Chapitre 19 : Cœur de pierre, écrin de peur
Hello !
Mille mercis, des millions de mercis pour avoir été si nombreux au rendez-vous du retour de Minerva ! Ca m'a fait si chaud au cœur de vous retrouver ! Vos commentaires me font toujours fondre, rire, c'est un vrai plaisir.
J'espère que la suite vous plaira ! Bonne lecture !
Chapitre 19: Cœur de pierre, écrin de peur
Minerva se frotta la main avec un grimacement. Elle venait d'avoir sa première leçon de Transplanage et elle était parvenue à perdre un doigt lors de ses essais. Alan était devenu tout blanc et se serait sûrement évanoui si Cora ne l'avait pas frappé sur le crâne. Les professeurs avaient réussi à le lui remettre d'un coup de baguette magique avant de courir aider d'autres victimes. Certains élèves étaient sortis en pleurant, traumatisés par leur expérience et Minerva restait encore troublée par la vision de sa main à quatre doigts.
- Eh, McGonagall !
Elle se retourna et vit Lewis arriver à grands pas vers elle, son sac en bandoulière sur l'épaule. Elle cacha sa main dans sa poche et l'attendit.
- Faut que je te parle, fit-il en s'arrêtant essoufflé, tu as le temps ?
Curieuse, Minerva lui fit signe de la tête et il se dirigèrent vers le parc où les autres étudiants flânaient sous le soleil. Ils croisèrent Holly accompagnée d'Alfie et Charlie et ceux-ci firent de gros yeux en voyant leur capitaine en compagnie du Serpentard. Minerva rentra la tête dans ses épaules, le sourire narquois de son frère lui parlant de rumeurs entre elle et Lewis dansant dans sa tête.
- Là-bas, nous serons au calme, fit Lewis en désignant l'ombre d'un saule pleureur dont les branches pendaient paresseusement dans le vent.
Minerva traîna des pieds, gênée de se retrouver seule avec lui. Devant, Lewis sentit son hésitation et se retourna, un sourcil dressé tout en marchant à reculons.
- Ne te fais pas désirer, McGonagall, lança-t-il.
- Et toi regarde où tu mets les pieds, répliqua-t-elle en zyeutant sur une racine qui sortait de terre derrière lui, tu vas tomber.
Il eut un bref ricanement avant que son talon ne bute contre la racine et qu'il bascule. Il se rattrapa in extremis en battant des bras sous le rire moqueur de Minerva.
- Imbécile, commenta-t-elle en le rejoignant.
Elle nota qu'un épi s'était dressé sur le côté de son crâne lors de sa presque chute, mais elle ne jugea pas nécessaire de le lui signaler.
Lewis s'assit lourdement avec un soupir soulagé et se massa le talon.
- Tu es plus agile sur un balai qu'au sol, fit remarquer Minerva.
- Je ne regardais juste pas devant moi, protesta Lewis en croisant ses jambes devant lui, les coudes appuyés dans l'herbe.
Minerva s'assit en tailleur en plaçant sa jupe autour de ses jambes. Elle était reconnaissante à l'école de ne pas suivre la mode vestimentaire sorcière qui mettaient à l'honneur les tailles de guêpes des filles avec des jupes crayon. Minerva n'était pas bien ronde, elle était même squelettique avec des hanches pointues, mais au moins sa jupe à plis plats ne révélait-elle pas trop ses formes (ou son absence). En cela, elle savait que sa mère regrettait ne pas pouvoir partir en virée shopping avec sa fille pour des folies vestimentaires. Elles ne pouvaient pas être plus opposées : Minerva encore à l'âge de guerre où le tissu de la mode avait été sacrifiée au nom de l'effort national, et Isobel qui suivait toutes les nouveautés et s'appliquait à être au goût du jour.
Minerva rajusta son col claudine et fit face à Lewis qui avait observé ses gestes avec un air perplexe.
- Bon, tu voulais quoi ?
Lewis s'esclaffa.
- Quoi, on ne peut pas juste profiter du beau temps ?
Minerva fit mine de prendre son sac et de se lever, et Lewis se redressa.
- D'accord, je plaisantais ! Par Merlin, tu n'es pas facile, soupira-t-il alors que la Gryffondor plissait les yeux à son encontre. Ecoute... j'aimerais parler de... -il jeta un coup d'œil autour de lui- de tu sais qui.
Le coin droit de la bouche de Minerva se crispa. Elle ne savait pas pourquoi mais ils avaient commencé à parler de Jedusor en cachant son nom, comme si celui-ci pouvait les entendre quelque part. Elle croisa les bras.
- Eh bien quoi ?
Lewis épousseta les brins d'herbes de ses mains.
- J'aimerais t'accompagner chez ton ami Thomas.
- Je t'ai déjà dit que...
- Je sais, je sais, coupa Lewis en levant sa paume de main. Tu as ton propre moyen. Mais je peux venir avec un simple sortilège de Désillusion, cela suffira amplement. Ne soyons pas paranoïaque, Jedusor ne va pas nous attendre sur le paillasson.
- Si tant est qu'il soit le coupable.
Lewis fit la grimace.
- Certes. Mais c'est un bon suspect.
- Il faut faire attention... Ce n'est qu'un suspect, mais un suspect puissant. Je ne voudrais pas qu'il nous arrive malheur.
Lewis fronça les sourcils mais ne répliqua pas immédiatement. Minerva se racla discrètement la gorge, mal à l'aise. Elle était embarrassée de son comportement, sentiments de honte et de culpabilité se mêlant. Voire de lâcheté.
- Donc je peux venir ?
- Est-ce que je peux t'en empêcher ? répliqua-t-elle.
Lewis l'observa un moment avant de répondre :
- Tu ne peux pas. J'ai mes propres raisons pour enquêter sur Jedusor.
Minerva hocha la tête. Elle ne souhaitait pas retourner chez Jimmy, mais elle ne pouvait décemment pas retenir Lewis de chercher le coupable du meurtre de son frère. D'un côté, elle admirait son abnégation mais d'un autre, son comportement lui faisait peur. Il paraissait prêt à tout pour découvrir la vérité, peu importe quelle sombre histoire il dévoilerait en assemblant les preuves entachées par le crime.
- Tu es prête pour demain ?
Minerva leva un visage sarcastique.
- A vous écraser ? Toujours.
La demi-finale était aux portes des rouges et verts, la finale au dernier tournant. Le match du lendemain allait être intense, comme souvent lorsque Gryffondor et Serpentard s'affrontaient.
- D'ailleurs..., fit Minerva avec un léger sourire, tu te souviens de notre première rencontre ?
Lewis ouvrit la bouche et la referma.
- Devant... les toilettes des filles ?
Minerva roula des yeux.
- Oui. Mais nous avions passé un accord, non ? De se retrouver en finale.
- Ah. L'un de nous n'ira pas, sourit-il. Je m'excuse d'avance pour toi et ton équipe.
- J'allais dire la même chose, mais tu peux toujours attendre des excuses de ma part. On va vous aplatir.
Lewis ne sembla pas la prendre au sérieux car il éclata de rire.
- Je prends note, dit-il le sourire aux lèvres en la regardant avec des yeux plissés d'amusement.
Minerva fut incapable de soutenir son regard bleu fixé sur elle et elle se détourna en observant les alentours, tripotant les coins de sa jupe. Elle savait que son visage s'enflammait alors qu'il l'observait toujours. Elle s'apprêtait à parler afin de meubler le silence -sûrement pour dire quelque chose de stupide- lorsqu'elle fut sauvée par une voix féminine qui l'appelait.
Soulagée, Minerva se retourna et aperçut Grace traverser le parc à grands pas, vêtue de son éternel sweat-shirt et d'un pantalon corsaire au tissu froissé. Minerva songea que cela devait être bien agréable à porter, bien plus qu'une jupe. Elle se leva et attrapa son sac.
- Le devoir m'appelle, à plus !
Elle s'éloigna, ou plutôt s'enfuit pour rejoindre la jeune américaine qui s'était arrêtée, le regard méfiant posé sur le Serpentard.
- Tu pactises avec l'ennemi ? demanda-t-elle.
- Pour quelqu'un qui n'aime pas Poudlard, tu t'adaptes rapidement aux conflits entre Maisons, observa Minerva en levant un sourcil.
Grace n'eut pas l'air d'apprécier mais fut forcée d'admettre silencieusement la logique imparable de la capitaine.
- Je fais des efforts, marmonna Grace. On peut parler ?
- De quoi ? demanda innocemment Minerva tout en sachant très bien pourquoi Mallony venait.
Celle-ci le savait également car elle lui jeta un regard peu amène.
- Si tu crois que je vais annoncer ma candidature dans l'équipe, tu rêves.
- Mais tu veux en parler, devina Minerva en cachant un sourire suffisant.
Grace shoota dans une touffe d'herbe, à défaut d'avoir un caillou à portée de semelle.
- Je serais une mauvaise recrue, avoua la plus jeune en enfonçant ses mains dans les poches de son sweat. Je ne sais pas jouer.
- Mais tu jouais au baseball, releva Minerva. Ce n'est pas la même chose, mais tu as de bonnes bases pour être batteuse.
- Je pourrais, si j'avais les pieds sur terre.
Minerva se figea.
- Tu as le vertige ?
- Non, pas du tout, répondit Grace et Minerva eut un soupir de soulagement. Je... manque de coordination. Je ne pourrais jamais conduire un balai et frapper dans un Cognard en même temps.
- C'est sûr que ce n'est pas l'idéal, grimaça la capitaine, mais ça se travaille.
Grace ne répondit pas et se mâchonna la lèvre. Elle semblait vouloir dire quelque chose, aussi Minerva attendit patiemment qu'elle trouve ses mots.
- J'imagine que je ne t'apprends rien, lâcha Grace du bout des lèvres, mais je ne suis pas très populaire parmi mes camarades. A cause de...
Elle se désigna d'un geste vague qui voulait à la fois tout et ne rien dire. Son look ? Ses cheveux courts coupés à la garçonne ? Ses gestes masculins ? Ou encore son accent étrange, ses mots mâchés, son rejet de la magie ? Son sang ?
- T'as dit que je pourrais avoir des amis dans l'équipe.
- Je t'arrête tout de suite, coupa Minerva en levant une main, nous ne sommes pas le refuge pour étudiants rejetés.
Grace lui jeta un regard outré.
- Quand je t'ai dit que tu pourrais compter sur tes coéquipiers, reprit Minerva avant que Mallony ne s'indigne encore plus, j'insinuais qu'ils t'accepteront comme tu es. On s'en fiche de notre niveau en cours, de notre famille, d'à quoi on ressemble. On joue au Quidditch et c'est tout. Peu importe ce que pensent les autres, on se serrera toujours les coudes entre nous.
- Ce n'est pas...
- Tu n'entreras pas dans l'équipe si tu attends de nous qu'on te dise quoi faire pour t'accepter, dit fermement Minerva. Tu es née-moldue, américaine ? Tu es différente ? Fais-en ta force. Sois-en fière.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire, marmonna Grace les dents serrées. Mais tu dois bien avouer que je pars sur un mauvais pied ici niveau relations sociales. Si en plus je deviens batteuse...
Minerva soupira. Il était vrai que dans l'esprit général, le rôle de batteur était associé aux garçons : il fallait être solide, avoir des bras costauds, et les filles n'étaient généralement pas entraînées dans cette direction, tant physiquement que mentalement. Grace, par sa stature trapue, attirait déjà les remarques. Prendre un rôle considéré comme masculin n'arrangerait pas sa situation.
- Je n'ai rien de plus à ajouter, dit Minerva d'un ton plus ferme. Je souhaite juste te signaler que tu m'intéresses pour l'équipe. Tu m'intéresses pour la personne que tu es actuellement, pas pour la personne qui t'aiderait à être acceptée par les autres. Laisse-les parler. Nous, nous serons ravis que tu sois parmi nous.
- Je te l'ai déjà dit, je n'ai aucune coordination, je ne pourrais pas...
- Alors pourquoi tu viens m'en parler si c'est pour me dire que tu ne seras pas capable de nous rejoindre ? coupa Minerva.
Grace se raidit, prête à se braquer. Mais cette fois, elle baissa brièvement les yeux, inspira légèrement et lâcha :
- Parce que j'en ai envie.
Minerva sourit. Bien sûr qu'elle savait qu'elle en avait envie. C'était tout ce qui lui importait. Maintenant qu'elle avait formulé ses craintes, elle exprimait son vœu. À Minerva de se débrouiller avec ce dont elle disposait désormais.
- Cet été, je viendrai t'entraîner, annonça-t-elle. Tu devras faire ce que je dis et je te promets que tu réussiras les sélections parce que tu l'auras mérité.
Grace leva un visage troublé.
- Pourquoi tu ferais ça ? Tu vas être accusée de favoritisme.
Il était vrai que c'était un risque, mais si Grace était la meilleure il n'y aurait pas de raison. Minerva pariait sur son talent qu'elle sentait chez elle et elle travaillerait nuit et jour s'il le fallait pour la faire intégrer l'équipe.
- Tu as l'air douée, répondit Minerva tout en nuance. Et je t'avoue que personne ne se bouscule pour le poste.
Grace eut un éclair de déception dans son regard avant qu'elle ne redresse les épaules, le visage ferme.
- Alors je te montrerai que je ne suis pas un choix par dépit.
Minerva cacha son sourire. Elle n'en doutait pas, mais cela, Grace ne le savait pas. Celle-ci tourna les talons et marmonna un merci presque inaudible avant de s'éloigner sous le regard de la capitaine. Sa proposition d'entraînement personnel était sincère, mais pas seulement parce qu'elle croyait en les capacités de Grace ou parce qu'elle était la seule candidate. En vérité, les étudiants ne révélaient leur intérêt qu'au moment des sélections la plupart du temps. Elle aurait sûrement quelques propositions en septembre prochain, et elle espérait que Grace en ferait partie.
En l'observant s'éloigner, elle lui fit penser à Etna qui avait trouvé en l'équipe des amis qui l'appréciaient pour ce qu'elle leur offrait et non pas pour son visage gracieux. Elle ne s'était jamais sentie aussi belle que lorsqu'elle avait son visage recouvert de boue, selon elle. Grace, en son magnifique opposé, espérait également l'acceptation des autres. Minerva elle-même, était devenue plus qu'une intello, comme l'appelaient les autres étudiants avant qu'elle ne devienne Poursuiveuse puis capitaine.
Finalement, peut-être que l'équipe de Gryffondor était dans une certaine mesure et d'une certaine façon, un refuge pour étudiants.
En remontant l'allée sablonneuse vers le château, elle croisa Alan en compagnie de Cora toujours aussi pâle par la maladie. Jusque-là, pas de surprise car quand Alan n'était pas avec sa partenaire de Gryffondor, il était la plupart du temps aux côtés de la Serpentard. Mais cette fois-ci, ils se tenaient plus proches, comme s'ils partageaient secrètement leur bulle privée qui les séparait de l'extérieur. Leurs mains jointes semblaient inséparables et sur le visage d'Alan s'étirait un sourire à la fois fier et timide. Il fallait être aveugle pour ne pas remarquer le virage qu'avait pris leur relation. Et Minerva avait beau être néophyte dans le domaine, elle avait des yeux. Un cœur de pierre également peut-être, car par-dessus le voile de joie que celui-ci éprouvait à leur égard, était gravé une crainte d'une rationalité effrayante et faussement protectrice. Un jour, ce serait ce cœur-là, froid, qui allait ramasser les cendres encore fumantes de celui de son meilleur ami.
Alan l'aperçut et s'immobilisa. Il eut l'air mal à l'aise avant de se frotter la nuque et se tourner vers Cora pour lui souffler quelques mots. Celle-ci hocha la tête, fit un signe de main à Minerva et partit de son côté. Alan l'observa un instant, le regard vague et quand elle eut disparu, retrouva Minerva qui l'attendait, la poitrine serrée. Elle s'éclaircit la gorge afin de faire partir cette sensation tant physique qu'émotionnelle.
- Alors ça y est ? fit-elle légèrement.
Alan eut un rire bref, baissa les yeux et les releva avec un sourire. Il acquiesça.
- Ça paraît évident, non ?
- Pas faux. T'as l'air encore plus stupide que d'habitude.
Alan eut une expression indignée qui fit rire son amie. Il était plus facile de se moquer que de songer à un futur hypothétique.
- J'aurais envie de dire que c'est différent, dit Alan en marchant lentement, mais en fait pas vraiment.
- Vous aviez déjà une vie de couple avant, grogna Minerva, des sangsues. Sauf que cette fois vous allez tous nous dégoûter avec vos niaiseries.
Alan plissa les yeux.
- On va dire que c'est ta façon de me signifier que tu es contente pour nous. Et puis d'ailleurs, tu as tort. Cora déteste être affectueuse en public. J'ai dû lutter pour lui prendre la main !
Il soupira et Minerva lui jeta un coup d'œil intrigué.
- Qu'y a-t-il ?
- Elle m'a demandé de l'accompagner à son prochain rendez-vous médical. Je ne sais pas trop quoi penser.
- Tu as accepté ?
- Bien sûr. Mais c'est un examen important. Ils vont lui faire toute sortes de tests, de piqûres. D'habitude quelqu'un de sa famille daigne l'accompagner mais avec toute cette histoire par rapport à son neveu... elle doute que quelqu'un accepte.
- Tu veux dire qu'elle a trop de fierté pour demander. Il est quand ce rendez-vous ?
- En juillet, répondit Alan. Le 11, mais apparemment elle aura besoin d'aide les jours d'après pour s'occuper d'elle.
Minerva s'immobilisa.
- C'est le mariage de Fleamont le 12, rappela-t-elle.
Alan ouvrit de grands yeux. Il eut le bon goût de paraître coupable.
- J'avais oublié !
- Je vois ça, répliqua Minerva en croisant les bras.
Alan grimaça.
- Je suis désolé... Je lui ai promis...
- À moi aussi.
Minerva observa la réaction de son ami avant de sourire et de lui frapper le bras avec son poing.
- Je plaisante, va. C'est plus important qu'un mariage.
Le jeune homme parut soulagé et hésitant à la fois.
- Tu es sûre ?
Minerva haussa les épaules.
- De toute façon j'aurais été de mauvaise compagnie. Ne t'en fais pas.
Elle était sincère, elle ne lui en voulait pas. Même si leur amour l'effrayait -et ce rendez-vous médical était une illustration de sa crainte- elle ne pouvait guère se mêler de leur histoire. Que pouvait-elle faire ? Les séparer ? Elle en était incapable. Peut-être était-elle trop pessimiste et que Cora déteignait sur elle. Elle aurait aimé que ce soit Alan, lui qui espérait tant ; lui qui espérait trop, pouvait-il donner un peu de cette lumière pour qu'elle ne le brûle pas et aide les deux filles à croire ?
- Ça va ?
Minerva cligna des yeux en direction de son ami qui avait remarqué son soudain silence.
- Bien sûr, mentit-elle. Je vais à la tour, l'équipe veut boire un verre pour fêter notre accès en demi-finale.
- Boire un verre ? répéta Alan. Comment ? Et le dîner ?
Minerva haussa les épaules.
- Je ferme les yeux sur la manière. Apparemment ils vont récupérer à boire et à manger dans les cuisines. Tu veux venir ?
Alan déclina l'offre en avouant qu'il allait lui aussi dans les cuisines pour dîner avec Cora.
- Evidemment, commenta Minerva avec un sourire narquois.
Elle le salua de la main et grimpa les marches jusqu'au septième étage. La plupart des Gryffondor était partie dans la Grande Salle ce qui faisait croire que la tour avait été privatisée par l'équipe de Quidditch. Ils avaient déjà tous un verre à la main, Holly sûrement pas à son premier vu ses joues roses.
- La capitaine ! s'écria-t-elle en levant sa bouteille de Whisky Pur-Feu. Qu'on lui donne un verre !
- Vous avez du jus de groseille ? demanda Minerva provoquant les ricanements d'Alfie qui lui fourra une Bièraubeurre dans la main.
Minerva marmonna pour la forme, car elle appréciait le goût sucré de la Bièraubeurre même si elle préférait son habituel jus de groseille. Elle comptait bien contrôler les possibles écarts de comportement.
- N'oubliez pas, prévint-elle, soyez raisonnables. Nous avons match demain.
- Fais-nous donc confiance, va !
Minerva pointa un doigt menaçant sur Alfie.
- Si l'un de vous a la gueule de bois, il ou elle restera sur le banc. Vous êtes prévenus.
- Tu n'oserais pas ? souffla Etna en ouvrant de grands yeux.
- Je préfère avoir des joueurs en moins que des joueurs à la tête noyée par l'alcool et incapable de tenir sur son balai. Je n'en supporterais pas l'humiliation.
Holly jeta un coup d'œil discret à sa boisson et déglutit nerveusement avant de la reposer.
Le reste de la soirée se déroula sous l'œil vigilant de la capitaine : Holly avait récupéré son compagnon Whisky mais Minerva s'inquiétait moins. Son attrapeuse avait une étonnante résistance à l'alcool en plus d'avoir la sagesse de varier alcool et eau, lui évitant le mal de crâne du lendemain. Alfie, qui n'avait pas son endurance, avait demandé à tout le monde de l'empêcher d'approcher d'une bouteille autre que du jus de citrouille. Fabio sirotait sa boisson sans rien dire à personne en compagnie d'une Alexandra qui passait son temps à se moquer des manières de Holly. Minerva vint s'asseoir entre une Charlie somnolente et une Etna moins à l'aise.
- Ça ne va pas ? fit Minerva en s'affalant à ses côtés.
Etna sursauta et porta son regard sur sa capitaine. Elle gigota et eut un bref sourire.
- Si, ça va. Un peu fatiguée. Je ne vais pas traîner.
Minerva fronça les sourcils. Elle avait connu son amie plus enjouée. Elle ne dit rien pendant un instant, observant les Gryffondor qui profitait de l'alcool pour se joindre à la fête.
- Je sens que l'on ne va plus rien contrôler d'ici peu, marmonna-t-elle.
- Ne t'en fais pas, Alfie et Holly ont pris juste assez. Il n'y en aura jamais suffisamment pour tous les étudiants.
- Eh, Etna ! Viens nous voir un peu.
Minerva se tourna vers la voix tandis qu'Etna se tendait à ses côtés. C'était un septième année qui lui faisait signe en compagnie de ses amis, un Whisky à la main.
- C'est qui, eux ? demanda Minerva. Je ne reconnais personne à part le Gryffondor.
Etna croisa les bras et se mordit la lèvre.
- Ses amis, des Serdaigle.
- Hein ? Mais qu'est-ce qu'ils font là ? Sans vouloir offenser tes amis, ce n'est pas un moulin ici.
- Ce ne sont pas mes amis.
Minerva, qui s'apprêtait à se lever pour les faire sortir, s'immobilisa.
- Ce ne sont pas tes amis ? répéta-t-elle. Pourquoi ils t'appellent alors ?
- Etna ! fit à nouveau la voix du Gryffondor.
Minerva l'ignora cette fois-ci et observa le regard assassin que lançait son amie au groupe.
- Qu'est-ce qu'ils te veulent au juste ? s'enquit-elle-même si elle commençait à se faire une idée.
Etna haussa les épaules.
- Venir discuter, répondit-elle avant de mettre une main au menton. Ah non, attends. C'est comment déjà ? Ah oui, « faire plus ample connaissance », assorti d'un clin d'œil.
Le visage de Minerva s'assombrit.
- Je les fais dégager ? proposa-t-elle.
Etna rit.
- Ignore-les et ils passeront leur chemin.
- Mais...
- Crois-moi, dit Etna avec un faible sourire, j'ai essayé aussi de répondre. Maintenant ça me fatigue plus qu'autre chose. Je choisis mes combats, et eux partent de Poudlard à la fin de l'année. Je doute qu'ils en vaillent la peine. Ils iront mordre la poussière ailleurs.
Minerva inspira profondément. Cette situation n'était pas son affaire mais cela lui crevait la peau de rester à ne rien faire pendant que ces abrutis arboraient ce sourire mi-narquois mi-séducteur. Surtout que son amie semblait être une habituée de ce genre de comportement.
- Tu m'autorises à faire sortir les Serdaigle au moins ? demanda-t-elle finalement. Ils n'ont rien à faire là.
Etna l'observa un instant avant de hocher lentement la tête. Bien sûr, enlever les sbires, c'était isoler le meneur. Ce dernier ne tenterait plus rien après. Minerva se mit sur ses pieds et se dirigea d'un pas ferme vers le quatuor.
- Mince, mauvaise fille, fit un Serdaigle faisant pouffer un autre.
Minerva fit la sourde oreille et les fixa de son regard vert perçant.
- Je vais vous demander de partir, dit-elle à l'intention des Serdaigle. Ce n'est pas votre Salle Commune.
- Ah, fit le Gryffondor, mais ce sont mes invités.
- Revois tes principes de bienséance et de vie en communauté, persifla Minerva. Avant d'amener tes hyènes ricaneuses, tu demandes la permission des autres. Les autres c'est nous, si jamais tu n'avais pas compris.
- Mes hyènes ricaneuses ? C'est de la provocation ?
- Ton comportement envers Etna, on en parle ?
Le Gryffondor leva ses sourcils. Minerva n'avait pas pu s'en empêcher. Etna ne voulait pas qu'elle en fasse son combat, ce qui était compréhensible. Mais peut-être le combat de l'une était également le combat de toutes les autres.
- Je ne lui ai rien fait, se défendit le Gryffondor. Je lui propose de venir boire avec nous, c'est tout.
- Eh bien, elle ne veut pas alors lâche-la.
Il fit un mouvement en direction d'Etna.
- Pourquoi ne vient-elle pas me le dire elle-même ?
Minerva s'interposa et plongea sa main dans la poche.
- Ne m'oblige pas à utiliser la magie.
Le Gryffondor l'imita, le coin de sa bouche tordu.
- Il se passe quoi ici ?
Minerva se détendit en percevant Alfie et Holly se placer à ses côtés. Cette dernière, le coude sur l'épaule de sa capitaine, tenait moins debout par l'alcool, mais peut-être était-ce elle qui avait le moins de sang-froid actuellement et qui lancerait le début d'une rixe, si rixe il y avait. Charlie était tout à fait réveillée à présent et Alexandra s'était levée, son air moqueur remplacé par un sérieux glacial.
- Tu t'attaques à notre capitaine ou je rêve ? fit Holly en pointant la baguette adverse de sa bouteille. C'est pas du joli ça. On va devoir s'en mêler aussi si tu ne déguerpis pas.
Le Gryffondor jeta un coup d'œil à ses amis de Serdaigle, puis à l'équipe de Quidditch et sembla décider que le jeu n'en valait pas la chandelle, car il rangea sa baguette avec un sourire.
- Rien de grave, juste une plaisanterie.
Il fit signe à ses amis et ils sortirent, après un dernier regard dédaigneux envers Minerva.
- Fiou, soupira Holly, heureusement que tu étais là Minerva, sinon je m'effondrais par terre je crois. Merci pour ton épaule.
Minerva s'approcha d'Etna, se tordant les mains.
- Ecoute, dit-elle, je suis désolée, je ne comptais pas te citer, juste les faire partir...
Etna balaya ses paroles de la main.
- Ce n'est rien. Je comprends que tu l'aies fait. Mais Minerva, ajouta-t-elle en se levant, ne te fatigue pas pour ça. Concentre-toi sur des choses importantes.
Minerva se retint de signaler que c'était un sujet important et fit un bref sourire à la place.
- Par exemple, continua Etna, Holly debout sur une table, ça c'est important.
Minerva se retourna et gémit en voyant son attrapeuse perchée sur un bureau, sa bouteille en l'air.
- J'arrive pas à croire que ça a failli partir en baston, braillait-elle. La veille de la finale, je veux aller au bout !
- Surtout pas, s'agaça Minerva. Descends de là Holly, tu vas tomber.
- C'est mon avant-dernier match, je veux profiter !
Et elle se mit à entonner une comptine sorcière à laquelle Alfie se joignit joyeusement. Inhibée par l'alcool, elle semblait plus inspirée que d'habitude.
- L'hippogriiiffe dansant sur les toiiiits !
- Tuez-moi, marmonna Minerva en s'avançant sur sa coéquipière qui commençait à tituber. Viens par-là toi.
Si elle la laissait ainsi, elle récupèrerait une enveloppe vide le lendemain pour son match. Preuve qu'Holly n'avait plus toutes ses fonctions cérébrales, celle-ci se laissa faire sans broncher et posa même sa bouteille en passant devant une table. Elle continua à marmonner sa comptine jusqu'à l'arrivée dans son dortoir où ses camarades dormaient déjà.
Minerva se demanda si elle pouvait lui donner la lettre de recommandation dès ce soir. Elle l'avait terminée quelques heures plus tôt et avait espéré lui faire une surprise, mais vu son état, elle avait peur qu'elle la mange plutôt qu'elle la range. A la place elle la lui laissa sur sa table de chevet et allongea son amie dans son lit, tout habillée.
- T'inquiète, je vais me changer toute seule, balbutia-t-elle rabattant la couverture sur ses cheveux dorés ébouriffés. Juste... donne-moi cinq minutes et...
Silence. Minerva jugea qu'elle s'était soit évanouie, soit endormie, aussi elle s'éloigna avec un sourire amusé. Au bout de quelques pas, la bouche empâtée de sa coéquipière marmonna :
- Tu sais, Minerva... Tu vas me manquer l'année prochaine.
Minerva s'immobilisa. Elle se retourna et répondit alors que les ronflements de l'attrapeuse se mettaient à résonner dans la pièce :
- Toi aussi Holly. Toi aussi.
***
Etonnamment, Holly n'était pas si vaseuse que Minerva l'avait craint. A croire que son foie était en titane. Elle était parvenue à ingurgiter une plâtrée entière d'œufs brouillés alors que Minerva peinait à achever son thé au gingembre.
Serpentard luttait pour garder sa place au classement, et leur attrapeur, malgré une légère amélioration, restait médiocre comparé à Holly. Ce qui inquiétait davantage la capitaine des Gryffondor c'était la détermination chez les verts et la presque excellence de leur équipe. Si les lions ne les croquaient pas immédiatement, les serpents parviendraient à l'emporter.
Le bourdonnement des étudiants qui frappaient des pieds dans les tribunes parvenaient jusqu'aux box où attendaient les joueurs. De l'autre côté du terrain, elle le savait, attendait avec la même impatience l'équipe de Serpentard, dont Lewis. Les deux équipes étaient au coude à coude : l'issue du match donnerait le futur adversaire de Poufsouffle en final. Minerva se demanda si c'était là sa dernière chance de gagner la coupe. Gryffondor allait bientôt être amputé de trois de ses joueurs et auraient à être remplacés. Elle doutait trouver de meilleurs étudiants.
La voix du présentateur étouffée par les portes de bois perça la cohue et l'équipe enfourcha son balai. D'un instant à l'autre, ils seraient appelés à fuser hors du box.
Les portes s'ouvrirent sur le stade, les aveuglant. Les nuées rouges firent le tour du terrain dans le sens inverse de l'émeraude des Serpentard. D'un coup d'œil, elle localisa le capitaine Miller en tête, puis Lewis sur le côté en compagnie de l'autre batteur. Très vite, elle détourna le regard et laissa ses coéquipiers se placer tandis qu'elle se rendait au milieu du terrain. Miller et l'arbitre la rejoignirent.
- Serrez-vous la main, fit celui-ci en ouvrant le coffre. Je ne veux pas de sales coups, j'attends du fair-play, prévint-il alors que Minerva et Miller s'aplatissaient respectivement les doigts avec un mélange de délice et douleur.
L'arbitre ouvrit le coffre, y donna un coup de baguette et le Vif d'Or s'envola, puis les deux Cognards. Minerva enfourcha à nouveau son balai et prit place avec son binôme de Poursuiveuses. Rapidement, l'arbitre envoya le Souafle en l'air et les deux équipes se jetèrent en avant d'un seul mouvement. Les supporters éclatèrent en cris et encouragements, mais leur écho s'assourdit immédiatement dans les oreilles de Minerva, qui se concentra uniquement sur le jeu.
Très vite, elle comprit que les Serpentard avaient bien l'intention de gagner ce match, avec ou sans Turner, leur ancien attrapeur. Elle se demanda s'ils avaient eu des entraînements cachés tant leur jeu semblait plus fluide, plus précis et clinique. La moindre faute des rouges était récupérée à leur avantage et réussie la plupart du temps. Dès que les Gryffondor perdaient un Souafle, la contre-attaque des verts était impitoyable et Charlie souffrait des buts encaissés. Minerva et ses coéquipières n'étaient pas en reste puisqu'elles enchaînaient les points face à un gardien sans réel panache. Ceux qui posaient un problème, c'étaient les Poursuiveurs dont Miller. Celui-ci parvenait à rattraper des Souafles et forcer à la faute sans lui-même tomber dans l'erreur. Les batteurs étaient d'une précision et efficacité redoutables et Minerva avait souvent dû freiner ou encore virer en catastrophe pour éviter de se faire percuter. Chez les rouges, Alfie n'avait rien à se reprocher, mais Fabio ne réussissait pas à faire face à la pression affolante et tourbillonnante assénée par les verts. Sans les encouragements de son binôme, il se serait sûrement noyé.
Alors que les Serpentard menaient 130 à 110, Minerva demanda un temps-mort. Son équipe se posa au sol avec des airs perplexes, étonnés de ce défi auquel ils ne s'attendaient pas.
- Bon, j'imagine que ce n'est pas votre gueule de bois le problème, commença Minerva avec un air sévère. On est partis trop confiants juste parce que leur attrapeur les a quittés. Mais leur équipe reste douée. Si nous ne sommes pas capables de mener largement ici, qu'est-ce qu'on va faire face aux Poufsouffle ? On va se faire humilier, autant rester dans les vestiaires !
- Il faut stopper Miller, intervint Charlie, il tire des Souafles à la vitesse de cognards et il n'y a aucune défense pour essayer de le déstabiliser. Il joue très rapidement mais cela reste mécanique, il ne fait que très rarement la passe quand il est en contre-attaque. Essayez de le devancer et les batteurs devraient le viser en priorité.
Minerva acquiesça.
- Elle a raison. Fabio, Alfie, essayez de vous concerter un peu plus. Miller est le pivot de l'équipe. S'il est stoppé, leur jeu s'arrête avec lui.
L'arbitre siffla la fin de la minute de temps mort et Minerva enfourcha son balai avant de s'adresser à Holly :
- Trouve-nous vite ce Vif d'or, ton adversaire ne fera pas le poids.
Holly hocha la tête et s'envola, suivie des autres.
Dire que ce temps mort leur avait donné une nouvelle énergie serait faux, mais au moins semblaient-ils animés d'une plus forte volonté. Leur stratégie contre Miller sembla porter ses fruits car il subit son premier échec en contre-attaque grâce à un cognard de Fabio, qui parut lui-même surpris de sa réussite.
Minerva récupéra immédiatement le Souafle et jeta un coup d'œil autour d'elle. Alexandra restait légèrement en arrière pour gêner les Serpentard qui tentaient de revenir sur la capitaine et Etna filait en avant, prête à recevoir une passe. Minerva regarda dans son dos : les trois Poursuiveurs se rapprochaient et un batteur se trouvait à l'opposé du terrain. Où était ... ?
A ce moment-là, son balai rentra en collision avec un autre balai et Minerva lâcha le Souafle alors que son corps basculait en avant. Une main la rattrapa par sa tunique et la stabilisa.
- Regarde où tu vas !
Minerva se retourna vers la voix de Lewis alors que l'arbitre sifflait un long coup.
- Tu es plus agile au sol que sur un balai, taquina le Serpentard en la lâchant.
Minerva rougit et attendit avec crainte l'arrivée de l'arbitre. Les Gryffondor se tendirent d'inquiétude et les Serpentard patientaient avec intérêt, espérant une exclusion temporaire du terrain. Si Minerva sortait, les rouges allaient très certainement avoir du mal à les dépasser. L'arbitre semblait hésiter sur la sanction à adopter. S'il y avait eu claire intention de heurter l'adversaire, il y aurait Boutenchoc et Minerva sortirait cinq minutes. Finalement, ce serait peut-être elle qui se trouverait sur le banc, et pas parce qu'elle avait trop bu la veille.
- Monsieur l'arbitre, intervint soudainement Lewis à la grande surprise de tout le monde, elle n'a pas fait exprès. Elle n'a juste pas regardé devant elle.
- Rollin, siffla Miller en ouvrant de grands yeux furieux.
Minerva ne réagissait pas, presque sonnée. Cette faute serait l'occasion pour les Serpentard de reprendre la main et d'assurer une confortable avance. L'arbitre cligna des yeux. Sûrement, lorsqu'il avait demandé du fair-play au début du match, ne croyait-il pas qu'un joueur ne l'obéisse réellement.
- Qu'est-ce que tu fais ? ne put s'empêcher de demander la capitaine des Gryffondor.
Lewis ne répondit pas et observa l'arbitre. Celui-ci resta silencieux un moment avant de porter le sifflet à ses lèvres et d'annoncer un simple pénalty. Les Gryffondor eurent un soupir de soulagement et les Serpentard jurèrent. Minerva observa Lewis mais celui-ci ne lui jeta pas un regard et enfourcha son balai avant de s'envoler. Etna s'approcha.
- On a eu de la chance, commenta-t-elle d'un ton songeur.
- A nous de la mériter alors, répondit Minerva avant de s'envoler.
***
Sous l'eau brûlante, Minerva laissait son équipe célébrer leur victoire. Holly avait attrapé le Vif d'or peu après la faute de sa capitaine et Gryffondor l'avait emporté. Minerva restait inquiète. Si l'attrapeur adverse avait été Turner, l'affaire aurait tourné bien différemment. Elle n'osait imaginer ce qui allait se passer face aux Poufsouffle, surtout que la capitaine adverse, Tchekovla, également attrapeuse qui donnerait du fil à retordre à Holly, terminait sa scolarité à Poudlard et ne partirait pas sans la coupe. A peine la demi-finale gagnée, Minerva avait déjà ses pensées en finale. L'heure n'était pas à la célébration mais à la planification. Aussi, alors qu'elle s'habillait, elle ne resta pas avec ses coéquipiers et préféra sortir des vestiaires. Les Gryffondor devaient forcément les attendre dans la salle commune et Minerva patientait toujours que l'engouement général se tarisse un peu avant de faire une entrée discrète.
A l'extérieur, il n'y avait pas un son. Les Serpentard, vaincus, n'avaient pas dû traîner bien longtemps. Il en restait un tout de même, silhouette émeraude solitaire sur le terrain. Minerva changea de direction et rejoignit Lewis. Celui-ci leva les yeux et avisa la porte du couloir qui menait aux vestiaires.
- Vous en faites un boucan, dit-il avec un sourire en coin.
Minerva haussa les épaules, gênée.
- L'alcool d'hier doit encore faire effet, plaisanta-t-elle. On a fait une soirée.
- Pitié, ne me dis pas qu'on a perdu face à une bande d'ivrognes, gémit Lewis et se pinçant l'arête du nez.
Minerva s'esclaffa et alla s'asseoir le long de la palissade des tribunes. Lewis la suivit et se laissa glisser au sol en soupirant. La capitaine nota sa tenue de Quidditch.
- Tu n'es pas allé aux vestiaires ?
Il grimaça.
- Je ne suis pas suicidaire. Ils pensent presque tous que c'est ma faute si on a perdu.
Minerva ne dit rien. N'était-ce pas le cas ? Lewis sembla entendre sa question silencieuse car il haussa les sourcils.
- Eh, tout ne tourne pas autour de toi tu sais. Tu crois vraiment que ton absence aurait changé l'issue du match ? Même en menant de cent points, Harpen aurait chopé le Vif avant notre attrapeur.
Vexée, Minerva émit un grognement étouffé et croisa les bras.
- Quoi ? fit Lewis avec un ton amusé. Tu préfères que je te dise que mon intervention, moi Serpentard adverse, a sauvé la peau de ton équipe ?
Non plus. Minerva soupira et regarda de l'autre côté que son camarade, qui eut un rire bref.
- Ce n'était pas notre année, dit-il enfin. L'année prochaine, nous aurons la coupe.
- Dans tes rêves, râla Minerva. Je te ferai tomber de ton balai avant que tu ne la touches.
Lewis siffla.
- C'est comme ça que tu me remercies ?
Minerva resta silencieuse. Mal à l'aise, elle se rendit compte qu'elle n'avait jamais exprimé sa reconnaissance.
- Pourquoi tu as fait ça ?
Ce n'était pas vraiment ce qu'elle était censée dire, mais c'était bel et bien ce qui était sorti de sa bouche en premier.
- Tu n'aurais pas fait la même chose ? s'enquit Lewis en se tournant vers elle.
Sincèrement ? Elle n'en n'avait aucune idée. Ce n'était peut-être pas très joli, mais ne devait-elle pas gagner à tout prix ? D'un autre côté, elle avait bien profité du fair-play de Lewis tout à l'heure. Pouvait-elle bénéficier d'une chose qu'elle-même n'aurait pas été certaine de faire ?
- Je ne te savais pas si malhonnête, fit Lewis en plissant les yeux.
Minerva rougit brutalement.
- Ce n'est pas...
- Je plaisante, va.
Il eut une pause avant de reprendre :
- Outre le fait que tu ne regardais réellement pas devant toi -une ironie du sort si tu veux mon avis- ça aurait été trop injuste que tu sois sanctionnée. Clairement cette année, tu as formé une meilleure équipe. Stupide est celui qui pense que nous l'aurions emporté aujourd'hui. A vrai dire, termina-t-il, si Turner avait été là, je ne sais pas si je t'aurais laissée partir à si bon compte.
Minerva se tordit les doigts un moment avant de dire :
- C'était honorable de ta part. Merci.
Lewis haussa les épaules.
- Battez les Poufsouffle, ça me donnera une excuse de plus pour plaider ma cause à mon équipe. Tu es une très bonne joueuse et excellente capitaine, Minerva, complimenta-t-il en se relevant. Je soutiendrai les Gryffondor la semaine prochaine.
Minerva sourit.
- Je passerai le mot à l'équipe.
Lewis récupéra son balai et s'apprêta à partir.
- Pas besoin, fit-il, tant que toi tu le sais.
Et il s'éloigna, laissant la Gryffondor au sol, perplexe. Devait-elle y voir une quelconque insinuation ? A cette idée, son estomac se contracta sur lui-même. Elle ne savait que trop en penser. Elle s'était rapprochée de Lewis, c'était certain, et il lui arrivait presque de plus le voir que Pomona ou Filius. Malgré leurs multiples conversations sur Jedusor, source d'inquiétude, elle avait apprécié leurs autres échanges. De là à ressentir quoique ce soit pour lui et inversement... Par simple curiosité, elle s'imagina aux côtés de Lewis et cela lui parut étrange. A bien y songer, elle ne parvenait pas à se voir avec qui que ce soit. Elle n'essayait guère d'être mélodrame, mais elle n'arrivait pas à s'associer ainsi avec une autre personne. Peut-être parce qu'elle avait été élevée par un couple dont la relation elle-même reposait sur des piliers friables. Ce serait là sûrement reporter la faute sur quelqu'un d'autre. Ou alors elle n'aimait pas l'idée car cela la sortait d'une zone qu'elle commençait à connaître par cœur : son confort. Ce qu'elle connaissait, elle maîtrisait. Et elle peinait à connaître Lewis. Voire elle-même.
Minerva ramena ses genoux contre elle et soupira une énième fois. Il était tellement plus facile de réfléchir sur des stratégies de Quidditch plutôt que sur sa propre personnalité. Une nature intérieure était infiniment plus complexe à comprendre et assumer. Plus effrayante aussi.
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