter des mots qu'elle n'avait pas besoin d'écouter pour comprendre.

Elle s'éloigna d'un pas chancelant de sa porte, le regard virevoltant, semblant vouloir chercher quelque chose à laquelle se raccrocher. Mais son esprit, lui, était amarré à une seule pensée, à une seule image, celle de son grand-père arborant le dernier sourire qu'il lui avait offert. Un lourd sanglot resta coincé dans sa gorge et elle hoqueta, une main sur les lèvres. Elle s'entendit à peine gémir et s'assit sur le bord de son lit. Elle se pencha en avant, croisa les bras autour de son ventre, porta les mains à sa bouche. Comme si elle pouvait retenir ses pleurs par la seule force de ses doigts pressés sur sa peau. Et puis une première larme roula le long de sa joue, qu'elle tenta d'écraser. Mais très vite, une seconde la suivit, une troisième et elle fut incapable de les empêcher de couler.

Derrière elle, la porte de sa chambre s'entrouvrit. Minerva ne réagit pas, devinant que c'était sa mère, venue la consoler. Elle laissa sa tête rentrée dans les épaules, lui tournant obstinément le dos et ne prononça mot. Elle ne voulait pas être consolée, elle ne voulait pas qu'on la regarde pleurer. Elle espérait qu'elle partirait. Au lieu de cela, Isobel s'approcha et Minerva sentit son lit s'affaisser. Sa main se posa sur son épaule et Minerva se tendit. Ne voyait-elle pas qu'elle voulait être seule ? Ne voyait-elle pas qu'un simple contact ne lui avait jamais servi, ne lui avait jamais apporté de réconfort ? Pire encore, qu'espérait-elle, en agissant ainsi ? Elle ne voulait pas pleurer devant sa mère, ne voulait pas rester dans un silence absolu ou aucun mot n'était prononcé, tout simplement parce qu'aucun mot n'était utile. Il n'y avait qu'une seule personne avec qui elle acceptait de pleurer, c'était elle. A quoi cela servait-il de l'observer sangloter ? Elle la détestait de rester dans son dos et elle se détestait de penser d'une telle manière.

- Pars, éructa-t-elle dans un souffle.

La main sur son épaule tressaillit, puis s'enleva. Il y eut un bref silence durant lequel Minerva put presque ressentir la douleur de sa mère la heurter.

- Tu n'as pas besoin de me parler ainsi non plus, murmura doucement Isobel avant de se retirer du lit.

Minerva ne réagit pas, et ce ne fut que quand elle entendit sa porte se refermer qu'elle laissa échapper un autre gémissement. Elle perçut la voix de sa mère consoler ses deux frères. Eux, qui l'avaient acceptée dans leurs bras sans hésitation, parce qu'ils n'avaient pas peur de montrer leurs émotions les plus intimes devant leur mère. Sûrement, était-ce normal. Et probablement également, avaient-ils compris que leur maman avait peut-être elle aussi besoin de réconfort.

Mais Minerva était ingrate ce soir. Elle ne voulait personne auprès d'elle, juste sa douleur et le souvenir de son grand-père. C'était sa manière de prendre à bras-le-corps la tragédie. Elle savait que cela allait arriver très bientôt : son père était parti deux jours auparavant en urgence et depuis, les McGonagall attendaient que le couperet tombe. Minerva se souvint de sa dernière visite, du biscuit qui avait eu un goût rance, du sourire qui s'était avéré être le dernier, de ses dernières paroles « je t'aime ».

Minerva éclata en sanglots, son corps se balançant d'avant en arrière. C'était comme si ses membres échappaient à tout contrôle, comme si, alors que son grand-père s'effaçait lentement de sa vie, son cerveau perdait finalement pied. Son corps laissait libre cours à sa détresse et seule dans sa chambre, Minerva se laissait transporter.

***

Le temps était si clair, si lumineux, qu'il brûlait les yeux gonflés de Minerva. Elle avait passé ses derniers jours dans un état catatonique, parfois le regard vide, d'autres fois à pleurer d'un seul coup. Souvent, elle avait eu l'impression de sortir de son corps et d'assister à la détresse d'une coquille vide. Elle avait été incapable d'aller dans la maison de son grand-père et Robert y était allé en voiture afin de commencer à trier, ranger, jeter. Hamish McGregor l'avait accompagné à la requête d'Isobel qui se refusait à laisser ses enfants seuls tout en craignant que son mari ne flanche et ne parvienne à surmonter l'épreuve par lui-même.

Durant les cinq derniers jours après la mort d'Eugene, l'ambiance dans la maison McGonagall avait été feutrée. Isobel cousait silencieusement, et chacun des enfants était dans sa chambre. Minerva se doutait que cette manière de faire face aux conséquences de la Mort n'était pas approuvée par tous, mais c'était en tout cas sa manière à elle. Pomona lui avait envoyée une plante grimpante qui s'était enroulée autour de sa lampe de bureau, Filius un oiseau de papier enchanté, et Alan et Lewis étaient passés la voir. Ils n'étaient pas restés longtemps, car Minerva n'avait pas été loquace et leur avait fait comprendre que la solitude lui faisait plus de bien. Dougal leur avait également rendu visite, mais pour la famille entière, aussi Minerva n'était pas descendue, ne se sentant pas obligée de faire acte de présence.

C'était comme si sa propre vie s'était arrêtée, qu'elle était entrée dans un monde parallèle, un monde qui se refermerait après le décompte qui la menait vers l'enterrement. Après, commencerait la période de deuil, de cicatrisation, peu importe le temps que cela prendrait.

Habillée de noir, elle avançait en compagnie de sa mère et de ses frères, en direction de l'église de Halkirk. Eugene avait émis le souhait d'être enterré avec sa femme, bien entendu. Quelques personnes du village s'étaient rassemblées, peut-être même la majorité. Dans un lieu si petit, tout le monde se connaissait. Robert discutait avec le pasteur qui officierait la cérémonie, le regard sombre. Il les aperçut, conclut sa conversation et vint les rejoindre. Il embrassa sa femme sur le front et Minerva remarqua ses cernes qui s'étaient marquées depuis ces cinq jours durant lesquels elle ne l'avait pas vu. Il prit chacun de ses enfants dans ses bras et Malcolm commença à sangloter. Robert Jr, sûrement sous le choc, tripotait mécaniquement les manches de sa veste, tête baissée et les épaules agitées de spasmes. Minerva, qui s'était promis et s'était dit qu'elle ne verserait pas de larmes devant tous ces inconnus, sentit ses yeux piquer. Elle serra les poings un instant et suivit sa famille vers l'église. Celle-ci était construite de pierre grise et d'un toit d'ardoise, une immense rosace construite au centre. La tour était située au-dessus de l'entrée, sur la gauche du bâtiment, et en y posant le pied, Minerva ne prêta qu'un simple coup d'œil à la plaque commémorative qui honorait le dessinateur du bâtiment, un certain Alexander Ross. Elle se cala sur la cadence de son père et lui demanda :

- Tu vas bien ?

Robert lui fit un faible sourire et passa une main dans le dos de sa fille.

- J'ai eu cinq jours pour le pleurer.

Elle doutait que cinq furent suffisants, mais c'était là son papa qui lui parlait. Ils prirent place sur les bancs et Minerva évita du regard le cercueil qui reposait au centre du foyer avec quelques rares bouquets de fleurs autour, et quatre cierges.

- Eh, murmura une voix derrière elle alors qu'une main douce se posait sur son épaule.

Minerva se retourna pour voir Alan en compagnie de Lewis, qui étaient venus en soutien. Il était rare de voir les deux ensemble sans qu'ils ne se chamaillent, aussi Minerva leur fit un petit sourire de remerciement avant que la cérémonie ne commence.

C'était plus dur que ce qu'elle ne pensait, et infiniment long. Robert et quelques autres se levaient pour dire quelques mots qu'ils avaient préparés : des souvenirs avec Eugene, les accomplissements de sa longue vie, ses joies comme ses peines, et Minerva se souvint de la dernière conversation qu'elle avait eue avec son grand-père, écho des paroles qui résonnaient dans l'église ce jourd'hui.

Lorsqu'ils sortirent après quarante-cinq minutes de cérémonie, Minerva frissonna en apercevant le corbillard noir d'encre qui attendait à quelques mètres. Les portes sombres étaient ouvertes, prêtes à engloutir le corps de son grand-père. Elle sentit la main de Lewis se glisser dans la sienne et elle s'y accrocha, presque inconsciemment, les dents serrées. Ils se rendirent dans une procession lente et austère jusqu'au cimetière, où le caveau avait été ouvert, des fossoyeurs attendant silencieusement. Quelles étaient leurs pensées à eux dont le travail était de mettre en terre, de porter une conclusion à une vie terrestre devant les regards éplorés de la famille et des amis ?

La mise en terre fut longue, éternelle, étirée par une descente dans cette fosse sombre qui semblait avaler cercueil, corps, âme. Le regard vide, les yeux secs d'avoir trop pleuré, Minerva fixa longuement ce trou sur lequel le pasteur bénit une dernière fois l'esprit de son grand-père, destiné à vivre éternellement auprès de sa femme Moira. Peut-être était-il plus facile de croire en une force divine afin de pouvoir faire face à la mort sans crainte, ou que les proches soient assurés de retrouver l'être cher perdu.

Robert s'approcha de la tombe, courba la tête et murmura quelques mots silencieux avant de jeter une poignée de terre. Isobel fit de même et Minerva sut qu'elle devait être en train de vivre ce que sa mère avait vécu il y a presque vingt ans. Quand ce fut son tour, elle ne put retenir le sanglot qui lui obstruait la gorge depuis le début et elle fut incapable de dire quoique ce soit. Quand elle plongea son regard dans la profondeur de la fosse, mélange de terre et de pierres, elle songea aux paroles de son grand-père, quelques jours plus tôt : il était préférable de pleurer de douleur devant cette tombe plutôt que de pleurer de regret devant un grand-père qu'elle aurait tardé à contacter.

Elle sortit du cimetière en compagnie de Lewis et Alan qui n'avaient dit mot depuis leur arrivée.

- Mademoiselle McGonagall ?

Minerva se retourna vers la voix de femme qui l'avait appelée. Elle reconnut Mme Agrepine qui s'avançait, les mains croisées devant elle.

- Puis-je vous parler un instant ? demanda-t-elle en jetant un bref coup d'œil aux garçons.

Ceux-ci comprirent le message et s'éloignèrent après un dernier regard pour leur amie. Agrepine marcha aux côtés de la jeune fille, silencieuses durant quelques secondes.

- Mes condoléances pour votre grand-père, fit-elle finalement, obtenant un bref hochement de tête de la part de Minerva. C'était un brave homme.

- Vous êtes une sorcière ? s'enquit brusquement Minerva, récoltant un regard surpris de la part de la femme.

- Risqué d'émettre une telle hypothèse. Mais oui, comme vous, si j'ai bien deviné. Par votre mère, n'est-ce pas ?

Minerva acquiesça.

- Que faisiez-vous chez mon grand-père ? Vous travaillez pour Sainte-Mangouste ? Qu'est-ce que l'hôpital vient faire chez les malades moldus ?

- Je ne travaille pas seulement pour Sainte-Mangouste. Il existe un réseau appelé la Mangoustine et qui essaie de travailler en coopération avec les services médicaux moldus. Ce n'est pas bien développé, beaucoup de sorciers pensent être supérieurs en matière d'avancée sanitaire et nous manquons de fonds financiers. Sainte-Mangouste se charge de nous faire parvenir ce dont nous avons besoin, mais la communauté sorcière est bien évidemment privilégiée en premier recours. La vérité est, que les sorciers ont autant besoin des moldus que les moldus ont besoin de nous.

- Cela ne brise-t-il pas le code du Secret International magique ? se risqua à dire Minerva en plissant les yeux.

Agrepine leva un sourcil à son encontre.

- Vous et moi savons très bien que ce secret est rarement respecté dans les faits. Votre famille en est l'exemple parfait. Mais il est vrai que cette loi nous empêche de parfaitement nous étendre car il nous faut nous limiter à un réseau limité de médecins moldus. De plus, notre organisation est récente et n'a émergé qu'après la guerre mondiale moldue.

Agrepine soupira et s'arrêta de marcher.

- Quoiqu'il en soit, l'organisation a été contactée pour votre grand-père. Je dois vous avouer que je ne pouvais guère faire quelque chose pour améliorer son état.

- Vous lui avez tenu compagnie, assura Minerva la gorge nouée. Cela lui a fait du bien. Je vous remercie.

Agrepine se permit de poser une main sur son épaule et lui fit un bref sourire avant de lui tourner le dos. Minerva allait retourner auprès de ses amis lorsque Dougal la rejoignit, le visage sérieux.

- C'était une belle cérémonie, dit-il, Eugene aurait été touché.

Minerva en ignorait l'utilité si le principal concerné n'était pas là pour la voir, mais elle appréciait qu'il ne lui présente pas ses condoléances ou dise qu'il était désolé. Des mots bien sûr de circonstances et toujours recevables, mais à son sens vides. Pourtant, c'était souvent la seule chose qui venait à l'esprit des gens dans ce genre de situation. Peut-être même qu'Eugene se serait exclamé « Désolé ? Mais désolé de quoi ? Tu ne m'as pas tué à ce que je sache ! ». La mort n'était pour lui qu'une étape, un tournant avant sa deuxième vie de retour auprès de sa chère femme. Minerva savait que Dougal avait perdu sa mère étant enfant, une des raisons pour lesquelles il tenait tant à rester auprès de son père plus tard. Il avait souffert de cette douleur et appliquait sûrement aux autres ce qu'il aurait voulu qu'on lui dise.

Dougal semblait hésiter à continuer ses mots, mais il fut de toute manière, interrompu par l'arrivée de Lewis et Alan. Il fronça les sourcils à l'intention du Serpentard.

- Nous nous sommes déjà vus, n'est-ce pas ?

Lewis croisa très brièvement le regard de Minerva avant de serrer la main que le moldu lui tendait.

- Devant chez les McGonagall, oui. Lewis Rollin, le petit-ami de Minerva, précisa-t-il.

- Oh.

Dougal hocha la tête, jeta un coup d'œil à sa voisine et lâcha la main de Lewis avant d'adresser un salut de la tête à Alan et de s'éloigner.

- Moi c'est Alan Vendrars, enchanté, marmonna celui-ci en enfonçant les mains dans ses poches de costume.

Minerva esquissa un sourire, à la grande joie de son ami.

- C'est mon voisin, dit-elle, il habitait dans ce village avant et connaissait bien mon grand-père.

Elle buta sur l'usage du passé mais fit semblant de ne rien laisser paraître. Après une courte discussion, il fut temps de partir pour la maison d'Eugene, où un dernier hommage lui était rendu. Minerva avait du mal à concevoir que les gens pouvaient manger de manière aussi sereine, comme si le pire était passé. Elle ne parvenait pas à avaler quoique ce soit, elle souhaitait juste rentrer et achever cette longue journée épuisante émotionnellement. Des albums photos d'Eugene étaient ouverts à disposition de tous ceux qui souhaitaient s'y pencher. Ce fut d'autant plus douloureux pour Minerva de voir qu'elle et ses frères n'étaient présents que dans les dernières pages, étant eux-mêmes les deniers à être revenus auprès d'Eugene.

Son père lui fit signe à l'autre bout de la salle. Elle le rejoignit et il lui tendit une chouquette qu'elle grignota à contrecœur du bout des dents. Robert sortit un bout de papier plié en quatre de sa poche de veste.

- Ton grand-père voulait te donner ceci.

Minerva eut du mal à avaler sa bouchée. Elle n'avait jamais songé à la question des legs qu'elle et ses frères pouvaient recevoir. A vrai dire, il lui semblait qu'Eugene avait décidé de donner tous ses biens à des associations caritatives et à la paroisse. Elle attrapa le papier et le déplia. A première vue, elle pensa à une liste puis en s'y penchant un peu, elle découvrit qu'il s'agissant en fait de la recette des biscuits au gingembre, la fameuse recette de Moira. Là où il était, il n'en n'avait sûrement pas besoin puisque sa femme devait la connaître par cœur.

Ce n'était qu'un bout de papier, mais Minerva sentit ses yeux s'embuer d'émotion.

- J'ai aussi mis la photo que tu lui avais envoyé dans le cercueil. Il aurait aimé qu'elle soit avec lui.

Minerva articula un remerciement et fut incapable de finir sa chouquette, une boule de chagrin lui obstruant la gorge. Robert lui caressa les cheveux, doucement, et sa fille se laissa faire pour une fois. Alan et Lewis finirent par partir et le Gryffondor ramena Lewis chez lui comme à l'aller. Cela fit bizarre de les voir quitter les lieux comme de bons amis. Ce qu'ils n'étaient pas précisément, mais peut-être que pour elle, ils avaient décidé de faire une trêve.

Lorsque ce furent leur tour à elle, sa mère et ses frères, elle accueillit avec un soulagement coupable la nouvelle. Robert restait encore pour terminer les dons, aussi Minerva se chargea de faire transplaner le reste de sa famille à l'écart des derniers invités qui s'éloignaient. La main de Robert Jr tressaillait dans sa main lors du voyage. La sensation ne devait certainement pas être agréable pour un enfant de son âge : l'impression de ne plus pouvoir respirer, la poitrine compressée, l'obscurité et les yeux engoncés dans les orbites...

La vision de sa maison ramenait une touche de normalité à la journée et Minerva s'engouffra avec un sentiment de consolation dans sa chambre, le cœur en berne. Aujourd'hui avait été long, douloureux, et elle voulait être au lendemain pour pouvoir continuer à marcher sans penser avec peine à Eugene.

Un jour, la blessure allait cicatriser ; elle ne serait pas oubliée, mais cela finirait par aller mieux.

Minerva enleva ses vêtements et enfila sa chemise de nuit avant de se rouler en boule dans son lit, les paupières pressées sur ses yeux.

Aujourd'hui devait s'achever.

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